LES POLITIQUES SOCIALES EN AFRIQUE FACE A LA MONDIALISATION. Par Professeur Moustapha KASSE Consultation Régionale sur la Dimension sociale de la mondialisation, à ARUSHA du 6 au 7 Février 2003 Chance pour les uns, menace pour les autres, le phénomène de la mondialisation qui, pour beaucoup de monde, semble déterminer désormais l’avenir de la planète suscite de plus en plus de débats passionnés, de controverses savantes et de harangues politiques aussi simplistes que péremptoires. Mais d’abord, de quoi s’agit-il lorsqu’on parle de mondialisation ? A première vue, la mondialisation est présentée comme une nouvelle configuration de l’économie mondiale. Deux faits empruntés à Robert REICH dans son ouvrage « L’économie mondialisée »1 illustrent parfaitement bien cette vision de la globalisation: Le premier fait : L’équipement de Hockey sur glace est conçu en Suède, financé au Canada, assemblé à Cleaveland et distribué en Europe et en Amérique du Nord. Le deuxième fait : Un microprocesseur est conçu en Californie et financé en Allemagne, il contient des mémoires à accès aléatoire fabriquée en Corée du Sud. Voilà pourquoi, à l’origine, la mondialisation était essentiellement perçue comme un fait économique et financier qui indiquait la suppression progressive de barrières douanières et réglementaires pour les entreprises industrielles, commerciales et financières permettant la délocalisation des activités dans l’espace mondial. Les 1 Robert REICH (1993): L’économie mondialisée, collection NH, 336p. 1 multinationales se trouvent ainsi au cœur d’un processus productif mondial commandé par l’exploitation des dotations factorielles naturelles des pays. Aujourd’hui, le phénomène s’est élargi et touche à la fois les domaines culturel, social et politique, conduisant à une série d’interrogations. Pourtant, le concept malgré son utilisation quasi universelle fait l’objet de plusieurs compréhensions tant au niveau des chercheurs qu’à celui du public. Le sujet est vaste, complexe, largement débattu, souvent diabolisé au détriment d’analyses robustes avec des statistiques crédibles. Ainsi, comme le note BOYER, «quand des ouvriers d’un abattoir de poulets se mettent en grève pour contester un aménagement de leurs horaires de travail, on décrète qu’ils se battent contre la mondialisation qui impose sa rationalité aux entreprises de ce secteur étroitement dépendant de ses performances à l’exportation. Tel gouvernement choisit de renoncer à exercer ses prérogatives pour s’aligner sur les positions des lobbies favorables au tout-déréglementation, il se justifie en se fondant sur les nouvelles exigences de la mondialisation2 ». Bien que les termes même de "mondialisation", "globalisation", "internationalisation" soient à la fois flous et empreints d’ambiguïté, chacun pense que leurs conséquences (sans pouvoir les cerner précision) sont importantes. Pour certains auteurs, nous entrons dans l'ère de la mondialisation à partir du moment où un pourcentage significatif du PIB de la nation est réalisé avec l'extérieur alors que pour d'autres, ce pourcentage est moins significatif que la «dépendance » ou «l’indépendance» de la nation vis-à-vis de décisions prises par des acteurs de l'étranger : firmes ou Etats compte tenu du caractère de "price taker" ou de "price maker" que détiennent ces acteurs sur le marché mondial. Pour d'autres enfin, la mondialisation exprime l’ensemble des mécanismes qui contribuent à leur ruine par le biais des mécanismes connus de l’échange inégal caractéristique des distorsions dans le processus de formation des marchés internationaux et de 2 R. Boyer et al : Mondialisation au-delà des mythes, Edit. La Découverte,1997, 174p. 2 distribution des revenus. Les deux phénomènes sont intimement liés. Pourtant, malgré sa forte présence dans plusieurs secteurs et plusieurs régions du globe, la mondialisation n’est pas encore universelle. Au contraire, une de ses particularités marquantes est qu’elle est asymétrique et non homogène, dans la mesure où toutes les activités économiques, financières comme culturelles ne se mondialisent ni au même rythme ni de la même manière. Certaines, telles que la finance et les entreprises sont mondialisées depuis des siècles, alors que d’autres, comme la collaboration institutionnelle, l’équité sociale, et l’action des gouvernements restent, encore fortement chevillées dans des frontières géographiques nationales dont elles portent les marques. C’est bel et bien une mondialisation à plusieurs vitesses entraînant des chocs asymétriques. Cette mondialisation polyforme peut-elle contribuer positivement à la croissance économique de l’Afrique sub-saharienne, au développement de l’emploi et à l’éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités ? Offrir-t-elle les mêmes chances et les mêmes avantages à tous les partenaires ou participants? Quel sort réserve-t-elle aux Etats particulièrement dans les pays ou les acteurs sont fragiles et débiles et ont alors besoin de la puissance publique ? Quelles sont ses conséquences directes et indirectes sur les différents partenaires singulièrement les plus faibles d’entre eux?3 Au plan économique, les caractéristiques essentielles de la mondialisation se manifestent à travers quatre interdépendances révélatrices d’une forte asymétrie à savoir : - l’interdépendance par les marchés qui se traduit par la disparition des frontières géographiques, l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires ; - l’interdépendance par la production se caractérisant par une décomposition internationale des processus productifs qui s’appuie sur un réseau de filiales ou de sous- traitants et le Moustapha KASSE (2003) :De l’UEMOA au NEPAD : le nouveau régionalisme africain, Edt. Nouvelles du Sud, 256p 3 3 nomadisme de segments entiers des appareils de production selon la logique des avantages comparatifs ; - l’interdépendance financière qui procède d’une interconnexion des places financières mondiales fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre grâce à la conjugaison de trois éléments que sont la déréglementation, le décloisonnement des marchés et la désintermédiation ; - l’Interdépendance par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTICs) qui, avec les transports, favorisent la mobilité et la flexibilité des capitaux, des biens, des services et des personnes, Evaluant la mondialisation, M. Beaud4 observe avec raison son caractère fortement contrasté. En effet, jamais