CYCLES DE CODIMENSION 2 ET H3 NON RAMIFIÉ - IMJ-PRG

CYCLES DE CODIMENSION 2 ET H3NON
RAMIFI´
E POUR LES VARI´
ET´
ES SUR LES
CORPS FINIS
par
Jean-Louis Colliot-Th´el`ene & Bruno Kahn
R´esum´e. — `
A toute vari´et´e projective et lisse Xsur un corps fini
on associe son troisi`eme groupe de cohomologie non ramifi´ee `a coeffi-
cients Q/Z(2). On passe en revue les liens entre ce groupe, le groupe
de Chow des cycles de codimension 2 sur X, et certaines conjectures
locales-globales pour l’existence d’un z´ero-cycle de degr´e 1 sur les vari´et´es
d´efinies sur un corps global de caract´eristique positive. On discute la
structure et la taille du troisi`eme groupe de cohomologie non ramifi´e.
Ceci am`ene `a conjecturer sa finitude. Nous conjecturons que ce groupe
est nul pour les vari´et´es de dimension 3 g´eom´etriquement unir´egl´ees.
Abstract. — To every smooth projective variety Xover a finite field
is associated its third unramified cohomology group with coefficients
Q/Z(2). We review the links between this group, the second Chow group
of Xand certain local-global conjectures for the existence of a zero-cycle
of degree 1 on varieties defined over a global field of positive caracteristic.
We discuss the structure and the size of the third unramified cohomo-
logy group. This leads us to conjecture its finiteness. For geometrically
uniruled threefolds, we conjecture that this group vanishes.
Introduction
`
A une vari´et´e Xlisse sur un corps k, on associe ([8], [4]) des groupes
de cohomologie non ramifi´ee Hi
nr(X, Q/Z(i1)), i 1.On rappelle leur
d´efinition au d´ebut du §1. Pour i= 1 on trouve le groupe qui classifie
les revˆetements ab´eliens ´etales de X. Pour i= 2, on trouve le groupe
2JEAN-LOUIS COLLIOT-TH ´
EL `
ENE & BRUNO KAHN
de Brauer Br(X). Pour Xprojective, lisse, g´eom´etriquement int`egre, ces
groupes sont des invariants birationnels.
On s’int´eresse ici au groupe H3
nr(X, Q/Z(2)) et `a ses liens avec le
groupe de Chow CH2(X) des cycles de codimension deux modulo
l’´equivalence rationnelle. Les liens sont ´etablis via la K-th´eorie et la
cohomologie motivique.
Ceci a d´ej`a fait l’objet de deux articles r´ecents, l’un de Claire Voisin
et du premier auteur [14], l’autre du deuxi`eme auteur [33]. Ces deux
articles ont explor´e la structure du groupe H3
nr(X, Q/Z(2)) pour X/k
projective et lisse. L’article [14] le fait pour kle corps des complexes.
L’article [33] le fait pour kun corps quelconque, avec application au
corps des complexes et aux corps finis. Ces deux articles ´etablissent un
lien entre H3
nr(X, Q/Z(2)) et le conoyau d’applications cycles envoyant
le groupe CH2(X) dans des groupes de cohomologie, Betti ou (continue)
l-adique, suivant le cas.
Soit maintenant Kun corps de nombres. En 1981, Sansuc et le premier
auteur [10] ont fait une conjecture de nature locale-globale sur le groupe
de Chow CH2(V) d’une surface V/K, projective, lisse, g´eom´etriquement
rationnelle d´efinie sur un corps de nombres. Cette conjecture a ´et´e ´etablie
pour les surfaces fibr´ees en coniques sur la droite projective (Salberger,
[53]) mais reste ouverte pour les surfaces cubiques lisses. La conjecture
a ´et´e largement g´en´eralis´ee (comme conjecture), et un certain nombre de
cas nouveaux ont ´et´e ´etablis (voir le r´ecent article de Wittenberg [62]).
On peut essayer d’´etablir l’analogue de la conjecture sur un corps global
de caract´eristique positive, c’est-`a-dire sur le corps des fonctions K=
F(C) d’une courbe Csur un corps fini F.
En combinant les liens entre H3
nr(X, Q/Z(2)) et le conoyau d’applica-
tions cycles ´etablis dans [33] (voir aussi le §2 du pr´esent article) et un
r´esultat de S. Saito [50] (voir aussi [5]), nous ´etablissons le :
Th´eor`eme 7.7. Soit Xune vari´et´e projective lisse de dimension 3fibr´ee
au-dessus d’une courbe Csur un corps fini F, la fibre g´en´erique ´etant une
surface lisse g´eom´etriquement int`egre Vsur K=F(C). Soit l6= car(F)
un nombre premier. Supposons que :
(i) La conjecture de Tate [60]vaut pour les diviseurs sur X.
