LE RAPPORT MONDIAL SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN ET L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE :

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LE RAPPORT MONDIAL SUR LE DEVELOPPEMENT
HUMAIN ET L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE :
QUELQUES ENSEIGNEMENTS
Par
Professeur Moustapha KASSE
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
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INTRODUCTION
A l’orée du nouveau millénaire, les richesses continuent de croître de
façon importante dans le monde. A contrario, les disparités s’accentuent dans
la répartition de cette richesse et dans le rythme de consommation. Même
dans les pays du Sud, particulièrement ceux d’Afrique Subsaharienne, on note
une forte tendance à l’aggravation des inégalités.
Au cours des trente dernières années, la part des 20% des personnes les
plus pauvres dans le revenu mondial est tombée de 2,3% à 1,4%. Dans la
même période, la part des 20% les plus riches passait de 70% à 85%. L’écart
de revenu entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres a ainsi
doublé passant d’un rapport de 30 (riche) sur 1 (pauvre) à un rapport de 61 sur
1. Ces inégalités sont considérées comme la conséquence d’une dynamique de
marché darwiniste et discriminatoire qui récompense les plus forts et ne
réserve rien pour les perdants qui proviennent principalement d’Afrique. C’est
une réalité choquante qui constitue «la toile de fond de l’économie mondiale
aujourd’hui» (Brisset 1993) : richesse et infortune, chance et adversité,
ressources et dénuement se sont en effet partagés d’une manière de plus en
plus inégale, les riches devenant plus riches et les pauvres plus pauvres.
L’économie des «buffets» coexiste avec celle des «soupes populaires».
Pourtant, jamais l’humanité n’a produit autant de richesses économiques,
financières et technologiques mais aussi, jamais elle n’a crée autant de
pauvreté et d’exclusion de tous ordres.
Depuis 1990, date de la parution de son premier rapport mondial, le
PNUD contribue à étudier et à approfondir régulièrement les différents
aspects constitutifs du développement humain. Le débat sur la problématique
du développement était dominé, jusqu’au début des années 90, par l’arsenal
théorique néo-classique et néo-keynésienne de la monnaie et des relations
économiques et financières internationales qui inspire et éclaire la démarche
des institutions de Bretton Woods. Leurs interventions visant l’augmentation
de la production dans les pays en développement s’articulent autour des
réformes macroéconomiques et structurelles pour l’instauration d’une
croissance économique durable.
Ces réformes qui ont été présentées au début comme une série de
mesures de court et moyen terme de stabilisation et d’ajustement puis de
"désétatisation" recouvrent des implications majeures pour le choix des
stratégies de développement et l’échelle de mesures des performances
économiques. Dans la perspective de ces institutions, acceptée au fur et à
mesure par les gouvernements des pays africains, les rapports de pouvoir
économique surclassent les préoccupations de bien-être.
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Les programmes inspirés par ces institutions, loin d’être politiquement
neutres et de jouer un rôle exclusif d’efficacité technique comme on le
suggère, sont ainsi conçus de façon à orienter les interventions de l’Etat de
manière à délaisser certaines stratégies de développement. Les stratégies non
orientées vers l’exportation et celles qui favorisent des mesures redistributives
et des réformes sociales sont remises en cause par le processus d’ajustement
et de désétatisation.
C’est ainsi que dans leur majeure partie, les pays en développement,
notamment ceux d’Afrique subsaharienne, ont mis en œuvre des programmes
d’ajustement inspirés par les institutions de Bretton Woods.
La première génération des PAS avait pour finalité de stabiliser le cadre
macroéconomique de ces pays alors marqué par des déséquilibres importants
(faible épargne publique en raison du niveau élevé de la propension moyenne
à consommer de l’économie, déficit budgétaire et niveau d’inflation élevés,
aggravation des déficits courants). Les réformes ayant marqué cette phase des
PAS se sont traduites par des politiques monétaires et surtout budgétaires très
restrictives qui ont entraîné une forte compression de la demande et, en
conséquence, des processus inextricables de recomposition sociale. Les
modification dans la répartition des revenus des non producteurs vers les
producteurs, des villes vers les campagnes, les pertes en emplois formels,
l’évolution contrastée des revenus ruraux, la désynchronisation prix/salaires
ont progressivement créé une dimension sociale de l’ajustement. Cette
situation avait entraîné des programmes de compensation sociale consacrés à
l’emploi, à l’éducation, à la santé et à l’alimentation et destinés aux groupes
dits vulnérables.
La deuxième génération des PAS, celle dite d’ajustement réel, avait
pour objectif de relancer l’activité économique. En dépit des réformes mises
en œuvre lors de cette phase, le rythme de l’activité économique n’allait pas
être à la hauteur des résultats escomptés ; le taux de croissance du PIB
évoluant en-dessous de celui démographique.
La phase d’ajustement externe, qui s’est traduite par des mesures de
dépréciations compétitives pour les monnaies à taux de change flexible et de
dévaluation pour celles à parité fixe, sera dans l’ensemble marquée par une
relative reprise de la croissance. Mais en dépit de celle-ci, le taux de
croissance du PIB/tête est demeuré trop faible par rapport au rythme
d’accroissement de la population.
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Cette situation allait entraîner une forte dégradation des conditions de
vie des populations. Ce coût social élevé des PAS, allait très tôt être mis en
relief par le PNUD au moment où les autres institutions et la plupart des
analystes se concentraient sur les aspects strictement économiques de ces
réformes.
L’aggravation manifeste de la condition sociale des populations
défavorisées dans les pays en développement dès le début des années 80
alarme les ONG aussi bien que les institutions internationales tel que le BIT,
et l’UNICEF (Ajustement à visage humain 1984) accusent directement les
mesures de stabilisation et d’ajustement structurel. Cette situation est
attribuée à la détérioration du cadre macroéconomique et financier, à la
récession économique internationale, à la dégradation des termes de l’échange
et à l’endettement massif. Dans les pays soumis aux programmes
d’ajustements structurels, les conséquences des mesures accentuent les
difficultés de la population : le freinage de la demande et de compression des
dépenses publiques se traduisent par un recul des dépenses sociales, une
baisse des effectifs de la fonction publique, une réduction de la fréquentation
des écoles et des centres de santé. Les réformes visant la réduction des
déficits et la relance de la croissance débouchent sur une dégradation du
développement humain avec une recrudescence de la pauvreté. Plusieurs
ONG et institutions internationales mettent en cause les programmes
d’ajustement : le BIT (1990), la FAO (1990) ainsi que des chercheurs ( P.
Hugon (1989), H. Singer (1989), Loxley (19...) etc.
C’est sur le terrain de la réconciliation entre la croissance économique
et le développement social que le PNUD se sépare du cadre de référence
dominant pour s’élever en créant le concept du Développement Humain
Durable (DHD). Le premier Rapport Mondial sur le Développement Humain
(RDMH) publié en 1990 par le PNUD définit un Indice composite du
Développement Humain (IDH) prenant en compte l’ensemble des dimensions
de la vie humaine : économique certes, mais aussi sociale, culturelle et
politique. Cet indicateur est calculé en combinant le PNB par tête (instrument
de mesure de la situation socio-économique d’une nation), avec d’autres
indicateurs tels que : l’espérance de vie à la naissance, le taux
d’alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation.
Au regard de l’évolution des RMDH, il apparaît que le défi majeur est la
réduction de la pauvreté et des inégalités ainsi que l’investissement dans les
ressources humaines. Les voies et moyens pour y parvenir passent entre autres
par l’amélioration de la gestion des affaires publiques et la restructuration des
institutions de gouvernance, la participation des populations à l’élaboration et
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l’exécution des programmes les concernant, la croissance économique, le
droit au développement et à la participation des femmes. Les thèmes abordés
ont tour à tour porté sur des questions bien évidentes du développement :
- La définition et la mesure du développement humain (1990) ;
- Le financement du développement (1991) ;
- Les aspects mondiaux du développement humain (1992) ;
- La participation populaire au développement humain (1993) ;
- Les nouvelles dimensions de la sécurité humaine (1994) ;
- l’égalité sociologique entre les genres et le développement
humain (1995)
- Le lien croissance économique et développement humain (1996) ;
- Le développement humain au service de l’éradication de la
pauvreté (1997) ;
- Les modes de consommation et le développement humain (1998) ;
- La mondialisation à visage humain (1999) ;
- Les droits de l’homme et le développement humain (2000).
Le contenu des Rapports s’est enrichi et s’est techniquement amélioré
au fil des années avec un affinement plus poussé de la thématique et des
instruments de diagnostic ou de mesure. Le contenu du RMDH intègre
progressivement la dimension sociale qui est mieux prise en charge dans
l’IDH. Le Rapport de 1994 marque un tournant significatif : le concept de
développement humain est complètement dissocié de celui de la croissance
économique. Ce concept est fondé sur l’universalité du droit à la vie qui
accorde à celle-ci une valeur intrinsèque sur laquelle s’appuient les concepts
fondamentaux de liberté, d ‘égalité et de justice. «Un nouveau défi du
développement devrait : i) être axé sur l’être humain, ii) considérer la
croissance comme un moyen et non comme une fin, iii) préserver les
perspectives offertes aux générations actuelles comme aux générations
futures, et iv) respecter les écosystèmes dont dépend l’existence de tous les
êtres vivants. Cette approche du développement doit permettre à tous les
individus de développer pleinement leurs capacités pour les utiliser au mieux
dans tous les domaines : économiques, social, culturel et politique» (RMDH,
1994). Cette prise en compte de la dimension humaine du développement par
les praticiens est en correspondance avec les avancées théoriques intervenues
depuis la fin des années 80 avec les théories de la croissance endogène.