le monde n’a disposé d’autant de techniques et n’a produit autant de richesses. Malgré tout jamais l’humanité n’a crée autant d’inégalités et de pauvreté montrant ainsi sa marque socialement duale. Le Produit mondial a connu au cours du siècle une croissance exceptionnelle : en dollars de 1975, il est passé de 580 milliards en 1900 à 25000 milliards au milieu des années 90 ce qui représente en moyenne 4500 dollars per capita.5 Cependant ce tableau idyllique est altéré par une succession de crises graves qui sont autant de périls économiques, financiers et sociaux dont la dernière en date a été la déroute de certains Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie et d’Amérique Latine qui étaient souvent proposés comme modèle de référence pour sorti les PVD du sous-développement. Certaines publications de la Banque mondiale indiquaient que l’Asie était l’avenir du monde. En effet, la globalisation financière s’accompagne de la montée en puissance de la finance spéculative qui rendait de plus en plus instable les équilibres des marchés boursiers et des marchés de changes. En somme, le système financier international complètement déréglementé et décloisonné produit des risques, des incertitudes et des 4 5 M.Beaud : Histoire du capitalisme de 15000 à nos jours, Edt. Seuil, 380p PNUD (1999) : La mondialisation à visage humain, Rapport Mondial sur le Développement Humain 4 dysfonctionnements que les Institutions Financières Internationales n’ont pas pu gérer faute de ressources suffisantes et d’instruments adéquats de régulation. C’est le cas de la crise financière en Asie, au Mexique, au Brésil et en Uruguay. I/ LES INCIDENCES DE LA MONDIALISATION DE PARADOXES ET D’INEGALITES. Les statistiques montrent que le monde est en phase de polarisation, avec un fossé de plus en plus large entre les pays pauvres et les pays riches. Concrètement, le cinquième le plus riche de la population mondiale dispose de plus de 80% des ressources et le cinquième le plus pauvre de 1%. Quelques 2,7 milliards d’individus (sur 6 milliards) vivent avec moins de 2 euros par jour et ils seront environ 4 milliards en 2015. Au cours des trente dernières années, la part des 20% de personnes les plus pauvres dans le revenu mondial est tombée de 2,3% à 1,4%. Dans le même temps, la part des 20% les plus riches passait de 70% à 85%. L’écart de revenu entre les 20% plus riches et les 20% les plus pauvres a ainsi doublé, passant de 30/1 à 6/1. La fortune des 358 milliardaires en dollars que compte la planète est supérieure au revenu annuel cumulé des 45% d’habitants les plus pauvres de la planète. Au cours des trois dernières décennies, la proportion d’individus habitant des pays ayant connu une croissance annuelle de leur revenu supérieure à 5% a plus que doublé (passant de 12 à 27%), mais la proportion de la population mondiale connaissant une croissance négative de ce revenu a plus que triplé, passant de 5% à 18%. Ces inégalités font aujourd’hui l’objet d’intenses controverses particulièrement au niveau du fonctionnement de la mondialisation. Globalement, les inégalités se sont creusées entre les pays et au sein de la plupart d’entre eux. Ainsi, dans les pays opulents d’Europe occidentale, le nombre de pauvres n’a cessé d’augmenter depuis vingt ans. Toutefois, ces inégalités et ces pauvretés excessives deviennent inacceptables et dangereuses car elles constituent le terreau sur 5 lequel se recrutent les terroristes qui menacent les démocraties du monde. L’économie monde analysée du point de vue de son fonctionnement se déroule dans un contexte de paradoxes et d’inégalités. Elle est façonnée selon le Professeur K. VALASKAKISalaskakis par trois dualités sources de très graves conséquences pour l’ensemble des PVD :6 - la fracture sociale entre riches et pauvres ; - le fossé grandissant entre inclus et exclus (chômage structurel) ; - et l’impuissance absolue de l’Etat qui se manifeste dans le fait que les gouvernements, malgré les meilleures intentions du monde, n’arrivent pas à gérer l’interdépendance planétaire. 1°) La première dualité est relative à la fracture sociale entre riches et pauvres. En effet, malgré la «crise» économique en Europe, depuis le milieu des années soixante-dix, on peut constater que les pays de l’OCDE sont trois ou quatre fois plus riches, aujourd’hui qu’à l’époque des Trente Glorieuses (1945-1975) années de forte croissance économique mondiale, à un moment où l’Etat-providence était omniprésent et nullement contesté. De plus et malgré la crise, les statistiques officielles sous-estiment considérablement l’abondance dont les élites bénéficient à présent, car les améliorations qualitatives dans les produits ne sont pas prises en compte. Les biens matériels et les services accumulés au double plan qualitatif comme quantitatif montrent que la crise économique contemporaine est plus une crise d’abondance que de rareté. Dans la grande majorité des secteurs de l’économie mondiale, la surproduction est la caractéristique dominante. Les grands secteurs productifs industriels comme agricoles affichent d’énormes surplus amenant par moment la destruction des excédents agricoles pour peser en 6 K. Valaskakis : Mondialisation et gouvernance, Revue Futurible, Avril 1998 6 hausse sur les processus de formation des prix . Il n’existe plus ni pénurie ni insuffisances alimentaires : si la famine persiste encore dans plusieurs parties du monde, ce n’est pas par manque de denrées alimentaires. Il en va de même pour les matières premières stratégiques comme les métaux et l’énergie qui sont aussi, grosso modo, en situation de surproduction. En établissant un bilan même approximatif de la mondialisation à la fin des années quatre-vingt-dix, on constate clairement que, dans l’ensemble, elle a enrichi environ 30% de l’humanité. Les 70% restant n’ont pas encore été conviés au banquet : ils se trouvent marginalisés et exclus. En définitive si la mondialisation s’est donc avérée une excellente mécanique de la croissance des biens, des services et des revenus ; toutefois, elle se révèle parallèlement comme un très mauvais instrument de redistribution et de partage. La dualité entre l’économie de la famine et celle de l’abondance n’est pourtant pas le résultat d’une conspiration quelconque de la part des nantis. Elle est l’issue normale et non-maîtrisée d’une dynamique de marchés «darwiniste» et discriminatoire, qui privilégie la survie des plus forts, récompense généreusement