l`indochine dans l`empire française 1945

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S P E C I A L I Z E D
U N
A G E N C I E S
N O U V E A U
D É P A R T :
L'INDOCHINE DANS
L'EMPIRE FRANÇAISE
1945
Introduction
Le coup de force japonais du 9 mars 1945 a pris tous les colons français de l’Indochine
par surprise. Les administrateurs de la colonie ainsi que les militaires sont alors internés dans des
camps qui sont pour la plupart aussi terribles voire pires que les camps de concentrations des
Nazis. Les différents acteurs de l’Indochine française ont pris l’opportunité fournie par leurs
« libérateurs » japonais de se déclarer indépendants de l’autorité française. L’Annam et le
Cambodge ont déclaré leur indépendance de l’Empire français. Les habitants de ces régions ont
ajouté à la souffrance des colons français en les persécutant dans les rues.
En un mot, la situation est caractérisée par le chaos. L’Indochine ne possède pas de
gouvernement solide et structuré à la suite du coup de force. Bao Dai, l’Empereur de Vietnam,
est méprisé par le peuple et manque de vision politique. Les Forces françaises libres et les
communistes indochinois mènent la guérilla dans les jungles, mais tous ces belligérants sont
désorganisés. Les Français en particulier, quant ils ne sont pas emprisonnés, sont dispersés à
travers le territoire, craignant d’être dénoncés comme alliés du régime de Vichy et arrêtés.
Le mépris international de l’Empire français colonial et de l’administration de Vichy
réduit la facilité qu’auront les membres de ce comité à trouver de l’aide de la part des autres
Alliés. Il faut absolument porter secours aux colons français de l’Indochine et réassurer la
primauté de la France dans la région. Un bref survol de l’histoire de la colonie est avisé afin de
mieux répondre aux enjeux présents.
Survol historique
L’Indochine consiste réellement de cinq territoires réunis sous le dominion de l’Empire
français colonial. Le Tonkin, l’Annam, le Laos et le Cambodge sont des protectorats, tandis que
seulement la Cochinchine obtient officiellement le statut de colonie française. La présence
française dans le territoire qui est maintenant appelé l’Indochine remonte au XVIIe siècle, lors
des escapades de missionnaires Jésuites cherchant à convertir les autochtones. Les interventions
étrangères de la part des Français furent pour quelque temps motivées par la religion : en 1787,
Monseigneur Pigneau de Béhaine fut à l’origine de la signature du premier accord entre la France
et l’Annam lors du lutte entre le jeune empereur Nguyen Anh et les trois frères Tay Son. Les Tay
Son étaient des ennemis du christianisme et une présence armée française dans la région
renforçait l’influence chrétienne en Orient1.
1
Ivan Cadeau, La guerre d’Indochine : de l’Indochine française aux adieux à Saigon, 1940-1956 (Paris :
Malgré l’aide française, l’empereur Nguyen tenta de résister aux forces impérialistes de la
France et du christianisme suite à sa victoire. Pendant soixante-dix ans, les empereurs successifs
de la dynastie Nguyen poursuivirent une politique isolationniste. Les chrétiens étaient persécutés
s’ils étaient découverts dans la région. La situation commença finalement à changer en 1857, lors
du règne de Napoléon III. Ses soutiens catholiques l’encourageaient à réagir de manière punitive
aux persécutions des chrétiens dans les terres de l’empereur Tu Duc. L’établissement d’un port
français sur la côte de l’Annam étendrait l’influence militaire de la France, tandis qu’au niveau
économique, une route pourrait être établie à travers l’Annam jusqu’à la Chine convoitée (les
stratégistes français ignoraient à cette époque que la disposition actuelle des rivières rendrait ce
passage direct impossible).
L’occupation française de « l’Indochine » commença sans que Napoléon III n’ordonne
une telle entreprise. Son ministre des Affaires étrangères et le chef de l’expédition interprétaient
les ordres de l’empereur de négocier une politique de tolérance religieuse chez Tu Duc comme
une forme d’autorisation pour les forces françaises d’envahir la région. Le centre commercial de
Saigon fût pris en février 1859, ce qui marqua le début de la tutelle française. L’organisation de
l’Indochine française durerait jusqu’en 1893, la France changeant de régime, passant du Second
Empire à la IIIe République avant que ce ne soit chose faite. En fin de compte, la disposition des
terres en 1893 était la suivante : la Cochinchine (la seule réelle colonie), l’Annam et le Tonkin
formaient ensemble le pays de Vietnam, tandis que les anciens royaumes du Laos et du
Cambodge étaient tous deux des pays ainsi que des protectorats français. Les trois pays, composés
de quatre protectorats et une colonie, étaient rassemblés sous le nom de l’Indochine française.
Il y eut bien sur dès le début des mouvements de résistance. Les efforts guérilla du Can
Vuong (« Fidélité au roi ») étaient particulièrement troublants pour ces Français qui avaient le
regard sur les affaires d’outre-mer. Cependant, les généraux de l’Empire employaient
intelligemment des politiques de division ethnique ainsi que des actions pour améliorer les
conditions économiques et sanitaires des régions abritant les nationalistes du Can Vuong. Ces
projets étaient liés à ceux du gouverneur Paul Doumer pour créer des ports, des canaux et des
chemins de fer digne de sa vision pour les possessions de l’Empire. Les guérillas furent enfin
soumises au pouvoir français en 1902.
