Université de Kara du Togo Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Les Grands Problèmes de l’Economie Contemporaine Par Professeur Moustapha Kassé Mai 2007 www.mkasse.com [email protected] Introduction L'objectif premier de ce cours est de sensibiliser les étudiants pour qu’ils prennent conscience de la diversité des problèmes économiques contemporains particulièrement à l’échelle mondiale et à celle du Continent et de la Sous Région Ouest africaine. Ceux-ci apparaissent à la fois dans leur vie quotidienne et dans les enseignements des théories économiques. Toutefois, même dans une approche globalisante, ces problèmes économiques qui se posent actuellement sont nombreux, complexes et bien souvent inter corrélés, inter reliés. Leur compréhension nécessite de disposer d’une méthodologie conséquente et des instruments d’analyse fiables et pertinents d’abord pour les sélectionner ensuite pour les comprendre. Cet enseignement sera centré sur une démarche multidisciplinaire afin d’éviter toute approche strictement « économiste » forcément réductrice de certains phénomènes qui dépassent trop souvent le cadre traditionnel de l’analyse théorique standard néo-classique. Deux questions préalables se posent pour dégager le contenu de cet enseignement : Comment les sélectionner ? Comment les approcher ? Nous procéderons à réaliser trois synoptiques pour identifier et mieux comprendre les grandes tendances de l’économie mondiale, africaine et ouest africaine et les risques : - synoptique de la grille de lecture - synoptique des grands problèmes de la mondialisation - synoptique de la renaissance africaine I/ Synoptique pour une grille de lecture des grands problèmes économiques contemporains ? Les statistiques disponibles malgré leur imprécision ne laissent aucun doute sur le constat suivant: l’économie n’a jamais été aussi mondialisée, aussi massive dans les sphères de la production, des échanges, des finances et de la consommation. Egalement, les NTIC et les diverses innovations sont en train de transformer radicalement les systèmes productifs. Toutefois, ces problèmes économiques sont nombreux et complexes et nécessitent, en conséquence, d’être sélectionnés et classifiés, en mettant en évidence les éléments plus marquants, en proposant des repères et un balisage, en réduisant au minimum indispensable les données chiffrées. Il faut alors privilégier une approche simple et lisible, sans prétention à l’exhaustivité, pouvant à la fois fournir une synthèse accessible aux étudiants désireux d’améliorer leur culture économique et de repérer les voies d’un approfondissement ultérieur. Dans ce cadre, parmi les nombreux problèmes, nous avons sélectionné et classés ceux qui nous semblent les plus importants et sur lesquels il est indispensable d’attirer l’attention sur leurs évolutions récentes et de signaler les controverses majeures qui les entourent. A chaque l’espace de référence sera le monde, l’Afrique et la Région Ouest africain ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 2 A/ Les aspects méthodologiques de l’observation des grands problèmes économiques contemporains. Quels sont les grands faits économiques et sociaux du monde contemporain qui méritent d’être étudiés ? Quels sont les critères de sélection ? La pensée économique et les recherches universitaires classifient les faits économiques et sociaux en deux catégories : les faits observés et les faits stylisés pour reprendre le mot de Robert Boyer 1. Sur les faits observés. Globalement, la science économique est une science de l’observation des faits économiques donc se préoccupe de l’observation des activités économiques et des cadres dans lesquels elles se déroulent ; d’études des mécanismes de la production , de la consommation, de la répartition Pour les besoins de l’observation en vue de formuler les rapports constants (processus de théorisation) en sciences économiques émet des hypothèses, construit des théories, dégage des lois et utilise nécessairement une démarche, une méthode. Comme pour toute science, appliquée, la nécessité de la science économique peut se résumer en cette formule lapidaire comprendre pour agir. Les grands problèmes sous ce rapport concernent : La mondialisation dans sa triple compréhension d’internationalisation de la production, des échanges et de la monnaie, les nouvelles technologies, les politiques économiques et financières les Etats, les variables déterminantes comme l’énergie, les acteurs et les institutions, le développement 2. Sur les faits stylisés Ils sont constitués des faits ténus que la théorie économique n’arrive point ni à expliquer encore moins à modifier. En effet, malgré ses avancées remarquables, le grand public observe une sorte de désillusion sur la capacité de la science économique à expliquer les grands faits stylisés et à proposer des solutions claires aux grands problèmes du monde contemporain. Les multiples désaccords et controverses des experts sur ces questions sont perçus par les citoyens comme un manque de fiabilité de la discipline. La science économique est traversée par de multiples interrogations de caractère épistémologique relativement à son statut et particulièrement à ses méthodes. Ce contexte de multiples controverses, voire même de crise lui permet – elle d’offrir une ou des grilles de lecture qui permettent de mieux comprendre les grands faits économiques. Malgré ses avancées remarquables, le grand public observe une sorte de désillusion sur la capacité de la science économique à expliquer les grands faits stylisés et à proposer des solutions claires aux grands problèmes du monde contemporain. Les multiples désaccords et controverses des experts sur ces questions sont perçus par les citoyens comme un manque de fiabilité de la discipline. Même la communauté scientifique s’interroge sur son aptitude à tenir rigoureusement son rôle : ________________________________________________________________________ 3 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com - crise de la prévision face aux fluctuations des marchés et des monnaies crise de la politique économique face au chômage, à la pauvreté et à la demande sociale. Cette crise implique celle de la pensée car si on ne sait pas agir c’est bien parce que l’on ne sait plus bien analyser, ce qui semble paradoxal en relation avec la surdéveloppement de l’utilisation des techniques quantitatives. Dans les propositions pour un nouvel esprit scientifique en science économique les auteurs mettent l’accent sur la nécessité d’une prise en considération plus grande des faits économiques et sociaux dans les formulations et les recherches économiques. Dans ce sens, A.S..Eitcher note que « les économistes ont échoué à appliquer à leur propre travail les règles épistémologiques que suivent normalement les scientifiques pour éviter de faire des erreurs. En particulier le refus de se soumettre au fait que les idées et les théories avancées doivent être empiriquement confirmées. Cette critique est reprise par A. Simon quand il écrit que « les économistes répugnent à reconnaître et à accepter les faits du monde réel qui semblent aller à l’encontre des cette théorie de l’équilibre général ou miner ses fondations. Ce dont souffre principalement le savoir économique de notre temps, c’est d’un déficit de en réalisme, certes le travail théorique est important. Certes, il existe des personnalités et des institutions puissantes qui se consacrent à la collecte des faits et à à leur première élaboration, mais les théories restent imperturbablement à côté des faits La reconstruction éventuelle d’une discipline économique qui ne prétendrait pas exclusivement au statut de science positive, lais accepterait pleinement ses dimensions normatives passe par la destruction du mythe scientifique de l’économie comme science naturelle et par trois démarches :revenir à un contenu descriptif fort, même si c’est au prix de l’abandon d’une théorie plus générale ;préférer les investigations empiriques aux hypothèses générales de rationalité et enfin concevoir une autre manière d’articuler, en économie les dimensions normatives et positives. Ces deux grandes catégories de problèmes économiques contemporains seront restituées dans un cadre ouvert en permettant l’utilisation d’une ou des grilles de lecture. Quelles sont les grilles de lecture dont nous disposons pour justifier les choix des grands problèmes retenus ? On peut en retenir plusieurs mais nous prendrons. B/ Les grilles de lecture des faits Ces grilles de lecture sont multiples, nous décidons d’en retenir trois qui sont les plus significatives mais aussi les plus usuelles à savoir : 1. la lecture factuelle Globalement, la science économique est une science de l’observation des faits économiques donc se préoccupe de l’observation des activités économiques et des cadres dans lesquels elles se déroulent ; d’études des mécanismes de la production, de la consommation, de la répartition Pour les besoins de l’observation en vue de formuler les rapports constants (processus de théorisation) en sciences économiques émet des hypothèses, construit des théories, dégage des lois et utilise nécessairement une démarche, une méthode. ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 4 Comme pour toute science appliquée, la nécessité de la science économique peut se résumer en cette formule lapidaire comprendre pour agir. Elle recouvre deux aspects bien distincts : compréhension et action. La compréhension consiste pour l’économiste à décrypter et à interpréter les mécanismes reliant les variables représentatives de la situation et de la dynamique d’un système économique Cette lecture consiste en une analyse des faits qui déterminent ou conditionnent la vie économique et sociale de pays ou groupes de pays. La connaissance de ces faits dépend des statistiques disponibles et de la capacité à les interpréter. Il faut rappeler que la science économique est avant tout une science de l’observation des faits et mécanismes de production, de consommation, d’échange, de répartition et de distribution. Elle est traversée par de multiples interrogations de caractère épistémologique relativement à son statut et particulièrement à ses méthodes. Ce contexte de multiples controverses, voire même de crise lui permet –elle d’offrir une ou des grilles de lecture qui permettent de mieux comprendre les grands faits économiques. 2. la lecture historique Elle consiste à l’analyse historique de la formation des grands problèmes économiques. L’analyse historique est assez éclairante pour l’économiste particulièrement dans cette direction K.Marx et J. Schumpeter ont attaché un grand rôle à l’histoire : le matérialisme historique et d’autres auteurs comme W.W. Rostow accompli le même travail avec une méthodologie toute différente. Rappelons cette analyse à grands traits. L’ambition de l’auteur est de présenter l’avenir des sociétés à partir des références du passé. a) Un exemple des étapes de la croissance de Rostow Toute société lancée dans un processus de développement traverse cinq étapes : la Société traditionnelle, l’apparition des conditions du démarrage, le démarrage ou encore le « take-off » la société de la maturité et la société de la consommation de masse. Prenons l’étape des conditions du démarrage . Elle est une étape de transition. Du point de vue économique, le problème fondamental est celui de l’accumulation du capital, donc l’accroissement du taux d’investissement. Le rôle dévolu à l’agriculture est capital car elle doit approvisionner l’ensemble de la population, acheter les produits de l’industrie et lui vendre les matières premières nécessaires, fournir la majeure partie de de l’épargne du pays. Une telle préparation ne peut se réaliser que s’il se produit des changements extra économiques. Changement dans l’attitude de la société vis-à-vis de la science, de la technique du risque. Dans l’organisation sociale, une nouvelle élite doit émerger et qui jette un regard nouveau sur la modernisation dans l’organisation politique. D’autres auteurs comme Robert W. Fogel et Douglass C.North ont contribué a une analyse plus riche de l’histoire de l’économie en mêlant histoire et théorie économique et en donnant à l’approche néo-classique une vision moins statique et incluant dans l’analyse des phénomènes économiques le rôle fondamental des institutions. Cette Nouvelle Ecole Historique est connue sous le nom de ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 5 « cliométricien « Ils ont révolutionné dans les années 60, la méthodologie de l’analyse historique. b) La lecture par les crises : chroniques des turbulences économiques : En 40 ans l’économie mondiale a connu 4 crises majeures : - La crise des années 1970-1975 qui fait suite aux « Trente glorieuses années ». Elle est celle du premier choc pétrolier et désordre monétaire - La crise des années 80 avec le second choc pétrolier, le resserrement de la politique monétaire américaine (1979) et le déclenchement de la crise de la dette. - La crise du début des Années 90 subséquente à la politique monétaire indûment expansionniste aux excès d’investissements avec la multiplication des créances douteuses - La crise issue d’un dysfonctionnement du Système financier international Les éléments de fragilité du système financier mondial qui a acquis un pouvoir économique exorbitant tels qu’ils sont à même de déstabiliser les circuits de financement et le rythme de croissance des économies : Tout cela peut conduire au crash, à la catastrophe.. Ils sont au nombre de quatre à savoir : - Incapacité de mesurer la qualité des moyens de paiement au niveau mondial - Difficultés à contrôler les activités des établissements financiers - Montée en puissance des finances illégales provenant de la corruption, de la rapine, de la drogue - La montée de la finance spéculative ; les risques et les incertitudes se multiplient. 3. la lecture théorique La science économique connaît en moins de deux siècles un développement fulgurant. Elle est devenue une très vaste et remarquable entreprise ce qui et la conséquence de la conjugaison de l'ampleur des recherches et de l'importance des ressources intellectuelles et matérielles qu’elle mobilise et qui permettent la publication de plus d’une centaine de revues scientifiques de haut niveau et des dizaines de milliers d’ouvrages. Cependant, le savoir économique ne permet pas toujours d'expliquer certains phénomènes économiques majeurs et surtout de dégager des politiques économiques et financières adéquates. Les courants et écoles de pensée qui la constituent sont résumés dans le tableau qui suit : MACRO MACRO MACRO MACRO ECONOMIE ECONOMIE ECONOMIE ECONOMIE MICRO ECONOMIE DE ECONOMIE L'ENTREPRISE (Ecole (Ecole néo(Ecole néoclassique) classique) classique) Théorie de l'équilibre général Modèle de Solow Théorie du choix social Théorie des Théorie des coûts Marchés financiers fluctuations et des comparatifs et économie réelle cycles (Autres écoles) Théorie Keynésienne Théorie de l'agence Théories des organisations Théorie Marxiste Théorie des jeux Néo-institutionalisme ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 6 Loi des débouchés Fonction de production néoclassique Economie du bienThéorème d'HOS. être Synthèse Keynésienne Nouvelle th. du com international Théories du marché du travail Théorie des coûts de transaction Théorie des zones monétaires optimales Théorie de la régulation Théorie des anticipations rationnelles Théorie des conventions Nouvelle théorie classique Synthèse marginalistes/ classiques Théorie monétariste Théorie des cycles réels Théorie microéconomique Relations stratégiestructure Théorie quantitative Théorie monétaire du surinvestissement. Les grappes d'innovation Théorie du déséquilibre Théorie du cycle de vie Structure informationnelle Théorie Classique Inférence statistique Critique de Marx Théorème d'équivalence Théorie de Duesenberry La technostructure Le tableau économique Courbes IS-LM Néokeynésianisme Théorie des marchés contestables Théorie des contrats Les groupes de participants Loi de l'avantage absolu Théorie de la croissance endogène Courbe de PHILLIPS Théorie du capital humain Théorie de la rationalité limitée Loi d'Engel Modèle de Mundell-Fleming Règle de Tinbergen. Théorie du monopole Théorie des anticipations adaptatives Loi de Walras Loi d'Okhun Courbe de Laffer Théories de la finance Théorie des incitations Théorie de la sousconsommation Règle d'or Le rôle de l'Etat Quels sont les principales théories économiques et les faits qui les portent ? En visitant la pensée économique contemporaine, les grands courants théoriques dominants et qui recouvrent notre champ d’intérêt sont : - les théories de la croissance - les théories du développement - les théories économiques de l’Etat et des Institutions - les théories de la monnaie - les théories du commerce international - les théories du marché du travail Nous en traiterons quelques unes pour l’exemple : a) Les théories de la croissance économique La notion de croissance économique n’est pas forcément simple à définir. Deux définitions traditionnelles permettent de l’appréhender : La première consiste à dire qu’il s’agit d’une hausse durable de la production de biens et services (donc de la richesse) dans une économie donnée. Les statistiques habituelles ont pris l’habitude de la matérialiser par le taux de variation du Produit Intérieur Brut ou du Produit National Brut. Une variante de cette mesure prend en compte non plus la production, mais la production par habitant. Elle a comme avantage d’intégrer l’évolution de la population dans son calcul et d’éviter de porter des jugements absurdes sur l’évolution du niveau de vie moyen dans un pays. Cette approche peut être modulée, en ne prenant en compte dans la population que la population active, éventuellement que la population active employée. Dans tous les cas, ce que l’on obtient est un indicateur de l’évolution de la productivité du travail. ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 7 Néanmoins, même si on peut préférer cette version (qui est d’ailleurs la plus souvent retenue dans la présentation des modèles de croissance), elle n’est pas exempte de critiques. En faire une liste exhaustive serait trop longue. On peut néanmoins retenir quelques grandes lignes : - le PIB ne mesure pas correctement les évolutions de niveaux de vie réels lorsque la qualité des produits changent et que les prix baissent. De sorte, par exemple, qu’on peut penser que nos habitants de Benêland ont en réalité un niveau de vie supérieur à celui de 1960 grâce à la diversité et la qualité accrues des biens et services qu’ils consomment 40 ans plus tard. En particulier, la mesure de la production de certains services peut poser des difficultés importantes. - le PIB est une mauvaise mesure de la richesse. En particulier, il ne capture que les aspects matériels de la vie. Exprimée de cette façon, la critique n’a pas d’autre sens que ce qu’elle avance et n’est pas en rapport avec ce qui nous intéresse, à savoir une mesure quantitative de la richesse. En revanche, dès que l’on s’intéresse à ce qui fait qu’un taux de croissance est élevé ou non, alors on peut retenir cette perspective Traditionnellement, c’est par la notion de développement que l’on complète celle de croissance économique. Le développement, selon la définition qualitative qui en est donnée par François Perroux. Selon lui, au-delà de la croissance quantitative que mesurent les indices de production et de revenu, le développement concerne à la fois la transformation des structures sociales, le changement des mentalités et les aptitudes neuves qu'une population acquiert pour l'amélioration de ses conditions de vie. Il y aurait donc une théorie de la croissance, qui capturerait les aspects quantitatifs et une théorie du développement qui l’engloberait et analyserait plus finement les rouages de l’évolution des sociétés. C’est bien cette dichotomie qui régnait clairement dans la théorie économique jusqu’à une période récente. Depuis peu, on peut considérer que sous l’impulsion de la nouvelle théorie de la croissance, dite théorie de la croissance endogène, cette division n’a plus la pertinence passée. Pour résumer, on peut dire que l’intérêt porté aux questions de capital humain, d’institutions et de trajectoires historiques a jeté un pont entre les deux approches. De fait, même si les modèles de croissance restent basés sur la progression du revenu, les analyses empiriques font appel à des données qui conviennent aussi à l’étude du développement (le petit livre de Robert Barro « Les facteurs de la croissance économique » en donne, parmi bien d’autres, un aperçu). C’est cette approche qui est retenue ici. La hausse de la production est due à la hausse de la quantité des facteurs de production utilisés (capital et travail) et aux progrès réalisés dans l’utilisation de ces facteurs (progrès technique ou productivité globale des facteurs). On n’expliquera que très peu ici comment ces facteurs créent de la croissance et, surtout, comment ils interagissent entre eux. C’est l’objet des modèles de croissance eux-mêmes. On se limitera à quelques précisions élémentaires. Le capital physique Il est question des équipements matériels qui entrent dans la production. La notion de capital agrégé, le capital total d’un économie a soulevé des discussions entre néoclassiques et postkeynésiens dans ce qu’on a appelé la « querelle des deux Cambridge » (le Cambridge du Massachusetts où se trouve le MIT – et Harvard - et Cambridge en Grande Bretagne). Robinson et Kaldor niaient la possibilité d’agréger ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 8 des biens de capital hétéroclites alors que Samuelson et Solow défendaient l’opinion opposée. En apparence, les seconds ont imposé leurs vues. Mais à bien y réfléchir, les modèles de croissance endogène avec différenciation des biens de capital illustrent plutôt le point de vue des premiers. Une distinction peut être faite entre capital privé et capital public. Le second concerne les dépenses d’infrastructure financées par des dépenses publiques, sur la base de la collecte d’un impôt (qu’il soit contemporain des dépenses ou reporté sous forme de dette publique). Dans la littérature sur la croissance, ce capital particulier présente un intérêt lorsqu’il concerne le financement de biens publics qui, bien qu’utiles dans la production, ne sont pas fournis par le marché pour les raisons habituellement évoquées à ce sujet. Pour finir, il est important de relever que la hausse du capital disponible contribue directement à la croissance par l’accroissement des capacités de production et, indirectement, par sa contribution à l’incorporation du progrès technologique dans le processus de production. C’est même cet aspect qui retient l’attention de la théorie de la croissance endogène. C’est un premier exemple du rôle des externalités dans la croissance. Le travail et le capital humain Au sens premier, il s’agit des travailleurs occupés à la production. Mais les travailleurs ne sont pas tous dotés des mêmes compétences. Pour tenir compte de ce fait, on peut distinguer divers types de travail. Il est ainsi possible de considérer d’un côté les travailleurs qualifiés et d’un autre les travailleurs non qualifiés. De manière plus générale, il est possible de considérer que chaque unité de travail est caractérisée par un volume de capital humain, qu’on peut alors traiter comme un facteur à part. Le capital humain rend compte de l’aptitude d’un travailleur à s’insérer dans un processus de production. En quelque sorte, il mesure la qualité du facteur travail. Son niveau dépend de plusieurs éléments : l’état de santé général, le niveau d’éducation qu’il s’agisse de formation initiale ou continue, l’apprentissage par la pratique (learning by doing), qui traduit le processus d’apprentissage qui naît de la pratique régulière d’une activité. On notera au passage que les chômeurs ne bénéficient pas de cette opportunité. De même que le capital physique, le capital humain offre une double contribution à la croissance : directement par l’adjonction de bras ; indirectement par la diffusion des idées. C’est un autre aspect du rôle des effets externes dans la croissance. Le progrès technique Il est d’usage de ne distinguer que les trois facteurs évoqués au dessus (capital, travail, progrès technique). Le caractère résiduel du progrès technique (au sens où c’est ce que l’on mesure quand travail et capital ont été évalués) en fait un fourre-tout peu homogène. Dans la mesure où on le définit comme tout ce qui rend la combinaison capital-travail plus performante, tous les progrès dans la façon d’agencer les activités humaines, alors il recouvre un ensemble d’éléments particulièrement vaste. On distinguera deux grandes catégories de progrès technique : les institutions et l’innovation technologique. Distinction conceptuellement discutable, elle est utilisée ici par commodité. Ces deux ensembles entretiennent le plus souvent des rapports étroits, se recoupent largement et, surtout, ils ont pour point commun fondamental de faire partie de ce ________________________________________________________________________ Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 9 que l’on peut appeler (improprement au regard de la version platonicienne du concept) le monde des idées. On notera aussi que le capital public est à l’interface de la notion de capital et de progrès technique : puisqu’il est mis en place pour favoriser la productivité des facteurs privés, alors il est un élément de progrès technique. Tout ceci n’est décidément pas simple... Les Trente Glorieuses : Taux de croissance annuel moyen en % dans les pays développés à travers 5 périodes différentes dont la dernière 1945/1973 Période des 30 glorieuses clairement identifiée : croissance exceptionnelle et généralisée entre 1950 et 1973 Phénomène de rattrapage des pays développés par rapport aux Etats-Unis (et le RoyaumeUni) Net ralentissement en 1973 : baisse de moitié de la croissance Sur les 180 années, avec un taux de croissance de 2.5%, la richesse a été multipliée par 1.025180 = 85 sortie définitive des situations précaires des sociétés avec 3 maux : famine, épidémies et guerres; le problème économique de base (contraintes alimentaires) résolu Que signifie les taux de croissance moyens ? Un individu né en 1950 aurait vu à 23 ans son revenu multiplié par 6 au Japon 2,5 en France Un individu né en 1973 aurait vu à 23 ans son revenu multiplié par 1,5 seulement en France Phénomène visible de développement: chauffage central, réfrigérateur, machine à laver, téléphone, télévision, augmentation du trafic automobile, explosion des biens de consommation accessibles question importante contemporaine : causes du ralentissement de la croissance La croissance appauvrissante. Cette situation peut se produire lorsqu’un pays pratique le libre-échange et qu’il connaît une amélioration de ses techniques de productions et/ou une amélioration de sa dotation factorielle. Ces améliorations entraînent une baisse du prix mondial du bien exporté d’où une détérioration des termes de l’échange. Cette situation a d’autant plus de chances de se produire que la croissance provient essentiellement du seul secteur des exportations, que l’élasticité élevée, que le pays en question a été le seul à connaître ces améliorations. Comment calculer le taux de croissance et les autres notions Le taux de croissance Augmentation de la quantité totale de biens et services produit sur une période de temps (un an) Quantité totale : PIB ou PNB noté Y Taux de croissance : La croissance réelle production en quantité et non en valeur il faut soustraire la croissance des prix Le taux de croissance du PIB/tête Pourquoi : pour avoir une idée de la croissance de la richesse par individu Utile pour comparer les pays développés par rapport aux PVDs ________________________________________________________________________ 10 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com b) Les théories du développement Qu’est ce que le développement ? Selon Kuznets, la notion de développement économique qui se distingue de la croissance économique (élévation du revenu par tête et du produit intérieur brut) combine trois éléments : une croissance économique auto-entretenue, des changements structurels de la production et le progrès technologique. Les historiens du développement, les théoriciens du développement de la nouvelle école institutionnelle et les économistes néoclassiques du développement ajoutent à ces éléments la modernisation institutionnelle qui permet aux marchés d’orienter rationnellement les décisions économiques des individus. Les théoriciens de la modernisation ajoutent le développement politique et social la liste tandis que l’école de l’esprit d’entreprise insiste sur l’évolution socioculturelle. Enfin, les défaillances du processus de croissance qu’ont connu les pays en développement ont amené certains à ajouter l’augmentation du bien-être au bénéfice du plus grand nombre à la liste des caractéristiques du développement économique. Cinquante ans de développement qu’avons –nous appris ? Lors de la seconde conférence européenne le développement organisée par la Banque mondiale et le Conseil d’analyse économique qui s’est déroulée à Paris des 26 au 28 juin 2000, Irma Adelman, dans sa communication intitulée : « Fifty Years of Economic Development : What Have we learned ? ». Cinquante ans de développement : qu’avons nous appris »), recense huit leçons : 1. Le développement économique des pays en développement est possible, ce qui dans les années cinquante n’était pas aussi évident que cela peut l’être aujourd’hui ; 2. Le processus du développement économique est à la fois multidimensionnel et non son linéaire. Il correspond à un changement dynamique non seulement au niveau de la structure de production et de la technologie mais également au niveau des institutions sociales, politiques et économiques aussi bien qu’au niveau des éléments constitutifs du développement humain ; 3. Il existe pour les gouvernements un éventail de choix en matière d’institutions de politiques de développement et de stratégies de mise en œuvre dans le temps, et cela même à des niveaux de développement identiques. Les choix faits, à leur tour, génèrent les conditions initiales pour un développement ultérieur C’est pourquoi comprendre comment le développement s’est enclenché est tout à fait essentiel à l’analyse des différentes situations ; 4. Le développement a lieu de manière inégale, les différents aspects du processus changement par sauts et conduisent à jeu continuel de rattrapage. Les réussites de chaque phase constituent les conditions initiales de la phase suivante ainsi que des défis. L’évolution créatrice, les modifications de trajectoires mais aussi la destruction constituent l’essence même d’un développement réussi à long terme ; ________________________________________________________________________ 11 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 5. Les changements technologiques, démographiques et économiques, les conditions sociales et institutionnelles fournissent l’impulsion principale du processus de développement. Ils entraînent à la fois de nouveaux défis et de nouvelles opportunités pour le développement du pays. Ils ont de multiples implications et enclenchent des effets de seuil et de modifications de trajectoires dans le développement ; 6. Les facteurs nécessaires au développement sont à la fois de nature matérielle et immatérielle. Par ordre d’importance, ce sont : l’engagement des autorités politiques en faveur du développement économique ; le niveau du capital social ( qui inclut les ressources humaines, le degré de cohésion sociale et la volonté d’agir en coopération) ; les biens matériels (infrastructure capital physique et humain, investissement et système financiers) ; des politiques appropriées notamment en ce qui concerne la politique commerciale, la politique d’investissement et la gestion macroéconomique (ces politiques pouvant être modulées dans le temps et en fonction des secteurs ; les institutions et la culture ; l’adaptation sociale et institutionnelle) ; 7. La relation entre croissance et répartition dépend principalement du facteur intensif de la croissance et de la manière dont est réparti le plus important des facteurs de production ; 8. Les facteurs culturels jouent un rôle significatif à former les institutions et les réponses sociétales aux nouveaux défis et opportunités. c) Les théories de l’Etat et des Institutions L’interventionnisme social n chercherait en vain une doctrine précise: le réformisme qui l’inspire a pris lui-même différents aspects suivant les écoles politiques, philosophiques ou religieuses. Parmi elles, le catholicisme social se présente comme le corps de principe le plus cohérent (respect des personnes, sauvegarde de la famille, liberté d’association, préférence accordée aux " corps intermédiaires ", etc.). C’est évidemment la justice qui commande tout ce mouvement et notamment la justice distributive, dans la répartition de la richesse. La première forme de l’interventionnisme a été celle de la législation protectrice du travail, en réaction contre les graves abus de la révolution industrielle sous le régime du capitalisme libéral. L’extension en a été très progressive, allant des sujets du contrat de travail (enfants, femmes) aux conditions d’exécution (durée, hygiène, accidents) pour aboutir à la détermination du taux minimum des salaires. Ces dernières allocations traduisent le fait que, du monde du travail, l’intervention s’est peu à peu étendue à toutes les catégories défavorisées: outre les chômeurs, les malades, les familles nombreuses, les indigents ont bénéficié de la justice redistributive mise en oeuvre par l’Etat au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Beaucoup des risques sociaux sont, aujourd’hui, pris en charge par la sécurité sociale, généralisée après la guerre dans la plupart des pays. C’est dans la mère patrie du libéralisme, la Grande-Bretagne, que le système de sécurité sociale, fut par son caractère étatique le plus proche de celui de l’ex-URSS. Dans tous les pays également, l’Etat intervient en faveur des logements sociaux par le biais d’aides diverses à la construction. S’ajoutant au droit social, la politique fiscale est devenue un instrument ________________________________________________________________________ 12 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com privilégié de l’interventionnisme. La justice " par l’impôt " fut un thème très à la mode au cours du siècle ; il s’est agi de réduire les inégalités sociales par de lourdes taxes sur les grandes fortunes (très lourds impôts sur les successions en Grande-Bretagne) ou sur les revenus élevés (Grande-Bretagne, France, Etats-Unis, ...). Le socialisme suédois fut fondé essentiellement sur l’adaptation de la fiscalité. Certains pays (PaysBas) ont tenté d’englober les interventions touchant la répartition dans une politique générale des revenus ; mais celle-ci n’a guère dépassé le stade d’une politique des salaires. Dépassant le niveau des revenus, l’Etat est intervenu dans la propriété même du capital : la France et la Grande-Bretagne ont nationalisé de très grandes entreprises (1936, 1945, 1981 pour la France), même si aujourd’hui, chacun sait que la logique entrepreneuriale se doit d’échapper aux vestiges mythologiques d’une idéologie étatique périmée. L’intervention dépassait alors le domaine social proprement dit pour accéder au domaine économique. L’Etat protecteur Il constitue donc la seconde forme de l’interventionnisme étatique. L’Etat-Nation ne s’est jamais désintéressé des relations commerciales de ses ressortissants avec l’étranger. D’où les tendances protectionnistes observées dès le XIXe siècle notamment vis-à-vis des industries naissantes. Ce protectionnisme, porté à l’extrême à la veille de la Seconde Guerre mondiale, est aujourd’hui pratiquement disparu entre les pays de la communauté économique européenne. La réalité protectionniste joue désormais de bloc à bloc : Union européenne, Japon, pays de l’Association de libre-échange nord-américain (l’ALENA), s’affrontant au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (l’OMC a succédé au GATT, le General Agreement on Tarifs and Trade en 1995 à la suite des accords de décembre 1993 entre les quelques 120 pays membres) sur les questions agricoles et sur les services. Mais c’est à l’intérieur même des frontières que l’interventionnisme a pris, pendant l’entre-deux guerres, des formes nouvelles qui devaient s’étendre par la suite. En France, par exemple, un revenu semi-public est alors apparu avec les " sociétés d’économie mixte " (ainsi nommées notamment parce qu’elles consistaient pour une collectivité publique à aider la création de sociétés anonymes exploitant des ressources d’intérêt général). La crise de 1929 a renversé les positions traditionnelles des entreprises privées à l’égard de l’interventionnisme : jadis, elles le repoussaient, désormais, elles l’ont réclamé pour remédier à leurs difficultés (subventions, rachats, " recapitalisation ", fixation de prix, ententes imposées, ...). Sur le plan agricole, le dirigisme est manifeste à l’échelon européen qu’il s’agisse des quantités ou des prix. L’interventionnisme serait cependant resté un ensemble de procédés empiriques s’il n’avait été érigé