Échos des congrès Onco-endocrinologie et canalopathies : les temps forts du congrès de la SFE Nice, 7-10 octobre 2009 © Dimension internet Estelle Louiset*, Maria-Christina Zennaro** Le congrès annuel de la Société française d’endocrinologie s’est tenu à Nice du 7 au 10 octobre 2009. La douceur de la Baie des Anges, la qualité du programme scientifique, l’organisation du congrès parfaitement mise en scène par les professeurs P. Fénichel et J.L. Sadoul, ainsi que le dîner de gala dans les studios de cinéma de la Victorine ont fait de ce rendez-vous un véritable succès. Nous revenons ici sur les principales informations relatives aux dernières avancées en onco-endocrinologie, de la physiopathologie aux traitements innovants, et sur le symposium abordant une thématique émergente consacrée aux maladies liées aux altérations fonctionnelles de différents canaux membranaires. Nouveautés en onco-endocrinologie * Laboratoire de différenciation et de communication neuronale et neuroendocrine (DC2N), unité mixte Inserm U982, IFRMP 23, université de Rouen, Mont-Saint-Aignan. ** Inserm, U970, Paris Cardiovascular Research Center – PARCC, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. 10 La compréhension des mécanismes physiopathologiques du cancer, le développement de nouveaux outils de diagnostic et de pronostic, ainsi que les traitements chirurgicaux et médicamenteux demeurent un grand sujet d’actualité pour les endocrinologues. ✓✓ Les études épidémiologiques ont identifié de nombreux facteurs environnementaux, qui se comportent comme des perturbateurs endocriniens, dans le développement des cancers hormonodépendants du sein, de l’ovaire et de la prostate. J. Toppari (université de Turku, Finlande) a mis en exergue la variété des produits chimiques incriminés allant des produits phytosanitaires à ceux de l’industrie du plastique. La fréquence du cancer du testicule est plus élevée au Danemark qu’en Finlande, motivant ainsi la recherche des produits chimiques à l’origine de cette différence géographique. Les études mécanistiques menées par M. Benahmed (Nice) et C. Sultan (Montpellier) révèlent que des xéno-œstrogènes, comme le distilbène utilisé auparavant pour traiter l’hypofertilité, ont des effets transgénérationnels qui se traduisent par une recrudescence de cancers du testicule à la troisième génération. ✓✓ Au cours d’une excellente conférence plénière, P. Pujol (Montpellier) a rappelé l’importance du dépistage génétique des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 dans les cas familiaux de cancer du sein. Ce dépistage doit être pratiqué dans les familles comptant soit trois cas de cancer du sein, soit un cas de cancer du sein bilatéral chez une quadragénaire, un cas de cancer du sein et un cas de cancer de l’ovaire, ou encore un cas de cancer du sein chez un homme. La découverte d’une mutation peut justifier une mammectomie et/ou d’une ovariectomie (annexectomie) prophylactique. Sur le plan pharmacologique, il est démontré qu’une contraception orale réduit de façon majeure le risque de cancer ovarien, alors que les inhibiteurs de l’aromatase diminuent de 70 % le risque de cancer mammaire. ✓✓ Plusieurs communications ont exposé les progrès de l’imagerie dans le diagnostic et le pronostic des tumeurs. Le développement de l’imagerie fonctionnelle avec le PET scan au fluorodeoxyglucose (FDG) permet de visualiser des tumeurs neuroendocrines, telles que des tumeurs pancréatiques et les phéochromocytomes. C. Dromain (Institut Gustave-Roussy, Villejuif) a souligné l’intérêt de l’élastographie couplée à l’échographie pour mesurer la rigidité des tissus par application d’une pression. Cette technique renseigne sur la nature des nodules thyroïdiens, ce qui permet de détecter des nodules à haut risque néoplasique. L’IRM de diffusion a une meilleure sensibilité que la technique d’IRM mor- Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010 Onco-endocrinologie et canalopathies : les temps forts du congrès de la SFE phologique. C’est un outil de choix pour le dépistage de tumeurs gastro-entéro-pancréatiques, en particulier dans le cadre de néoplasies endocriniennes multiples, et pour l’évaluation de la nécrose d’une tumeur en réponse à un traitement antitumoral. L’établissement du diagnostic et du pronostic des tumeurs repose également sur l’examen anatomopathologique des tissus, qui dans le cas des tumeurs de la corticosurrénale, est codifié