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L’Encéphale (2011) 37, 191—198
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉTHODOLOGIE
L’autoquestionnaire FAQ : un outil valide pour le
repérage des endophénotypes des
parents d’enfants autistes
The FAQ self-report is a valid instrument to characterize endophenotypes
of the autistic spectrum in parents of children with autism
B. Rousselot-Pailley a, C. Fortin a, B. Golse a,b, B. Falissard b, L. Robel a,∗,b
a
Service de pédopsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Necker-Enfants malades, 149-162, rue de Sèvres,
75015 Paris, France
b
Inserm unité 669 PSIGIAM, 75014 Paris, France
Reçu le 5 novembre 2009 ; accepté le 6 mai 2010
Disponible sur Internet le 22 octobre 2010
MOTS CLÉS
Autisme ;
Parents ;
Endophénotype ;
Autoquestionnaire ;
Validation
∗
Résumé Nous avons précédemment développé l’autoquestionnaire FAQ, un outil adapté à
partir de l’autoquestionnaire AQ de S. Baron-Cohen, destiné à mettre en évidence des endophénotypes appartenant au spectre autistique chez les apparentés de sujets autistes. Nous
avons montré que les réponses des parents d’enfants autistes différaient de celles des parents
témoins, notamment dans le domaine de la socialisation. L’objectif de ce travail est de
valider l’autoquestionnaire FAQ en population normale et de confirmer nos résultats concernant le groupe des parents d’enfants autistes sur des effectifs plus importants. Parmi les
parents,127 parents témoins et 66 parents d’enfants autistes ont rempli l’autoquestionnaire
FAQ, pour la validation statistique de l’outil et la comparaison des résultats obtenus par les
deux groupes. Nous montrons que FAQ présente deux facteurs principaux, le premier correspondant aux dimensions « socialisation et communication », le second aux dimensions « rigidité
et imagination », avec une bonne fidélité test-retest. Nous confirmons par ailleurs les résultats obtenus lors de notre première étude concernant la comparaison entre parents d’enfants
autistes et parents du groupe témoin sur de plus grands effectifs, en identifiant une différence
très significative entre les deux groupes pour le facteur « communication et socialisation ». Nous
montrons enfin que les scores obtenus par les parents d’enfants autistes n’évoluent pas significativement entre l’enfance et l’âge adulte, contrairement aux scores des parents témoins.
FAQ est le premier autoquestionnaire validé en français permettant de détecter des endophénotypes associés au spectre autistique chez les parents d’enfants autistes. Cet outil peut être
utile à la caractérisation du phénotype des apparentés dans le cadre d’études génétiques.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (L. Robel).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010.
doi:10.1016/j.encep.2010.08.014
192
KEYWORDS
Autism;
Parents;
Endophenotype
self-report;
Validation
B. Rousselot-Pailley et al.
Summary
Background. — We have previously developed the FAQ self-report, an adaptation of the BaronCohen’s Autism Quotient self-report, in order to detect traits of the autistic spectrum in the
parents and siblings of children with autism. We have previously shown that parents of children
with autism show significant differences in their global scores and in their social functioning
scores according to their answers to the FAQ self-report.
Objective. — Our aim was to validate the FAQ self-report in a population of control parents, and
to confirm our previous results concerning parents of children with autism.
Methodology. — Hundred and twenty-seven adults (67 female, 60 male), parents of children with
normal development were recruited in the general population. They were asked to fulfill the
40 questions of the FAQ self-report at two different times. Sixty-six parents of children with
autism were asked to fulfill the FAQ self-report, for group comparisons. Statistical factor analysis
and test-retest reliability analysis was performed with the Matlab toolbox© software.
Results. — Statistical factor analysis and test-retest reliability show that the FAQ is structured
in two main factors, socialization and communication on one hand, rigidity and imagination
on the other, with good test-retest reliability. Further comparison between parents of children
with autism and control parents shows a significant difference between the two groups for the
socialization and communication domain, and for the global score. We show for the first time
that scores of the parents of children with autism remain unchanged from infancy to adulthood.