les gagnants et ne réserve presque rien pour les perdants et les faibles. Avant la mondialisation, la solidarité sociale au sein des pays conférait à l’Etat des fonctions allocatives des ressources qui permettaient non point de corriger mais d’atténuer l’ampleur des inégalités et des menaces de fracture sociale. L’impôt progressif et les politiques de lutte contre la pauvreté mettaient en place des mécanismes de redistribution qui prenaient une partie des bénéfices des gagnants pour les concéder aux perdants. Depuis la mondialisation, ces mécanismes sont sévèrement réduits car toute politique de redistribution pourrait avoir des répercussions négatives sur la compétitivité en augmentant les charges et ferait obstacle à la stratégie des entreprises pour se déployer sur les meilleurs marchés avec bons prix. Ainsi, la politique de redistribution est considérée comme un frein à la mobilité sur le marché mondial en voie de décloisonnement. D’où la tendance au nivellement par le bas des revenus et le renforcement de la 7 dualisation de toutes les sociétés engagées dans le processus de mondialisation entre riches et pauvres. En l’absence de tout système de régulation sociale, les classes inférieures vont voir leur revenu réel baisser substantiellement. 2°) La deuxième dualité entre le travail et le chômage. Cette seconde dualité que l’on associe à la mondialisation est le chômage structurel qui creuse un fossé croissant entre les «inclus», c’est-à-dire ceux qui ont un travail rémunéré et les «exclus». Cependant, pareille dualité ne devrait pas être assimilée à la première sous peine de fausser la problématique. Il faut observer que le marché du travail suscite beaucoup moins de recherche et de réflexion que le marché global des biens et services. Il n’a longtemps concerné que les personnels hautement qualifiés : la fuite des cerveaux et la formation des ressources humaines. Cependant, aujourd’hui, la question de l’impact de la mondialisation sur l’emploi fait l’objet d’une plus grande attention de la part des économistes. Car nous semblons vivre dans des « société de chômage » au Nord comme au Sud. Les Pays de l’OCDE comptent présentement plus de 35 millions de chômeurs. En Afrique, il s’agit d’un véritable chômage de masse qui affecte plus de la moitié de la population active. Dans les pays industrialisés, le débat sur les marchés du travail montre que le chômage n’est pas de récession mais de technologie, c’est-à-dire qu’il n’affecte pas comme l’observe L.Stoleru 7, « ni les salaires dont le niveau continue d’augmenter ni l’économie qui peut voir sa croissance et sa productivité s’améliorer ». C’est pourquoi, paradoxalement, ce chômage structurel qui ébranle ces sociétés développées est un indicateur d’abondance plutôt que rareté. Comme on l’imagine, les bouleversements introduits par les Technologies de l’Information et de la Communication s’étendent aux deux aspects de l’activité humaine : l’homme dans sa vie en société et l’homme dans sa vie au travail. Le chômage est alors le reflet de cette trop forte poussée technologique qui modifie complètement le 7 L ? Stoleru : L’ambition internationale, Edt. Seuil, Paris 1987, 319p. 8 profil des emplois futurs. En effet, « contrairement à une idée qui refait surface périodiquement, notamment dans les périodes de chômage, la machine ne tue pas l’emploi, elle l’oblige à se déplacer et à se recomposer : la productivité rend inutile dans certains emplois dans certains secteurs, C’est cela qui explique toute la complexité des politiques de lutte contre le chômage »8. Globalement et à l’image de la situation mondiale, le développement du chômage en Afrique procède essentiellement de la conjugaison des principaux facteurs qui suivent : - D’abord, la croissance démographique rapide (2,9 % par an en moyenne sur le continent) qui renforce le caractère jeune de la population et livre annuellement sur le marché du travail des dizaines de milliers de nouveaux demandeurs d’emploi ; - Ensuite, la montée des déséquilibres internes et externes qui ont entraîné la mise en œuvre de Politiques d’Ajustement Structurel. Ces PAS se sont d’abord donné comme objectif d’assainir les économies et de restaurer un cercle vertueux de croissance par élimination ou réduction des déficits, compression de la demande, suppression des distorsions pour le fonctionnement des marchés, privatisation et promotion du secteur privé. Même si les modalités des réformes économiques changent considérablement dans le temps, les objectifs sont restés permanents. Au fur et à mesure que des efforts sont accomplis pour mettre en œuvre les programmes, plus apparaissent de façon nette leurs limites, ce qui suscite le besoin de nouvelles réformes plus complexes réputées mieux adaptée. En fait, la succession des programmes établit que l’assainissement ne finit jamais. Ce qui fait dire à Mac Kinnon que «la libéralisation des économies ressemble à la traversée d’un champ de mines ; chaque pas risque d’être le dernier ». Ces politiques ont eu pour corollaire d’importantes pertes d’emploi dans l’ensemble des secteurs d’activités économiques ; - En outre, les gigantesques progrès technologiques. En effet, l’introduction de plus en plus importante des innovations 8 J.B.Foucauld :Une nouvelle donne pour l’emploi, Revue Echanges et Projets, janvier 1994 9 technologiques dans le processus productif est fortement réductrice de main d’œuvre, notamment dans des économies de sous-emploi structurel du facteur travail ; - Et enfin, le double échec des politiques agricoles et des systèmes éducatifs contribue d’une part à l’avènement de jeunes chômeurs urbains issus de l’exode rural et qui s’efforcent de se reconvertir vaille que vaille dans des activités informelles et d’autre part la venue sur le marché de jeunes citadins diplômés ou non en quête d’un emploi pour lequel ils ne possède pas toujours les qualifications professionnelles requises. Dans ce contexte, on est en présence, en Afrique d’un marché de l’emploi avec d’un côté une augmentation rapide de la demande d’emploi émanant essentiellement des jeunes et des femmes et de l’autre une insuffisance sectorielle de l’offre. 