par le score de Weiss. F. Tissier (Cochin, Paris) a rapporté la grande variabilité interopérateur de lecture des lames histologiques. En tant que membre du centre de référence national des lésions surrénaliennes, elle a mis en place sur le territoire français un réseau de 12 anatomopathologistes formés à la lecture de lames histologiques scannées et disponibles sur internet. Le développement de cet outil d’enseignement en ligne, applicable non seulement aux lésions surrénaliennes mais également à d’autres tumeurs rares, permettra d’augmenter l’expertise des anatomopathologistes. ✓✓ Les progrès de la chirurgie des adénomes hypophysaires ont été illustrés par la présentation de la chirurgie par voie endoscopique pratiquée à l’hôpital Foch, ainsi que l’IRM peropératoire pratiquée au CHU de Grenoble. Par rapport à la technique classique transsphénoïdale, l’approche endoscopique permet l’exérèse de gros adénomes infiltrant le sinus caverneux, en un temps plus court, avec une morbidité plus faible, et pour un résultat comparable. La pratique de l’IRM peropératoire permet de visualiser les reliquats tumoraux et de compléter le geste chirurgical pour optimiser l’exérèse. ✓✓ Sur le plan thérapeutique, M. Schlumberger (Institut Gustave-Roussy, Villejuif) a exposé les effets bénéfiques des inhibiteurs de tyrosine kinases dans le traitement des cancers réfractaires de la thyroïde de types folliculaire et médullaire. Il invite les centres français à participer au réseau TUTHYREF qui vise à affiner les protocoles de traitement et à déterminer les mécanismes d’action et de résistance de cette nouvelle classe thérapeutique. ✓✓ Les perspectives de thérapie génique ont été illustrées par A. Barlier (CNRS, Marseille). En transfectant des cellules somatotropes tumorales avec le récepteur de la somatostatine de type 2, les chercheurs restaurent in vitro la sensibilité des cellules à l’octréotide, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des tumeurs résistantes aux agonistes somatostatinergiques. Les canalopathies, nouvelles entités en endocrinologie Les canalopathies sont un ensemble de pathologies endocriniennes dont le défaut sous-jacent est lié à une anomalie de fonction d’un canal membranaire. Ces maladies vont du diabète à l’hyperaldostéronisme primaire en passant par l’éventuelle implication de canaux calciques dans les cancers hormonodépendants. Un chapitre légèrement à part aborde les tubulopathies distales, dans lesquelles le défaut primitif n’affecte pas une fonction endocrine, mais dans lesquelles des anomalies de canaux impliqués dans la régulation des transports ioniques transépithéliaux entraînent des changements hormonaux de façon secondaire. Quatre présentations remarquables ont animé une session centrée sur cette thématique lors de la dernière journée du congrès de la SFE. ✓✓ La session a démarré avec la présentation de C. Bellanné-Chantelot (département de génétique, PitiéSalpétrière), au titre évocateur de : Le yin et le yang du canal potassium ATP-sensible (KATP) des cellules β-pancréatiques : de l’hyperinsulinisme au diabète. Le KATP des cellules β du pancréas joue un rôle clé dans la sécrétion d’insuline dépendante de la glycémie. Dans la cellule β-pancréatique, l’utilisation du glucose entraîne une augmentation de la concentration en ATPintracellulaire suivie de la fermeture du canal KATP. La dépolarisation membranaire qui en résulte conduit via l’ouverture des canaux calcium voltage-dépendants, à l’augmentation de la concentration intracellulaire du calcium, qui stimule la sécrétion d’insuline. Le canal potassium proprement dit est constitué de quatre sous-unités Kir6.2 (codées par le gène KCNJ11) ; il est associé à quatre sous-unités régulatrices SUR1 (codées par le gène ABCC8) de la famille des transporteurs ABC. Des mutations avec perte de fonction du canal K ATP ont pour conséquence de maintenir le canal fermé ; cela entraîne la dépolarisation permanente de la cellule β-pancréatique indépendamment du niveau de la glycémie. Ces mutations sont responsables d’un hyperinsulinisme néonatal connu sous le nom de hyperinsulinisme congénital de l’enfant. À l’opposé, des mutations activatrices ont pour conséquence une ouverture du canal KATP avec une diminution de la sécrétion d’insuline aboutissant à un diabète. Plus de 200 mutations distinctes ont été identifiées à ce jour dans les gènes ABCC8 et KCNJ11. Leur caractérisation fonctionnelle en relation avec le tableau clinique associé a permis des applications thérapeutiques directes. Ainsi, le diazoxide qui ouvre le canal potassique et inhibe la sécrétion d’insuline est utilisé dans le traitement de l’hyperinsulinisme, alors que les sulfamides, qui stimulent la sécrétion d’insuline via une interaction avec les sous-unités SUR1, sont utilisés dans le traitement des patients diabétiques initialement mis sous insuline. