Revue de presse 7
(1) CH Sainte-Anne, Paris.
Behavioral, Psychiatric, and Family History Predictors of Lifetime Nonmedical Use
of Prescription Anxiety Medications (N = 657) Among Respondents
With a Prescription (N = 4,294).
Clinique et thérapeutique
Ph. Gorwood (1)
L’anxiété n’est pas un facteur
de risque pour l’abus
de benzodiazépines
The role of a prescription in anxiety medi-
cation use, abuse, and dependence.
Am J Psychiatry. 2010 Oct ; 167 (10) : 1247-53.
Fenton MC, Keyes KM, Martins SS, Hasin DS.
CONTEXTE
En 2000, le nombre de boîtes déli-
vrées en France a été de 52 millions pour
les anxiolytiques et 32 millions pour les
hypnotiques. Avec 14,5 % des Français
qui ont consommé au moins une fois des
tranquillisants ou des somnifères (Baro-
mètre Santé 2000), le nombre de sujets
ayant accès à ce traitement est donc
massif. La dépendance aux benzodiazé-
pines toucherait de 0,2 % à 1 % de sujets
par an. Il s’agit d’une réalité sans aucun
doute… mais qui concerne-t-elle ?
Pour la prise en charge de nos
patients anxieux, nous repérons souvent
une forte réticence à prendre ce traite-
ment. Il était donc grand temps d’évaluer
si la mise sous anxiolytique de type ben-
zodiazépines d’un sujet anxieux était ou
non un facteur de risque dans le déve-
loppement d’une dépendance ultérieure.
MÉTHODE
L’étude NESARC a à nouveau été
mise à contribution. Il est vrai qu’un entre-
tien en face-à-face avec 34.000 sujets
extraits de la population générale fournit
une mine d’informations assez excep-
tionnelle. Dans cette étude, la prescrip-
tion a été notée, mais aussi la présence
de troubles anxio-dépressifs, de troubles
de la personnalité, ainsi que toutes les
dépendances puisque c’était là son
objectif premier.
RÉSULTATS
Dans cet échantillon américain, 7 %
des sujets ont utilisé au moins une fois
dans leur vie des traitements anxiolyti-
ques de manière détournée, pour 2 %
dans l’année écoulée. L’abus ne touche-
rait que 1,3 % de la population générale,
et la dépendance 0,5 %. De manière
assez logique (accessibilité), les sujets
ayant eu des prescriptions de benzodia-
zépines ont 4 à 9 fois plus de risque
d’abus ou de dépendance. Par contre
(tableau), le trouble psychiatrique dans le
cadre duquel a eu lieu cette prescription
montre que tous les patients ne sont pas
logés à la même enseigne. Si les variables
socio-démographiques sont contrôlées
(afin de rendre les choses comparables),
le trouble anxieux est associé à la moins
forte augmentation du risque d’abus de
tranquillisants (OR = 1,5), les sujets souf-
frant d’autre types d’abus (d’alcool ou de
drogues) étant bien plus à risque (4 et 16
respectivement). De manière encore plus
intéressante, si l’on contrôle aussi les
comorbidités psychiatriques, seuls l’abus
de drogue et la présence d’un trouble de
la personnalité constituent des facteurs
de risque autonomes (tableau), le trouble
anxieux ou la dépression ne le sont plus.
CONCLUSIONS
Voilà enfin une étude que l’on pourra
partager avec nos patients anxieux mon-
trant que, certes, il faut être exposé au
traitement sédatif pour risquer de déve-
lopper une dépendance, mais surtout
que le trouble anxieux n’est un facteur de
risque de dépendance que dans la
mesure où il est associé à une comorbi-
dité addictive.
COMMENTAIRE
En France la baisse de prescription des
benzodiazépines est parallèle à la montée
des antidépresseurs (sans que l’on ne
sache si cela est bénéfique), alors qu’en
Angleterre, le passage des benzodiazépi-
nes au tableau B a fait ré-augmenter la
prescription… des neuroleptiques. Il était
donc particulièrement important de savoir
si cette chasse aux sorcières reposait sur
des faits rigoureux. Avec 3.000 anxieux et
30.000 contrôles, nous avons une cer-
taine puissance pour repérer les facteurs
en jeu de la dépendance aux benzodiazé-
pines, et surtout la possibilité de maîtriser
les nombreuses variables confondantes. Il
reste quelques inconnues pour ce que l’on
entend par « trouble de la personnalité »,
ce qui n’est pas ici évoqué alors que le
NESARC a ces informations. Parions que
la personnalité psychopathique explique
une bonne part de ce résultat…
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