Conclusion. — The FAQ is the first French validated self-report focused on the detection of traits
of the autistic spectrum in parents and siblings of children with autism. It is structured in two
main factors, corresponding to imagination/rigidity, which are negatively correlated, and communication and socialization, which are positively correlated. The FAQ is therefore a reliable
instrument to measure endophenotypes associated with the autistic spectrum in parents of
children with autism, and may be useful in genetic studies.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Introduction
Décrit pour la première fois en 1943 par Léo Kanner [19],
l’autisme est un trouble du développement qui se caractérise par l’association de difficultés dans les domaines de la
communication verbale et non verbale, de la socialisation
et par la présence de comportements restreints répétitifs
et stéréotypés [2].
La prévalence de ce syndrome est estimée autour
22 pour 10 000 pour le trouble autistique, et de 58,7 pour
10 000 naissances pour l’ensemble des troubles envahissants du développement, dans une proportion de quatre
garçons pour une fille [9]. Plusieurs arguments d’ordre
épidémiologique témoignent de la participation de facteurs de vulnérabilité génétique dans la physiopathologie
de l’autisme : la fréquence de l’autisme est en effet comprise entre 2 et 6 % chez les apparentés de premier degré
d’un sujet autiste, soit une fréquence 50 fois plus élevée que
dans la population générale. En outre, la concordance phénotypique lorsqu’un jumeau est atteint d’autisme est très
élevée chez les jumeaux monozygotes, comprise entre 36 et
90 %, alors qu’elle n’est que de 2 à 5 % chez les jumeaux
hétérozygotes [14]. Les modèles statistiques suggèrent ainsi
que l’autisme est un syndrome résultant de l’intrication de
facteurs de vulnérabilité génétique et de facteurs environnementaux, interagissant de manière synergique.
En marge de ces travaux portant sur l’épidémiologie des
troubles autistiques définis par la triade symptomatique,
d’autres études se sont intéressées à l’occurrence des
troubles du langage oral ou écrit, ou d’autres particularités
phénotypiques présentes chez les apparentés de sujets
autistes [17]. Bartak et al. ont ainsi montré que la concordance phénotypique entre jumeaux monozygotes (82 %)
et hétérozygotes (10 %) était encore plus élevée pour les
anomalies générales du fonctionnement cognitif que pour le
syndrome autistique [6]. Ils ont également mis en évidence
une fréquence plus élevée de troubles du langage chez les
apparentés, ce qui a été confirmé par les études de Folstein
et Rutter [14] et d’August et al. [3,4]. Plusieurs auteurs
décrivent en effet une fréquence accrue de retard de développement de langage, de troubles de l’apprentissage de la
lecture et de l’orthographe et de troubles de l’articulation
[3,8,15]. Des troubles de la pragmatique du langage ont
également été décrits [20]. Selon Rutter, les parents
d’enfants autistes présentent plus de particularités dans
le domaine de la socialisation que les parents d’enfants
présentant un syndrome de Down [24]. Cela est confirmé
par Bolton et al., qui décrivent des troubles plus fréquents
dans les domaines de la communication et de la socialisation ainsi qu’une incidence plus élevée de comportements
ritualisés (trouble obsessionnel compulsif [TOC], rituels. . .)
chez les apparentés de sujets avec autisme [8].
Selon Wolff et al., les parents d’enfants autistes présenteraient un manque de sensibilité émotionnelle et
d’empathie, et des particularités de la communication
sociale, comparativement à un groupe de parents d’enfants
retardés [25]. Enfin, Baron-Cohen et al. [5] ont établi
que la fréquence de l’autisme était plus élevée dans les
familles où l’un des parents est particulièrement performant dans un domaine où l’imagination et les relations
sociales sont peu utilisées, au profit de tâches centrées sur
les détails.
Repérage des endophénotypes parentaux dans l’autisme par l’autoquestionnaire FAQ
L’ensemble de ces travaux, mettant en évidence la plus
grande fréquence de fonctionnements cognitifs ou émotionnels particuliers chez les apparentés de sujets autistes [13],
soulève la question des phénotypes à prendre en compte
dans les études génétiques. Lord et al. [21] insistent en effet
sur l’intérêt de quantifier le phénotype grâce à l’utilisation
des algorithmes des instruments diagnostiques, tandis que
d’autres auteurs plaident pour une approche dimensionnelle, et non catégorielle de la génétique de l’autisme.