(ii) Le groupe H3
nr(X, Ql/Zl(2)) est divisible.
S’il n’y a pas d’obstruction de Brauer-Manin `a l’existence d’un z´ero-cycle
de degr´e 1sur V, alors il existe un z´ero-cycle sur Vde degr´e premier `a l.
CYCLES DE CODIMENSION 2 ET H3NON RAMIFI ´
E3
Motiv´es par le th´eor`eme ci-dessus, nous faisons dans cet article le tour
des propri´et´es connues du groupe H3
nr(X, Q/Z(2)), et nous ´etablissons
quelques liens suppl´ementaires entre ce groupe et le groupe de Chow des
cycles de codimension 2.
Au §1, on d´ecrit les outils de cohomologie motivique utilis´es dans l’ar-
ticle.
Au §2, on donne une preuve simplifi´ee d’une partie du th´eor`eme de [33]
sur la structure du groupe H3
nr(X, Q/Z(2)), lorsque le corps de base est
un corps fini F(et plus g´en´eralement un corps `a cohomologie galoisienne
finie). On voit que pour tout lpremier le groupe H3
nr(X, Ql/Zl(2)) est
une extension d’un groupe fini par un groupe divisible.
Aux §3, §4 et §5, on discute la taille du groupe H3
nr(X, Q/Z(2)), princi-
palement pour Xprojective et lisse sur un corps fini. Comme dans [33],
on explique que pour de telles vari´et´es certaines conjectures impliquent
que le groupe H3
nr(X, Q/Z(2)) est fini. On exhibe des classes importantes
de vari´et´es qui v´erifient cette conclusion : citons ici la Proposition 3.2 et
le Th´eor`eme 3.12 (ce dernier ne faisant que reprendre des r´esultats de
[29]). Pour de telles vari´et´es, la condition (ii) du th´eor`eme 7.7 (´enonc´e
ci-dessus) ´equivaut donc `a la nullit´e de H3
nr(X, Q/Z(2)).
La question suivante est l’une des questions ouvertes rassembl´ees au
§5 :
Question 0.1. Pour X/Fune vari´et´e projective et lisse de dimension
3, le groupe H3
nr(X, Q/Z(2)) est-il nul ?
C’est ´evidemment le cas lorsque Xest une courbe. Ceci vaut encore
pour Xune surface : c’est un th´eor`eme connu de th´eorie du corps de
classes sup´erieur (voir la proposition 3.1 ci-apr`es).
Comme rappel´e au §4, Parimala et Suresh [45] viennent de le
d´emontrer pour les vari´et´es Xde dimension 3 fibr´ees en coniques au-
dessus d’une surface. Par analogie avec un th´eor`eme de C. Voisin [61]
sur les complexes, on peut esp´erer que cela soit vrai plus g´en´eralement
si Xest une vari´et´e de dimension 3 g´eom´etriquement unir´egl´ee.
Au §6, pour toute vari´et´e projective et lisse X/Fsur un corps fini, on
´etablit un lien entre les groupes
Coker[CH2(X)CH2(X)G]
4JEAN-LOUIS COLLIOT-TH ´
EL `
ENE & BRUNO KAHN
et
Ker[H3
nr(X, Q/Z(2)) H3
nr(X, Q/Z(2))].
Le th´eor`eme 6.8 est un analogue sur un corps fini d’un r´esultat ´etabli
dans [14] sur un corps de fonctions d’une variable sur les complexes.
Au §7, on ´etablit le th´eor`eme 7.7 cit´e ci-dessus. On montre par ailleurs
comment, pour les surfaces g´eom´etriquement rationnelles sur un corps
de nombres, les conjectures sur les z´ero-cycles de degr´e 1 admettent une
traduction en termes de cohomologie non ramifi´ee.
Notations. — ´
Etant donn´e un groupe ab´elien A, un entier n > 0 et un
nombre premier l, on note A[n] le sous-groupe de Aform´e des ´el´ements
annul´es par n, et on note A{l}le sous-groupe de torsion l-primaire de A.