Les projets sociaux de la IIIe République coïncidaient avec un essor industriel. Les
autochtones de l’Union indochinoise (appelées les « Indochinois » par les Français,), étaient alors
cooptés afin de former une classe ouvrière. Un grand nombre d’Indochinois devinrent mineurs et
2
ouvriers dans des plantations où les conditions étaient souvent très difficiles. Les hommes en
particulier étaient encouragés à se maintenir en forme afin qu’il n’y ait pas de manque d’ouvriers
forts. Toutefois, ils étaient pour la plupart mal payés. Comme dans les pays européens au cours
du XXe siècle, la classe ouvrière de l’Indochine montrait son mécontentement au travers de
manifestations et de grèves.
Le riz était le produit le plus profitable pour les fonctionnaires Indochinois et les Français
gouvernants. Les administrateurs avaient pour priorité l’augmentation continue de la production,
permise par la conquête de terres vierges sur lesquelles les colons Blancs construisaient des
plantations. Il faut comprendre que le but officiel était d’accroître la richesse2. Les revenus des
colonies, y compris l’Indochine, devenaient indispensables durant la période de l’entre deux
guerres, lorsque l’Occident était plongé dans une crise économique importante. Cela parait
évident lorsqu’on observe l’Exposition coloniale internationale de 1931, qui montrait les produits
les plus précieux provenant des possessions orientales. Ce fut lors de l’inauguration de
l’événement que le ministre des Colonies déclara: « Il faut que chacun de nous se sente le citoyen
de la plus grande France, celle des cinq parties du monde! »3
Mais malgré la vie luxueuse d’une poignée de riches Français, les tensions escaladaient au
Vietnam, où le sentiment anti-Blanc se propageait visiblement. L’Exposition coloniale
dissimulait l’outrage qui avait eu lieu quelques mois plus tôt au Nord-Annam. C’est à cette
époque que le parti nationaliste du Viêt-Nam Quoc Dan Dang (VNQDD) commençait à incité
au soulèvement contre le joug colonial. La tentative indisciplinée de ce parti de mener une
manifestation générale fut un échec pour ceux qui y participèrent, la réaction de la France
conduisant à la mort de 1 000 à 4 000 personnes, tandis que des milliers furent emprisonnés4.
Cependant, il ne s’agissait pas de l’élimination totale de la révolution en Indochine. En 1944,
l’intelligence française déterminera la présence de 4 000 à 5 000 révolutionnaires basés dans la
région de Yunnan5.
Le communisme représentait une solution propice pour l’intelligentsia vietnamienne qui
cherchait à rompre les liens avec la France. C’est en 1930 que fut créé le Parti communiste
2
Serge Thíon, « La question agraire en Indochine, » Cahiers Internationaux de Sociologie 54 (1973) : 42.
3
Philippe Franchini, Les guerres d’Indochine (Paris : Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1988), 138.
4
Cadeau, La guerre d’Indochine, 41.
5
Geoffrey C. Gunn, Rice Wars in Colonial Vietnam: The Great Famine and the Viet Minh Road to Power
(Plymouth: Rowman & Littlefield, 2014),170.
3
vietnamien, que les Vietnamiens renommèrent Parti communiste indochinois sous la direction
de Komintern. Ce parti était composé de diverses fractions communistes, réunis par Nguyen Ai
Quoc pour une cause commune. Des soviets furent fondés autour du centre de dissension au
Nord-Annam, émulant de sociétés similaires modelées par Lénine et ses contemporains. Ces
tentatives communistes rencontraient un égard chaleureux parmi les intellectuels français,
plusieurs desquels étaient aussi séduits par le communisme qui selon eux était un remède aux
défauts du colonialisme capitaliste.
En 1932, l’administration commença un projet dite de « rajeunissement » quand
l’empereur dynastique Bao Dai prit ses fonctions impériales. Né Vinh Thuy, celui-ci passa son
adolescence en Europe, où il devint un playboy renommé. Les bureaucrates français espéraient
que le nouvel empereur, mêlant les influences de l’Occident et l’Orient, plairait aux Indochinois.
Au contraire, sa réputation et son incapacité à gérer la situation réelle furent à l’origine d’une
certaine méfiance. Malgré son inaptitude politique, il était sensiblement préservé comme un
fantoche par les Français afin de conserver les rites vietnamiens et rendre les indigènes plus
complaisants6.
Avant l’intervention des japonais, la France avait sous sa tutelle un territoire prospère
peuplé par des fermiers et des ouvriers pauvres, dont l’industrie et la technologie avaient été
sensiblement améliorées pour contribuer aux fins capitalistes de l’Empire. Ce n’est alors
aucunement surprenant que les Indochinois célébrèrent la conquête de la France par l’Allemagne
nazie. Leur indépendance ne dura pas, non seulement a cause de l’administration coloniale
encore présente mais également à cause de l’intervention immédiate du Japon.
Le Japon, pays jusqu’alors isolationniste, développa au début du XXe siècle des ambitions
coloniales. La guerre russo-japonaise de 1904-5, terminant avec une victoire japonaise, inquiéta
les puissances européennes, car le Japon était une puissance dont les buts paraissaient incertains. .
Afin de se rapprocher amicalement de ce nouveau pouvoir, la France chercha à prêter de l’aide au
Japon quant aux possessions que ce dernier se disputait avec la Chine. Ce fut résolu le 10 juin
1907 avec la signature d’un traité franco-japonais obligeant le Japon à respecter les frontières de
l’Indochine française tout en le laissant poursuivre son occupation de la péninsule coréenne.