Ainsi, une meilleure analyse du phénotype des sujets
atteints ainsi que la prise en compte des caractéristiques
endophénotypiques des parents s’avère-t-elle d’un intérêt crucial dans la conduite des études génétiques. C’est
l’objectif de plusieurs études récentes, dont celle de Losh
et Piven, qui ont étudié les mouvements oculaires chez des
apparentés d’enfants autistes [22]. Dans un autre article,
Adolphs et al. ont analysé la manière dont les parents utilisaient les informations véhiculées par certains traits du
visage pour discriminer différentes émotions [1]. Toutefois,
de tels paradigmes se prêtent mal à une utilisation à grande
échelle dans le cadre d’études génétiques.
Dans cette perspective, notre équipe a adapté
l’autoquestionnaire Autism Quotient (AQ) construit
par S. Baron-Cohen et al., destiné à mettre en évidence
de manière dimensionnelle la présence de traits autistiques dans une population d’étudiants scientifiques et
d’ingénieurs, et à détecter des sujets présentant un autisme
high functionning [5]. Alors que l’autoquestionnaire de
Baron-Cohen et al. comporte 50 questions explorant cinq
dimensions (relations sociales, communication, imagination, attention aux détails et attention divisée ou
changements d’attention) (attention switching), celui que
nous avons développé [23] est dédié de manière plus spécifique aux parents des sujets avec autisme. Nous avons ainsi
écarté les questions qui nous semblaient viser plus spécifiquement les symptômes de type Asperger, pour des raisons
éthiques ayant trait à la bizarrerie des questions posées (par
exemple « je suis fasciné par les dates, je suis fasciné par les
chiffres, je remarque souvent les plaques d’immatriculation
ou des informations de même type »), et nous avons intégré
des questions concernant de manière directe la maîtrise
du langage oral et écrit, dont la fréquence est augmentée
chez les apparentés de sujets autistes. Ainsi, l’objet de
l’autoquestionnaire French Autism Questionnaire (FAQ) estil de repérer des endophénotypes définis comme des traits
associés avec la maladie dans la population, héritables,
indépendants d’un état, co-ségrégeant avec la pathologie
dans les familles, et dont la fréquence est plus élevée chez
les apparentés de sujets malades que dans la population
générale [16]. L’autoquestionnaire comporte 40 questions
réparties a priori en quatre domaines (communication,
Tableau 1
193
socialisation, imagination, rigidité). Notre équipe a précédemment montré que les scores obtenus par les parents
d’enfants autistes étaient significativement plus élevés
que ceux des parents témoins, la différence portant plus
particulièrement sur la dimension « socialisation ». Nous
proposons ici de valider l’autoquestionnaire FAQ dans la
population générale et de vérifier les résultats préliminaires
obtenus pour la population des parents d’enfants autistes
sur de plus grands effectifs.
Méthodologie
Inclusion des sujets
Inclusion des sujets autistes
Les familles d’enfants autistes ont été recrutées au sein
de la consultation autisme du service de pédopsychiatrie
du Pr B. Golse, de l’hôpital Necker—Enfants-Malades. Les
parents des enfants pour lesquels un diagnostic de trouble
autistique avait été préalablement porté à l’issue d’un bilan
approfondi ont été contactés par un courrier leur exposant brièvement l’objet de la recherche. Un protocole de
consentement éclairé a été remis aux familles acceptant de
participer, pour eux et pour leurs enfants (accord du CCPRB,
Paris-Cochin).
Le diagnostic d’autisme a été effectué à l’aide de
l’Autistic Diagnostic Interview (ADI-R). Il s’agit d’un outil qui
génère des scores dans les trois domaines reconnus comme
déviants dans l’autisme : la socialisation, la communication
et les intérêts restreints et stéréotypés. De plus, une évaluation cognitive des enfants autistes a été réalisée à l’aide
d’instruments appropriés (PEP-R, WPPSI—R ou WISC IV).