en théorie par J.M. Keynes en 1936. L’auteur de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie lui a donné tout à la fois une méthode : la macro-analyse, un but : le plein emploi, un moyen : à savoir le maintien de l’investissement à un niveau élevé grâce à une politique de crédit et de monnaie dirigée et à une politique de dépenses publiques. L’interventionnisme est alors devenu monétaire puis financier et s’est notamment exprimé par l’action exercée par les organismes d’Etat sur le marché financier ou le crédit à moyen terme. Les émissions d’emprunts publics ou semi-publics mobilisent ________________________________________________________________________ 13 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com toute une partie de l’épargne en particulier en vue de financer des investissements exécutés par l’Etat ou par des entreprises nationales. En pénétrant plus intimement dans la vie économique, l’Etat s’est ainsi laissé pénétrer par elle et des liens réciproques se sont noués transformant les relations entre puissance publique et entreprises privées en un partenariat. L’État partenaire Cette nouvelle forme d’intervention s’est manifestée d’abord par une volonté " d’économie concertée ". Cette interpénétration du public et du privé s’exprime également par l’action stimulatrice de l’Etat. Jadis à la traîne du progrès technique, certaines entreprises publiques se situent aujourd’hui à la pointe de celui-ci. En outre, dans tous les pays, la recherche-développement est devenue partie intégrante du secteur public ; les dépenses militaires, improductives par essence, sont par là devenues productives. D’avantage encore : pour résister à la concurrence étrangère, l’Etat favorise les concentrations et fusions. Enfin, l’Etat-partenaire a entrepris d’associer les entreprises privées à son action stabilisatrice par des engagements réciproques (par exemple : mesures d’incitation pour l’emploi). On mesure ainsi l’évolution considérable qu’a subi l’interventionnisme: du simple " droit social " à " l’économie concertée " et de celle-ci à " l’économie contractuelle L’interventionnisme a ainsi changé profondément de forme : il n’impose plus, mais il se propose et il compose. On passe en d’autres termes de l’ère ‘règlementale’ à l’ère conventionnelle, cette dernière correspondant au degré de maturation le plus élevé de la société postindustrielle et traduisant le changement de nature de la puissance publique dans son action économique Rôle de l’Etat : résumé Production de biens publics : fonctions régaliennes (Police, justice, armée) et substituts au secteur privé (entreprises publiques) Redistribution : collecte des impôts et diminue les disparités avec des transferts vers agents les moins bien dotés (allocations chômage, familiales, aides financières, ...) Régulation et Stabilisation économique : tente de réduire fluctuations conjoncturelles en soutenant l’activité économique durant les périodes de récession Fondement doctrinal : les idées de Keynes durant les 30’s qui voit les dépenses publiques comme nécessaires pour adéquation entre offre potentielle et demande. ________________________________________________________________________ 14 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com d) Les théories du commerce international Objectif. Ce niveau d’analyse introduit de manière simple quelques-uns des concepts théoriques et des arguments généralement utilisés dans les discussions ayant trait aux politiques du commerce extérieur. Les concepts et arguments qui y sont présentés concernent le commerce en général mais ils seront autant que possible étayés par des exemples provenant du secteur agricole de façon à mettre en valeur leur intérêt dans l’étude du commerce des produits agricoles. Problèmes clés - La participation au commerce international est susceptible de procurer certains bénéfices car elle permet à un pays de tirer parti de ses avantages comparatifs, d’exploiter des économies d’échelle et de garantir le jeu de la concurrence, ce qui renforce la diversité des produits et, potentiellement, la stabilité des marchés. - Il est peu probable que les bénéfices résultants des échanges commerciaux se répartissent également entre pays ou en leur sein; c’est ce qui explique l’opposition aux politiques de libre-échange. - Les décisions de politique portent rarement sur l’acceptation ou le refus absolu de participer au commerce international mais plutôt sur l’instauration de barrières commerciales. Les arguments en faveur du protectionnisme reposent sur des fondements aussi bien économiques qu’extra économiques, y compris sur la question de la sécurité alimentaire. ________________________________________________________________________ 15 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com - - En règle générale, les mesures commerciales ne constituent ni les moyens les plus directs, ni les moyens les plus efficaces pour atteindre ces objectifs. La libéralisation du commerce extérieur peut s’inscrire dans un cadre régional ou multilatéral. Les dispositions commerciales régionales sont de plus en plus fréquentes même si la place qui y est accordée à l’agriculture est souvent problématique. L’ordre du jour des négociations sur le commerce reflète de plus en plus souvent les nouvelles préoccupations des groupes de consommateurs et d’ONG des pays de l’OCDE, et de moins en moins les préoccupations classiques du déclin des termes de l’échange et de l’échange inégal exprimées par les pays en développement. 1) Les bénéfices économiques résultant de la participation au commerce international : Pourquoi les pays s’engagent-ils dans les échanges commerciaux? En quoi les échanges commerciaux sont-ils avantageux? Qu’est-ce qui pousse les individus et les entreprises à s’y engager volontairement? Pourquoi les Etats le favorisent-ils? Et pour quelles raisons les économistes le défendent-ils? Comme vu dans le module I.1 Les principales tendances du commerce international et du commerce des produits agricoles, la tendance à long terme des flux commerciaux internationaux de la plupart des produits n’a cessé de croître au cours des deux derniers siècles et a fait l’objet d’une spectaculaire accélération depuis la Deuxième Guerre mondiale. Celle-ci ne résulte cependant pas seulement de la formidable amélioration des divers moyens de transport et de communication mais aussi de ce qu’on peut retirer des bénéfices des échanges commerciaux. Les économistes ont avancé un grand nombre d’arguments en faveur du commerce international des produits. Certains sont manifestes et relèvent du bon sens tandis que d’autres sont moins évidents à saisir. Ces arguments peuvent être regroupés en trois grandes catégories en fonction des critères sur lesquels ils reposent, à savoir: (i) l’augmentation induite par le commerce du montant total de biens et de services disponibles pour la population du pays (thèse de l’accroissement de la consommation); (ii) la diversité de biens et de services auxquels la population peut accéder grâce au commerce (thèse de la diversification); et (iii) la stabilité de l’offre et des prix des biens et services qui résulte du commerce (thèse de la stabilité). . 2) La théorie des avantages comparatifs Une des raisons qui fait que le commerce international peut augmenter le volume des biens et services disponibles dans un pays donné et à un moment donné est que celui-ci permet d’acheter des biens et services dans les lieux où leurs coûts de production sont comparativement moindre. Les ressources locales qui, en l’absence de commerce, étaient employées à la production de certains biens sont dès lors libérées ce qui permet que d’autres biens soient produits en une proportion plus importante. Si les Etats-Unis sont capables de produire à la fois des puces électroniques et du sucre mais qu’ils sont bien meilleurs dans la fabrication des puces électroniques que dans la production du sucre et que le Brésil est capable de produire à la fois des puces électroniques et du sucre mais qu’il est bien meilleur dans la production de sucre, chacun de ces pays aura alors intérêt à échanger ces deux ________________________________________________________________________ 16 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com produits. Le montant total des ressources nécessaires pour produire la quantité totale de sucre et de puces consommée par les Etats-Unis et le Brésil sera alors moindre dans chacun de ces pays si le Brésil se spécialise dans la production de sucre et les Etats-Unis dans celle de puces et que les deux font commerce de ces produits. 