3°) La troisième dualité est relative à l’impuissance des acteurs et notamment l’Etat face à la multiplication des risques et à l’absence d’une régulation de la globalisation. Cette troisième dualité de la mondialisation concerne la montée des interdépendances sans augmentation symétrique des moyens pour les gérer. En effet, on peut constater aujourd’hui une multiplicité de risques et d’incertitudes inhérents à l’organisation économique, politique et sociale mondiale. Tout cela s’accompagne d’ d’un déficit évident de régulation qui impose l’urgence d’une mobilisation politique pour redéfinir toutes les institutions de gouvernance et élaborer de nouvelles règles et de nouveaux mécanismes à moins de croire que la main invisible du marché est à même de réaliser tous les équilibres. Dans cette direction trois ordres de questions se posent relativement à l’instauration d’ une gouvernance mondiale : - Quelle devrait être l’architecture institutionnelle de la régulation internationale ? 10 - Comment réformer et gouverner les institutions existantes pour assurer la légitimité des décisions ? - Quels seront les mécanismes de l’arbitrage entre les objectifs et les intérêts? Les réponses sont sans doute multiples et parfois contradictoires mais elles devraient être guidées au moins par deux idées maîtresses : le caractère inopérant des solutions individuelles des Etats et conséquemment la nature plurielle des solutions. Au demeurant, les problèmes soulevés qui sont relatifs à la place des Institutions de Bretton Woods, à leurs orientations, à leurs interventions et à la participation des pays en développement doivent trouver des solutions pertinentes et acceptables par tous les acteurs. Il en va de même des dossiers d’interdépendance planétaire qui exigent des réponses mondiales (plutôt que locales) difficiles à obtenir comme l’environnement, les grandes épidémies comme le Sida ou des phénomènes comme la désertification dont les actions pour les maîtriser ne peuvent être que collectives et universelles pour être efficaces. Ces dernières années, il a été beaucoup question de coiffer les institutions spécialisées par une instance plus politique ou économique (Conseil de Sécurité Economique Mondial) qui serait en mesure de fixer les orientations majeures, d’instituer et de gérer les arbitrages intersectoriels. Il est vrai que ce rôle de surveillance et d’arbitrage est actuellement dévolue au G8 qui a décidé en 1991 de confier au FMI l’assistance aux pays en transition, qui a lancé en 1995 à Halifax les premières réflexions sur la réforme de l’architecture financière mondiale, qui a lancé l’initiative en faveur des pays lourdement endettés, qui a exigé l’ouverture des négociations commerciales multilatérales et qui vient de demander le soutien au Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD). Mais les limites de cette instance des pays les plus riches sont connues : d’une part, elle ne représente qu’une faible part de la population mondiale et d’autre part ses réunions deviennent de plus en plus des événements médiatiques plus riches en images qu’en contenu et enfin elle est trop fortement contesté par la nouvelle 11 citoyenneté internationale ayant pour tribune le Forum de PortoAlegre.9 II/ L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE ENTRE MARGINALISATION, PAUVRETE ET PRECARITE. Les statistiques montrent que le monde est en phase de polarisation, avec un fossé de plus en plus large entre les pays pauvres et les pays riches. Concrètement, le cinquième le plus riche de la population mondiale dispose de plus de 80% des ressources et le cinquième le plus pauvre de 1%. Quelque 2,7 milliards d’individus (sur 6 milliards) vivent avec moins de 2 euros par jour et ils seront environ 4 milliards en 2015. Au cours des trente dernières années, la part des 20% de personnes les plus pauvres dans le revenu mondial est tombée de 2,3% à 1,4% alors même que celle des 20% les plus riches passait de 70% à 85%. L’écart de revenu entre les 20% plus riches et les 20% les plus pauvres a ainsi doublé, passant de 30/1 à 6/1. La fortune des 358 milliardaires en dollars que compte la planète est supérieure au revenu annuel cumulé des 45% d’habitants les plus pauvres de la planète. Quels sont les mécanismes qui ont conduit à la formation de ces fortes inégalités et quelles en sont les conséquences ? Ces questions font aujourd’hui l’objet d’intenses controverses au niveau de l’analyse du développement car ces inégalités et ces pauvretés excessives deviennent inacceptables et dangereuses et constituent le terreau sur lequel se recrutent les terroristes qui menacent les démocraties du monde. 1°) Processus continent. de mondialisation et marginalisation du La participation de l’Afrique à l’économie mondiale a fortement diminué au des cinq dernières décennies aussi bien du point de vue de 9 Moustapha Kassé : Récession mondiale et terrorisme, Journal Info7 du 02 fev.2002 12 son PIB, de ses exportations que des IDE reçus. Selon l’OCDE, la part de l’Afrique dans le PIB mondial mesuré en parité de pouvoir d’achat entre 1950-2000 a baissé d’un tiers alors que sa part dans les exportations a été divisée par 3. Il en va de même pour les investissements directs étrangers comme cela a été établi plus haut. D’un autre côté l’économie mondiale a une assez faible incidence sur la croissance des économies africaines. Cela s’explique d’abord par la base de son système productif composée essentiellement de produits primaires et ensuite par son insertion faible dans des réseaux diversifiés de commercialisation On peut donc dire que les paramètres que pose la mondialisation ignorent le continent. Ni les investissements croisés, ni les échanges internationaux sur la base de la croissance de la production mondiale, ni la globalisation financière, ni les réseaux transnationaux, ni les firmes globales, nulle part on ne trouve une place à l’Afrique. A ces facteurs s’ajoutent d’autres qui sont endogènes et contribuent à la marginalisation du continent. Au titre de ces facteurs on peut citer : - l’absence d’infrastructures adéquates de communication ; l’étroitesse des marchés ; les incertitudes et risques nés des conflits ; la mauvaise qualité des administrations publiques. Les Programmes d’Ajustement Structurel ont tenté d’introduire des réformes ayant pour objectif l’assainissement des économies en vue de la restauration de leur compétitivité extérieure par la réduction des déficits budgétaires, une pression sur les salaires, la suppression des subventions, la privatisation et le dégraissage de la fonction publique. Une fois assainie, les économies devraient amorcer une croissance durable tirée par les IDE et les exportations. En définitive, on s’aperçoit qu’en fait l’assainissement ne finit jamais, les IDE se font attendre, la croissance n’est pas durable et la pauvreté est encore loin d’être éradiquée. 