Toutefois, le Japon passa rapidement à l’annexion lors de la Première Guerre mondiale,
quand les puissances mondiales étaient autrement occupées. Les possessions allemandes dans
6
Paul Rignac, La guerre d’Indochine en questions (Paris : Indo Éditions, 2009), 43-7.
4
l’Extrême-Orient, y compris en Chine, tombèrent sous la coupe du Japon. Les pertes furent très
faibles pour le Japon grâce à leur participation négligeable dans les théâtres majeurs de la guerre.
Le pays était alors libre de poursuivre le développement de son industrie. Malgré leur croissance
soudaine sur à l’échelle internationale, les Japonais soupçonnaient un manque de respect de la
part des européens. À la conférence de Paris en 1919, les États-Unis et la Grande-Bretagne
rejetèrent l’inclusion dans le traité de Versailles d’une clause garantissant l’égalité des races, tandis
que la Grande-Bretagne décida deux ans plus tard de ne pas renouveler son accord avec le Japon.
Alors que le Japon n’avait pas la place dans les affaires internationales à laquelle il pensait
pouvoir prétendre, la convoitise de la Mandchourie devint d’autant plus pertinente. En 1931,
l’armée de Kwantung bombarda une voie ferrée dans la région afin de créer un prétexte pour
l’invasion de la Mandchourie, qui fut accomplie l’année suivante avec l’instauration du
Mandchoukouo. L’ancien empereur Qing Puyi devint chef d’État, alors qu’il n’était qu’un
dirigeant fantoche pour les Japonais toute comme Bao Dai l’était pour les Français en Indochine.
L’Indochine française était évidemment en danger en raison des aspirations impériales du Japon.
Cela était rendu encore plus évident lorsque le Japon s’empara des îles Paracels en 1939, que la
France avait revendiqué au nom du Vietnam l’année précédente7.
Mais l’insolence du Japon restait sans réponse, car la Seconde Guerre mondiale semblait
toute proche, et avec elle des menaces encore plus importantes pour la métropole française. Les
Nazis envahirent la France en juin 1940, au terme de batailles successives jusqu’à la prise finale
de Paris. La France fut contrainte de signer un armistice avec Hitler le 22 juin, divisant le pays
en quatre zones. Deux de ces zones étaient occupés par les Allemands, tandis que l’Italie en
contrôlait une autre, laissant seulement une zone « libre » à la France, gérée par le maréchal
Philippe Pétain, le nouveau dirigeant de la France. La résistance à ce régime de Vichy était sous
la commande du général Charles de Gaulle. L’Indochine, auparavant un territoire lointain de
l’Empire française, était maintenant presque impossible à gérer de la métropole. Le régime de
Vichy dépendait alors sur le gouverneur général pour négocier avec les Japonais impérialistes.
Le gouverneur Catroux manquait d’alliés qui pouvaient lui apporter un certain soutien.
Les Britanniques craignaient que le Japon s’empare de leurs territoires orientaux s’ils
intervenaient, tandis que les États-Unis se méfiaient des théâtres lointains et, qui plus est,
s’opposaient à l’Empire français., Quand le Japon demanda l’arrêt de tout trafic de matériels
entre l’Indochine et la Chine au travers d’un ultimatum, le général fut contraint d’accepter. Les
7
Cadeau, La guerre d’Indochine, 49.
5
officiels du régime Vichy trouvèrent ses actions inacceptables et Catroux fut remplacé par l’amiral
Jean Decoux.
Durant les cinq années suivantes, Decoux se montra dévoué à la défense inflexible de
l’Indochine, mais il demeurait incapable de détourner les Japonais quand les soldats de la mission
Nishihara entrèrent au Tonkin. Des négociations échouées aboutirent ensuite à l’incident de
Lang Son, la première rencontre armée entres les forces françaises et japonaises, qui se termina
par une défaite pour les Français, dont quarante moururent au combat8. L’amiral Decoux tenta
durant le reste de la guerre de maintenir une atmosphère plus ou moins paisible, au vu de la
faiblesse des forces armées françaises. Un cessez-le-feu fut signé le 26 septembre 1940, qui
déclencha plus de quatre ans de paix franco-japonaise tout de même instable. Cela ne veut pas
dire qu’il n’y eut pas de conflit en Indochine. Au contraire, 1940 fut aussi marqué par plusieurs
révoltes nationalistes et la guerre franco-thaïe, qui dura jusqu’à l’année suivante. Decoux répondit
aux insurrections par une série d’exécutions publiques. Quant à la guerre, si elle fut courte, elle
ne fut pas pour autant dénuée de conséquences. La Thaïlande fut accordée des territoires en
Indochine d’une dimension de 70 000 km2 et le Japon émergea des en bonne position grâce aux
richesses minérales et énergétiques de l’Union indochinoise. La position japonaise était rendue
encore plus avantageuse grâce aux bases militaires qu’il gagnait en Thaïlande comme résultat de
la guerre franco-thaïe.
Dans les derniers jours du gouvernement de Vichy, les stratégies d’apaisement de l’amiral
Decoux étaient en désaccord avec les efforts du Comité français de libération nationale (CFLN),
dirigé par le général de Gaulle et son représentant, François de Langlade. De Gaulle considérait
impératif que les soldats français participent activement à la lutte armée pour l’Indochine. Selon
lui, « [l]e sang français versé sur le sol de l’Indochine nous serait un titre imposant »9. Le général
Mordant reçut la commande des troupes en Indochine, une position qu’il assuma alors que se
formait à Paris du Comité d’action en Indochine (Mordant aurait dû recevoir la nouvelle de sa
promotion quelques mois plus tôt, mais le message originel s’était perdu en route). En septembre
1944, Paris fut enfin libérée du régime de Vichy. Decoux se montra alors solidaire au
gouvernement provisoire de la République française, mais le général Mordant l’informa qu’on le
relèverait de ses fonctions aussi rapidement que possible. Decoux, le protecteur dévoué des
intérêts français en Indochine, se sentit insulté.