3) Les bénéfices tirés des échanges commerciaux Ce bénéfice combiné sera partagé entre les Etats-Unis et le Brésil et la façon dont il sera effectivement réparti dépendra du rapport entre le cours mondial des puces électroniques et celui du sucre - c’est ce que les économistes appellent les termes de l’échange au niveau international. En l’absence de commerce international, chaque pays a son propre rapport d’échange intérieur entre chacun de ces produits. Ce rapport vaudra, par exemple, 50 kg de sucre aux Etats-Unis pour une puce électronique standard et 100 kg de sucre au Brésil. On remarquera que ces deux rapports d’échange témoignent de la meilleure efficacité relative qu’il y a à produire du sucre au Brésil et des puces aux Etats-Unis. Les termes de l’échange se situeront dès lors dans l’intervalle compris entre le rapport d’échange des Etats-Unis et celui du Brésil car si ce n’était pas le cas, l’un au moins des deux pays ne serait pas intéressé aux échanges. En outre, le commerce favorisera d’autant plus un pays que les termes de l’échange seront différents de son propre ratio intérieur1. Dans notre exemple, une puce électronique s’échange contre 90 kg de sucre, le gain résultant de la participation au commerce international va plutôt aux Etats-Unis qu’au Brésil. En vendant une puce électronique au Brésil, les Etats-Unis obtiennent 90 kg de sucre, c’est-à-dire 40 kg de plus (80 pour cent de plus) que s’ils l’avaient produit eux-mêmes. En vendant 90 kg de sucre aux Etats-Unis, le Brésil obtient une puce électronique, c’est-à-dire 0,1 puce de plus (11,1% de plus) que s’ils l’avaient produite chez eux. L’exemple ci-dessus reprend le schéma classique de la théorie des coûts comparés du commerce international; théorie également connue sous le nom de théorie des avantages comparatifs et formulée par David Ricardo au début du XIXe siècle. Il est fort utile de la présenter en détail car elle constitue l’explication la plus solide des économistes sur les bénéfices résultant de la participation au commerce international. suit : Plusieurs éléments méritent l’attention et seront donc soulignés dans ce qui Le gain résultant de la participation au commerce international résulte des différences de coûts d’opportunité : Ce sont les avantages relatifs et non les avantages absolus qui constituent la clé du commerce international Premièrement, le gain découle de l’existence de différents rapports d’échange intérieurs entre les deux produits dans chacun des pays. Ces rapports résultent des différences dans les conditions de production propres aux deux produits dans les deux pays. Dans cet exemple, comparativement à ce qui leur est nécessaire pour fabriquer une puce électronique, les Etats-Unis utilisent ainsi proportionnellement plus de ressources pour produire un kilo de sucre que ce qu’utilise le Brésil. Cette proportion est deux fois plus élevée selon les ________________________________________________________________________ 17 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com hypothèses simplifiées qui ont été retenues. De façon plus générale, si des ressources sont rares et qu’elles peuvent être utilisées indifféremment à la fabrication de deux produits, A et B, la valeur de B à laquelle on renonce en utilisant une partie des ressources pour produire une unité de A correspond à ce que les économistes appellent le coût d’opportunité (de A exprimé en fonction de B). Dans notre exemple, le coût d’opportunité de la puce électronique (en fonction du sucre) est ainsi plus élevé aux Etats-Unis qu’au Brésil car, toujours selon les hypothèses retenues, il faut cesser de produire 100 kg de sucre au Brésil pour fabriquer une puce électronique contre seulement 50 kg aux Etats-Unis. Le gain résultant de la participation au commerce international provient donc de ce que les coûts d’opportunité du sucre et de la puce électronique sont différents aux Etats-Unis et au Brésil. Deuxièmement, le volume des ressources nécessaires à la production des deux biens pourra être plus élevé dans l’un des pays, le commerce restera pourtant avantageux pour les deux parties. Ainsi, pour continuer avec le même exemple, on peut supposer que les Etats-Unis dépenseront à la fois moins de ressources que le Brésil pour fabriquer des puces électroniques (ce qui est probablement le cas) et moins que le Brésil pour produire du sucre (ce qui est moins évident en pratique mais peut toutefois être le cas). Le Brésil peut ainsi avoir besoin de quatre fois plus de ressources que les Etats-Unis pour fabriquer des puces électroniques et de deux fois plus pour produire du sucre; ce qui revient à dire, qu’en valeur absolue, il est nettement moins efficace dans chacun des deux secteurs. Les avantages comparatifs doivent parfois être provoqués Troisièmement, cette théorie est statique car elle explique le commerce international et les gains qu’on en tire à partir des avantages comparatifs à un moment donné. Il peut cependant arriver que les avantages comparatifs entre les pays évoluent sous l’effet, entre autres, des politiques mises en œuvre. Dans ce cas, détenir un avantage comparatif pour un produit donné ne signifie pas pour autant qu’on doive se spécialiser dans la production de ce bien au détriment d’autres lignes de production. En fait, de nouvelles industries (souvent appelées les industries naissantes) ne disposent pas d’avantage comparatif au moment de leur démarrage et doivent donc, comme on le verra plus bas, être protégées jusqu’à ce qu’elles aient atteint la taille requise pour pouvoir tirer profit d’économies d’échelle. Dans l’exemple retenu, le Brésil pourrait fort bien ne pas se limiter à la seule production de sucre, ni totalement renoncer à la production de puces électroniques si il sent qu’il a les moyens de développer une industrie rentable de puces électroniques. En fait, ce genre de raisonnement pourrait conduire le Brésil à imposer des barrières commerciales à l’importation de matériel informatique de façon à profiter à long terme du développement de sa propre production d’ordinateurs. On notera en conséquence que, lorsque d’autres politiques industrielles sont possibles et plus directes, la politique du commerce extérieur n’est évidemment pas nécessairement le meilleur levier pour développer une capacité de production nationale. Certains pays peuvent aussi perdre leurs avantages comparatifs du fait de l’évolution internationale des technologies (c’est ce qu’on appelle le problème des industries déclinantes ou obsolètes). Par ailleurs, les cours mondiaux se modifient en permanence ce qui a une incidence certaine sur les avantages comparatifs d’un pays. ________________________________________________________________________ 18 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Le commerce extérieur a un impact important sur la répartition des richesses Quatrièmement, cette théorie montre bien que, globalement, les pays bénéficient du commerce international mais elle ne fait aucune inférence sur la façon dont les divers groupes sociaux de chaque pays profitent ou sont au contraire lésés par ce commerce extérieur. Or, comme on le verra aussi plus loin, le commerce extérieur peut avoir des répercussions considérables sur la répartition des revenus, ce qui introduit une dimension sociale à la question. Et c’est précisément à cause de cette incidence potentiellement négative du commerce sur les revenus de certaines catégories sociales que les Etats-Unis ont traditionnellement protégé leur industrie sucrière en limitant les importations par un système de quotas. 4) Les économies d’échelle : le commerce extérieur permet de réaliser des économies d’échelle Une autre raison pour laquelle le commerce extérieur peut améliorer l’efficacité, c’est qu’il permet à une industrie d’étendre son marché au-delà des limites de l’économie nationale. Grâce aux exportations, une industrie peut produire plus et, s’il existe des économies d’échelle, le coût moyen de ses produits tendra alors à diminuer. Au niveau industriel, les économies d’échelle peuvent intervenir de deux façons qui vont en général de paire. La première correspond au cas de certains moyens de production qui, au niveau de l’entreprise et de par leurs caractéristiques technologiques, sont indivisibles. C’est le cas, par exemple, des robots utilisés dans l’industrie automobile. Et cela concerne les techniques qui ne sont rentables qu’à partir d’un certain seuil de production. Dans ce cas, on parle alors d’économies d’échelle internes à l’entreprise dans le secteur concerné. La seconde correspond au cas où on économise sur des coûts grâce à l’expansion de l’activité car celle-ci s’accompagne d’une amélioration des services fournis, que ce soit par des tierces parties ou par le milieu industriel ou commercial environnant. C’est ce que les économistes appellent les effets externes. Dans ce cas, les économies d’échelle sont dites externes à l’entreprise mais internes au secteur d’activité. A titre d’exemple, on peut citer le renforcement des qualifications de la main d’œuvre, la spécialisation des fournisseurs d’intrants, le caractère compétitif du contexte environnant ou encore le partage du savoir-faire technique; tous ces facteurs ayant tendance à réduire les coûts de production. Une chose intéressante à propos des économies d’échelle est que lorsque celles-ci sont significatives, des pays disposant de ressources ou de niveaux techniques comparables et présentant par conséquent des coûts de production similaires, auront tout intérêt à se spécialiser dans des productions différentes et à commercer entre eux. En se spécialisant, les deux pays tireront parti des économies d’échelle qui concernent le bien qu’ils produisent et abaisseront ainsi leurs coûts de production. Combinés à la dynamique de différenciation des produits (voir plus loin), les économies d’échelle permettent d’expliquer la pratique du commerce interne à une même branche d’activité, c’est-à-dire les situations où des pays font commerce entre eux de produits similaires mais néanmoins distincts, comme c’est par exemple le cas avec des importations et exportations de