13 2°) La pauvreté de masse et la défaillance des systèmes de protection sociale : les réponses de l’ajustement au DRSP. Le continent africain est la région du monde la plus pauvre, sa production moyenne par habitant à la fin des années 90 est inférieure à ce qu’elle était en 1960, sa part dans le commerce mondial a reculé. Au niveau social, la situation est simplement catastrophique avec 250 millions de personnes qui n’ont pas accès aux service de santé, 140 millions d’analphabètes et 2 millions d’enfants qui meurent chaque année avant leur premier anniversaire. Le continent s’intègre difficilement dans le concert des nations : en marge de l’expansion industrielle mondiale, il risque d’être exclu de la révolution mondiale des technologies de l’information et des télécommunications (Rapports de 1999 et 2001). Le bilan de 10 années de recherche et de lutte contre la pauvreté est fortement contrasté. Les actions de lutte conte la misère et la famine ont donné quelques résultats positifs indéniables avec l’augmentation de la production alimentaire du système périphérique et le recul de la faim. Toutefois, depuis les années 70, le nombre de pauvres augmente au même rythme que la population (Kankwenda,1999) sans que l’on soit à mesure de répondre aux questions fondamentales à savoir : i) Comment mesurer la pauvreté ? ii) Quels sont les groupes les plus vulnérables ? iii) Quelles sont les conditions de vie des pauvres et des très pauvres ? iv) Quelle politique efficace faut-il mettre en œuvre ? Les analyses sur la pauvreté sont marqués par trois visions qui peuvent coexister ou alterner dans un même pays : une vision technocratique, une vision assistantielle et une vision caritative. La vision technocratique est celle des organisations internationales. Elle est selon Bruno LAUTIER «exprimée sur le mode de la pathologie et emploie souvent un langage mi-médical, miguerrier : la pauvreté est une maladie, à éradiquer et pour cela il faut mettre en place des stratégies pour les pauvres». Il s’agit d’une maladie du corps social et en conséquence, le réalisme imposant de limiter se ambition, il faut scinder la pauvreté en deux ou trois, pour éliminer «une pauvreté absolue» qu’il est nécessaire de supprimer en 14 premier. Il est donc normal que cette vision mette l’accent sur les éléments de quantification en vue de déterminer la proportion de pauvreté absolue qu’une société peut supporter sans risque de faire imploser son ordre social. Cette vison implicite n’est pas appuyée par une bonne connaissance des mécanismes et des facteurs de la pauvreté : les causes macroéconomiques et structurelles (économie mondiale, politiques internes introduites par les PAS, l’endettement) et les causes sociales (double explosion démographique et urbaine, exclusion économique et sociale, absence de protection sociale et rupture des solidarités traditionnelles). II/ COMMENT SORTIR DE LA PAUVRETE ET QUELLE POLITIQUE DE PROTECTION SOCIALE ? L’Afrique sub-saharienne compte selon les plus récentes statistiques environ 250 millions de pauvres soit 45% de sa population. Il semble que le rythme de croissance de la pauvreté est plus rapide que celui de la production et des revenus. Ce processus est aggravé par une forte et incohérente croissance urbaine et une démographie galopante deux phénomènes conjugués qui font exploser la demande sociale. Comme quoi, la main invisible du marché est fortement prédatrice de la condition sociale. Dans la Déclaration du Millénaire, l’objectif de réduire de moitié la pauvreté entre 1990 et 2015 est proclamé. Le Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan, le Secrétaire général de l’OCDE, Donald Johnson, le Directeur Général du FMI, Horst Köhler, et le Président de la Banque mondiale, James Wolfensohn ont solennellement proclamé que leurs différentes institutions s’emploieraient à faire de cet objectif de développement le fondement commun de leurs actions et de leurs programmes et la mesure de leur efficacité. Au regard de la progression de la pauvreté dans le continent, est-il possible de sortir d’ici 2015 de la pauvreté comme le souhaite le Programme du millénaire et le NEPAD. Si tant est que le lien existe, il faut alors au minimum réaliser un taux de 15 croissance annuel moyen de 7%. Cela nécessite des investissements colossaux de l’ordre de 65 milliards de dollars pour des pays dont l’épargne intérieure est quasi inexistante. 1°) La croissance économique peut-elle éradiquer la pauvreté ? La vision technocratique de la pauvreté établit un lien entre la croissance et l’éradication de la pauvreté passe par la croissance économique. C’est pour cette raison que les PAS posent le postulat selon lequel la croissance viendra à bout de la pauvreté. Car, même si elle profite principalement aux « riches » par le biais ou non des IDE, elle peut avoir un effet d’entraînement positif sur le revenu des pauvres. Cette proposition bien que n’étant pas absurde suppose l’existence d’un Etat capable de redistribuer les richesses. Rien ne prouve que cette condition est réalisable pour des politiques qui font dépérir prématurément l’Etat. Cependant, il est établi que même si croissance économique, la pauvreté et la qualité de vie ne sont pas automatiquement liées, elles vont souvent de pair. Dans ce sens, certaines recherches tentent d’établir que pour empêcher simplement la hausse du nombre de pauvres absolus pendant les 15 prochaines années, il faudra un taux de croissance de 5%. Réaliser l’objectif de développement international qui consiste à réduire de moitié l’incidence de la grande pauvreté d’ici 2015, exige une croissance d’au moins 7% par et une plus juste répartition des revenus. Si les termes de l’échange de l’Afrique continue de se détériorer, la réduction de la pauvreté demandera une croissance encore plus élevée. Alors la question se posera de savoir ce qu’il importe de faire des pauvres si ce niveau de croissance ne se réalise pas. Toutes les réformes initiées par les gouvernements, en partenariat avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ces deux dernières décennies, visent principalement à la relance de la croissance économique. Elles ont permis dans la majeure partie des cas la réalisation de taux de croissance plus élevés et l’assainissement des finances publiques. Cependant, les indicateurs 16 sociaux