8
Ibid, 65.
9
Charles de Gaulle, Memoires de guerre, Le Salut 1944-1946 (Paris : Plon, 1994) : 760.
6
L’hiver de 1944-5 fût particulièrement dur pour les Indochinois. Les récoltes de riz dans
la région de Tonkin, auparavant une source de fierté pour le régime colonial, diminuèrent depuis
1942. La sécheresse et les insectes baissèrent la production durant le printemps de 1944. Entre
mai et septembre, trois typhons et une série de raz de marées d’une férocité auquel personne ne
s’attendait ruinèrent complètement la récolte automnale. Une famine terrible résulta ; plusieurs
villages périrent intégralement. Les survivants firent face à la confiscation de leurs terres et biens.
La misère et le mécontentement abondèrent10
La détermination du général de Gaulle à mener une campagne contre l’occupant japonais
rencontra elle aussi des obstacles qui forcèrent à une sorte de compromis. L’aide de l’aviation
anglo-américaine, dont Mordant était pourtant certain, serait minimale, car l’Indochine n’était
pas une priorité pour les autres Alliés. De Gaulle se résigna donc à préparer une série de demimesures contre les bases japonaises, afin de ne pas condamner les 56 000 hommes dont Mordant
disposait11.
Les Américains réussirent à reprendre les Philippines tandis que les Britanniques
avançaient victorieusement en Birmanie. Ces exploits des Alliés dérangeaient les Japonais, qui
avaient placé un nombre alarmant de troupes japonaises en Indochine durant les derniers mois de
1944 et les premiers mois de 1945, en dépit des protestations de Decoux, qui était de plus en
plus vexé par la situation. Les 65 000 soldats japonais présents dès mars 1945 furent répartis en
deux compagnies principales : les 21e et 37e divisions d’infanterie au Tonkin (identifié par la
France comme par le Japon comme un lieu clé pour n’importe quelle forme de coup décisif) et
25 000 hommes en Cochinchine12. Les forces françaises, malgré tous les efforts de Mordant,
Decoux et de Gaulle, étaient mal armées et dispersées par hasard dans toute l’Indochine. Ils ne
soupçonnaient tout de même pas un coup de force. Même le 24 février, Decoux écrivait que « les
dispositions de mon interlocuteur paraissaient plus conciliantes, un compromis satisfaisant me
semblait désormais possible et même probable »13.
Le 9 mars 1945 fut une journée décisive pour l’Indochine. À 18 h 30, l’ambassadeur
Shinuchi Matsumoto entra tranquillement dans le Palais Norodom à Saigon, où il s’entretint
10
Gunn, Rice Wars, 231-2.
11
Cadeau, Les guerres d’Indochine, 83.
12
Ibid, 88.
13
Julien-Joseph Legrand, L’Indochine à l’heure japonaise : La vérité sur le coup de force, la résistance en
Nouvelle-Calédonie (Cannes : Imprimerie Aegitna, 1963) : 264.
7
avec l’amiral-gouverneur Decoux. Matsumoto présenta un aide-mémoire, qui se trouva être un
ultimatum garantissant une reprise violente du conflit si Decoux ne donnait pas son accord à une
révision des accords de défense commune d’une telle manière que le commandement de
l’intégralité de l’armée indochinoise serait accordé à l’armée japonaise. Decoux, encore fidèle à
ses principes, refusa l’offre de l’ambassadeur. Ce prétexte était envisagé par les Japonais déjà lors
de l’attaque sur Pearl Harbour14, il y a plus de trois ans. Ce fut ce prétexte, le refus de l’amiralgouverneur de donner son accord au plan japonais de défense commune, qui justifia le coup de
force qui ensuivit.
Conditions contemporaines et action internationale pertinente
Voici la division du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient (CEFEO) lors
du coup de force :
-
Le Corps Léger d’Intervention (CLI), une unité de 500 commandos blancs
rassemblés à Djidjelli en Algérie sous le colonel Huard
-
Une brigade de 3 900 hommes colorés en Madagascar, armée par les Anglais
-
La 9e Division d’Infanterie Coloniale (DIC), aussi connue sous le nom du 1re
Division d’Infanterie Coloniale en Extrême-Orient (1re DICEO), comprenant des
hommes blancs et armés, modelé après les Marines américains
-
La 3e DIC, la deuxième division coloniale assignée à la défense de l’Indochine (2e
DICEO), comprenant des hommes noirs pas encore armés, modelé après l’armée
britannique15
-
12 000 militaires stationnés en Indochine, y compris les membres du 9e Régiment
d’Infanterie Coloniale (RIC), du 19e RIC et du 5e Étranger16
L’opération Meigo Sakusen (« Clair de lune ») a pris les Français complètement par
surprise. La plupart des membres du corps expéditionnaire envoyé par le général de Gaulle
dinent dans leurs maisons, ne soupçonnant rien pendant que les premiers camions japonais
sillonnent les rues et les premiers bombardements ont lieu. Voilà la contradiction : malgré leur
14
Ibid, 271.