Inclusion des sujets témoins
Les parents du groupe témoin ont été recrutés dans
l’environnement des chercheurs et représentent des catégories socioprofessionnelles diversifiées. Ils ont un ou plusieurs
enfants âgés d’au moins deux ans, indemnes de pathologies
développementales, qui ne bénéficient d’aucun suivi orthophonique, psychomoteur ou psychologique. Parmi eux, les
enfants d’âge scolaire n’ont jamais redoublé ni sauté de
classe.
Les caractéristiques des populations de nos deux groupes
sont présentées dans le Tableau 1.
Description de la procédure
Présentation de l’autoquestionnaire FAQ [23]
L’autoquestionnaire FAQ comporte 40 items qui explorent
quatre domaines déterminés a priori : la socialisation,
Caractéristiques des sujets.
Nombre de questionnaires distribués
Réponses exploitables
Sex-ratio
Âge moyen
FC : famille témoin ; FA : famille autiste.
FC
FA
216
127
67 femmes/60 hommes
32,5 (± 8,65)
68
66
35 femmes/31 hommes
34,2 (± 3,72)
194
B. Rousselot-Pailley et al.
l’imagination, la rigidité et la communication. Chaque
domaine comprend dix questions, cinq positives, cinq
négatives, présentées dans un ordre dispersé. À chaque proposition, le sujet doit cocher l’une des quatre réponses :
pas du tout d’accord, pas d’accord, d’accord ou tout à
fait d’accord. Les réponses sont cotées de 0 à 3, 3 pour
les réponses les plus déviantes, 0 pour les réponses les
moins déviantes. Pour certaines questions, réparties dans les
quatre domaines, les sujets doivent apporter deux réponses,
correspondant à la période actuelle, d’une part, et à celle
de l’enfance, d’autre part. Cela permet d’obtenir des scores
pour chacun des quatre domaines ainsi qu’un score global,
à l’âge adulte et dans l’enfance.
Passation
Chacun des sujets a rempli l’autoquestionnaire au moins
une fois et un sous-groupe de 105 personnes (54 femmes,
51 hommes) a rempli le questionnaire deux fois à deux mois
d’intervalle.
Figure 1 Le graphe des éboulis met en évidence deux facteurs
indépendants.
Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été effectuées avec le Matlab
toolbox© software.
La fidélité test-retest entre les réponses données aux
temps t et t + 2 mois par les parents du groupe témoin, a
été mesurée pour chaque question pour le coefficient intraclasse.
La structure factorielle de l’outil a été étudiée par une
figure des valeurs propres (graphe des éboulis), puis par une
analyse en composantes principales (ACP). La cohérence
interne et l’homogénéité de chaque facteur est exprimée
par la valeur du coefficient alpha de Cronbach.
Les comparaisons entre groupes ont été effectuées par
le test t de Student pour échantillons indépendants.
L’analyse comparative entre les groupes de l’évolution
des réponses entre l’enfance et l’âge adulte a été effectuée
par le test t de Student pour échantillons appariés.
Résultats
L’autoquestionnaire FAQ a une bonne fidélité
test-retest
La fidélité des réponses à chaque item a été analysée
par la mesure du coefficient intraclasse à t + 2 mois, pour
106 sujets. Le coefficient intraclasse est compris entre
0,82 et 0,99 pour tous les items sauf pour la question 3 (« il
m’est difficile de comprendre les intentions des autres »), où
il est de 0,76, témoignant d’une bonne stabilité temporelle
à deux mois d’intervalle.
L’analyse des valeurs propres suivie de l’analyse
en composantes principales identifie deux
dimensions distinctes F1 et F2
Une analyse de la répartition des valeurs propres a été
réalisée sur les 40 items. Le graphe des éboulis permet
d’identifier deux variables indépendantes (Fig. 1). L’analyse
en composantes principales montre comment se répartissent
les 40 questions à l’intérieur de ces deux domaines. Le facteur F1 regroupe les questions correspondant aux domaines
de la socialisation et de la communication définis a priori,
tandis que le facteur F2 regroupe les questions correspondant aux domaines « imagination » et « rigidité » (Tableau 2).
Les questions qui génèrent le plus de variance pour le facteur F1 sont les questions 2, 7, 9, 14, 32 et 37, celles qui en
génèrent le moins sont les questions 22, 24, et 28. Celles qui
génèrent le plus de variance pour le facteur F2 sont les questions 12, 21, 26, 30 et 36, celles qui en génèrent le moins
sont les questions 8, 16 et 19. L’homogénéité des questions
constituant ces deux facteurs est confirmée par le coefficient alpha de Cronbach qui est élevé : [83] pour le facteur
F1 et acceptable [71] pour le facteur F2.