Plus qu’une simple notion, le développement humain durable (DHD)
fait référence à un système complet de modèles : modèles de production,
modèles de reproduction sociale, modèles de répartition, modèles de
participation, modèles d’institutionnalisation, modèles de socialisation. Plus
succinctement, il gravite autour de la réflexion théorique, la conception et la
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définition de l’archétype d’un développement Humain Durable et le «design»
de nouvelles stratégies en fournissant de nouveaux instruments d’analyse et
de nouveaux systèmes de mesure et d’évaluation des conséquences des
politiques économiques. Cette approche remet en question des idéologies,
mythes et thèses longtemps présents dans nos sociétés. En effet, il convient de
reconnaître que cette conception est plus vaste et plus rigoureuse que les
théories classiques du développement économique jusqu’ici connues comme :
• les modèles de croissance qui se réduisent à des arguments strictement
quantitatifs avec des relations mathématiques entre les facteurs de
production retenus ;
• les théories des ressources humaines qui mettent en avant le l’effet
cumulatif, pour la croissance, d’un facteur de production jusqu’alors
mal identifié que constitue l’homme, du point de vue quantitatif et
qualitatif ;
• les théories du «Welfare Economics» qui considèrent des usagers et des
bénéficiaires de biens collectifs sans pour autant s’interroger sur leur
valorisation en tant qu’acteurs de base des processus décisionnels ; et
• Les théories des besoins de base qui se penchent sur les démunis au
mépris de l’expansion des capacités et des opportunités qui s’offrent
aux hommes.
Ces théories ont chacune une faiblesse manifeste tandis que celle du
Développement humain tire sa légitimité dans une philosophie universaliste.
En cela, elle se fonde sur le refus de toute forme d’injustice, d’exclusion et
de discrimination. Avec elle, un recentrage systématique s’est opéré
aujourd’hui, autour de la priorité aux pauvres et de l’effort d’élargissement de
leur liberté de choix et de décision.
Le PNUD a mis en exergue la nécessité d’obtenir un consensus social
par le biais du jeu démocratique. Il a permis de déplacer le débat du
libéralisme versus interventionnisme vers les questions relatives à la dignité
de l’être humain dorénavant appréhendé en tant que sujet multidimensionnel
et non plus objet unidimensionnel.
Le RMDH allait ainsi depuis sa parution en 1990, remédier à l’hérésie
qui consistait à restreindre le développement à la croissance économique. La
démarche du PNUD plaçait l’individu – ses besoins, ses aspirations et ses
capacités - au centre de l’effort de développement (RMDH, 1999). En ce
sens, les RMDH fournissent sur les différents thèmes étudiés une démarche
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alternative et novatrice par rapport aux approches conventionnelles de la
problématique du développement économique et social.
Ils ont fini par utiliser une méthodologie et des orientations quelque peu
différentes de celles des institutions de Brettons Woods et qui permettent de
disposer d’éclairages nouveaux sur les questions de développement. Ils
offrent, par conséquent, des instruments d’investigation et d’analyse au
service d’une autre vision qui intègre toutes les dimensions de l’activité
humaine.
Cette perspective des RMDH de percevoir les problèmes de
développement autrement est sans doute liée au mode production du rapport
marqué par une indépendance vis-à-vis des décideurs et des autres
institutions. Ce degré de liberté permet ainsi d’aborder des thèmes originaux
en matière de pensée du développement et d’élargir le champ de réflexion sur
ces questions. Les RMDH qui se présentent, en définitive, comme un cadre de
conception et d’élaboration d’instruments de lutte pour le développement
humain, vont permettre la construction de plusieurs indicateurs de mesure du
développement humain pour apprécier les avancées mais aussi les reculs de la
condition sociale. L’Afrique est concernée au premier chef par cette approche.
Le continent africain est la région du monde la plus pauvre, sa
production moyenne par habitant à la fin des années 90 est inférieure à ce
qu’elle était en 1960, sa part dans le commerce mondial a reculé. Au niveau
social, la situation est simplement catastrophique avec 250 millions de
personnes qui n’ont pas accès aux service de santé, 140 millions
d’analphabètes et 2 millions d’enfants qui meurent chaque année avant leur
premier anniversaire. Le continent s’intègre difficilement dans le concert des
nations : en marge de l’expansion industrielle mondiale, il risque d’être exclu
de la révolution mondiale des technologies de l’information et des
télécommunications (Rapports de 1999 et 2001). De nombreux pays
entreprennent des réformes pour relancer les enjeux du développement et de
la croissance en mettant en place un mode d’organisation sociale capable
d’allonger une vie «en bonne santé», de fournir l’accès au savoir, d’offrir une
bonne santé et de renforcer la participation des populations aux prises de
décision qui engagent leur avenir. Il est par conséquent légitime de se
demander si la situation africaine de crise est bien prise en charge par les
RMDH au double plan théorique et pratique. En d’autres termes, les thèmes
abordés dans les différents RMDH ont-ils une pertinence avérée pour le
continent et qu’apportent-ils aux acteurs du développement social : les
décideurs, les chercheurs, les ONG et autres ? Les instruments d’analyse et de
calcul sont-ils techniquement appropriés et permettent –ils de mieux connaître
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les réalités africaines afin de mieux les transformer ? Que faire pour que les
RMDH répondent au mieux aux nouveaux besoins du Continent en termes de
vision nouvelle et de stratégie pour la réaliser ?
I- LES DEFIS DU DEVELOPPEMENT AFRICAIN : LES
REPONSES ALTERNATIVES DES RMHD SONT-ELLES
SUFFISANTES
Le RMDH malgré des mutations à la fois profondes et accélérées du
contexte économique, politique et social tant au niveau mondial qu’à celui des
pays africains prend l’initiative du débat sur certaines questions essentielles
de développement économique. La globalisation devenue la principale
configuration du processus productif mondial se caractérise par une triple
interdépendance et une internationalisation spectaculaire des échanges, des
productions et des systèmes financiers ( Rapport de 1999). Elle est servie par
une révolution scientifique et technique d’une rare ampleur : les Nouvelles
Technologie de l’Information et de la Communication.
Aujourd’hui il faut reconsidérer le débat sur le développement sous ce
faisceau de faits d’une mondialisation sous forme «d’économie d’archipel»
inégalitaire et duale avec des centres constitués de réseaux horizontaux de
production ; d’échanges et des périphéries souvent perçues comme une charge
stérile et non plus comme un complément utile. Les RMDH offrent une bonne
grille de lecture qui permet d’éviter l’engrenage des écoles des pensées et
leurs controverses pas toujours adossées au réel.
1-1. Quels sont les termes du débat sur le développement ?
Le débat sur le développement était dominé, jusqu’au début des années
90, par les théories néo-classiques et néo-keynésiennes qui recommandaient
aux pays en développement des objectifs d’une croissance régulière,
harmonieuse, équilibrée et au taux le plus élevé possible compte tenu des
ressources disponibles. Les facteurs de blocage sont à chercher dans les
déficits macroéconomiques, la gestion monétaire laxiste et l’appréciation du
taux de change qui sont eux-mêmes liés à deux phénomènes : l’excès de la
demande globale sur l’offre et les distorsions dans la formation des prix sur
les divers marchés des biens et services, du travail, des capitaux et de change.
Dans les années 80, suite à la crise de la dette, l’intervention des
Institutions de Bretton Woods dans le débat sur le développement va
s'accompagner de profondes transformations, tant dans la pratique que dans la
réflexion. Une nouvelle ère en matière de développement est ouverte, que les
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spécialistes vont assimiler au «consensus de Washington» qui remettait en
cause la théorie du développement et la spécificité des sociétés sousdéveloppées. Il constitue en somme une sorte de revanche de la théorie néoclassique qui servent de référentiel aux nouveaux programmes.
Du point de vue théorique, le consensus de Washington proclame le
primat du marché dans l'allocation des ressources et l’évacuation de l’Etat
dans le champ économique. Ce discours se rattache à la doctrine de l'équilibre
général qui conçoit la possibilité d'une économie décentralisée suite à
l'émergence des prix d'équilibre résultant de la confrontation sur le marché de
l'offre et de la demande des agents économiques. D'autre part, le consensus de
Washington remet à l'ordre du jour les théories de l'avantage comparatif pour
critiquer les choix d'import-substitution ou d'industrialisation liée au marché
interne, et pour justifier une insertion internationale basée sur la spécialisation
fondée sur les dotations factorielles naturelles. Ainsi, désengagement de
l'Etat, régulation marchande et avantages comparatifs pour une croissance
durable seront les maîtres-mots des nouvelles réformes. En pratique les
mesures des réformes se sont traduites par une détérioration des conditions de
vie des populations et par un accroissement de la pauvreté. Elles ont accéléré
la décomposition des normes en crise et approfondi ainsi la régression
économique et sociale. Dans ce contexte, la violence, le chaos et l'insécurité
deviennent les caractéristiques de grandes régions africaines Rapport de 1994).
Il est évident que ces politiques ont échoué dans ce qui était leur objectif
principal : l’instauration d’un processus vertueux et irréversible de croissance
économique. Les faibles performances de ces politiques découlant du
Consensus de Washington proviennent, comme le note J. STIGLITZ, de la
confusion des moyens avec les fins : la libéralisation, la recherche des grands
équilibres, les privatisations sont prises comme des fins plutôt que comme des
moyens d’une croissance durable, équitable et démocratique. Ensuite, elles se
sont «beaucoup trop focalisées sur la stabilité des prix plutôt que la croissance
et la stabilité de la production. En outre, elles n’ont pas su reconnaître que le
renforcement des institutions financières est aussi important pour la stabilité
économique que la maîtrise des déficits budgétaires et de la masse monétaire.
Enfin, elles se sont concentrées sur les privatisations, mais n’ont guère
attaché le minimum d’importance à l’infrastructure institutionnelle nécessaire
au bon fonctionnement des marchés, et particulièrement à la compétitivité.
Cet échec des PAS appelle des recherches et réflexions sur une vison
nouvelle et un programme alternatif pour l’avenir fondé sur le développement
que l’on peut considérer comme une transformation de la société. Il allie
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alors, comme le montre le schéma qui suit, les relations réciproques entre
croissance économique et développement humain :
Tableau 1 : Lien développement humain (DH) – croissance économique (Cr).
Cycle A
DH→
→ Cr
DEVELOPPEMENT HUMAIN
Capacités des
entrepreneurs,
directeurs, travaille
Taux de scolarité.