15
Michel Bodin, La France et ses soldats, Indochine, 1945-1954 (Paris : Éditions L’Harmattan, 1991), 13-14.
16
Pierre Montagnon, La France coloniale (tome 2) : Retour à l’Hexagone (Paris : Éditions Pygmalion/Gérard
Watelet, 1990), 115.
8
préparation pour une insurrection, suscitée par le groupement suspicieux de troupes japonaises,
les Français sont tout de même pris au piège par le coup de force.
Decoux, maintenant ex-gouverneur de l’Indochine, et les autres notables au Palais
Norodom sont évidemment faits prisonniers. Les officiers de Marine française sont aussi
incarcérés au Palais, où les conditions sont parmi les meilleurs des bagnes japonais17. La Banque
de l’Indochine est déjà sous l’égide japonaise, car le directeur général de cet établissement est
arrêté à 19 h 10, avant même que Matsumoto puisse confirmer le refus de Decoux de se
soumettre aux conditions de l’aide-mémoire18. Les soldats et officiers qui évitent la première
vague d’attaques inventent des noms de code pour le coup de force qui indiquent à quel point la
situation est bouleversante en la comparant avec des massacres antérieurs : « Port-Arthur », lieu
d’un massacre des Chinois par les Japonais en 1894 et « Saint-Barthélemy », le déclenchement
fameux des guerres catholiques-protestantes le jour de Saint-Barthélemy en 157219.
Decoux est l’un des chanceux qui est simplement emprisonné le 9 mars. Le général
Mordant est également capturé lorsqu’il il tente vainement de fuir le pays. Plusieurs des autres
officiers n’auront pas la même chance et seront assassinés. Il suffit de dire que l’armée coloniale
est littéralement décapitée. Le colonel Robert mène une résistance courageuse derrière les murs
de Langson, après quoi il est invité à dîner chez des officiers japonais. Ce diner se termine avec sa
mort dans une grotte, la tête tranchée. Cette mort violente et indigne s’approche du sort d’autres
soldats français, dont le capitaine Annosse qui ne réussit pas à défendre le fort de Dong Dang.
Celui-ci fut dévêtu et décapité d’une telle manière que son corps tomba directement dans une
fosse. Ses troupes furent également tuées, ainsi que le maître de poste et deux femmes qui
soignaient les blessés. Le soldat Cron fut le seule survivant, le coup de sabre l’ayant seulement
effleuré20. Environ 5 000 soldats espèrent gagner la frontière avec la Chine afin de s’échapper de
ces massacres et persécutions21. Les épreuves des survivants ne finissent pas avec la capture et la
détention. Tandis que les officiels et la plupart des officiers sont réunis à l’immeuble Norodom,
17
Jacques Michel, La Marine française en Indochine 1939 – 1955, Tome 1: Septembre 1939-Août 1945 (Paris :
Marine Nationale, 1991), 149.
18
Ibid, 270.
19
Franchini, Les guerres d’Indochine, 186.
20
Cadeau, 92.
21
Franchini, 187.
9
où ils sont traités d’une manière plus ou mois civile, les soldats et marins éprouvent d’atroces
atroces dans les cages de la Kampetaï à Hanoï et à Saigon22
La résistance est déterminée, mais bien trop dispersée pour qu’on puisse espérer une
victoire française. La garnison à Vinh et le commandement stationné sur le fleuve Rouge sont
deux compagnies notables qui n’ont pas encore capitulé. Le seul des chefs militaires à échapper à
la détention ou à l’exécution est le général Henri Sabattier. En l’absence de Mordant, il est
nommé délégué général.
Bien sur, tous les titres du monde ne peuvent cacher le simple fait que la France n’est plus
maîtresse de la région. Les Japonais tiennent à leur parole et font en sorte que leur rêve de
panasiatisme se concrétise avec la libération des pays de l’Indochine du joug français. L’Annam
proclame son indépendance le 11 mars, suivi par le Cambodge le 13 mars. Bao Dai, bien que
dirigeant fantoche, s’aperçoit qu’il est surveillé par des gardes du corps japonais et comprend
que, malgré leurs affirmation du contraire, le Japon soi-disant libérateur souhaite réellement
imposer son propre régime. Cependant, Bao Dai est l’empereur qui va officiellement présider lors
du moment attendu de l’indépendance vietnamienne. « En toute connaissance de cause », il écrit
dans son journal, « je prends ma décision : il faut saisir l’occasion tout en essayant de réduire au
minimum les exigences japonaises »23. La position qu’il adopte publiquement ne laisse pourtant
aucune indication qu’il résiste aux Japonais : « Pour beaucoup de Vietnamiens, surtout dans
l’élite, qu’importe que la maison soit belle si l’étranger y règne en maître. Retrouver
l’indépendance et l’unité du pays devient l’aspiration commune de tous ».
Le général Yuichi Tsuchihashi est alors désigné comme nouveau gouverneur général.. En
fait, la structure intégrale du gouvernement colonial de l’Indochine française est maintenue, avec
la majorité des postes occupés maintenant par des Japonais. La population ne tarde pas à
s’inquiéter que leur libération supposée ne soit pas en réalité une nouvelle forme de domination.
La force occupante japonaise tente de s’éloigner de ces soupçons avec une quantité de
propagande antifrançaise. Au même moment, le roi Sisavang Vong de Laos reste méfiant envers
le Japon. Il est le seul des trois chefs d’États à encore soutenir le protectorat français, mais sa
victoire semble de plus en plus incertaine.
22
Michel, 149.
23
Cadeau, 101.