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010 11 Échos des congrès ✓✓ Une autre pathologie impliquant potentiellement des canaux potassiques est l’hyperaldostéronisme primaire (HAP). L’HAP représente la première cause d’hypertension artérielle secondaire, avec une prévalence estimée à environ 6 % de toutes les hypertensions artérielles, et à 20 % si l’on considère les hypertensions résistantes. Malgré les progrès réalisés pour sa prise en charge, les mécanismes physiopathologiques à l’origine de son développement restent complètement méconnus. Leur compréhension est fondamentale pour permettre le développement de nouveaux outils diagnostiques et de nouvelles approches thérapeutiques. J. Barhanin, (CNRS et université de Nice Sophia-Antipolis) a présenté un travail innovant sur le rôle des canaux potassiques TASK dans l’HAP. Deux canaux distincts TASK1 (gène KCNK3) et TASK3 (gène KCNK9) sont exprimés de façon importante dans le cortex surrénalien. L’invalidation soit de TASK1 soit de TASK1 et TASK3 chez la souris conduit à un phénotype d’HAP. Les souris TASK1–/– présentent un hyperaldostéronisme sévère indépendant du régime sodé qui est observé chez les jeunes animaux quel que soit leur sexe, mais qui est corrigé chez les mâles après la puberté. Cet hyperaldostéronisme est associé à un défaut de zonation fonctionnelle du cortex surrénalien, avec l’expression de l’enzyme aldostérone synthase dans la région fasciculée et non plus dans la zone glomérulée. Aussi, l’hyperaldostéronisme est corrigible par l’administration de dexaméthasone, ce qui n’est pas sans rappeler une forme génétique de la maladie, l’HAP suppressible par les glucocorticoïdes. Cependant, chez la souris TASK1–/–, l’HAP est sous le contrôle des hormones sexuelles puisque l’injection de testostérone aux femelles TASK1–/– restaure des niveaux d’aldostérone plasmatique normaux et rétablit l’expression correcte de l’aldostérone synthase. Pour ce qui est de la double invalidation des canaux TASK1 et TASK3, les souris mâles adultes présentent un hyperaldostéronisme plus modéré, aussi indépendant du régime sodé et insensible au blocage des récepteurs AT1. Ce modèle ressemble donc aux formes plus classiques d’hyperaldostéronisme idiopathique primaire. Ainsi, ces études désignent les canaux potassiques TASK comme de nouveaux gènes candidats associés à des formes familiales ou sporadiques d’HAP. ✓✓ Des études récentes indiquent que des modifications de l’homéostasie calcique et des canaux ioniques pourraient jouer un rôle central dans la régulation de processus comme la prolifération, la différenciation et l’oncogenèse. L’étude de l’homéostasie calcique et des canaux ioniques impliqués permet l’élaboration d’approches cliniques visant au traitement 12 de ces cancers par ciblage des canaux ioniques à l’aide d’outils pharmacologiques. Cette stratégie s’applique tout particulièrement au cancer de la prostate, dont la nature moléculaire et la régulation des canaux ioniques impliqués dans la carcinogenèse ainsi que dans l’évolution du cancer vers l’androgéno-indépendance restent mal compris. C’est le focus des travaux de l’équipe de N. Prevarskaya (Inserm U800, université de Lille1) présentés sous le titre de : Signatures calciques des tumeurs prostatiques : rôle des protéines-canaux perméables au calcium dans le développement du cancer. En effet, l’homéostasie calcique, conséquence de la signalisation du calcium, est un état d’équilibre dérivant de l’influx du Ca2+ dans la cellule, de son efflux et du stockage. Ainsi, chaque phénotype cellulaire, qu’il soit normal ou pathologique, est caractérisé par une “signature calcique” particulière qui reflète la cinétique, l’amplitude et la localisation subcellulaire du signal calcique. L’équipe de N. Prevarskaya a identifié divers canaux ioniques exprimés dans les cellules prostatiques normales ou cancéreuses jouant un rôle important dans la physiopathologie du cancer de la prostate. Parmi une dizaine de canaux ioniques