Couverture maladie
Dépenses des ménages en
produits de développement
humain et répartition au
sein des ménages
Ratios sociaux et de priorité
Organisation de la production, R & D,
importations et adaptations technologiques
Structure de la production et des exportations
Epargne
étrangère
Revenu des ménages et aux de
pauvreté
Ressources publiques et ratios de
dépense
Capital social
Politique environnementale
Distribution des revenus
Stock du capital
physique
Cycle B
Cr → DH
Epargne
domestique
Croissance par PIB
En reprenant J.Stiglitz, le développement représente une transformation
de la société, le passage de relations traditionnelles, de modes de pensée
traditionnels, de façons traditionnelles de traiter la santé et l’éducation, de
méthodes traditionnelles de production, vers des approches plus «modernes».
Par exemple, l’une des caractéristiques de la société traditionnelle est
d’accepter le monde tel qu’il est. L’optique moderne reconnaît le changement,
admet que nous pouvons agir individuellement et collectivement afin, par
exemple, de réduire la mortalité infantile, d’augmenter l’espérance de vie et
d’accroître la productivité. La clé de ces changements est l’évolution vers des
modes de pensée «scientifiques», repérant les variables qui influent de façon
déterminante sur la production, s’efforçant de faire des déductions fondées sur
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des données fiables et sachant reconnaître ce qu’on sait et ce qu’on ne sait
pas.
Cette nouvelle économie du développement regroupe l'ensemble des
pratiques théoriques qui s'éloignent du modèle walrassien en reconnaissant les
imperfections du marché et l'incapacité des politiques de stabilisation et
d'ajustement orthodoxe inspirées de ce modèle de base à opérer les
transformations nécessaires à une reprise durable de la croissance dans les
pays africains.
La grande difficulté des politiques d’ajustement est de concilier les
mesures d’ordre sectoriel pour obtenir la croissance dans l’équité. Face à cette
situation, les mesures spécifiques comme la protection des couches
vulnérables, ainsi que la protection des intérêts de la population à long terme
ont été appuyées par la banque mondiale. Par la suite on a intégré la
dimension sociale aux programmes futurs d’ajustements. Ce coût social élevé
des PAS, allait très tôt être mise en relief par le PNUD.
Le PNUD confirme cette orientation en mettant l’homme au cœur de la
logique de l’économie politique. Egalement, il met en exergue la nécessité
d’obtenir un consensus social par le biais du jeu démocratique. Le débat va se
déplacer du libéralisme versus interventionnisme vers les questions relatives à
la dignité de l’être humain dorénavant appréhendé en tant que sujet
multidimensionnel et non plus objet unidimensionnel.
1-2. Portée et limite de la vision du développement à travers les
RMDH
Le PNUD à partir de son Rapport de 1994 va jouer un rôle important
dans la réflexion théorique, la conception et la définition de la problématique
du développement. Ce Rapport en dissociant le cycle de la croissance de celui
du développement, marque un tournant significatif dans la rupture avec
l’économisme dominant. Il est observé que «le nouveau paradigme du
développement devra être axé sur les gens, considérer la croissance comme un
moyen et non comme une fin, préserver les perspectives offertes aux
générations actuelles comme aux générations futures, et respecter les
écosystèmes dont dépend l’existence de tous les êtres humains. Ce paradigme
du développement doit permettre à tous les individus de développer
pleinement leurs capacités pour les utiliser au mieux dans tous les domaines :
économique, social, culturel et politique». (PNUD, 1994). L’homme est ainsi
replacé au cœur de la logique du développement. Désormais, la qualité de la
vie d’une population ne se réduit plus à l’importance de son PIB. Le contenu
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de ce dernier, la façon dont il est réparti avec plus ou moins d’inégalités, la
capacité de chacun à pouvoir accéder aux services de base que sont l’école, la
santé, le logement ou l’eau courante et la qualité des services en question,
tous ces éléments jouent autant, sinon davantage que le simple niveau du PIB.
Cette nouvelle orientation est-elle à mesure de prendre en charge les
questions du développement économique et social qui se posent à l’ensemble
des pays africains. En définitive, «ce sont les êtres humains qui sont en
concurrence les uns avec les autres au niveau individuel, au niveau des
entreprises ou d’états nations. Dans cette compétition, la capacité de
l’homme à conquérir son environnement, à concevoir les institutions et les
politiques efficaces ainsi qu’à gérer les ressources mises à sa disposition est
essentielle. Les contraintes imposées par un climat instable et par la pauvreté
des sols peuvent être surmontées par l’éducation, l’irrigation, la recherche
scientifique et les services de vulgarisation par les infrastructures de stockages
améliorés,… C’est la capacité humaine qui peut intégrer certaines contraintes
imposées par la nature mais la capacité est elle même la manifestation du
développement humain».
II- LES QUESTIONS DU DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE
SONT-ELLES BIEN PRISES EN CHARGE PAR LES RMDH ?
Les RMDH sont des documents qui ont le monde pour cadre, en
conséquence, les études et les analyses sont censées reflétées des réalités
économiques, sociales et politiques extrêmement contrastées et assez
hétéroclites. Du point de vue du développement humain, le mode est inégal,
les écarts de revenus entre le Nord et le Sud n’ont jamais été aussi importants.
La qualité de vie s’améliore dans les pays riches et se dégrade dans les pays
pauvres. En exemple, de 1 à 12 en 1950, l’écart de PIB par habitant entre
l’Afrique et les Etats-Unis est passé aujourd’hui de 1 à 18. Près des trois
quarts de la population mondiale restent en marge de la croissance que les
pays développés connaissent depuis cinquante ans : les revenus de 4,3
milliards de personnes ont diminué ou ont très faiblement progressé. Le
niveau moyen de revenu par habitant en Afrique est aujourd’hui plus faible
qu’il y a trente ans. Avec les pays émergents d’Asie et d’Amérique Latine, le
Sud a complètement perdu de son unité. Cette diversité que doit gérer les
RMDH soulève trois questions essentielles auxquelles il faut apporter des
éléments de réponse. D’abord quelle est la place de l’Afrique dans les
RMDH ? Les analyses faites dans ces rapports sont-elles bien adossées aux
réalités africaines ? Ensuite, les thèmes sont-ils en adéquation avec les
préoccupations de l’Afrique ? Enfin, les conclusions et recommandations
répondent-elles aux attentes des pauvres ?
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2-1. Les analyses positives comme normatives sont-elles bien
adossées aux réalités africaines ?
Selon G. Ranis, si l’on définit le développement humain comme le
processus permettant d’élargir les choix des personnes, afin qu’elles puissent
mener une vie longue, saine et créative ou encore l’amélioration des revenus,
de l’espérance de vie, du système éducatif et sanitaire, ce développement
humain est étroitement lié à la croissance. La croissance économique fournit
les ressources nécessaires au développement humain, mais aussi,
l'amélioration de la qualité de la main-d'œuvre contribue fortement à la
croissance économique. Ce sont les deux cycles que les RMDH révèlent
(Rapport 1996). Pourtant, il n’en va pas ainsi pour l’Afrique où les faits
montrent une absence de lien automatique entre la croissance d’une part, le
développement humain et l’emploi d’autre part. En effet, les réformes
appliquées dans quelques pays ont permis dans la majeure partie des cas la
réalisation de taux de croissance plus élevés et l’assainissement des finances
publiques. Cependant les indicateurs sociaux sont à un niveau faible. Les
populations vulnérables qui représentent un poids démographique important
et qui sont surtout en zone rurale se sont paupérisées. Ces réformes ont ainsi
contribué à l’accaparement des richesses nationales par une minorité. Cette
concentration des richesses entre les mains d’une minorité montre qu’il existe
de réels problèmes de distribution des fruits de l’effort collectif entre les
différentes couches de la population. Une fraction de plus en plus importante
de la population africaine est exclue des processus de production qui
constituent le mécanisme essentiel de répartition des richesses à travers la
distribution de salaires.
La propension des ménages à dépenser leurs revenus après impôts dans
des produits qui favorisent directement le développement humain dans les
pays pauvres, comme par exemple, la nourriture, l'eau potable, l'éducation et
la santé, varie non seulement en fonction des facteurs tels que le niveau et la
répartition des revenus entre les ménages, mais également selon la personne
qui contrôle la répartition des dépenses au sein des ménages. Les ménages
pauvres dépensent généralement une plus grande part de leurs revenus dans
des produits favorisant le développement humain que ceux dotés de revenus
plus élevés. En définitive, la croissance économique à travers l'accroissement
du produit intérieur brut (PIB), mais aussi une bonne répartition (équitable) de
celle-ci en direction des plus pauvres permet à ces derniers d'augmenter leurs
dépenses sociales favorisant le développement humain et de ce fait
accroissent la demande globale, du moins pour les secteurs suscités. Par
ailleurs, lorsque les individus deviennent en meilleure santé, mieux alimentés
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et mieux instruits, ils contribuent plus à la croissance économique. L'élévation
des niveaux de développement humain, en plus d'être une fin en soi, influe sur
l'économie par le biais d'une hausse des moyens de chacun, qui par
conséquent dispose d'une créativité et d'une productivité plus importante.
2-2. Adéquation des thèmes avec les préoccupations et les urgences
de l’Afrique
Des thèmes importants concernant l’impact du commerce international
et la libéralisation des échanges sur le développement social et sur la lutte
contre la pauvreté, la réforme du partenariat avec l’Afrique, l’immigration, la
construction d’une citoyenneté africaine, le renforcement du secteur privé
dynamique et compétitif, l’injustice du système de l’économie de marché et
l’Afrique, les infrastructures utiles et nécessaires pour le développement, la
promotion du secteur l’agriculture, l’emploi productif et l’intégration sociale.
2-3. Conclusions et recommandations face aux attentes des pauvres
Toutes les grandes instances internationales y compris les acteurs des
RMDH, à l’exception des ONG et des organisations qui luttent pour les plus
démunis s’accordent sur les mêmes conclusions comme un mot de passe sur
plusieurs thèmes :la libéralisation globale des échanges devient subitement
dans toutes les conférences une solution à tous les maux économiques dont
souffrent les milliers d’habitants de la planète. Ce qui est de plus en plus dit et
écrit et repris dans les rapports est que la levée des barrières doit entraîner
une multiplication des échanges, et partant, une augmentation de la
croissance, voire même la prospérité et surtout doit atténuer les problèmes
sociaux, améliorer les structures sanitaires, etc.