10
La France ne peut pas compter sur l’aide directe des autres Alliés. Le mois dernier, en
février 1945, le président Américain Franklin Delano Roosevelt a détaillé la politique des ÉtatsUnis en ce qui concerne les aspirations coloniales françaises. Le Bureau des services stratégiques
(Office of Strategic Services) mène des missions subversives en Indochine, mais les intérêts de la
France dans la région ne sont nullement soutenus par le politique anti-impérialiste des ÉtatsUnis. Les Américains sont uniquement intéressés par la défaite du Japon. Le Projet Manhattan
est dédié à s’assurer que cette défaite a bien lieu.
En ce qui concerne les agissements des groupes nationalistes en Indochine, le VNQDD,
auparavant un parti plutôt ineffectif, se prépare à une révolution. Leur chef, Ho Chi Minh, a
commencé les préparatifs du Comité central le 10 mars, au lendemain du coup de force. La
famine de l’hiver persiste. La récolte semestrielle va avoir lieu en mai, mais c’est impossible pour
les fermiers de se rattraper24. Les Indochinois vont continuer à mourir. Des rumeurs existent qu’il
y a un complot parmi les révolutionnaires pour cambrioler les entrepôts, afin d’éviter la
continuation de la souffrance générale. Les guérillas vietnamiennes trouvent de plus en plus de
soutiens populaires chaque jour, tandis que les soldats français abandonnés à la jungle ont besoin
d’aide de la population. Leurs nombres diminuent à chaque jour. Du total de 12 000 il en reste
seulement 2 700 militaires français libres, avec un soutien de 3 200 Vietnamiens. On estime que
le bilan des morts pour les Européens est à 2 119, dont 199 officiers, 598 sous-officiers et 1 322
hommes de troupe25. Ils dépendent de ce comité pour les sortir du danger.
Analyse et devoir du comité
Les membres de ce comité de crise doivent essayer de réintégrer les pays de l’Union
indochinoise et de les soumettre encore une fois à l’autorité française. Le Japon est la seule
puissance de l’Axe qui est encore une menace sérieuse. La prise effective de l’Indochine est un
part majeure du plan japonais d’établir une sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. Le
Japon sera, bien entendu, le chef d’une telle tentative. Il faut absolument apaiser les tensions avec
le Japon tant que cela est possible.
Les négociations sont primordiales parce que ce qui reste des forces françaises stationnés
en Indochine n’ont que peu de chance d’éviter d’être capturés. Ils ne sont que trop peu
24
Gunn, Rice Wars, 233.
25
Montagnon, 125.
11
nombreux et trop dispersés pour porter un coup décisif à l’administration coloniale, maintenant
occupée par les Japonais. Les prisonniers les plus valables sont l’amiral Decoux et le général
Mordant, emprisonnés à Saigon. Il faut les libérer aussitôt que possible, afin qu’ils puissent
poursuivre leurs obligations envers la France et ce comité. Les autres fonctionnaires et soldats
français sont dans emprisonnés dans des conditions aussi terribles que celles des bagnes nazis26.
Les Japonais ne sont pas les seuls belligérants. Des partis nationalistes indochinois se
révèlent également. Celui qui a le plus d’autorité est le VNQDD, dirigé par le polymathe
itinérant Ho Chi Minh. De plus, les Thaïs pourront s’impliquer dans le conflit et décider de
lutter contre les Français une nouvelle fois. Les Japonais font de leur mieux pour créer une
atmosphère xénophobe afin d’opposer l’homme « Blanc » contre l’homme « Jaune ». Il faut
veiller à ce que leurs volontés d’une sphère pan-asiatique ne se réalisent pas.
Une autre question pressante est celle du support international. Les Américains et les
Chinois se méfient ouvertement des intérêts coloniaux de la France. Il faut user de leurs
ressources et de leurs informations tout en s’assurant qu’ils ne se rendent pas compte que ce
comité planifie la reconquête de l’Indochine.
Problèmes à être résolus
Prisonniers de guerre
•
Libérer l’amiral Decoux et le général Mordant afin qu’ils puissent regagner la France et
joindre ce comité
•
Juger l’amiral Decoux pour son incapacité à tenir l’Indochine de la meilleure façon
possible
•
Déterminer la meilleure façon de libérer les autres fonctionnaires, soldats et autres colons
français des prisons
La défaite des Japonais
•
Espionner les centres d’administration afin d’apprendre les points faibles du front
japonais
•
Collaborer avec nos alliés Américains pour forcer la capitulation des Japonais et permettre
à la guerre de se terminer
26
LeGrand, 282.
12
•
Ouvrir des négociations pour favoriser la paix avec les Japonais sans toutefois leur donner
l’Indochine intégralement
Partis nationalistes
•
Adresser les demandes de Ho Chi Minh et du VNQDD, sans toutefois laisser leurs
espoirs aller au-delà des besoins et des buts de ce comité
•
Demeurer vigilant afin de prévenir une révolution nationaliste quelconque
•
Garder un œil sur les partis nationalistes plus mineurs ; il est possible que le VNQDD les
réunisse afin de renforcer ses rangs
Support international
•
Fortifier les liens entre la France et la Chine afin de préserver un allié essentiel contre le
Japon
•
Demander aux autres Alliés d’apporter de l’aide militaire et diplomatique à la France
•
Maintenir l’illusion que ce comité n’a aucun intérêt à rétablir la prééminence française en
Indochine et que nous ne souhaitons rien de plus que la défaite et l’expulsion du Japon
Points de considération
1. Quelle est l’importance des Français qu’on torture en ce moment dans les prisons
japonaises? Quelles ressources pourrions-nous échanger avec l’ennemi afin de garder nos
compatriotes en vie?