Les hommes et les femmes ne montrent pas de
différence significative dans leurs réponses à
l’autoquestionnaire FAQ
La comparaison statistique par le test de Student (t = 0,44 ;
ddl = 126) des scores moyens obtenus par les femmes et par
les hommes pour le facteur F1 (H = 15,2, ET = 7,5 ; F = 14,4,
ET = 7,6), le facteur F2 (H = 14, ET = 5,4 ; F = 13,8, ET = 5,9) et
pour le score global (H = 29,2, ET = 11,6 ; F = 28,2, ET = 11,7)
montre qu’il n’y a pas de différence liée au sexe.
Les parents des deux groupes obtiennent des
scores significativement différents pour le facteur
F1 et pour le score global
Nous avons comparé les scores moyens des deux groupes
pour les facteurs F1 et F2. Les moyennes obtenues pour le
facteur F1 et pour le score global sont plus élevées dans le
groupe FA que dans le groupe FC. La comparaison à l’aide
du test de Student (t = 0,73 ; ddl = 159) montre que ces différences sont significatives (p < 0,01). En revanche, il n’y a
pas de différence entre les deux groupes pour le facteur F2
(t = 0,30 ; ddl = 159).
Repérage des endophénotypes parentaux dans l’autisme par l’autoquestionnaire FAQ
Tableau 2
195
Questions correspondant aux facteurs F1 (socialisation et communication) et F2 (rigidité et imagination).
Facteur F1 : socialisation et
communication
1*
2*
7*
9
11*
14*
17*
18
22
24*
28*
29
31*
32*
33*
34*
35
37*
38*
39*
Facteur F2 : rigidité et imagination
3
4*
5
6
8
10*
12
13
15*
16
19
20
21*
23
25*
26*
27*
30*
36
40*
Je n’aime pas les occasions sociales
On me dit souvent que je parle trop vitea
Je trouve facilement les mots pour exprimer mon point de vuea
Je me trouve plutôt timidea
Quand je lis, je déchiffre facilement
Il m’arrive fréquemment de ne pas savoir comment entretenir une
conversationa
Je suis souvent le dernier à comprendre une plaisanterie
Mes amis me trouvent plutôt timide
J’aime bien rencontrer de nouvelles personnesb
Quand j’exprime mon point de vue, j’ai généralement le sentiment
d’être comprisb
J’ai tendance à ne pas articulerb
Il m’est facile de « lire entre les lignes » quand quelqu’un me parle
Je préfère faire des choses avec d’autres plutôt que tout seul
Je manque souvent de vocabulairea
Il m’est difficile de me faire de nouveaux amis
Je n’aime pas écrire car je fais des fautes d’orthographeb
Je sais quoi dire si je vois que celui qui m’écoute, s’ennuie
Les situations sociales ne me posent aucun problèmea
J’ai du mal à comprendre les phrases longues
J’ai le sens de la diplomatie
Il m’est difficile de comprendre les intentions des autres
Je n’aime pas planifier avec soin toutes les activités auxquelles je
participe
Lorsque je lis une histoire, je peux facilement imaginer à quoi les
personnages ressemblent
Les gens me disent souvent que je m’entête sur la même idée
Je préfère aller au théâtre plutôt qu’au muséeb
Je préfère faire les choses toujours de la même façon
Il m’est facile de jouer à des jeux de « faire-semblant » (dinette,
gendarmes et voleurs etc. . .) avec des enfantsa
Généralement, je ne remarque pas les petits changements dans une
situation ou dans l’apparence d’une personne
Je suis contrarié(e) si je ne peux mener à bien les projets qui me
tiennent à cœurb
Quand je lis une histoire, il m’est difficile de comprendre les
intentions des personnagesb
J’ai tendance à remarquer des détails que les autres ne remarquent
pasb
Quand j’étais enfant, j’aimais jouer à des jeux de
« faire-semblant »avec les autres enfants. (à la dinette, aux cowboys
et aux indiens, au papa et à la maman etc.)a
Il m’est facile de faire plusieurs choses à la foisa
Je n’aime pas les romans
J’aime collecter des informations sur des catégories (ex : types de
voiture, types d’oiseau, types de train, types de plante. . .)