Dans le texte final du sommet de Copenhague du 06-12 mars
1995 (Sommet mondial des Nations Unies sur le développement social), il est
écrit que l’intensification des échanges est l’un des facteurs de la globalisation
et que ce processus ouvre en soi, de nouvelles perspectives de croissance
économiques soutenue dans les pays en développement. Cette assertion
rejoint la majorité des conclusions des RMDH qui sont souvent dénoncées
par les groupes de travail sur le développement en faveur des pauvres. La
libéralisation des échanges accentue la concurrence. Dans les cas des pays de
l’Afrique subsaharienne, les produits importés sont vendus à des prix très
réduits ce qui limite les possibilités des petits exploitants agricoles
d’intensifier ou de moderniser leur production pour répondre aux besoins de
l’industrie. La libéralisation des importations menace la sécurité alimentaire.
la majorité de la population étant rurale dans les pays Africain, le type de
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
15
soutien prévu par l’accord de l’Uruguay round à l’intention des produits
agricoles ne suffira pas à instaurer des politiques nationales garantissant une
agriculture durable ,la éloigne de plus en plus des milliers de pauvres dans
leur lutte pour la survie.
Les RMDH soulignent les possibilités de création d’emploi dans le
processus de globalisation ou de mondialisation ce qui apparaît moins
optimiste aux regards de plusieurs facteurs qui ont tendance à limiter
l’emploi dans les pays en développement. Le commerce même étant régi par
la concurrence, la rationalisation de la production tend à supprimer les
emplois plutôt que d’en créer.
Les multinationales ne sont pas souvent mentionnées dans les
conclusions des RMDH or les répercussions de leur rôle majeur des
multinationales entraînent des conséquences bien négatives sur les pays en
développement. Quelques exemples portent sur la propriété intellectuelle qui
touche au commerce par lesquels les prix des médicaments peuvent être
augmentés et limitant ainsi l’accès des pauvres aux soins de santé. L’adoption
des nouvelles règles communautaires sur le chocolat pourraient avoir des
incidences négatives sur les producteurs de cacao du tiers monde, en Afrique
sub-saharienne, les pays comme la Côte d’ivoire, le Cameroun subissent déjà
d’énormes difficultés dans ce secteur. Les multinationales contrôlent une part
très importante de la production mondiale, leur puissance économique est
égale ou supérieur aux PIB de nombreux pays Africains.
La question de pauvreté n’apparaît pas seulement comme une question
morale mais surtout comme une question de sécurité internationale. Les
mesures prises dans les RMDH ne semblent pas être à la hauteur des objectifs
à atteindre : le dysfonctionnement de l’économie de marché creuse le fossé
entre riches et pauvres. Les pays en développement et en particulier l’Afrique
Sub saharienne comptabilisent près des trois quart de la population dans une
pauvreté absolue alors qu’en Europe seulement 15%de la population vivent
au dessous du seuil de pauvreté. Trouver un emploi est un rêve , le trafic de la
drogue regagne du terrain et la criminalité s’accentue. Les mesures ne peuvent
pas seulement se limiter aux conclusions pour simple informations à tout un
chacun pour combattre la famine, promouvoir l’éducation pour tous.
L’urgence aujourd’hui est l’objectif d’un monde plus juste. Le développement
humain a certes progressé mais il garde encore un caractère sélectif. Il faut
aller au cœur des dysfonctionnements et prendre des résolutions fermes.
Les RMDH prônent un développement juste et équitable mais ils
restent inactifs et silencieux devant les dépenses militaires qui sont égales au
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16
revenu annuel cumulé de la moitié des êtres humains. Les 86% des livraisons
d’armement sont effectués par les cinq membres permanents du conseil de
sécurité. Les dépenses militaires de l’Afrique Subsaharienne augmentent
d’année en année pourtant c’est la région la plus pauvre du globe.
Les pays Africains ne pourront s’intégrer dans une économie mondiale
de très haute compétition à cause des fortes disparités socio-économiques qui
limitent leur possibilités et leurs moyens. Toutes les sources de financement
ne seront efficaces que si parallèlement les relations plus constructives et
justes pour une redistribution plus juste et plus humaine mettent fin aux
situations instables et explosives.
III- Pertinence du RMDH par rapport à la problématique du
développement en Afrique subsaharienne
La lecture des différents RMDH permet de faire trois observations :
- d’abord, si la pauvreté est une préoccupation dominante ce qui est
largement justifié, ses mécanismes de formation comme les moyens de
son éradication sont encore mal maîtrisés ;
- ensuite, il est clairement établi que c’est la croissance qui permettra de
réduire les déficits et de donner les moyens pour financer toute
politique sociale, toutefois, ses liens réciproques avec le développement
humain ne sont pas explicités ;
- et enfin les différents thèmes ne se présentent pas comme les facettes d’
une vision globale du développement et ne permettent, en conséquence,
de dégager une stratégie de sortie de crise par le développement humain
durable.
Sur un autre plan beaucoup de questions qui constituent des urgences
pour l’Afrique ne sont pas encore prises en charge par les réflexions du
RMDH.
3-1. Les faiblesses au niveau des thèmes des RMDH
1°) Vision, évaluation et politiques de lutte contre la pauvreté
L’Afrique avec plus de 400 millions de personnes ayant 0,65 dollar par
jour pour subsister et leur nombre qui croît plus vite que la production des
richesses a un problème prioritaire de lutte contre la
pauvreté. Ce
phénomène aussi massif est étudié par les RMDH avec beaucoup de raison et
de pertinence pour en connaître la substance et la mesure .
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
17
Pendant une bonne décennie, les RMDH se sont attelés à la conception
et à la construction d’indicateurs de mesure et de comparaison des niveaux de
pauvreté et de développement humain dans le monde qui dépasse le cadre
restrictif du PNB. L’élaboration ces indicateurs a permis de mesurer l’énorme
retard des pays d’Afrique subsaharienne en matière de développement humain
et conséquemment l’état de la pauvreté..
Tableau 1 : Indicateurs économiques et sociaux dans le monde
Pays de l’OCDE
Europe de l’Est et CEI
Amérique Latine
Asie de l’Est (Chine
incluse)
Pays arabes
Asie du Sud (Inde
incluse)
Afrique subsaharienne
Ensemble du monde
PIB/hbt en 1998 (en
francs français de
1999)
134 000
40 900
43 000
23 500
Espérance de vie
(en années)
Taux d’alphabétisation des
plus de 15 ans (en %)
IDH
76,4
68,9
69,7
70,2
97,4
98,6
87,7
83,4
0,89
0,78
0,76
0,72
27 300
13 900
66
63
59,7
54,3
0,63
0,56
10 600
43 000
48,9
66,9
58,5
78,8
0,46
0,71
Source : Rapport mondial sur le développement humain, 2000
Le RMDH de 2000 révèle ainsi que l’IDH de l’Afrique subsaharienne
atteint en moyenne 0,46 ; ce qui traduit un gap de 0,536 en terme de
développement humain. Depuis 1990, environ 35 des 50 pays classés dernier
en fonction de l’IDH sont africains. Compte tenu de l’aggravation de la
pauvreté et des inégalités dans le monde, et particulièrement dans les PVD, il
apparaît aujourd’hui nécessaire d’aller au-delà de l’aspect statistique des
analyses menées pour adopter une démarche dynamique qui fasse le lien entre
ces indicateurs de qualité de vie et le profil de la croissance économique. Cela
renvoie aux différents acteurs pouvant améliorer le niveau des indicateurs. En
effet, on peut difficilement nier qu’il est plus facile d’être en bonne santé dans
un pays riche que dans un pays de l’OCDE : l’ensemble des pays de cet
espace affiche un niveau d’IDH plus élevé (0,9 soit 10 % en dessous du
meilleur niveau). En revanche, pour la quarantaine de pays les moins avancés
du point de vue du revenu par tête, l’IDH moyen est à 0,44. De plus, on
constate que les vingt pays où l’IDH a reculé depuis 1990 sont tous des pays
où le revenu par tête a également diminué, à l’exception du Botswana. On ne
peut arguer qu’il existe forcément un lien de cause à effet. Seulement, la
pandémie du sida qui frappe massivement l’Afrique subsaharienne provoque
à la fois une chute de l’espérance de vie et une baisse de la capacité
productive des pays concernés. Alors qu’à l’inverse, les pays où l’IDH a le
plus augmenté sont aussi ceux où la croissance du revenu par tête a été
particulièrement forte telle la Corée.
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
18
Le bilan de 10 années de recherche et de lutte contre la pauvreté est
fortement contrasté. Les actions de lutte conte la misère et la famine ont
donné quelques résultats positifs indéniables avec l’augmentation de la
production alimentaire du système périphérique et le recul de la faim.
Toutefois, depuis les années 70, le nombre de pauvres augmente au même
rythme que la population (Kankwenda,1999) sans que l’on soit à mesure de
répondre aux questions fondamentales à savoir : i) Comment mesurer la
pauvreté ? ii) Quels sont les groupes les plus vulnérables ? iii) Quelles sont
les conditions de vie des pauvres et des très pauvres ? iv) Quelle politique
efficace faut-il mettre en œuvre ? Les analyses sur la pauvreté sont marqués
par trois visions qui peuvent coexister ou alterner dans un même pays : une
vision technocratique, une vision assistantielle et une vision caritative. La
vision technocratique est celle des organisations internationales. Elle est selon
Bruno Lautier «exprimée sur le mode de la pathologie et emploie souvent un
langage mi-médical, mi-guerrier : la pauvreté est une maladie, à éradiquer et
pour cela il faut mettre en place des stratégies pour les pauvres». Il s’agit
d’une maladie du corps social et en conséquence, le réalisme imposant de
limiter se ambition, il faut scinder la pauvreté en deux ou trois, pour éliminer
«une pauvreté absolue» qu’il est nécessaire de supprimer en premier. Il est
donc normal que cette vision mette l’accent sur les éléments de quantification
en vue de déterminer la proportion de pauvreté absolue qu’une société peut
supporter sans risque de faire imploser son ordre social.