2. L’amiral Decoux a collaboré avec le régime Vichy et n’a pas réussi à garder l’Indochine
sous l’égide française. Son procès est en ce moment en préparation. Quelle mérite-t-il
pour ses actions? Mérite-t-il réellement une punition quelconque? Que veut dire sa forme
de loyauté à l’autorité officielle?
3. Maintenant que les Indochinois – autrement dit, les Vietnamiens – ont connu la liberté,
comment les convaincre que l’autorité française doit être réinstallée? Est-ce que la France
doit seulement assumer le pouvoir pendant une courte période, afin de superviser un
processus d’indépendance qui évitera l’anarchie?
4. Quelle est la meilleure réponse quant aux pays de l’Union indochinoise qui ont rejeté le
joug français aussitôt qu’ils le pouvaient? Comment répondre à la loyauté démontrée par
le Laos?
13
5. Est-il possible de cacher les buts impérialistes de la France à nos alliés? Est-ce désirable?
Comment aider les Américains et les Chinois à vaincre le Japon sans leur donner la
commande de la situation en Indochine?
Conclusion
Ce comité n’a ni des tâches simples ni des solutions évidentes. Au contraire, les
représentants de la France font face à un empire qui s’effondre, à un ennemi extrêmement
puissant et à des alliés indifférents. La Seconde Guerre mondiale n’est pas encore terminée. Le
comité doit répondre à un grand nombre de questions importantes, aux implications éthiques.
Les réponses qui seront données par ses membres auront des conséquences à la fois globales et
historiques. Dans un moment décisif du XXe siècle, le Gouvernement provisoire doit assurer son
autorité à l’échelle globale.
Abréviations et acronymes
CFLN
CLI
DGER
DI
DIC
DICEO
FEFEO
GPRF
OSS
RIC
VNQDD
Comité français de libération nationale
Corps léger d’intervention
Direction générale des études et recherches
Division d’infanterie
Division d’infanterie coloniale
Division d’infanterie coloniale en Extrême-Orient
Forces expéditionnaires d’Extrême-Orient
Gouvernement provisoire de la République française
Office of Strategic Services (Bureau des services stratégiques)
Régiment d’infanterie coloniale
Viêt-Nam Quoc Dan Dang
Ressources additionnelles
Les chroniques et journaux écrits par les personnages historiques permettront de mieux
comprendre les rôles dans ce comité. De la barre à l’Indochine par Jean Decoux et Au service de la
France en Indochine par Eugène Mordant sont particulièrement intéressants pour comprendre la
rivalité entre ces deux hommes. En ce qui concerne les ressources secondaires, Philippe Franchini
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a écrit plusieurs œuvres sur la guerre d’Indochine, les causes du conflit et les erreurs qui ont
caractérisé le conflit.
En conclusion, il est important de souligner que beaucoup des sources primaires et
secondaires traitant du conflit en Indochine utilisent le surnom « Nippon » pour parler des
Japonais. Celui-ci est considéré comme un péjoratif ethnique et il ne sera pas acceptable de
l’employer au sein du comité.
Rôles
François de Langlade : Secrétaire général du Comité interministériel de l’Indochine,
délégué politique du général de Gaulle
Le représentant du général de Gaulle. Il a donné au général Sabatier sa nouvelle
assignation en Indochine. Il a aussi de l’expérience en matière de guerre politique. Le 21
février, De Gaulle l’a nommé Secrétaire général du Cominindo, le bureau ayant pour
mission de réoccuper de l’Indochine et de centraliser toutes les affaires de la région sous
l’autorité du Président. De Langlade est à ce jour l’homme le mieux informé sur les
affaires indochinoises.
Gabriel Sabattier, commandant supérieur des troupes françaises en Chine, délégué
général
Un des seuls généraux stationnés en Indochine qui a échappé aux soulèvements qui ont
suivis le coup de force du 9 mars. Langlade l’a nommé délégué général en remplacement
de Mordant, qui est emprisonné.
Philippe Leclerc de Hautecloque, commandant en chef du Corps expéditionnaire
français en Extrême-Orient
Un militaire qui s’est distingué parmi les Forces françaises libres sous de Gaulle. Ce
dernier lui a récemment confié la commande des Forces expéditionnaires d’ExtrêmeOrient, qui seront envoyées en Indochine pour combattre l’ennemi japonais quand leur
entrainement sera terminé.
15
Thierry d’Argenlieu, Haut-commissaire de France et commandant en chef pour
l’Indochine, vice-amiral
Dernièrement nommé vice-amiral, on dit que de Gaulle pense à lui pour le poste de
Haut-commissaire de France, avec la mission de rétablir l’ordre si le comité réussit à
expulser les Japonais. Anciennement moine Carmélite, très catholique, d’Argenlieu est
aussi ambitieux en ce qui concerne sa carrière politique. Il favorise une fédération
indochinoise avec pour centre la Cochinchine. De Langlade n’a pas confiance en
d’Argenlieu.
Roger Blaizot, chef de la mission militaire française en Extrême-Orient, commandant
désigné des forces expéditionnaires françaises opérant dans le théâtre S.E.A.C., général
Anciennement commandant en chef du Corps expéditionnaire français en ExtrêmeOrient, Blaizot est désormais l’attaché de la Force 136 de la Direction des opérations
spéciales britannique. La Force 136 collabore avec Blaizot et sa cinquantaine de troupes
afin de fomenter la résistance des locaux envers les Japonais. Blaizot est conscient du fait
que les Britanniques sont complètement opposés aux initiatives françaises de reconstruire
leurs possessions coloniales.