identifiés récemment dans les cellules épithéliales prostatiques cancéreuses, les canaux cationiques TRP semblent en particulier jouer un rôle clé dans la tumorigenèse de la prostate. Certains d’entre eux ont été suggérés comme marqueurs pronostiques ; les canaux ioniques déterminant la signature calcique semblent être les meilleurs candidats potentiels comme marqueurs tumoraux mais également en tant que cibles pharmacologiques potentielles. ✓✓ Enfin, la dernière présentation de la journée a été donnée par R. Vargas-Poussou (service de génétique, HEGP, Paris). Elle a porté sur les syndromes de Bartter et Gitelman (SB et SG), un groupe de tubulopathies rares à transmission auto­somique récessive caractérisées par une perte rénale de sodium, une hypokaliémie profonde et une alcalose métabolique hypochlorémique, avec une élévation de la rénine plasmatique et un hyperaldostéronisme secondaire ; la pression artérielle est basse ou normale. La sévérité de la perte en sel détermine un spectre de manifestations cliniques qui va d’une forme sévère à début anténatal (SBA) passant par le SB classique jusqu’à la forme moins sévère et plus fréquente, le SG. Longtemps confondues, ces pathologies ont été clairement distinguées récemment grâce à la génétique moléculaire, qui a permis de mettre en relation le phénotype clinique et l’anomalie sous-jacente. Le SB correspond à un défaut de réabsorption de NaCl dans la branche large ascendante de l’anse de Henlé et implique quatre gènes qui définissent génétiquement Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010 A a A Onco-endocrinologie et canalopathies : les temps forts du congrès de la SFE quatre types de SB. Deux gènes sont responsables du SBA : le gène du cotransporteur Na-K-2Cl sensible au furosémide (type 1) et le gène ROMK1 codant pour le canal potassique kir1.1 (type 2). Des mutations du gène du canal chlore ClC-Kb sont responsables de SB classique (type 3) et des mutations codant pour le gène de la protéine barttine (sous-unité des canaux chlore ClC-Kb et ClC-Ka) sont à la base du SBA avec surdité (type 4). Le SG pour sa part, correspond à un défaut de réabsorption de NaCl dans le tube contourné distal rénal ; il est dû à des mutations entraînant une perte de fonction du cotransporteur NaCl sensible aux thiazides. Enfin, un autre canal potassique (le canal kir 4.1) a été très récemment impliqué dans un syndrome associant des manifestations neurologiques et une tubulopathie ressemblant au SG. Ce syndrome porte des acronymes différents selon les auteurs, EAST (Epilepsy, Ataxia, Sensorineural deafness and Tubulopathy) ou SeSAME (Seizures, Sensorioneural deafness, Ataxia, Mental retardation and electrolyte imbalance). ■ s u o v z e n N Abon ces en MHD & Découvrez sur notre site plus de 20 revues dont La Lettre du Gynécologue et La Lettre du Pharmacologue ndan o aux Corresp grès Échos des con athie : ologie et canalop Onco-endocrin de la SFE s fort ps les tem 20 revues le courrier du spéciali ste Mise au point ional Programme nat té : nutrition san facteurs impact sur les risque de ÉDITORIAL Le poids sans émoi le courrier du spécialiste PHARMACOLOGIE GYNÉCO ET SOC grès Échos des con nalopathie : a c t e ie g lo o in Onco-endocr de la SFE s les temps fort IÉTÉ La femme le poids et la soc , iété Les benzodiazépines DOSSIER ésité Sommeil et ob : EDIMARK SAS (DaTeBe Éditions) 19 - ISSN : 2100-96 : 0412 T 81756 Société éditrice CPPAP Mensuel Prix du numéro : 18 € Vol. XIV - n° 1-2 2010 janvier-février A e e dans la bas R ev u e i n d exé i nte r n at i o n a l e de données Périodique de r imark.f www.ed formation igne l n e t n e bonnem Le poids et la gy DOSSIER nécologie Société éditrice : EDIMARK CPPAP : 0312 T 81439 SAS – ISSN : 0759-1594 PÉRIODIQ UE DE FORMATIO EN LANGUE FRANÇAIS N Mensuel Prix du numéro : E 18 € N° 348 Janvier-février 20 10 Mise au point me national ProgramPharmacologie ion santé : nutduritsommeil des troubles facteurs s le r u s t c a p im de risque DOSSIER www.ed imark.fr LG-janv-fév2010.in dd 1 08/02/10 10:57 k.fr r a m i d 67 62 87 6 4 1 www.e 0 : ) t nnemen Mélatonine et autisme ÉDITORIAL Société éditrice : EDIMARK SAS CPPAP : en cours – ISSN : 0984-452X PÉRIODIQUE DE FORMATION EN LANGUE FRANÇAISE Trimestriel Prix du numéro : 34 € Vol. 24 – N° 1 Janv.-fév.-mars 2010 www.edimark.fr bo (s e r v ic e a e n o h p lé ou par té Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010 13