Cela ne me gêne pas que mes habitudes quotidiennes soient
dérangéesa
Il me paraît facile d’inventer des histoires
Je trouve qu’il est difficile d’imaginer ce que ce serait d’être
quelqu’un d’autrea
J’aime bien faire des choses spontanémenta
J’aime lire
* : les astérisques signalent les questions qui portent également sur la période de l’enfance.
a Questions qui expliquent le plus la variance.
b Questions qui expliquent le moins la variance.
196
B. Rousselot-Pailley et al.
Tableau 3 Comparaison des scores moyens des groupes
témoins (FC) et autistes (FA).
F1
F2
SG
FC
FA
p
M = 14,9
Etyp = 7,6
M = 24,5
Etyp = 6,2
**
M = 22,1
Etyp = 5,7
M = 23,4
Etyp = 4,8
ns
M = 37,12
Etyp = 11,7
Moy = 47,9
Etyp = 18
**
Les moyennes obtenues pour le facteur 1, le facteur 2 et les
scores globaux dans chaque groupe ont été comparés par le test
t de Student. Il existe une différence très significative entre les
deux groupes pour le facteur 1 et pour le score global.
F1 : facteur 1 ; F2 : facteur 2 ; SG : scores globaux ; FC : famille
témoin ; FA : famille autiste.
* : p < 0,01 ; ns : p > 0,05.
Ces résultats confirment ceux qui avaient été publiés par
Piana et al. [23]. Ainsi, on trouve une valeur supérieure à
37 pour le facteur F1 chez 30 % des parents ayant un enfant
autiste, alors qu’aucun des parents des familles témoins
ne présente un score supérieur à ce seuil. Cinquante pour
cent des parents ayant un enfant autiste contre 30 % des
familles témoins ont une valeur de F1 comprise entre 27 et
37 (Tableau 3).
L’évolution des réponses entre l’enfance et l’âge
adulte est différente pour les parents des deux
groupes
Certaines questions des facteurs F1 et F2 portant sur la
période actuelle et sur celle de l’enfance, nous avons pu
analyser l’évolution des réponses à ces questions au cours
du temps.
Évolution des réponses des parents du groupe FC
Dans le groupe témoin, les valeurs du facteur F1 sont
significativement plus élevées dans l’enfance qu’à l’âge
adulte (test t de Student pour valeurs appariées ; t = 6,02 ;
ddl = 126 ; p < 0,01). Pour le facteur F2, les sujets témoins
obtiennent des scores moins élevés dans l’enfance qu’à l’âge
adulte. Cette différence est significative (t = 1,94 ; ddl= 126 ;
p < 0,05).
Évolution des réponses des parents du groupe FA
Dans le groupe FA, on n’observe pas de différence significative dans l’évolution des réponses entre l’enfance et l’âge
adulte pour le facteur F1 (t = 1,42 ; ddl = 65), ni pour le facteur F2 (t = 0,6 ; ddl = 65).
Différence d’évolution entre les deux groupes
Afin de voir si l’évolution des scores des deux facteurs diffère significativement entre les deux groupes, nous avons
soustrait aux scores obtenus dans l’enfance, les scores obtenus à l’âge adulte, et effectué une comparaison entre ces
différences par un test t de Student apparié.
La différence d’évolution dans le temps entre les deux
groupes est hautement significative pour le facteur F2 (test t
Tableau 4 Comparaison de l’évolution des facteurs F1 et
F2 entre l’enfance et l’âge adulte pour les parents des
groupes FC et FA.
FC
FA
p
F1
M = 2,7
Etyp = 4
M = 3,4
Etyp = 4,2
ns
F2
−0,6
(2,1)
0,9
(2)
**
Les moyennes des différences entre les scores obtenus dans
l’enfance et à l’âge adulte pour le facteur F1 et le facteur F2 ont
été calculées dans chaque groupe (FC et FA) et comparées par le
test t de Student. Il existe une évolution significativement différente entre les deux groupes pour le facteur F2.