différents types de voitures. ________________________________________________________________________ 19 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 5) Participer aux échanges commerciaux permet de bénéficier des effets positifs de la concurrence Une autre façon par le biais de laquelle le commerce extérieur contribue à améliorer l’efficacité de la production est qu’il suscite la concurrence. En ouvrant leurs frontières aux transactions commerciales, les pays forcent leurs entreprises à être concurrentielles avec les biens et services produits à l’étranger et, donc, à rester compétitives en répercutant la baisse des coûts de production dans leurs prix de vente au consommateur. Cet élément est particulièrement décisif lorsqu’il s’agit d’entreprises qui, de par les caractéristiques de leurs procès de production (importance des coûts initiaux, substantielles économies d’échelle, dépendance vis-àvis d’un composant spécialisé dont l’offre est limitée), tendent à occuper une position de monopole ou d’oligopole. Les industries de l’automobile et des télécommunications en sont de bons exemples. La participation au commerce international peut alors être un bon moyen de stimuler la concurrence et de renforcer l’efficacité de ces activités. Cet aspect bénéfique du commerce extérieur ne s’applique pas directement à l’agriculture car, pour un même produit agricole, la production des exploitations agricoles est extrêmement peu différenciée; en outre, l’agriculture est une activité qui ne se prête guère à une véritable concentration. Par contre, les agriculteurs peuvent tirer parti de l’amélioration de l’efficacité des industries productrices d’intrants et des entreprises de transformation des produits agricoles, induite par le commerce extérieur. 6) Commerce et accès aux produits - la thèse de la diversification Le commerce extérieur accroît la diversité de l’offre de produits Une autre raison pour laquelle le commerce extérieur a un impact bénéfique est qu’il offre aux consommateurs et aux producteurs nationaux un choix de biens et de services qui ne seraient pas disponibles autrement. Dans la mesure où cela concerne aussi bien des produits de consommation finale que des biens intermédiaires et des intrants, le commerce extérieur apparaît donc à la fois comme favorable aux consommateurs et au développement de la capacité de production nationale. La diversité renvoie à la disponibilité des biens qui ne peuvent être produits dans le pays ou qui ne pourraient l’être qu’à des conditions très particulières et très onéreuses (par exemple, des mangues en Scandinavie). Elle renvoie aussi aux divers types et marques de biens réellement produits dans un pays (comme par exemple les différentes variétés de pommes, les types de pompes à moteur ou les morceaux de viande) et aux biens qui ne sont pas produits dans le pays mais qui pourraient l’être à un prix de revient encore convenable. Grâce à la différenciation de leurs produits, les pays peuvent donc s’investir dans des créneaux d’activités (tels qu’un type donné de voitures) et engager ainsi avec des partenaires commerciaux exerçant dans ce domaine d’activité des opérations commerciales propices à chacune des deux parties. Ce type de commerce interne à la branche d’activité est assez fréquent dans le cas des biens de consommation. Il est par contre moins courant dans le cas des produits agricoles car la dotation en ressources naturelles joue alors un rôle important et est généralement assez homogène pour une même spéculation. ________________________________________________________________________ 20 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 7) Commerce et fluctuations - la thèse de la stabilité : Par rapport à l’autarcie, le commerce extérieur permet de stabiliser les marchés... Le commerce extérieur peut aussi servir à lisser des excédents transitoires de l’offre ou de la demande sur le marché intérieur et empêcher ainsi, ou réduire, les fluctuations des cours et les ruptures d’approvisionnement. A cet égard, les produits agricoles peuvent particulièrement bénéficier du commerce international car les marchés agricoles ont tendance à être relativement plus instables du fait de la rigidité de l’offre (la production agricole a besoin d’un certain temps pour réagir aux mouvements du marché), des facteurs exogènes qui influencent fortement la production (comme le climat ou les maladies), et de la faible sensibilité de la demande alimentaire aux variations de prix (ce qu’on appelle la faible élasticité). Dans les années d’abondance, un pays capable de subvenir largement à ses besoins en produits agricoles et alimentaires devra faire face à des excédents agricoles qui auront tendance à faire baisser fortement les prix au producteur. Le marché international pourra alors servir à résorber ces excédents avec un minimum d’interférence sur les prix intérieurs et les revenus. Et lors de mauvaises années, ce sera le contraire qui se produira. Le commerce peut-être une source d’instabilité Il faut toutefois souligner que le commerce peut aussi être une source d’instabilité pour les prix. Lorsqu’un pays est ainsi fortement spécialisé dans la production de certains biens d’exportation et qu’il dépend très largement des importations d’autres produits, il devient très sensible aux fluctuations des prix internationaux. En outre, en l’absence de mesures destinées à isoler les prix nationaux des variations des cours mondiaux, ces fluctuations affecteront également les biens d’exportation qui ne sont que très marginalement exportés ou importés. Traditionnellement, et même si les effets ont été variables, l’agriculture est le principal secteur où de telles mesures ont été appliquées. Cela n’est guère surprenant si l’on considère l’instabilité caractéristique des cours internationaux des produits agricoles et l’importance qu’attachent les gouvernements à stabiliser les prix des aliments et les revenus des agriculteurs. II/ Synoptique mondialisation des problèmes de la Chance pour les uns, menace pour les autres, le phénomène de la mondialisation qui, pour beaucoup de monde, semble déterminer désormais l’avenir de la planète suscite de plus en plus de débats passionnés, de controverses savantes et de harangues politiques aussi simplistes que péremptoires. Mais d’abord, de quoi s’agit-il lorsqu’on parle de mondialisation ? A première vue, la mondialisation est présentée comme une nouvelle configuration de l’économie mondiale. Deux faits empruntés à Robert REICH dans son ouvrage « L’économie mondialisée »1 illustrent parfaitement bien cette vision de la globalisation: 1 Robert REICH (1993): L’économie mondialisée, collection NH, 336p. ________________________________________________________________________ 21 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Le premier fait : L’équipement de Hockey sur glace est conçu en Suède, financé au Canada, assemblé à Cleaveland et distribué en Europe et en Amérique du Nord. Le deuxième fait : Un microprocesseur est conçu en Californie et financé en Allemagne, il contient des mémoires à accès aléatoire fabriqués en Corée du Sud. Voilà pourquoi, à l’origine, la mondialisation était essentiellement perçue comme un fait économique et financier qui indiquait la suppression progressive de barrières douanières et réglementaires pour les entreprises industrielles, commerciales et financières permettant la délocalisation des activités dans l’espace mondial. Les multinationales se trouvent ainsi au cœur d’un processus productif mondial commandé par l’exploitation des dotations factorielles naturelles des pays. Aujourd’hui, le phénomène s’est élargi et touche à la fois les domaines culturel, social et politique, conduisant à une série d’interrogations. Considérée comme une chance pour les uns, une menace pour les autres, le phénomène de la mondialisation qui, pour beaucoup de monde, semble déterminer désormais l’avenir de la planète suscite des débats passionnés, des controverses savantes et des proclamations politiques aussi simplistes que péremptoires. Mais d’abord, de quoi s’agit-il lorsqu’on parle de mondialisation ? A l’origine, la mondialisation était essentiellement perçue par les auteurs comme un fait économique et financier qui indiquait la suppression progressive de barrières douanières et réglementaires pour les entreprises industrielles, commerciales et financières ce qui permettait le déploiement sans entrave et la délocalisation des activités dans l’espace mondial. Les firmes multinationales se trouvaient ainsi au cœur d’un processus productif de dimension mondiale commandé par la recherche d’un profit optimal axé sur l’exploitation des dotations factorielles naturelles des pays. Le phénomène s’est par la suite élargi au point d’affecter aujourd’hui le politique, le social et le culturel. Cela soulève beaucoup d’interrogations. Pourtant, le concept malgré son utilisation abusive fait l’objet de plusieurs compréhensions tant au niveau des chercheurs qu’à celui du grand public. Le sujet est vaste, complexe, largement débattu, souvent diabolisé au détriment d’analyses robustes avec des statistiques crédibles. Selon la remarque de R. BOYER, «quand des ouvriers d’un abattoir de poulets se mettent en grève pour contester un aménagement de leurs horaires de travail, on décrète qu’ils se battent contre la mondialisation qui impose