restent toujours à un niveau faible traduisant une paupérisation des populations vulnérables qui sont surtout en zone rurale. De plus, ces réformes ont aussi contribué au creusement des inégalités par accaparement des richesses nationales par une minorité. Cette forme de répartition des richesses soulève la question de distribution équitable des fruits de l’effort collectif entre les différentes couches de la population. Une fraction de plus en plus importante de la population africaine est exclue des processus de production qui constituent le mécanisme essentiel de répartition des richesses à travers la distribution de salaires. Après deux décennies d’application des réformes économiques en vue du déclenchement d’un cercle vertueux de croissance, le continent est traversé par une crise sociale d’une très grande ampleur qui se manifeste dans l’accroissement du couple pauvreté et chômage. Cela entraîne une forte dégradation des conditions de vie : pénurie et insécurité alimentaires, diverses épidémies, non-accès aux services de base. Ce processus de paupérisation des populations s’accompagne paradoxalement d’un affaiblissement des formes modernes comme traditionnelles de protection sociale. En effet, le continent africain administrait la preuve d’une indiscutable « solidarité », découlant principalement d’un ensemble d’obligations et de droits complexes destinés à préserver la cohésion du groupe et à réduire l’incertitude économique. La logique du « don et du contre don », sans doute latente dans ce tissu d’obligations réciproques, instaure un contrat-social implicite. Or, ce contrat-social est entrain de se déliter dangereusement. Dès lors, la protection sociale cesse de s’appuyer sur les réseaux de la famille élargie qui n’est plus en mesure de répondre aux sollicitations de ses membres les plus faibles et les plus démunis dans un contexte de crise économique. Au niveau des structures formelles les choses ne vont pas mieux suite à la crise profonde du système public de sécurité sociale, symbole de « l’Etat-providence » qui accuse une triple crise d’efficacité ( effets pervers de prélèvements excessifs); une crise de légitimité avec côté 17 recettes une redistribution à rebours et côté dépenses la solidarité déviée avec des difficultés d’évaluation et une crise d’adaptation. Pris en tenaille entre l’accroissement soutenu des dépenses et le tarissement des sources de financement du fait de l’assainissement économique et financier, le fonctionnement du système de redistribution et de protection sociale est de plus en plus bloqué. La crise économique et financière va finir par liquider tous les filets de protection et de redistribution. La conséquence est alors l’instauration de la pauvreté, de la précarité et de l’exclusion. Malgré on s »est entêté à recommandé aux pays africains de poursuivre et d’approfondir l’ajustement structurel qui seul est à même de relancer la croissance économique pour éradiquer la pauvreté. A la suite de Philip ENGELHARD, on peut se demander si la croissance viendra à bout de la pauvreté. 2°) Le changement de perspective avec la mise en place de la stratégie pour la réduction de la pauvreté (DRSP). Aujourd’hui, l’échec des politiques d’insertion dans la mondialisation se traduit par un impact négatif sur l’emploi, sur les revenus et sur la prestation des services sociaux. Ces politiques sont perçues comme un facteur d’aggravation de la misère ou d’expansion de la pauvreté qui devient un phénomène de masse et touche un nombre sans cesse croissant d’individus, de groupes d’individus et de couches sociales. Face à cette situation et en réponse aux nombreuses critiques relatives aux faibles performances des PAS, la Banque mondiale et le FMI changent de discours et mettent en place un «nouveau programme de lutte contre la pauvreté ». Incontestablement, c’est un véritable regain d’intérêt pour la pauvreté dont l’allégement est à nouveau inscrit dans l’agenda mondiale du développement. Les nouveaux Programmes ne sont pas imposés d’en haut par des experts avec des conditionnalités, mais sont préparés par les pays qui sont mieux à même de cibler leurs politiques de la lutte contre la pauvreté. 18 Les DSRP contiennent quatre éléments essentiels : une description du processus de préparation, fondé sur la participation des acteurs; un diagnostic de la pauvreté, avec l’identification des obstacles au recul de la pauvreté et à la croissance ; des objectifs, des indicateurs (par exemple taux annuels de croissance ou scolarisation primaire) et des systèmes de suivi, fondés sur le diagnostic de la pauvreté ; des mesures prioritaires que les pays s’engagent à prendre - dans les limites imposées par leur budget- pour atteindre les objectifs établis. Il apparaît alors que toutes les initiatives complètement laissées aux pays de manière à ce qu’ils prennent en charge leurs réformes économiques en enclenchant un exercice fondé sur une large concertation et participation de tous les acteurs du développement économique et social a savoir : les pouvoirs publics et les donateurs, les communautés locales et les organisations civiles, comme les organisations non gouvernementales (ONG), les syndicats, les organisations religieuses et les Instituts de Recherche. 3°) Les nouveaux programmes sont-ils efficients pour réduire au plus vite la pauvreté de masse ? Les DRSP sont des Programmes encore récents dont les évaluations ne sont pas encore faites au regard de l’absence de statistiques. Cependant, ils comportent trois points très positifs : - la prise en compte des indicateurs de la pauvreté dans l’allocation des ressources ; - la création d’un mécanisme de contrôle social et sa reconnaissance par la loi sur le dialogue national sont, sans aucun doute, le grand succès du processus ; - la constitution de filets de protection adéquats et souples partant de l’identification des domaines potentiels de vulnérabilité et les filets de protection sociale ou autres ripostes appropriés. 19 Ces filets de protection devraient se traduire par la mobilisation de ressources en faveur des pauvres dans les périodes d’austérité, la maîtrise de l’inflation et le maintien du chômage à un bas niveau. Ces ressources seront mobilisées par la Banque mondiale et surtout par le FMI qui vient de remplacer la Facilité d’Ajustement Structurel Renforcé c’est-à-dire ses facilités de prêts concessionnels par la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté dont l’objectif est de faire reculer la pauvreté. 