Cette vison implicite n’est pas appuyée par une bonne connaissance des
mécanismes et des facteurs de la pauvreté : les causes macroéconomiques et
structurelles (économie mondiale, politiques internes introduites par les PAS,
l’endettement) et les causes sociales (double explosion démographique et
urbaine, exclusion économique et sociale, absence de protection sociale et
rupture des solidarités traditionnelles). En l’absence d’études factuelles sur
ces questions, les modes de régulation étatiques ou privés manqueront
toujours d’efficacité.
2°) La croissance économique au service de l’éradication de la
pauvreté
Il est établi que même si croissance économique, la pauvreté et la
qualité de vie ne sont pas automatiquement liées, elles vont souvent de pair.
Dans ce sens Certaines recherches tentent d’établir que pour empêcher
simplement la hausse du nombre de pauvres absolus pendant les 15
prochaines années, il faudra un taux de croissance de 5%. Réaliser l’objectif
de développement international qui consiste à réduire de moitié l’incidence de
la grande pauvreté d’ici 2015, exige une croissance d’au moins 7% par et une
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19
plus juste répartition des revenus. Si les termes de l’échange de l’Afrique
continue de se détériorer, la réduction de la pauvreté demandera une
croissance encore plus élevée.
Toutes les réformes initiées par les gouvernements, en partenariat avec
les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ces deux dernières
décennies, visent principalement à la relance de la croissance économique.
Elles ont permis dans la majeure partie des cas la réalisation de taux de
croissance plus élevés et l’assainissement des finances publiques. Cependant,
les indicateurs sociaux restent toujours à un niveau faible traduisant une
paupérisation des populations vulnérables qui sont surtout en zone rurale.
De plus, ces réformes ont aussi contribué au creusement des inégalités
par accaparement des richesses nationales par une minorité. Cette forme de
répartition des richesses soulève la question de distribution équitable des
fruits de l’effort collectif entre les différentes couches de la population. Une
fraction de plus en plus importante de la population africaine est exclue des
processus de production qui constituent le mécanisme essentiel de répartition
des richesses à travers la distribution de salaires.
Il convient, par conséquent, d’identifier les composantes les plus
prépondérantes des indicateurs de développement humain, et singulièrement
de l’IDH – l’indicateur le plus synthétique du développement humain - selon
les zones afin de concevoir à partir de celles-ci des instruments de politique,
sur la base du lien IDH – croissance économique afin d’élargir le champ des
opportunités des individus et donc d’améliorer les niveaux de développement
humain des régions défavorisées, particulièrement de l’Afrique
subsaharienne.
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
20
3°) La confusion de genre capital humain et capital social
La pertinence des thèmes du RMDH face aux priorités africaines
peut être appréciée par rapport à l’évolution, depuis 1990, du développement
humain soutenable, vers la reconnaissance de formes sociales informelles qui
caractérisent les sociétés africaines. On est alors passé d’une dimension
institutionnelle du développement à une dimension où l’homme est le point
nodal aussi bien dans les objectifs que dans les méthodes. Ce phénomène de
capacité à gérer le développement, recherché à travers le développement
humain, fait que l’ «Humain» se réduit difficilement à la construction d’un
indice global ou composite qui n’intègre pas souvent les activités sociales
liées par exemple à des occasions économiques (micro-marchés) ou familiales
(mariages, funérailles, tontines, …) ou culturelles (divertissements et loisirs
divers), lesquelles sont déterminantes dans la société africaine en ce qu’elles
peuvent détruire totalement le surplus économique. Cependant, rarement la
totalité des revenus et des composantes du capital social n’a été abordé dans
les enquêtes à l’occasion d’autres préoccupations statistiques (emploi/revenu).
Chaque personne, même la plus pauvre possède un portefeuille d’actifs et
d’activités lesquelles recèlent des revenus potentiels et effectifs. Ces
ressources constituent une structure d’encaisses fragiles dans la mesure où
elles dépendent d’autres personnes, de leur altruisme et de celui de l’intéressé.
4°) Etudes et suivi des recommandations
Sur l’ensemble des rapports produits depuis 1990, l’Afrique n’a fait
l’objet que de 21 études de base sur les 164 réalisées au cours de la période,
soit 12,8 % de celles-ci . La place encore marginale de l’Afrique dans les
différentes éditions du rapport pourrait également tirer sa source de la faible
présence de l’expertise africaine au sein de l’équipe de coordination et des
concepteurs de la grille thématique du RMDH.
Mais il convient de relever que dans bien de cas, les rapports entre les
décideurs et le PNUD via leurs représentations sont souvent heurtés en raison
de divergences sur les sources statistiques et sur les résultats établis par le
rapport. En effet, le choix de l’indépendance du rapport ne favorise pas une
démarche participative des acteurs du développement humain et, donc une
adhésion des décideurs aux diagnostics établis par le PNUD.
Cela se ressent dans la qualité des politiques menées en faveur du
développement humain dès lors que ceux qui ont la charge des politiques de
développement n’adhèrent pas aux conclusions du PNUD. Un décalage
apparaît bien souvent entre les diagnostics établis par le RMDH et les
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
21
politiques mises en œuvre. Seule une coopération entre cette institution et les
décideurs dans la réalisation de l’objectif de développement humain pourrait y
remédier. Autrement, il se posera un problème d’internalisation des réformes
préconisées par le PNUD. De plus, peu d’efforts sont faits pour évaluer de
façon critique les politiques gouvernementales mises en œuvre afin de
promouvoir le développement et, particulièrement les programmes de lutte
contre la pauvreté.
Enfin, les Rapports ne font pas assez ressortir, dans l’optique d’un
partenariat potentiel avec le PNUD, l’importance des administrations
décentralisées qui apparaissent de plus en plus comme des vecteurs du
développement humain surtout après la disqualification instrumentale de
l’Etat.
3-2. Des questions prioritaires du développement économique et
social du continent africain échappent à la diligence des RMDH
Les analyses des RMDH traitent des questions de développement en
général qui pour la plus part ne reflètent pas les réalités du continent. Au
mieux ces analyses ne prennent pas en considération des questions urgentes et
déterminantes pour le développement et le progrès social de l’Afrique.
1°) La non couverture des coûts de l’homme
Les coûts de l’homme résultant de l’objectif de développement et de
croissance sont abordés avec beaucoup de légèreté et ne révèlent pas
exactement les réalités que vivent le peuple de ce continent. Ces coûts
peuvent porter sur plusieurs points et de nombreux facteurs engendrent des
situations qui échappent à la quantification de ces coûts. On peut citer entre
autres les coûts ci- après : la mortalité élevée dans le milieu professionnel et
dans l’environnement de chaque individu. Dans le milieu professionnel, il
n’existe pas de mesures de préventions ou autres dans la majorité des
entreprises, certains travailleurs sont en plus ignorants des risques qu’ils
courent et sont même loin de comprendre qu’ils exercent des activités qui
écourtent leur espérance de vie. Dans la vie quotidienne chacun survit au
hasard. Plusieurs facteurs empêchent à la population d’atteindre un niveau
une vie élémentaire normale. Il y a une quasi-insistance d’activité permanente
de campagne de préventions hygiéniques, la population ne connaît pas les
premiers soins d’urgence parce qu’il n’existe pas des couvertures de soins de
santé primaire.
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
22
2°) Le chômage n’est pas traité comme une urgence
Le chômage est analysé comme si c’était un problème qui ne concerne
que des pays développés alors que la montée de l’économie informelle dans
les différents pays est une cause de ce fléau qui concerne plus de 70% de
chaque population dans la majorité des pays. Aucun programme n’est prévu
pour des diplômés qui doivent intégrer la vie active.
3°) Les éléments qui permettent une vie humaine comme
l’instruction, le loisir, le repos (les vacances) sont absents des
analyses
Dans les politiques d’ajustement structurels, les dépenses pour le
développement humain sont relayés au second plan, les plans d’ajustement
bien que cherchant à réparer les déséquilibres financiers expriment une vision
du développement issue de l’économie néo-libérale dans laquelle l’économie
retrouvera son dynamisme en libérant les forces du marché. « Cette
conception suppose que les pays concernés privilégient l’extraversion de leur
économie, affin de maximiser leurs avantages comparatifs dans le commerce
international et rompt avec les conceptions autocentrés du développement qui
avaient prévalu dans les années 1960. De son côté, L’Etat doit laisser la
concurrence assurer l’ajustement optimal de l’offre et de la demande avec la
fixation de la valeur des monnaies et des prix sur le marché.»
4°) L’exclusion du principal acteur du développement humain :
l’Etat et ses démembrements
Cette situation d’impuissance des Etats es à l’origine aujourd’hui de
querelles ethniques, des conflits inter-états qui renaissent. «La situation
d’infra-Humaine inacceptable» les peuples de L’Afrique subsaharienne vivent
des situations bien malheureuses qui brisent et limitent l’existence de milliers
d’individus. Beaucoup n’ont pas accès à l’instruction, ni au minimum vital et
les sorties à l’extérieur pour une plus grande ouverture d’esprit sur le monde
reste bien difficile. En général le continent se voit refuser toute confiance et
tout respect. Leur dignité est bafouée en permanence et beaucoup d’autres
aspects que les indicateurs statistiques peuvent difficilement mesurer sont
autant de facteurs qu’on ne, tient pas compte dans les variables du
développement humain.
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
23
5°) Le problème de la dette n’apparaît pas comme prioritaire
dans les analyses des RMDH
Pourtant, l’Afrique a besoin de financements pour la satisfaction des
besoins sociaux au niveau planétaire, une des démarches de ce financement
pourrait passer par l’annulation de la dette .Dans les années 1980,l’évolution
de la dette était considérable, dette et croissance constituent en elle-même un
dilemme. Le dilemme selon les termes de la Banque mondiale c’est le lien
entre la dette et les besoins non réalisés du développement. Le poids de la
dette africaine n’a pas fait l’objet de beaucoup d’attention parce qu’elle ne
constituait pas une menace pour le système monétaire et financier
international.
