Repérage des endophénotypes parentaux dans l’autisme par l’autoquestionnaire FAQ 193
L’ensemble de ces travaux, mettant en évidence la plus
grande fréquence de fonctionnements cognitifs ou émotion-
nels particuliers chez les apparentés de sujets autistes [13],
soulève la question des phénotypes à prendre en compte
dans les études génétiques. Lord et al. [21] insistent en effet
sur l’intérêt de quantifier le phénotype grâce à l’utilisation
des algorithmes des instruments diagnostiques, tandis que
d’autres auteurs plaident pour une approche dimension-
nelle, et non catégorielle de la génétique de l’autisme.
Ainsi, une meilleure analyse du phénotype des sujets
atteints ainsi que la prise en compte des caractéristiques
endophénotypiques des parents s’avère-t-elle d’un inté-
rêt crucial dans la conduite des études génétiques. C’est
l’objectif de plusieurs études récentes, dont celle de Losh
et Piven, qui ont étudié les mouvements oculaires chez des
apparentés d’enfants autistes [22]. Dans un autre article,
Adolphs et al. ont analysé la manière dont les parents uti-
lisaient les informations véhiculées par certains traits du
visage pour discriminer différentes émotions [1]. Toutefois,
de tels paradigmes se prêtent mal à une utilisation à grande
échelle dans le cadre d’études génétiques.
Dans cette perspective, notre équipe a adapté
l’autoquestionnaire Autism Quotient (AQ) construit
par S. Baron-Cohen et al., destiné à mettre en évidence
de manière dimensionnelle la présence de traits autis-
tiques dans une population d’étudiants scientifiques et
d’ingénieurs, et à détecter des sujets présentant un autisme
high functionning [5]. Alors que l’autoquestionnaire de
Baron-Cohen et al. comporte 50 questions explorant cinq
dimensions (relations sociales, communication, imagi-
nation, attention aux détails et attention divisée ou
changements d’attention) (attention switching), celui que
nous avons développé [23] est dédié de manière plus spéci-
fique aux parents des sujets avec autisme. Nous avons ainsi
écarté les questions qui nous semblaient viser plus spécifi-
quement les symptômes de type Asperger, pour des raisons
éthiques ayant trait à la bizarrerie des questions posées (par
exemple «je suis fasciné par les dates, je suis fasciné par les
chiffres, je remarque souvent les plaques d’immatriculation
ou des informations de même type »), et nous avons intégré
des questions concernant de manière directe la maîtrise
du langage oral et écrit, dont la fréquence est augmentée
chez les apparentés de sujets autistes. Ainsi, l’objet de
l’autoquestionnaire French Autism Questionnaire (FAQ) est-
il de repérer des endophénotypes définis comme des traits
associés avec la maladie dans la population, héritables,
indépendants d’un état, co-ségrégeant avec la pathologie
dans les familles, et dont la fréquence est plus élevée chez
les apparentés de sujets malades que dans la population
générale [16]. L’autoquestionnaire comporte 40 questions
réparties a priori en quatre domaines (communication,
socialisation, imagination, rigidité). Notre équipe a pré-
cédemment montré que les scores obtenus par les parents
d’enfants autistes étaient significativement plus élevés
que ceux des parents témoins, la différence portant plus
particulièrement sur la dimension «socialisation ». Nous
proposons ici de valider l’autoquestionnaire FAQ dans la
population générale et de vérifier les résultats préliminaires
obtenus pour la population des parents d’enfants autistes
sur de plus grands effectifs.
Méthodologie
Inclusion des sujets
Inclusion des sujets autistes
Les familles d’enfants autistes ont été recrutées au sein
de la consultation autisme du service de pédopsychiatrie
du Pr B. Golse, de l’hôpital Necker—Enfants-Malades. Les
parents des enfants pour lesquels un diagnostic de trouble
autistique avait été préalablement porté à l’issue d’un bilan
approfondi ont été contactés par un courrier leur expo-
sant brièvement l’objet de la recherche. Un protocole de
consentement éclairé a été remis aux familles acceptant de
participer, pour eux et pour leurs enfants (accord du CCPRB,
Paris-Cochin).
Le diagnostic d’autisme a été effectué à l’aide de
l’Autistic Diagnostic Interview (ADI-R). Il s’agit d’un outil qui
génère des scores dans les trois domaines reconnus comme
déviants dans l’autisme : la socialisation, la communication
et les intérêts restreints et stéréotypés. De plus, une éva-
luation cognitive des enfants autistes a été réalisée à l’aide
d’instruments appropriés (PEP-R, WPPSI—R ou WISC IV).
Inclusion des sujets témoins
Les parents du groupe témoin ont été recrutés dans
l’environnement des chercheurs et représentent des catégo-
ries socioprofessionnelles diversifiées. Ils ont un ou plusieurs
enfants âgés d’au moins deux ans, indemnes de pathologies
développementales, qui ne bénéficient d’aucun suivi ortho-
phonique, psychomoteur ou psychologique. Parmi eux, les
enfants d’âge scolaire n’ont jamais redoublé ni sauté de
classe.
Les caractéristiques des populations de nos deux groupes
sont présentées dans le Tableau 1.
Description de la procédure
Présentation de l’autoquestionnaire FAQ [23]
L’autoquestionnaire FAQ comporte 40 items qui explorent
quatre domaines déterminés a priori : la socialisation,
Tableau 1 Caractéristiques des sujets.
FC FA
Nombre de questionnaires distribués 216 68
Réponses exploitables 127 66
Sex-ratio 67 femmes/60 hommes 35 femmes/31 hommes
Âge moyen 32,5 (±8,65) 34,2 (±3,72)
FC : famille témoin ; FA : famille autiste.