Ernest King, commandant en chef de la flotte des États-Unis d’Amérique, agent
d’exécution des C.C.S., amiral
L’amiral King est le seul personne ayant l’autorité de prendre les décisions concernant la
disposition et les actions de la Marine française.
Jean Sainteny, diplomate
Le troisième représentant diplomatique participant à ce comité. Sainteny est un
Compagnon de la Libération, c’est notamment lui qui a apporté au général Patton des
renseignements essentiels à la libération de Paris. Il est chargé de collecter des
rensignements et de coordonner la résistance des Indochinois contre les Japonais.
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Paul Mus, lieutenant des Forces françaises libres, diplomate
Mus fait partie de ce comité grâce à ses pouvoirs intellectuels et sa connaissance
approfondie de la culture asiatique. Il est un colon humaniste qui s’est rendu compte du
pouvoir du nationalisme vietnamien lors de son évasion de Hanoi suivant le coup de
force. Il est particulièrement sensible au danger posé par les partis nationalistes, ainsi qu’à
la validité de leurs propos. Mus est un universitaire interdisciplinaire ainsi qu’un vétéran
de la guerre psychologique menée contre les Japonais en Indochine.
André Diethelm, Ministre de la Guerre
Maintenant ministre de la Guerre, Diethelm est depuis longtemps familier avec
l’Indochine. Après avoir servi dans la Grande Guerre, il passe le concours de l’Inspection
de Finances, se chargeant ainsi des finances de l’Indochine depuis 1929 à 1933. Il
conserve son regard sur les colonies en 1938, quand il obtient le poste de chef de cabinet
de Georges Mandel. Il est resté fidèle à de Gaulle depuis l’armistice entre la France et
l’Allemagne. La général lui a alors confié la tête de plusieurs de ses ministères, jusqu’au
poste de Ministre de la Guerre qu’il occupe maintenant.
Jacques Soustelle, chef des services de renseignement
Le chef des services de renseignement réunis il y a quelque mois sous la Direction
générale des services spéciaux. L’obtention de ce poste résulte de son dévouement comme
Commissaire à l’information de la France Libre depuis plusieurs années. Il avait
notamment comme mission la direction de la Presse, y compris l’émission Honneur et
Patrie. Il a de l’expérience en ce qui concerne la fusion de deux systèmes contradictoires,
après ses efforts à Alger de combiner les services de renseignement de ce pays et les
services français.
Georges Bidault, Ministre des Affaires étrangères
Ministre des Affaires étrangères depuis la formation du gouvernement provisoire. Il ne se
sent pas concerné par la crise Indochinoise en tant que Ministre des Affaires étrangères,
mais également de façon personnelle. Sa femme a vécu en Indochine et le frère de cette
dernière y est militaire. Bidault est responsable de la création du Mouvement républicain
populaire.
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Paul Giacobbi, Ministre des Colonies
Ministre des Colonies dès novembre 1944. Anciennement un sénateur et ministre de la
Corse, son île natale. Il a assisté à la libération de l’île, ce lieu devenant le premier en
France regagné par la Résistance.
Bibliographie
Bodin, Michel. La France et ses soldats, Indochine, 1945-1954. Paris : Éditions L’Harmattan,
1991.
Cadeau, Ivan. La guerre d’Indochine : de l’Indochine française aux adieux à Saigon, 1940-1956.
Paris : Éditions Tallandier, 2015.
Chennault, Claire Lee. Way of a Fighter: The Memoirs of Claire Lee Chennault. Ed. Robert Hotz.
Toronto: Thomas Allen, Ltd., 1949.
D’Argenlieu, Thierry. Chronique d’Indochine, 1945-1947. Paris : Éditions Albin Michel, S.A.,
1985.
De Gaulle, Charles. Mémoires de guerre. Paris : Plon, 1994.
Franchini, Philippe. Les guerres d’Indochine. Paris : Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1988.
---. Les mensonges de la guerre d’Indochine. Paris : Société Nouvelle Firmin-Didot, 2005.
Gunn, Geoffrey C. Rice Wars in Colonial Vietnam: The Great Famine and the Viet Minh Road to
Power. Plymouth: Rowman & Littlefield, 2014.
Grandmaison, Olivier Le Cour. « Violences symboliques et discriminations raciales dans l’empire
français. » Historical Reflections 36.2 (été 2010) : 24-38.
Legrand, Julien-Joseph. L’Indochine à l’heure japonaise : La vérité sur le coup de force, la résistance
en Nouvelle-Calédonie. Cannes : Imprimerie Aegitna, 1963.
Michel, Jacques. La Marine française en Indochine 1939 – 1955, Tome 1: Septembre 1939-Août
1945. Paris : Marine Nationale, 1991.
Montagnon, Pierre. La France coloniale (tome 2) : Retour à l’Hexagone. Paris : Éditions
Pygmalion/Gérard Watelet, 1990.
Quatrepoint, Pierre. L’aveuglement: De Gaulle face à l’Indochine. Paris : Éditions Remi Perrin,
2003.
Rignac, Paul. La guerre d’Indochine en questions. Paris : Indo Éditions, 2009.
Thíon, Serge. « La question agraire en Indochine. » Cahiers Internationaux de Sociologie 54
(1973) : 31-60.
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