Les Rapports ont aussi négligé ce problème urgent de l’époque qui
mérite qu’on s’y attarde parce que les économies africaines sont plus
vulnérables aux crises financières. Leur part d’échanges commerciaux dans le
PIB et leur ratio de solvabilité par rapport aux exportations sont bien
supérieurs à ceux des pays asiatiques à faible revenu et les expose davantage
aux fluctuations internationales. Les économies sont tournée vers l’agriculture
et dont plus sujettes aux variations climatiques, les productions connaissent
fréquemment des variations fortes de termes de l’échange que les exportateurs
de bien manufacturés ;La situation ne laisse envisager aucune perspective
d’avenir de relèvement de niveau de vie même si la croissance les pays de
l’OCDE se poursuit. La conjoncture est très défavorable, des taux d’intérêts
réels élevés le tableaux des chiffres justifiait la nécessité de l’ajustement
structurel qui a aggravé la situation des pauvres dans la majorité des pays .Les
RMDH ne se prononcent pas sur les solutions urgentes de la dette. Ce sont
toujours des solutions classiques qui reviennent pendant que le montant de la
dette continue à croître et perpétue le continent dans l’éternel cercle vicieux
endettement –ajustement- pauvreté- mondialisation. Doit on s’accorder avec
René Dumont pour dire que l’Afrique est perdue ? Ou alors se résigner à la
déclaration du RMDH selon laquelle si le problème de l’endettement ne
s’améliore pas ainsi que le taux de change nous sommes perdus ?
6°) Le développement humain et la mondialisation : la gestion
des risques et des turbulences
Les RMDH n’analysent de manière fine les incidences de la
mondialisation afin de mieux s’attaquer aux incertitudes et à la gestion des
risques pour les populations du système périphérique. Le RMDH de 1999
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établit que «Les pays laissées pour compte sont malgré tout bien intégrés dans
les échanges mondiaux». Seulement, cette intégration apparente rend la
région extrêmement vulnérable face aux risques et turbulences des systèmes
financiers et aux caprices des marchés des produits de base. C’est vrai que
L’Afrique subsaharienne affiche un ratio exportation /PIB de 29 % dans les
années 1990, supérieur à celui de l’Amérique Latine 15 % la même année, est
ce que cela suffit pour parler de l’intégration de la région concernée ? Les
conditions qu’un pays puisse s’insérer dans l’économie mondiale impliquent
plusieurs facteurs qui sont entre autres : l’existence de produits compétitifs,
des entreprises efficaces, des facteurs de production efficients, une
intervention étatique cohérente. Tous ces facteurs semblent bien absents en
Afrique. Les activités exportatrices restent concentrés sur les produits de base
et les investissements directs étrangers sont faibles parfois quasi inexistants
pour la plupart des pays.
On est passé certes à une régulation par les marchés à l’échelle
planétaire, le financement est mondialisé mais les espaces monétaires
nationaux n’ont pas disparu dans les stratégies proposées pour relever le défis
de la mondialisation, La contribution du système bancaire n’est pas abordé
alors que l’apport des banques est importante pour accompagner les stratégies
nationales envisagées comme réponse aux problèmes qui assaillent le
continent africain. Leur rôle dans les opérations internationales (commerce
internationale, changes, investissement direct international) leur influence sur
l’ensemble de l’appareil productif (financement des investissements,
couverture des besoins de trésorerie, les opérations de fusion acquisitions)
leur contribution à la mobilisation de l’épargne sont d’une importance
capitale. Par ailleurs, la solidité, la rentabilité et la solvabilité des banques
constituent en elles même un élément de la performance d’une économie
d’une meilleure intégration or cette dimension du système financier n’est pas
tenue compte.
La globalisation financière correspond à un marché unique de l’argent
au niveau planétaire, en effet on devait s’attendre à une allocation du capital
dans l’économie mondiale, mais on assiste au dysfonctionnement de
l’économie si on se réfère aux crises mexicaines des années 1995, et les
récentes crises en Asie de l’Est. de 1997 et de l’Argentine. En effet, les
marchés sont qualifiés d’incertains et imparfaits. Comme l’indique J. Stiglitz
«une théorie de marché qui part de l’idée que les marchés sont imparfaits et
incertains, si d’une part elle peut servir de légitimations aux spéculations
financières (prise de risque)peut aussi justifier l’intervention étatique comme
réducteur d’incertitudes. Or le néolibéralisme contemporain pensant le
marché sans penser le pouvoir a masqué le pouvoir inscrit dans le marché».
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
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Aujourd’hui les contraintes du marché mondialisé font tourner à vide la
démocratie représentative. Ce qui apparaît le plus menaçant aujourd’hui c’est
l’absence du pouvoir. C’est précisément un sentiment généralisé
d’impuissance et comment dans ce contexte on peut réussir les défis de la
mondialisation et réduire la pauvreté ?
Une étude de P. Vocker ancien Président de la Réserve Fédéral Bank
américaine attribue pour moitié à l’accroissement de la spéculation le
ralentissement de la croissance depuis les années 1970. Le PNUD lutte pour
une croissance soutenue dont les effets porteurs pourront diminuer la
pauvreté. Peut- on alors affirmer dans de telle situation que les stratégies
proposées sont sur la bonne voie ?
Dans la nouvelle régulation mondiale, les critères sont exclusivement
financiers et c’est de l’économie financière que provient la norme de
rentabilité à laquelle doit se plier l’économie réelle c’est à dire obtenir la
confiance des marchés. L’allocation du capital attendu de la mondialisation ne
peut raviver pleinement les espoirs et dans ces conditions d’où proviendront
les ressources dont les pays en développement ont besoin pour éradiquer la
pauvreté dans cette mondialisation à visage humain. Le défis de la
mondialisation est une question de volonté politique de la communauté
internationale si on veut partager équitablement les fruits de la richesse
mondiale le danger est de voir non seulement une géographie contrastées,
mais une société à deux vitesses : «Have more et have less (12)», c’est-à-dire
un écart de plus en plus accentué entre les riches et pauvres contrairement aux
espoirs qu’on croit attendre de la mondialisation.
7°) Les questions culturelles entre marginalisation et oubli
Le secteur de divertissement dans la culture mondiale est dominé par
les Etats Unis. Le divertissement a un impact sur le reste de la planète et en
l’occurrence les plus pauvres. .Les images sont imposées sans discernement,
la Censure a t’elle disparu au niveau de l’audio visuel ? le marché de
l’audiovisuel qui parmi les marchés prisés des grandes puissances .Il ne faut
pas réfuter le fait que Les individus sont loin d’être semblables de part leur
origine et leur mœurs. Il y a des émissions, des publicités, des images qui
portent atteintes à l’éthique communautaire et sociale, à la culture de certains
groupes. Comment concilier cultures et divertissement ? Le problème devrait
être posé, ainsi que le débat culture locale et culture mondiale. Le rapport
n’est pas très explicite sur la progression de la culture de consommation
mondiale. Les produits culturels non seulement continuent à creuser des
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
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écarts que les institutions n’arrivent pas à résoudre mais risquent encore de
créer de graves problèmes dans l’avenir.
IV - LA PERTINENCE ET LES LIMITES DES OUTILS
D’ANALYSE UTILISES PAR LE RMDH
Un des constats qu’on peut dresser à la lecture du RMDH est qu’autant
elles sont riches en statistiques, autant, à contrario, elles sont pauvres en
études empiriques. Celles-ci y sont insuffisantes voire rares notamment pour
les pays d’Afrique subsaharienne confrontés à des problèmes ardus de
développement humain. Même si la fiabilité des statistiques collectées par le
rapport est souvent controversée, on peut difficilement contester leur aptitude
à servir de base aux études thématiques ; les résultats qu’on peut en tirer
pouvant servir à titre indicatif à la formulation de mesures de politiques
économiques.
En effet, compte tenu des divers aspects du développement humain
abordés par le rapport (genre, pauvreté, mode de consommation, financement
du développement humain…), la tentation est grande, en partant d’hypothèses
standard, d’aboutir à une uniformisation des résultats et donc des recettes de
politiques économiques. Or la nature des contraintes au développement
humain est différente selon les pays et selon les zones. Cela tend à suggérer
que, du point de vue des études thématiques, la problématique du
développement peut se poser différemment selon que l’on est en Afrique
subsaharienne ou ailleurs (ex. problème lié à l’équité homme/femme dans
l’accès aux ressources productives, dans l’accès à l’éducation, problèmes liés
à l’excision et à la liberté des femmes, à l’analphabétisme, à la stabilité
politique, aux droits de l’homme, aux fléaux naturelles, à la pauvreté
récurrents en Afrique subsaharienne).
4-1. Modélisation et mesurabilité des indices soulèvent des question
techniques
A ce stade, les problèmes les plus importants résident dans la
modélisation, comment par exemple simuler les effets sur un tableau
d’activité d’une perturbation liée à l’introduction d’une activité labour
intensive ? Prenons un autre exemple plus usuel relatif à la quantification de
la pauvreté. Le calcul de ce seuil et sa signification son à la fois difficile et
complexe. Les méthodes de construction de seuil de pauvreté les plus
couramment utilisés sont indiqués dans l’encadré suivant :
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain (...) Professeur Moustapha KASSE
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Encadré: L’exemple de la pluralité des approches d’une ligne de pauvreté.
Définition
Une ligne de pauvreté permet de distinguer les «pauvres» des «non pauvres» à partir d’un critère normatif de
revenu réel (par exemple, 1$ par jour en PPA, selon la méthodes des «besoins fondamentaux»).
Elle permet d’estimer la distribution des pauvres en deçà de cette ligne, entre «plus pauvres des pauvres» et
«plus riches des pauvres», en tenant compte éventuellement des sentiments altruistes (sympathie ou aversion)
engendrés par cette distribution.