4°) Qu’en est-il de l’emploi en Afrique Les conséquences de cette montée fulgurante du chômage en Afrique sont à la fois d’ordre économique et social : Au plan économique La marginalisation et l’exclusion d’une frange de plus en plus croissante de la population des circuits de production empêche progressivement toute possibilité d’élargissement du marché intérieur. Il s’en suit alors une production déclinante, des capacités productives inemployées qui augmentent les coûts unitaires des produits fabriquées Cette situation peut être source d’inflation, de contraction de la consommation finale du fait de l’insuffisance des salaires distribués et enfin de risque important de réduction de la demande globale (consommation + investissement) du fait d’éventuelles restrictions d’investissement par les producteurs rendus pessimistes par l’évolution d’ensemble du marché. A ce niveau, le risque est grand de voir s’enclencher un dangereux processus de déflation économique généralisé et dont les effets économiques et sociaux à court, moyen et long termes seraient catastrophiques pour les pays qui de surcroît ont besoin d’une croissance rapide et au taux le plus élevé possible compte tenu des ressources disponibles. Au plan social L’amplification du chômage a tendance à exacerber les distorsions sociales déjà existantes et à en créer de nouvelles. Les couches sociales se stratifient davantage : les classes moyennes s’appauvrissent, les « économiquement faibles » sont rejetés à la 20 misère et à la survie, la pauvreté se développe, les jeunes marginaux potentiellement actifs et ainsi rejetés par la production et la société développe un sentiment de frustration et de « laissés-pour-compte » qui trouve son exutoire dans la recrudescence de la délinquance, la dépravation des mœurs et le désordre social.. Face à des perspectives aussi inquiétantes, que faire ? Nécessite d’élaborer efficaces de l’emploi des politiques réalistes et Il faut commencer par reconnaître tout de suite qu’en matière de résolution de la crise de l’emploi, il n’existe pas de panacée, ni de formules achevées. Il importe par conséquent, dans le cas précis des pays africains ’imaginer des combinaisons assez originales, ce qui n’exclut pas d’emprunter et d’adapter au contexte socio-économique et syndical local toutes les formules qui ont fait leurs preuves sous d’autres cieux . Pour ce faire, notre modèle en la matière devra prendre en compte et articuler les 5 éléments constitutifs qui suivent : 1. La mise en place de nouveaux cadres de concertations permanentes entre tous les partenaires sociaux en vue de tendre vers la réalisation d’un véritable consensus social, condition de base de toute politique de lutte contre le chômage et de sortie de crise. 2. L’adaptation, sur la base du consensus précédemment réalisé, de l’ensemble du dispositif législatif et réglementaire en matière de travail et de politique d’emploi au nouvel environnement de crise afin d’en atténuer et de déconcentrer les effets sociaux négatifs ; cette démarche devrait de surcroît faciliter et accélérer l’adaptation de l’appareil productif national aux contraintes extérieures, notamment dans l’aspect concurrentiel. 3. L’élaboration de mesures vigoureuses de promotion des PME (Petites et Moyennes Entreprises) généralement reconnues comme étant de grandes pourvoyeuses d’emplois. Pour cela, il 21 importera aux pouvoirs publics de lever toutes les rigidités et d’alléger les procédures administratives de création des PME, de prendre certaines dispositions fiscales incitatrices à leur égard, de faciliter dans la mesure du possible leur accès aux institutions financières réputées méfiantes à leur endroit. 4. L’institution de mécanismes permettant aux agents déflatés des entreprises publiques ou privées de bénéficier d’un crédit de reconversion et même aux chômeurs (ayant déjà travaillé) de disposer d’indemnités de licenciement pour créer de nouvelles PME. 5. L’exploitation et l’adaptation de certaines mesures en cours d’application notamment dans les pays développés comme : le développement du système de préretraite. Si les employeurs ont jugé le système très coûteux pour eux, à l’expérience, il ressort des statistiques officielles que des licenciements pour un effectif équivalent auraient coûté encore plus chers. De plus, l’impact psychologique et social a été très favorable contrairement à ce qu’auraient représenté des licenciements brutaux et massifs. le travail à temps partiel, la réduction du temps de travail et la flexibilité de l’emploi sous des formes concertées. Dès que la loi assouplit les dispositions en vigueur, la porte est ouverte à toutes les combinaisons possibles de partage du travail qui améliore d’ailleurs la productivité et réduit l’absentéisme. Ainsi, selon la spécificité de la branche d’activité et les contraintes particulières liées à l’exploitation, plusieurs entreprises en France, en Belgique ou encore en Allemagne ont déjà mis en œuvre avec des succès variables une nouvelle organisation de travail fondé sur ce principe. La journée normale de travail est ainsi sectionnée et le personnel se répartit en plusieurs équipes roulantes. La productivité a 22 augmenté, la production aussi et certaines entreprises ont même pu embaucher des travailleurs supplémentaires. Le développement de systèmes nouveaux comme : les travaux d’utilité collective (TUC) ; en France et qui sont ouvertes aux jeunes de 16 à 25 ans sans emploi et qui ne suivent pas une formation . La nécessité de promouvoir à grande échelle et par des politiques appropriées le secteur informel et la Toute Petite Entreprise. Toutes les études montrent aujourd’hui le rôle de premier plan que joue le secteur informel dans les économies africaines aussi bien dans la production de la valeur ajoutée que la création d’emplois. « Faute d’alternatives de développement impulsé par les pouvoirs publics, un nombre sans cesse croissant de citadins africains trouvent dans leurs propres initiatives et leur ingéniosité les moyens de s’affirmer et de survivre »10. Déjà dans beaucoup de pays le secteur contribue pour plus de 50% au PIB et peut fournir jusqu’à plus de 60% des revenus. Dans l’avenir selon certaines statistiques le secteur devrait fournir 93% des nouveaux emplois dans les villes alors que présentement presque deux personnes sur trois en vivent. Pour ce faire, il faut alors que les pouvoirs publics lui accordent sa place