S P E C I A L I Z E D A G E N C I E S
U N N O U V E A U D É P A R T :
L'INDOCHINE DANS
L'EMPIRE FRANÇAISE
1945
Introduction
Le coup de force japonais du 9 mars 1945 a pris tous les colons français de l’Indochine
par surprise. Les administrateurs de la colonie ainsi que les militaires sont alors internés dans des
camps qui sont pour la plupart aussi terribles voire pires que les camps de concentrations des
Nazis. Les différents acteurs de l’Indochine française ont pris l’opportunité fournie par leurs
« libérateurs » japonais de se déclarer indépendants de l’autorité française. L’Annam et le
Cambodge ont déclaré leur indépendance de l’Empire français. Les habitants de ces régions ont
ajouté à la souffrance des colons français en les persécutant dans les rues.
En un mot, la situation est caractérisée par le chaos. L’Indochine ne possède pas de
gouvernement solide et structuré à la suite du coup de force. Bao Dai, l’Empereur de Vietnam,
est méprisé par le peuple et manque de vision politique. Les Forces françaises libres et les
communistes indochinois mènent la guérilla dans les jungles, mais tous ces belligérants sont
désorganisés. Les Français en particulier, quant ils ne sont pas emprisonnés, sont dispersés à
travers le territoire, craignant d’être dénoncés comme alliés du régime de Vichy et arrêtés.
Le mépris international de l’Empire français colonial et de l’administration de Vichy
réduit la facilité qu’auront les membres de ce comité à trouver de l’aide de la part des autres
Alliés. Il faut absolument porter secours aux colons français de l’Indochine et réassurer la
primauté de la France dans la région. Un bref survol de l’histoire de la colonie est avisé afin de
mieux répondre aux enjeux présents.
Survol historique
L’Indochine consiste réellement de cinq territoires réunis sous le dominion de l’Empire
français colonial. Le Tonkin, l’Annam, le Laos et le Cambodge sont des protectorats, tandis que
seulement la Cochinchine obtient officiellement le statut de colonie française. La présence
française dans le territoire qui est maintenant appelé l’Indochine remonte au XVIIe siècle, lors
des escapades de missionnaires Jésuites cherchant à convertir les autochtones. Les interventions
étrangères de la part des Français furent pour quelque temps motivées par la religion : en 1787,
Monseigneur Pigneau de Béhaine fut à l’origine de la signature du premier accord entre la France
et l’Annam lors du lutte entre le jeune empereur Nguyen Anh et les trois frères Tay Son. Les Tay
Son étaient des ennemis du christianisme et une présence armée française dans la région
renforçait l’influence chrétienne en Orient1.
1 Ivan Cadeau, La guerre d’Indochine : de l’Indochine française aux adieux à Saigon, 1940-1956 (Paris :
2
Malgré l’aide française, l’empereur Nguyen tenta de résister aux forces impérialistes de la
France et du christianisme suite à sa victoire. Pendant soixante-dix ans, les empereurs successifs
de la dynastie Nguyen poursuivirent une politique isolationniste. Les chrétiens étaient persécutés
s’ils étaient découverts dans la région. La situation commença finalement à changer en 1857, lors
du règne de Napoléon III. Ses soutiens catholiques l’encourageaient à réagir de manière punitive
aux persécutions des chrétiens dans les terres de l’empereur Tu Duc. L’établissement d’un port
français sur la côte de l’Annam étendrait l’influence militaire de la France, tandis qu’au niveau
économique, une route pourrait être établie à travers l’Annam jusqu’à la Chine convoitée (les
stratégistes français ignoraient à cette époque que la disposition actuelle des rivières rendrait ce
passage direct impossible).
L’occupation française de « l’Indochine » commença sans que Napoléon III n’ordonne
une telle entreprise. Son ministre des Affaires étrangères et le chef de l’expédition interprétaient
les ordres de l’empereur de négocier une politique de tolérance religieuse chez Tu Duc comme
une forme d’autorisation pour les forces françaises d’envahir la région. Le centre commercial de
Saigon fût pris en février 1859, ce qui marqua le début de la tutelle française. L’organisation de
l’Indochine française durerait jusqu’en 1893, la France changeant de régime, passant du Second
Empire à la IIIe République avant que ce ne soit chose faite. En fin de compte, la disposition des
terres en 1893 était la suivante : la Cochinchine (la seule réelle colonie), l’Annam et le Tonkin
formaient ensemble le pays de Vietnam, tandis que les anciens royaumes du Laos et du
Cambodge étaient tous deux des pays ainsi que des protectorats français. Les trois pays, composés
de quatre protectorats et une colonie, étaient rassemblés sous le nom de l’Indochine française.
Il y eut bien sur dès le début des mouvements de résistance. Les efforts guérilla du Can
Vuong (« Fidélité au roi ») étaient particulièrement troublants pour ces Français qui avaient le
regard sur les affaires d’outre-mer. Cependant, les généraux de l’Empire employaient
intelligemment des politiques de division ethnique ainsi que des actions pour améliorer les
conditions économiques et sanitaires des régions abritant les nationalistes du Can Vuong. Ces
projets étaient liés à ceux du gouverneur Paul Doumer pour créer des ports, des canaux et des
chemins de fer digne de sa vision pour les possessions de l’Empire. Les guérillas furent enfin
soumises au pouvoir français en 1902.