1ère Approche : Approche de Foster-Greer-Thorbecke (1984)
[z -zRi ]
α
Pα = 1/n Σ
Avec
z : ligne de pauvreté (par exemple 1$/jour)
Ri : revenu de la ième personne pauvre : i = 1, ….. q
n : la population totale
q : nombre de personnes pauvres (i.e en dessous de la ligne de pauvreté)
α : le degré d’aversion pour la pauvreté, qui peut prendre différentes valeurs (0,1,2).
Dans sa version actuelle, l’indice FGT souligne que l’efficacité du dollar marginal d’aide sera évidente pour
les plus «riches des pauvres» et nulle pour les plus «pauvres des pauvres».
2°) Approche : l’indice de Sen
Il combine dans un indicateur unique trois éléments :
- l’incidence de la pauvreté, c’est-à-dire, le nombre ou la part des personnes qui se situent en dessous
d’un seuil de «bas revenus», ou encore la proportion de pauvres = T ;
- l’intensité de la pauvreté : distance au seuil de pauvreté = 1 ;
- la distribution des bas revenus : distribution des bas revenu : distribution des revenus au sein de la
population à bas revenus ; soit l’indice de Gini, G.
Sen = T[I + (1-I)G]
Si tous les revenus sont supérieurs au seuil de pauvreté, l’indice a la valeur minimum 0. Si tous les revenus se
situent en-dessous du seuil de pauvreté et si la distribution est parfaitement inégalitaire, l’indice a la valeur
maximum 1.
3°) Approche : l’indicateur de pauvreté humaine, PNUD, 1997
La nature des principaux «manques», variant en fonction des conditions socio-économiques, le PNUD a
choisi de construire en premier lieu cet indicateur essentiellement pour les pays en développement.
Trois aspects essentiels sont envisagés :
P1 : la longévité (risque de décéder avant 40 ans).
P2 : l’instruction (pourcentage d’adultes analphabètes)
P3 : l’accès à des conditions de vie décente (santé, ….=
3
3
3
IPH = [1/3 (P 1 + P 2 + P 3)]1/3
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L’indice proposé est calculé certes sur la base de trois éléments
essentiels de la vie de l’homme à savoir : l’espérance de vie à la naissance, le
niveau d’éducation, le revenu désagrégé par sexe. Mais l’espérance de vie ne
rend pas compte de l’espérance de vie en bonne santé, l’éducation mesurée
par l’alphabétisation est une mesure approximative des capacités techniques
indispensables au développement technique. Le revenu mesuré au niveau des
PIB ne rend pas compte des disparités des revenus.
4-2. L’IDH et les limites relatives aux statistiques
Quels enseignements peut-on tirer de L’IDH que les RMDH tentent
d’améliorer chaque année ? Indicateur composite, l’IDH comprend trois
éléments : la durée de vie, mesurée d’après l’espérance de vie à la naissance,
le niveau d’instruction mesuré par un indicateur alliant pour deux tiers le taux
d’alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux brut de scolarisation
combiné (tous niveaux confondus) et enfin le niveau de vie mesuré d’après ke
PIB réel par habitant exprimé en PPA, ou parité de pouvoir d’achat).Il est
ainsi égal à la moyenne arithmétique de la somme des trois indices.
Valeur réelle Xi -Valeur minimale Xi
Indicateur = 
Valeur maximale Xi – Valeur minimale Xi
Indicateur de l’espérance de vie A : (52,7 - 25) / ( 85-25) =
0,46
Indicateur de niveau d’éducation B : [ 2( 35,5/100) +
36/100] 3 = 0,36
Indicateur de PIB/habitant [2] C : log(1307) - log100) / log(40
000)-log (100) = 0,43
Index du développement humain : IDH =  (A+B+C) /3
Sous cette forme, cet indicateur appelle quelques observations quant à
sa significativité.
D’abord, l’état actuel des statistiques montre que les bases de données
sociales sont inexistantes ou alors totalement dérisoires. Les deux premiers
indicateurs peuvent être évoqués pour illustrer les problèmes liés à la qualité
des données et le dernier à sa significativité quant on sait que non seulement
les revenus et leur répartition sont inconnus mais que les activités du secteur
informel pouvant aller jusqu’à 60% du PNB sont non prises en compte dans
l’évaluation de l’indice. Le PNUD n’utilise que les données disponibles or
pour avoir l’espérance de vie à la naissance, il faut disposer d’une table de
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mortalité récente qui se calcule lors de l’analyse des données de recensement.
Or la plupart des pays Africains n’ont pas respecté la périodicité décennale
des recensements, par exemple le dernier recensement du Togo date de 1984,
celui de la République démocratique du Congo date de 1984, celui du
Cameroun date de 1987, celui du Sénégal date de 1988 pour ne citer que
ceux-là. On a besoin des effectifs de la population récente pour avoir le
dénominateur de la plupart des indicateurs qui rentrent dans le calcul de
L’IDH, les effectifs sont obsolètes ce qui augmente l’imprécision de la qualité
des résultats.
Ensuite, à l’échelle globale, l’IDH présente un grand intérêt en ce qu’il
permet de classer les pays mais au plan strictement intérieur demande des
corrections multisectorielles. Si par exemple un pays est dernier du point de
vue de L’IDH, sur quelle variable devra t’il s’appuyer pour redresser sa
situation ? Il existe d’autres indicateurs spécifiques du développement
humain : pour mieux faire ressortir les disparités entre sexes ou inégalités de
genre, les indicateurs de base (espérance de vie à la naissance, alphabétisation
et taux de scolarisation, revenus) ont été ajustés en tenant compte des écarts
entre hommes et femmes.
Enfin, une limite de l’IDH est l’importance secondaire accordée aux
revenus dans le calcul de l’indice. En prenant l’exemple de la France et de
l’Argentine, le premier pays a un revenu de 18430 dollars par habitant
(corrigé PPA) avec une note de 0,948 et le second pays a un PIB de 5120
dollars avec une note IDH de 0,948. La différence de 13310 entre ces deux
pays se réduit à 225 dollars une fois l’ajustement calculé. En fait la déflation
des revenus rend l’indice très peu expressif.
En définitive, il apparaît nettement que l’IDH est un instrument de
comparaison internationale. Cependant, cet indicateur ne permet pas de savoir
quelle est sa composante qui sera la cible du programme pour améliorer le
niveau ou le classement du pays dans la hiérarchie internationale établie. Si
l’indicateur est performant pour faire des comparaisons entre pays, il l’est
moins au niveau opérationnel dans le pays. On sait que dans tel pays, ou tel
district sanitaire la qualité des soins est mauvaise, mais on ne sait pas sur
quelle variable jouer pour améliorer la qualité des soins (7).
Sur un autre plan, on peut constater à la lecture du RMDH qu’autant ils
sont riches en statistiques, autant, à contrario, ils sont pauvres en études
empiriques. Celles-ci y sont insuffisantes voire rares notamment pour les pays
d’Afrique subsaharienne confrontés à des problèmes ardus de développement
humain. Même si la fiabilité des statistiques collectées par le Rapport est
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souvent controversée, on peut difficilement contester leur aptitude à servir de
base aux études thématiques ; les résultats qu’on peut en tirer pouvant servir à
titre indicatif à la formulation de mesures de politiques économiques. En
effet, compte tenu des divers aspects du développement humain abordés par le
rapport (genre, pauvreté, mode de consommation, financement du
développement humain…), la tentation est grande, en partant d’hypothèses
standards, d’aboutir à une uniformisation des résultats et donc des recettes de
politiques économiques. Or, la nature des contraintes au développement
humain est différente selon les pays et selon les zones. Cela tend à suggérer
que, du point de vue des études thématiques, la problématique du
développement devrait se poser différemment selon le continent de résidence
ou le milieu culturel dans lequel on vit (ex. Problème lié à l’équité
homme/femme dans l’accès aux ressources productives, dans l’accès à
l’éducation, problèmes liés à l’excision et à la liberté des femmes, à
l’analphabétisme, à la stabilité politique, aux droits de l’homme, aux fléaux
naturelles, à la pauvreté récurrents en Afrique subsaharienne).
4-3. Quelle est la capacité des indices
multidimensionnalité des faits humains ?
à
exprimer
la
Tous ces indicateurs nous permettent de distinguer les pauvres des non
pauvres. En d’autres termes, ils permettent de mieux situer la «classe de
pauvres». Cependant, la question est de savoir quelle est la pertinence de ces
indicateurs à aider à accroître la capacité des individus à mieux fonctionner
c’est-à-dire à vivre mieux et à s’épanouir en saisissant les opportunités qui se
présentent à eux ?
Cette question est d’autant plus fondée que ces indicateurs ainsi cités
semblent mesurer plus les inégalités que la pauvreté elle-même. Si nous
considérons les particularités et les différence dans cette même «classe des
pauvres», ces mêmes indicateurs pourraient à nouveau y être appliqués pour
déterminer «les plus pauvres des pauvres», et ainsi de suite. Le problème est
dans cette situation loin d’être résolu car, si une chose est de situer (identifier)
le pauvres, une autre chose est de leur offrir la possibilité de vivre longtemps
et en bonne santé, d’acquérir les connaissances qui les aideront dans leurs
choix et d’avoir accès aux ressources leurs assurant un niveau de vie décent.
Quelle est la capacité de ces indicateurs à intégrer dans le raisonnement
économique les multiples dimensions de bien-être des populations africaines,
que celles-ci soient d’ordre économique, social, culturel, politique ou
éthique ?
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La réponse à cette question impose de privilégier les dotations en
capital des personnes sous leurs différentes formes (physique, financière,
humaine, sociale, etc.), d’encourager les aptitudes personnelles à utiliser ces
dotations, enfin de favoriser les opportunités d’utilisation de ces dotations en
minimisant les contraintes ou les interdictions sociales. Ainsi, les différentes
dimensions du bien-être que le développement humain est sensé réaliser et les
formes de pauvreté qu’il est, en conséquence, appelé à combattre sont repris
dans le tableau suivant :
Tableau 3: multidimensionnalité du développement durable
Dimensions du
bien-être et formes
de pauvreté
Pauvreté
d’accessibilité
(manques et
absences de
satisfaction)
Pauvreté de
potentialités
(absence
d’opportunités
d’accumulation)
Dimensions économiques
Monétaire
Conditions de vie
Dimension sociale
Manque d’accès à
Manque d’accès à la
Exclusion sociale.
l’emploi. Absence de santé, à une alimentation
Rupture du lien
revenu.