F1 : facteur 1 ; F2 : facteur 2 ; FC : famille témoin ; FA : famille
autiste. F1 : score F1 (enfance) − score F1 (adulte) ; F2 :
score F2 (enfance) − score F2 (adulte).
* : p < 0,01 ; ns : p > 0,05.
de Student, t = 6,2 ; ddl = 192). Pour le facteur F1, il n’existe
pas de différence significative dans l’évolution des scores
des deux groupes (test t de Student, t = 1,24, ddl = 192)
(Tableau 4).
Discussion
L’autoquestionnaire FAQ est un outil conçu pour une population de parents d’enfants autistes. Il est destiné au repérage
de certains traits endophénotypiques associés à l’autisme.
Dans cette étude, nous avons validé ce nouvel instrument
sur une population de parents témoins, en identifiant deux
facteurs indépendants, le facteur F1, correspondant aux
dimensions « socialisation et communication », et le facteur
F2, correspondant aux dimensions « rigidité et imagination », dimensions définies a priori. Nous montrons que
les réponses sont stables au cours du temps, à deux mois
d’intervalle.
Nous confirmons par ailleurs la différence observée dans
l’étude de Piana et al. [23], entre les réponses données par
les parents des enfants autistes et les parents du groupe
témoin, en montrant que cette différence porte sur le facteur F1 (socialisation et communication) et se répercute sur
le score global.
Nos résultats corroborent ceux de D. Bishop et al. qui
identifient, dans une étude menée auprès de parents
d’enfants autistes et de parents témoins, des différences
significatives au sein de l’échelle de « compétence sociale »
et de l’échelle de « communication » de l’Autism Spectrum
Quotient (AQ) qui apparaissent corrélées, alors qu’aucune
différence n’apparaît au sein des échelles « imagination »,
« attention aux détails » et « attention partagée » [7]. Cela
est le témoin pour elle de la spécificité de l’atteinte du
registre social et de la communication chez les parents
d’enfants autistes, tandis que les résultats des autres
échelles sont répartis de manière plus hétérogène dans la
population générale. Elle propose ainsi de regrouper les facteurs « compétence sociale » et « communication » en une
dimension unique qu’elle appelle « phénotype autistique
élargi ». Ainsi, les scores des parents d’enfants obtenus à
l’AQ se situent-ils aux extrêmes de la répartition de ces
Repérage des endophénotypes parentaux dans l’autisme par l’autoquestionnaire FAQ
scores dans la population générale. Hoekstra et al. ont
en effet montré, en comparant les scores obtenus à l’AQ
chez 370 paires de jumeaux, leurs frères et sœurs et leurs
parents, qu’ils étaient distribués selon un continuum dans
la population générale, avec une héritabilité estimée à 57 %
[18].
Dans notre étude, contrairement aux observations de
S. Baron-Cohen et al. [5] pour les résultats de l’AQ, nous
n’observons pas de différence entre hommes et femmes
pour les scores des facteurs F1 et F2, ni pour le score global.
Cela peut s’expliquer par le fait que l’AQ comporte plus de
questions relatives au langage qu’à celles qui concernent
la flexibilité mentale et l’attention divisée. L’AQ serait
ainsi plus sensible aux variations liées à la présence d’un
« phénotype autistique élargi », qu’à des différences liées au
sexe. Toutefois, pour vérifier la spécificité du profil observé
chez les parents d’enfants autistes, il faudrait le comparer à
celui de parents d’enfants présentant par exemple un retard
mental isolé.
Afin de contrôler que nos résultats ne sont pas seulement
liés aux répercussions de la pathologie des enfants autistes
sur le fonctionnement de leurs parents, nous avons intégré
au FAQ des questions explorant la période de l’enfance. Nous
montrons, pour la première fois, qu’à l’inverse du groupe
témoin, les réponses ne varient pas significativement entre
l’enfance et l’âge adulte pour les parents d’enfants autistes.
En revanche, pour les parents du groupe témoin, on observe
une évolution vers des scores plus élevés pour le facteur
F2, traduisant une tendance à être moins imaginatif et plus
rigide à l’âge adulte, et des scores moins élevés pour le facteur F1, reflètant une maturation des compétences sociale
et communicative à l’âge adulte.