dans la stratégie de développement pour en faire le levier de la croissance. Dans cette direction, P.ENGELHARD observe avec justesse «qu’il sera difficile de sortir de la pauvreté aussi longtemps qu’on aura pas assimilé un fait essentiel : une grande partie de la production du continent africain émane des petites entreprises familiales urbaines et des petites exploitations rurales dont l’efficience économique, cependant, est souvent très faibles, en dépit de performances parfois étonnantes ».11 L’Etat doit alors aider ces entreprises à devenir plus efficiente en accroissant leur productivité du travail par la formation, la disposition d’un outillage et l’ouverture 10 11 C. Maldonado, Ngauufryau et al : L’économie informelle en Afrique francophone, Edit. BIT 2001 P. Engelhard : L’Afrique miroir du monde, Edit. Arlea, 1998 p63 23 de crédits fonctionnels c’est-à-dire en leur créant un environnement incitatif et approprié. Le secteur informel est même entrain de se constituer en économie mondiale. D’abord, ses acteurs contribuent à la réalisation effective des processus d’intégration régionale avec un dynamisme déconcertant par édictions de propres règles de circulation et d’échange de biens et de la monnaie : flux commerciaux, taux de change parallèles. Ensuite, les acteurs établissent des réseaux de plus en plus denses qui essaiment en Europe, en Amérique et en Asie. Que Conclure sinon que la libéralisation internationale des économies et des finances en multipliant les risques et les incertitudes commande une gouvernance mondiale ? La mondialisation inéluctable aujourd’hui soulève de nombreux défis d’ordre économique, politique, culturel et social qui appellent sans nul doute des solutions à la fois urgentes et inédites. La globalisation résulte d’une triple mutation : - géopolitique avec l’effondrement du monde bipolaire ; - économique et financière - technologique avec la révolution des technologies de l’information et de la communication Comme nouvelle donne mondiale, la mondialisation modifie conséquemment et profondément les modèles politique, social et culturel ainsi que les environnements institutionnels. Quoi de plus normal puisque l’on connaît depuis longtemps que la base matérielle commande et détermine toutes les superstructures. C’est dire que ces mutations ne sont pas des calamités mais constituent plutôt sur bien des points des avancées progressistes qui ont donc une valeur positive. C’est un énorme progrès de constater aujourd’hui que l’internationale est bien devenue le genre humain. Il faut s’organiser pour tirer le meilleur parti de ces avancées de l’humanité tout en étant très alertes sur les risques potentiels. Comme l’observe Pierre SECKA «La mondialisation, à la différence de la décolonisation (où les Etats pouvaient choisir par referendum d’être indépendants ou de 24 demeurer sous le joug colonial) n’est pas une denrée à prendre ou à laisser dans sa totalité. Elle a ses vertus et ses défauts ; fortement enraciné dans son contexte, elle épouse parfaitement son temps et s’impose de ce fait à tous ». Face aux différentes contraintes inhérentes au processus, quelles mutations socio-économiques doit opérer l’Afrique pour profiter du phénomène ? Ne doit-elle pas se démocratiser davantage, former ses acteurs, transformer ses structures et adopter sa culture ?12 Les questions sont d’autant plus pertinentes que la globalisation impose de nouvelles conditions de proximité et d’intimité entre entités économiques et sociales pourtant considérées jadis éloignées qui font que les idées, les identités et les modes de vie se mondialisent avec rapidité. Les nouvelles technologies ont complètement gommé le temps et ont relativement homogénéisé les pratiques de régulation sociales ainsi que les goûts et les consommations. Toutefois l’émergence inéluctable et irréversible de cette mondialisation a consolidé les dualités externes et internes aux sociétés, creusé les irrégularités et les inégalités et approfondi les exclusions des acteurs les plus démunis et les fragiles souvent sans leur offrir un ascenseur social. La dissolution des filets traditionnels de protection sociale, les ruptures des solidarités familiales ainsi que la restructuration des rapports sociaux (Mathieu, 1990 ; Vidal, 1992), mettent en urgence à l’ordre du jour, la question sociale. La crise de l’État providence, le coût croissant du système formel d’assurance, d’assistance, et l’émergence de nouveaux risques sociaux résultant des mutations technologique et de l’emploi commandent la réactivation des politiques sociales et de solidarité. Face à tous ces nouveaux risques une nouvelle gouvernance de l’ordre interne et externe se pose. 12 Pierre-Roche Seka. Op.cit 25 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES I- OUVRAGES 1- ADDA,J. : La mondialisation de l’économie ; Collection Repères, La Découverte tome 1 et 2 2- Banque mondiale : L’Afrique peut-elle revendiquer sa place dans le 21ème siècle Washington Dc 3-Banque mondiale : Un programme d’action concertée pour le développement stable de l’Afrique au sud du Sahara, octobre 1984 4-Banque mondiale, BIRD : Nouvel engagement planétaire en faveur de la lutte contre la pauvreté 2000-2001 5-Banque mondiale : Pour un développement durable Résumé publié par et l’Environnement (exercice 1994). 6-R.Boyer : La mondialisation, Edit. La découverte 7-Centre des Nations-Unies sur les sociétés transnationales Critères pour la gestion d’un développement durable (New-York 1991). 8-Engelhard,P.: L’Afrique miroir du monde, Edit. 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Delclach Développement économique et développement social en Amérique Latine Problèmes économiques n°2564 du 15/04/1998 6-Louis Fontvieille La dimension humaine dans les théories du développement Revue Economies et sociétés, F 38, Mars 2001 7-M.Kassé Intégration des indicateurs sociaux dans un système planifié Institut du Sahel, Bamako, 1985 8-Problèmes économiques Développement, une nouvelle approche ? n°2, 684 – 18 octobre 2000. 9-G.Ranis, F. Stewart, A. Ramirez. L a croissance économique permet-elle aux pays pauvres de se développer. Problèmes économiques n°2688 – 2689 du 15 – 22 novembre 2000. 10- H. Rattiner Tendance et perspectives du développement durable en Amérique Latine Revue : Tiers-Monde, Tome XXXIII n°130 P.329-338 ? PUF 11-P. Streeten Des Institutions pour un développement durable Revue : Tiers-Monde, Tome XXXIII n°130, p.453-469, puf. 27