équilibrée, à l’éducation,
social.
Impossibilité d’acheter
au logement, etc.
Problèmes de genre.
des produits
Absence de capital
physique
(équipement, terrains,
biens durables) et
financier
(épargne, crédit)
Insuffisance de capital
humain
(peu d’éducation,
mauvaise santé)
Insuffisance de
capital social
(manque de
cohésion sociale,
relation de faible
niveau)
Dimension
culturelle
Non
reconnaissance
identitaire.
Déracinement.
Insuffisance de
«capital
culturel».
Absence de
fond culturel
commun.
Sous-culture.
V- LES SILENCES DES RMDH SUR LES STRATEGIES A
PROMOUVOIR ET LES STRUCTURES INSTITUTIONNELLES
D’ENCADREMENT
Les limites des RMDH au triple niveau institutionnel, de la mise en
œuvre des recommandations, du suivi et évaluation, entraîne vers une
réflexion sur les silences en ce qui concerne les besoins de stratégies et de
structures d’encadrement.
5-1. L’affaiblissement de l’Etat et la confiance incidente à la main
invisible
L’Etat et les institutions sont les grandes oubliées des RMDH or ce
sont justement les agents principaux de promotion des sphères non
économiques du développement qui sont par définition hors du champ de
l’économie marchande. Le caractère composite de développement humain
durable exige des actions correctives dans tous les domaines (économiques,
social, culturel, politique, …) que le marché ne peut point faire. D’où la
nécessité d’une réinsertion de l’Etat dans le champ du développement
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humain. La critique radicale contre le fonctionnement de l’Etat, a
complètement occulté les problèmes de fond concernant le rôle de l’Etat et
ses missions nouvelles dans le développement humain durable. Les
mécanismes de marché ne peuvent point corriger les fortes inégalités de
revenus et garantir les liens intergénérationnels caractéristiques du
développement durable.
Le miracle asiatique a montré que le développement était possible et qu’il
pouvait s’accompagner d’une réduction de la pauvreté, d’une amélioration
largement partagée du niveau de vie et même d’un processus de
démocratisation. Mais, comme l’observe J. Stigltz, l’expérience de ces pays
est considérablement dérangeante car ils ne sont pas conformés aux
prescriptions habituelles. Dans la plupart des cas, les Etats et les institutions
ont joué un rôle déterminant dans la formation à la fois du capital physique et
du capital humain.
5-2. Une mise en œuvre incontrôlée des recommandations des
RMDH
Le processus de mise en œuvre des recommandations déduites des
RMDH n’est pas clairement défini dans les pays africains. Le PNUD ne
saurait se substituer aux structures de mises en œuvre de programme de
développement économique et social. L’analyse et l’évaluation du
développement humain débouchent souvent sur des propositions de mesures
spécifiques susceptiles d’apporter des corrections éventuelles mais aucune
contrainte ne pèse sur les gouvernements pour leur application. C’est dire que
les Etats ne sont pas engagés par les constats faits dans les RMDH. Le PNUD
n’a pas la capacité de la Banque mondiale pour imposer des conditionnalités
en vue de l’application des recommandations déduites des RMDH.
De plus avec les changements qui interviennent dans les modes de
calcul des différents indices (IDH, ISDH) des RMDH, il n’existe pas de
mécanisme de suivi et d’évaluation permettant d’étudier les modifications qui
interviennent dans la période décennale, puisque les indices ne sont pas
comparables d’une année à l’autre. En effet, les changements de mode de
calcul peuvent modifier la classification hiérarchique des pays en terme de
développement humain. Les RMDH peuvent–ils continuer de s’arrêter au
simple constat.
5-3. Les besoins de stratégie à moyen et long terme
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Les RMDH présentent des analyses et des réflexions sur des thèmes qui
sont au cœur du développement économique et social de l’ensemble d’une
planète encore configurée en une pluralité de nations d’inégal développement
et évoluant dans des structures d ‘encadrement différenciés. Selon R. Boyer,
en «en dépit de la pluralité des facteurs de déstabilisation, les espaces
nationaux sont loin de s’être fondus dans un nouvel ensemble complètement
mondialisé». Le temps des nations n’est donc pas fini. Le consensus de
Washington n’avait pas tord d’élaborer et de proposer des stratégies
d’instauration d’une économie libérale de marché régulée par «la main
invisible» pour déclencher un processus vertueux associant croissance
économique et modernisation. Si les politiques se sont avérées peu
performantes c’est comme le note J. STIGLITZ, parce qu’elles ont confondu
les moyens avec les fins.
Après plus d’une décennie, les RMDH doivent maintenant s’atteler a
avoir une vision stratégique du développement économique qui aille bien au
delà du simple exercice de calcul d’indices qui catégorisent les pays sans leur
indiquer la direction à suivre et les moyens à mettre en œuvre. L’émergence
des pays d’Asie de l’Est à partir d’une croissance rapide montre que le
développement est possible et qu’il peut s’accompagner d’une réduction de la
pauvreté, d’une amélioration largement partagée du niveau de vie et même
d’un processus de démocratisation. Ils ne sont pas conformés aux
prescriptions habituelles mais ont élaboré des stratégies solides qui ont permis
en l’intervalle d’une génération de construire des systèmes économiques
performants et progressivement de mettre en place des régimes politiques
démocratiques. Certains des éléments de leur modèle et de leur stratégie sont
maintenant bien connus : le rôle central de l’Etat «pro», c’est-à-dire
promoteur, producteur, prospecteur et programmeur, de la communauté et de
l’individu, du secteur privé, du secteur public, des paramètres culturels et
sociaux.
L’étude et l’analyse de questions évidentes de développement comme
ceux répertoriés dans les différents RMDH sont insuffisantes pour tenir lieu
de stratégie et de politique. Il existe un besoin pressant de stratégie à moyen et
long terme qui s’articule autour de trois questions importantes :
- l’analyse économique du développement qui présenterait un projet
cohérent des politiques à mener pour une croissance durable et
équitable,
- la régulation économique car «plus de marché et moins de
réglementation n’est pas incompatible avec plus et mieux de maîtrise
des processus économique», ce qui suppose une réhabilitation de la
planification et des techniques modernes de programmation ;
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- des institutions appropriées et fonctionnelles capables d’encadrer et de
faire participer de manière démocratique les différents acteurs du jeu
économique et politique.
CONCLUSION
Relever les défis du développement est impossible sans de réformes
internes bien adaptées aux différents pays. Le cheminement du
développement est multiple et parsemé de contradictions et les différentes
théories et modèles qu’ils soient liées à l’idéologie marxiste léniniste des
planificateurs ou à l’idéologie libérales se sont avérées inadéquates pendant
plus de trente bonnes années. Les faiseurs de modèles doivent penser un
développement avec des macrodécisions entraînantes dans chaque pays le
développement doit résulter des dynamiques endogènes d’entreprises et
d’activités pour constituer le tissus de base. L’ampleur des défis nécessite une
conception de la société qui s’appuie sur des points d’ancrage culturels et
sociaux.
D’après le PNUD le concept de développement humain prend en
compte, pour chaque pays non seulement le produit national brut mais aussi
l’éducation, la santé, l’espérance de vie, l’accès à l’eau potable, le libertés
politiques, cette nouvelle approche oblige à considérer le développement
comme un tout : les individus ne sauraient être réduits à leur seule dimension
d’homoeconomicus. Les hommes vivent et se développement dans des cadres
spécifiques scrutés par l’histoire et la géographie, tout comme ils adoptent des
comportements et attitude conditionnés par leur culture. De solides références
historiques sur la pensée du développement montrent que les structures
d’encadrement de même que les incompatibilités des structures peuvent
constituer des freins à la croissance pour ne prendre que cette donnée
quantitative. On peut évoquer à ce propos les travaux de Max Weber sur
l’influence de l’éthique protestante dans le développement et la consolidation
du capitalisme européen et les travaux de Sombart sur la mentalité juive.
Trois attitudes intellectuelles paraissent essentielles pour le développement
économique et social :
- l’attitude à l’égard du progrès matériel : la recherche de ce progrès estelle tenue pour une fin valable de l’activité humaine ?
- l’attitude à l’égard du temps : le temps est-il un élément sur lequel
l’homme n’a aucune prise ou le temps est-il un bien rare qui doit être
aménagé et qui a un prix ?
- l’attitude à l’égard de l’accumulation : la richesse est-elle source de
consommation, moyen de prestige ouest-elle un instrument de progrès
économique par accumulation et investissement ?
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Il existe trop de paramètres extra-économiques qui peuvent commander
ou orienter l’activité économique et qui obéissent à un espace local, national
ou régional. La gravité de la crise africaine se prolonge et devrait donner lieu
à des réflexions bien adossées au réel. Les chances d’un véritable nouveau
départ passent par la mise en œuvre de stratégies qui répondent aux besoins
de l’Afrique. Les RMDH devraient concevoir des modèles adaptés. Les
pauvres d’Afrique manquent d’opportunités, d’insertion et de sécurité
matérielle. La solution s’inscrit dans la recherche d’un modèle de société juste
dans un environnement sain qui contribuera à une espérance de vie longue en
bonne santé. Un schéma institutionnel fondé sur le marché (individualisme
méthodologique) et qui oublie la communauté (holisme méthodologique)
risque d’être hors jeu.
Ainsi, même si les RMDH affichent des préoccupations générales
relatives à des questions de développement dans le monde, celles-ci sont
encore loin de s’intéresser à la problématique des économies et des
populations africaines. Pour y palier, les Rapports devraient corriger les
macros analyses, trop global et trop pluriel, pour cerner les réalités de plus
prés. Le changement de cadre s’impose car les problèmes de développement
humain sont principalement des problèmes africains. Ils seraient mieux
abordé dans un espace local, régional ou sous-régional par nature plus
homogène.
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