Bien qu’on ne puisse pas écarter un biais de remémoration, peut-être plus important dans le groupe des
parents d’enfants autistes, ces résultats ne vont pas dans
le sens d’une répercussion péjorative des troubles de leur
enfant sur la communication et les compétences sociales
des parents d’enfants autistes. Au contraire, on note une
plus grande stabilité au cours du temps pour les réponses
des parents d’enfants autistes que pour celle des parents
du groupe témoin. Cette observation est en faveur de
traits endophénotypiques stables chez les parents d’enfants
autistes.
La présence de traits endophénotypiques stables chez
les parents d’enfants autistes rejoint les conclusions des
travaux de Constantino et al. En effet, ces auteurs ont développé un questionnaire, le SRS, dont les résultats sont bien
corrélés à ceux de l’ADI-R dans une population clinique [10].
Ce questionnaire, rempli par les parents pour leur enfant,
met en évidence la présence de traits autistiques répartis de
manière continue dans la population, avec un gradient allant
des frères de sujets autistes issus de familles multiplex aux
frères de sujets présentant un trouble psychiatrique non
autistique, en passant par les frères des enfants présentant
un trouble envahissant du développement [12]. Enfin, ils ont
montré qu’il existait une transmission intergénérationnelle
des traits identifiés par la SRS. En effet, ils ont demandé
aux conjoints de remplir le SRS pour leur partenaire et ont
comparé les scores obtenus à ceux de leurs enfants. Ils ont
constaté que les enfants qui avaient les scores les plus élevés étaient ceux dont les parents avaient les scores les plus
hauts [11].
197
Limites de l’étude
Seuls les parents désireux de participer à cette recherche
ont rempli les autoquestionnaires. Bien que cela puisse
représenter un biais dans nos résultats, celui-ci nous paraît
éthiquement incontournable ; nous pensons en outre que les
parents les plus en difficultés dans les domaines de la socialisation et de la communication sont ceux qui ont le moins
tendance à participer aux recherches, et que les différences
observées seraient encore plus marquées si tous les parents
avaient participé.
Dans le groupe témoin, une minorité d’enfants étaient
âgés de 24 à 36 mois (cinq sur 127 familles). Bien qu’il soit
plus difficile d’affirmer l’absence de tout trouble envahissant du développement avant l’âge de trois ans, il est
exceptionnel que les enfants atteints de ces troubles ne
présentent aucun signe à l’âge de deux ans. Or les enfants
recrutés ne présentaient aucune difficulté particulière. Là
encore, ce biais tendrait plutôt à diminuer les différences
entre nos deux groupes et renforce donc les résultats que
nous avons observés.
Conclusion
Nous avons validé statistiquement l’autoquestionnaire FAQ
dans la population générale, qui montre une bonne fidélité
test-retest et une structure interne composée de deux facteurs : F1 regroupant les dimensions de « communication et
socialisation » et F2 regroupant les dimensions « imagination
et rigidité ». La comparaison avec les parents d’enfants
autistes montre une différence significative pour le facteur
F1 (socialisation et communication).
Ainsi, l’autoquestionnaire se révèle être un outil facile
d’usage pour la caractérisation des profils phénotypiques des
populations de parents d’enfants autistes et peut permettre
d’effectuer des corrélations entre génotype et phénotype
dans le cadre d’études génétiques.
La validation d’une version de l’autoquestionnaire FAQ
destinée aux frères et sœurs d’enfants autistes est actuellement en cours. Cela permettra de caractériser le phénotype
de tous les apparentés avec un outil unique et de permettre
des études de corrélations plus fines entre génotype et phénotype, dans une perspective dimensionnelle.
Conflit d’intérêt
L’auteur n’a pas de conflit d’intérêt.
Remerciements
Nous remercions chaleureusement les familles qui ont
accepté de participer à cette étude ainsi que le
Pr Simon Baron Cohen qui nous a permis d’adapter
l’autoquestionnaire AQ en français pour les besoins de notre
étude. Enfin, nous remercions Charles Rousselot-Pailley pour
son expertise et son aide pour l’analyse statistique de nos
données.
198
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