Les projets sociaux de la IIIe République coïncidaient avec un essor industriel. Les
autochtones de l’Union indochinoise (appelées les « Indochinois » par les Français,), étaient alors
cooptés afin de former une classe ouvrière. Un grand nombre d’Indochinois devinrent mineurs et
3
ouvriers dans des plantations les conditions étaient souvent très difficiles. Les hommes en
particulier étaient encouragés à se maintenir en forme afin qu’il n’y ait pas de manque d’ouvriers
forts. Toutefois, ils étaient pour la plupart mal payés. Comme dans les pays européens au cours
du XXe siècle, la classe ouvrière de l’Indochine montrait son mécontentement au travers de
manifestations et de grèves.
Le riz était le produit le plus profitable pour les fonctionnaires Indochinois et les Français
gouvernants. Les administrateurs avaient pour priorité l’augmentation continue de la production,
permise par la conquête de terres vierges sur lesquelles les colons Blancs construisaient des
plantations. Il faut comprendre que le but officiel était d’accroître la richesse2. Les revenus des
colonies, y compris l’Indochine, devenaient indispensables durant la période de l’entre deux
guerres, lorsque l’Occident était plongé dans une crise économique importante. Cela parait
évident lorsqu’on observe l’Exposition coloniale internationale de 1931, qui montrait les produits
les plus précieux provenant des possessions orientales. Ce fut lors de l’inauguration de
l’événement que le ministre des Colonies déclara: « Il faut que chacun de nous se sente le citoyen
de la plus grande France, celle des cinq parties du monde! »3
Mais malgré la vie luxueuse d’une poignée de riches Français, les tensions escaladaient au
Vietnam, le sentiment anti-Blanc se propageait visiblement. L’Exposition coloniale
dissimulait l’outrage qui avait eu lieu quelques mois plus tôt au Nord-Annam. C’est à cette
époque que le parti nationaliste du Viêt-Nam Quoc Dan Dang (VNQDD) commençait à incité
au soulèvement contre le joug colonial. La tentative indisciplinée de ce parti de mener une
manifestation générale fut un échec pour ceux qui y participèrent, la réaction de la France
conduisant à la mort de 1 000 à 4 000 personnes, tandis que des milliers furent emprisonnés4.
Cependant, il ne s’agissait pas de l’élimination totale de la révolution en Indochine. En 1944,
l’intelligence française déterminera la présence de 4 000 à 5 000 révolutionnaires basés dans la
région de Yunnan5.
Le communisme représentait une solution propice pour l’intelligentsia vietnamienne qui
cherchait à rompre les liens avec la France. C’est en 1930 que fut créé le Parti communiste
2 Serge Thíon, « La question agraire en Indochine, » Cahiers Internationaux de Sociologie 54 (1973) : 42.
3 Philippe Franchini, Les guerres d’Indochine (Paris : Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1988), 138.
4 Cadeau, La guerre d’Indochine, 41.
5 Geoffrey C. Gunn, Rice Wars in Colonial Vietnam: The Great Famine and the Viet Minh Road to Power
(Plymouth: Rowman & Littlefield, 2014),170.
4
vietnamien, que les Vietnamiens renommèrent Parti communiste indochinois sous la direction
de Komintern. Ce parti était composé de diverses fractions communistes, réunis par Nguyen Ai
Quoc pour une cause commune. Des soviets furent fondés autour du centre de dissension au
Nord-Annam, émulant de sociétés similaires modelées par Lénine et ses contemporains. Ces
tentatives communistes rencontraient un égard chaleureux parmi les intellectuels français,
plusieurs desquels étaient aussi séduits par le communisme qui selon eux était un remède aux
défauts du colonialisme capitaliste.
En 1932, l’administration commença un projet dite de « rajeunissement » quand
l’empereur dynastique Bao Dai prit ses fonctions impériales. Vinh Thuy, celui-ci passa son
adolescence en Europe, il devint un playboy renommé. Les bureaucrates français espéraient
que le nouvel empereur, mêlant les influences de l’Occident et l’Orient, plairait aux Indochinois.
Au contraire, sa réputation et son incapacité à gérer la situation réelle furent à l’origine d’une
certaine méfiance. Malgré son inaptitude politique, il était sensiblement préservé comme un
fantoche par les Français afin de conserver les rites vietnamiens et rendre les indigènes plus
complaisants6.
Avant l’intervention des japonais, la France avait sous sa tutelle un territoire prospère
peuplé par des fermiers et des ouvriers pauvres, dont l’industrie et la technologie avaient été
sensiblement améliorées pour contribuer aux fins capitalistes de l’Empire. Ce n’est alors
aucunement surprenant que les Indochinois célébrèrent la conquête de la France par l’Allemagne
nazie. Leur indépendance ne dura pas, non seulement a cause de l’administration coloniale
encore présente mais également à cause de l’intervention immédiate du Japon.
Le Japon, pays jusqu’alors isolationniste, développa au début du XXe siècle des ambitions
coloniales. La guerre russo-japonaise de 1904-5, terminant avec une victoire japonaise, inquiéta
les puissances européennes, car le Japon était une puissance dont les buts paraissaient incertains. .
Afin de se rapprocher amicalement de ce nouveau pouvoir, la France chercha à prêter de l’aide au
Japon quant aux possessions que ce dernier se disputait avec la Chine. Ce fut résolu le 10 juin
1907 avec la signature d’un traité franco-japonais obligeant le Japon à respecter les frontières de
l’Indochine française tout en le laissant poursuivre son occupation de la péninsule coréenne.
Toutefois, le Japon passa rapidement à l’annexion lors de la Première Guerre mondiale,
quand les puissances mondiales étaient autrement occupées. Les possessions allemandes dans
6 Paul Rignac, La guerre d’Indochine en questions (Paris : Indo Éditions, 2009), 43-7.
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