1. Les outils
1.1. Cohomologie non ramifi´ee. Soient kun corps et Xune k-
vari´et´e. Pour tout premier ldiff´erent de la caract´eristique pde k, tout
entier n > 0, tout entier jZet tout ouvert UX, on dispose du
groupe de cohomologie ´etale Hi
´et(U, µj
ln).En faisceautisant ces groupes
pour la topologie de Zariski sur X, on obtient des faisceaux Hi
X(µj
ln).
On peut faire la mˆeme construction en rempla¸cant µj
lnpar Ql/Zl(j) =
lim
nµj
ln.
On d´efinit les groupes de cohomologie non ramifi´ee Hi
nr(X, µj
ln) et
Hi
nr(X, Ql/Zl(j)) par les formules
Hi
nr(X, µj
ln) = H0(X, Hi
X(µj
ln))
et
Hi
nr(X, Ql/Zl(j)) = H0(X, Hi
X(Ql/Zl(j)))).
Comme il est expliqu´e par exemple dans [4], la conjecture de Gersten
pour la cohomologie ´etale, ´etablie par Bloch et Ogus, permet pour X/k
lisse et int`egre, de corps des fonctions k(X), d’identifier ces groupes `a
KerHi(k(X), µj
n)M
xX(1)
Hi1(k(x), µj1
n)
et
KerHi(k(X),Ql/Zl(j)) M
xX(1)
Hi1(k(x),Ql/Zl(j1)),
CYCLES DE CODIMENSION 2 ET H3NON RAMIFI ´
E5
o`u xparcourt l’ensemble des points de codimension 1 de X, le corps
k(x) est le corps r´esiduel en xet les fl`eches sont des applications r´esidus
en cohomologie galoisienne associ´ees aux anneaux de valuation discr`ete
OX,x. On voit ainsi que les groupes Hi
nr(X, µj
ln) et Hi
nr(X, Ql/Zl(j)) sont
des invariants k-birationnels des k-vari´et´es int`egres projectives et lisses.
Pour de telles vari´et´es, ceci permet de les identifier aux groupes de coho-
mologie non ramifi´es introduits par Ojanguren et le premier auteur dans
[8].
Une cons´equence de la conjecture de Bloch–Kato (th´eor`eme de Voe-
vodsky et al.) est que pour i1 les groupes Hi
nr(X, Ql/Zl(i1)) sont la
r´eunion, et non seulement la limite inductive, des groupes Hi
nr(X, µi1
ln).
En utilisant les complexes de de Rham-Witt (Bloch, Milne, Illusie),
pour Xr´egulier de type fini sur un corps kde caract´eristique p > 0 et
i > 0, on d´efinit des groupes Hi
nr(X, Qp/Zp(i1)) [33, d´ef. 2.7, App. A].
Pour i1, et Xlisse sur un corps k, on d´efinit :
Hi
nr(X, Q/Z(i1)) = M
l
Hi
nr(X, Ql/Zl(i1)).
1.2. Complexes motiviques. Le pr´esent article, tout comme l’ar-
ticle [33], utilise de fa¸con cruciale les complexes Z(2), version moderne
des complexes Γ(2) de Lichtenbaum, et leurs propri´et´es. On notera que
celles-ci ne font intervenir que le th´eor`eme de Merkurjev–Suslin ; la
conjecture g´en´erale de Bloch–Kato (maintenant un th´eor`eme, grˆace `a
plusieurs auteurs, parmi lesquels nous citerons par ordre alphab´etique
Rost, Suslin, Voevodsky, Weibel) n’est pas utilis´ee dans [33] ni dans le
pr´esent article — alors qu’elle l’est, en degr´e 3, dans l’article [14].
Les complexes Γ(2) et Z(2) sont des objets de la cat´egorie d´eriv´ee des
faisceaux sur le petit site ´etale d’un scema X.´
Etant donn´e une vari´et´e
Xlisse (voire un scema r´egulier de type fini) sur un corps kd’exposant
caract´eristique pet un entier ninversible sur X, on a des triangles exacts
(“suites de Kummer et d’Artin-Schreier”) dans cette cat´egorie d´eriv´ee :
(1.1) Γ(2) ×n
Γ(2) µ2
n
+1
,Γ(2) ×pr
Γ(2) νr(2)[2] +1
(Lichtenbaum [38, 39], Kahn [27]), et leur variante “moderne”
(1.2) Z´et(2) ×n
Z´et(2) µ2
n,Z´et(2) ×pr
Z´et(2) νr(2)[2] +1
Ces derniers sont des cas particuliers de triangles exacts
(1.3) Z´et(q)×n
Z´et(q)µq
n,Z´et(n)×pr
Z´et(n)νr(n)[n]+1
1 / 43 100%

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