CIRAC, juin 2013 2
banque centrale par rapport au pouvoir politique, a été souhaitée par les Américains dès 1948
pour empêcher tout risque de guerre. En dernier lieu, la prévention du risque de change a con-
nu deux grandes phases. De 1948 à 1972, le deutsche mark est indexé sur le dollar (lui-même
indexé sur l’or) dans le cadre du système monétaire de Bretton Woods. Cette période se carac-
térise par une tendance à l’appréciation de la monnaie ouest-allemande. À partir de 1973, le
taux de change devient flexible et des objectifs en termes de masse monétaire sont fixés. Le
deutsche mark intègre le Serpent monétaire européen, remplacé en 1979 par le Système mo-
nétaire européen (qui a subi quelques crises avant l’introduction de l’euro).
Se pose désormais la question des écarts de compétitivité qui, au sein du système de monnaie
unique de la zone euro, ne peuvent plus être corrigés par les réajustements de parité. L’Alle-
magne se distingue en effet par l’importance et la spécialisation de son secteur industriel, qui
lui offre un avantage en termes de compétitivité internationale, ainsi que par le niveau de ses
investissements en recherche et développement, proche de celui établi par la stratégie de
Lisbonne en 2000. Le maintien d’un euro pérenne et stable, fondé sur une gestion monétaire
rigoureuse, constitue ainsi pour l’Allemagne une priorité de la politique monétaire commune.
Du côté français, Michel Margairaz, Professeur d’Histoire économique contemporaine à
l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Responsable de la Mission historique de la
Banque de France, a structuré son propos en trois parties, respectivement dédiées aux fonde-
ments de la politique monétaire française entre 1945 et 1960, aux critiques émises contre ce
système et aux mutations culturelles des années 1970 et 1980.
En 1945, la politique monétaire est mise au service de l’effort de modernisation de l’appareil
productif et subordonnée à la politique du crédit, à la fois quantitative et sélective (des taux
d’intérêts privilégiés sont utilisés pour promouvoir certains secteurs économiques priori-
taires). La loi du 2 décembre 1945 nationalise la Banque de France et les quatre grandes
banques de dépôt, créant par ailleurs un Conseil National du Crédit chargé de fixer la poli-
tique du crédit. Le système de promotion inflationniste et de répartition sélective du crédit qui
prévaut alors risque de rigidifier l’économie. Il est remis en cause à plusieurs reprises :
• à la fin des années 1950, par la Commission Rueff-Armand ;
• en 1966-1967, par les mesures Debré-Haberer de libéralisation ;
• en 1969, par le rapport Marjolin-Sadrin-Wormser sur « le marché monétaire et les
conditions du crédit », prônant la politique d’open market.
Le risque d’inflation résultant du choc pétrolier de 1973 va progressivement transformer le
système avec la consolidation de l’encadrement du crédit, le ciblage de la masse monétaire, la
désindexation des salaires sur les prix, les efforts pour alimenter l’économie par les marchés
financiers et la critique de l’hétérogénéité du système financier. Le plan de rigueur de 1983
rend public le changement de priorités : la stabilité monétaire prime désormais sur le soutien à
l’emploi. Les mesures de 1984-1986 viendront ensuite modifier les lois de 1945 et libéraliser
le marché financier.
Pratiques de politique monétaire
En guise d’introduction à sa présentation, Hans-Helmut Kotz, Senior Fellow au Centre d’é-
tudes financières (Université Goethe de Francfort-sur-le-Main), a souligné le rôle central
des relations franco-allemandes dans l’Union européenne et la création de la monnaie unique.
L’Union économique et monétaire (UEM) fait l’objet d’une restructuration institutionnelle de-
puis 2010 et s’est engagée progressivement, dans le contexte de la crise de la dette souveraine
et de la pression des marchés, sur la voie d’une plus grande européanisation avec le Fonds