sa rationalité aux entreprises de ce secteur étroitement dépendant de ses performances à l’exportation. Lorsqu’un gouvernement choisit de renoncer à exercer ses prérogatives pour s’aligner sur les positions des lobbies favorables au tout-déréglementation, il se justifie en se fondant sur les nouvelles exigences de la mondialisation2 ». Bien que les termes de « mondialisation », « globalisation », « internationalisation » soient à la fois flous et empreints d’ambiguïté, chacun pense que leurs conséquences (sans pouvoir les cerner précision) sont importantes. Pour certains économistes, l’entrée dans la mondialisation se mesure par un pourcentage significatif du PIB de la nation réalisé avec l'extérieur alors que pour d'autres, ce pourcentage est moins significatif que la «dépendance » ou «l’indépendance» de la nation vis-à-vis de décisions prises par des acteurs de l'étranger : firmes ou Etats compte tenu du caractère de "price taker" ou de "price maker" que détiennent ces acteurs sur le marché mondial. Pour d'autres enfin, la mondialisation s’exprime à travers l’ensemble des « mécanismes d’accumulation à l’échelle mondiale » qui enrichit les partenaires les plus riches et appauvrit les autres par l’échange inégal caractéristique des 2 R. Boyer et al : Mondialisation au-delà des mythes, Edit. La Découverte, 1997, 174p. ________________________________________________________________________ 22 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com distorsions dans le processus de formation des marchés internationaux et de distribution des revenus. Malgré sa forte présence dans plusieurs secteurs et dans plusieurs régions du globe, la mondialisation n’est pas encore universelle. Au contraire, une de ses particularités marquantes est qu’elle est paradoxalement non homogène et fortement asymétrique, dans la mesure où toutes les activités économiques, financières comme culturelles ne se mondialisent ni au même rythme ni de la même manière. Certaines, telles que la finance et les entreprises sont mondialisées depuis des siècles, alors que d’autres encore solidement chevillées dans des frontières géographiques nationales dont elles portent les marques. C’est bel et bien une mondialisation à plusieurs vitesses entraînant des chocs asymétriques. Considérée comme un phénomène polyforme, elle pose des questions déterminantes pour l’ordre national : Offre-t-elle les mêmes chances et les mêmes avantages à tous les partenaires ou participants? Quelles sont objectivement ses conséquences directes et indirectes sur les différents partenaires singulièrement les plus faibles d’entre eux?3 Pourra-telle contribuer positivement à la croissance économique des pays d’Afrique sub-saharienne, au développement de l’emploi, à l’éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités ? Quel sort réserve-t-elle aux acteurs nationaux les plus fragiles et les plus déficients ? Va-t-elle harmoniser les structures institutionnelles et les normes et valeurs propres aux sociétés ? Estelle inéluctable ou contournable ? Ces questions sont déterminantes pour un pays comme le Sénégal qui se lance dans un travail de prospective pour l’horizon temporel 2015 qui correspond à la réalisation des Objectifs du Millénaire (OMD) du PNUD gravitant autour de la réduction de la pauvreté de masse qui menace tous les équilibres économiques comme non économiques. La prospective dans ce cadre est un excellent outil pour définir les scénarios du futur en vue d’agir sur la réalité et peser efficacement sur le cours des choses. Le contexte mondial doit y tenir une place centrale. La mondialisation présente un caractère de contrastes et de paradoxes. Les statistiques des Organisations internationales montrent que jamais le monde n’a disposé d’autant de techniques et n’a produit autant de richesses, pourtant, jamais elle n’a produit autant d’inégalités et de pauvreté révélant ainsi la marque d’une humanité socialement duale. Le Produit mondial a connu au cours du siècle une croissance exceptionnelle : en dollars de 1975, il est passé de 580 milliards en 1900 à 25000 milliards au milieu des années 90 ce qui représente en moyenne 4500 dollars per capita. Seulement, ce tableau idyllique est traversé par beaucoup de problèmes et il est altéré par la succession de crises graves qui sont autant de périls économiques, financiers et sociaux dont les dernières en date ont été la déroute de certains Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie et d’Amérique Latine souvent proposés comme modèle de référence pour sortir du sous-développement en une génération. Ces crises répétées et de plus en plus profondes montrent l’ampleur des risques, des incertitudes et des dysfonctionnements que les Institutions Financières Internationales n’ont pas pu gérer faute de disposer de ressources suffisantes et d’instruments adéquats de régulation. C’est ce qui est apparu dans le cas de la crise financière en Asie, au Mexique, au Brésil et en Uruguay. 3 Moustapha KASSE (2003) : De l’UEMOA au NEPAD : le nouveau régionalisme africain, Edition Nouvelles du Sud, 256 p ________________________________________________________________________ 23 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com A défaut d’un consensus sur la définition, les pratiques et les tendances de l’économie mondiale, dans sa double sphère réelle et monétaire, laissent apparaître une triple interdépendance que l’on pourrait qualifier de mondialisation. Essayons de cerner de plus prés ces interdépendances pour bien en mesurer toutes les conséquences à la fois sur les économies et sur les différents acteurs: L’interdépendance par la production se caractérise par une décomposition internationale des processus productifs qui s’appuie sur un réseau de filiales ou de sous- traitants et le nomadisme de segments entiers des appareils de production selon la logique des avantages comparatifs ; L’interdépendance par les marchés qui se traduit par la disparition des frontières géographiques, l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires qui accélère alors les échanges commerciaux ; L’interdépendance financière qui procède d’une interconnexion des places financières mondiales fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre grâce à la conjugaison de trois éléments que sont la déréglementation, le décloisonnement des marchés et la désintermédiation ; L’interdépendance par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) qui, avec les transports, intensifient la mobilité et la flexibilité des capitaux, des biens, des services et des personnes. Le caractère géostratégique de l’énergie Ce sont ces interdépendances qui déterminent les relations entre les différents acteurs du jeu économique, financier, politique et social mondial. ________________________________________________________________________ 24 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Les Etats doivent avoir une perception claire de cette configuration mondiale pour en évaluer les coûts et les opportunités par des politiques économiques et financières appropriées. 1) La première interdépendance est relative à la production : un système productif dominé par des firmes multinationales. Elle se caractérise par une division internationale du travail qui unifie les processus productifs nationaux et s’appuie, en conséquence, sur un réseau de filiales ou de sous-traitant qui opèrent la délocalisation de segments entiers des appareils de production selon la logique des avantages comparatifs. Cette structuration est le fait des firmes multinationales qui façonnent l’espace mondial en réseaux de production. Elles sont de plus en plus nombreuses, puissantes et originaires de diverses zones. Cette stratégie d’implantation leur permet de maximiser leurs profits à partir d’une optimisation de la localisation de leur production. Ce sont aujourd’hui, quelques 37 000 firmes multinationales de taille très inégale qui réalisent et contrôlent l’essentiel de la production mondiale de biens et services, les 500 d’entre elles les plus puissantes contrôlent presque 30 à 40 % du PIB mondial soit 25 000 milliards de dollars. Elles effectuent les 2/3 du commerce international sous forme d’échanges internes avec leurs 27 000 filiales soigneusement réparties dans l’espace mondial. Egalement, le négoce international des produits de base est largement sous le contrôle des firmes multinationales Le processus de délocalisation des activités industrielles réalisé par les firmes multinationales sépare les lieux de production ou de transformation de certaines marchandises de leurs lieux de consommation. Il va s’amplifier sous l’influence de la Nouvelle Révolution des Technologies de l’Information et de la Communication, de la dématérialisation de capitaux et de l’extension des aires géographiques du libéralisme. Il a surtout fortement contribué au décollage industriel de la plupart des pays industrialisés d’Asie. En effet, les transferts d'activités industrielles et de services du Nord vers le Sud, appelés "délocalisations", sont l'une des causes les plus spectaculaires de l’industrialisation rapide des pays asiatiques même si par ailleurs, elle dévitalise les économies du Nord et y opère une destruction des emplois. S’agit-il alors d’un « partage des richesses ou d’un partage de la misère? Sans nul doute ; la mondialisation libérale complètement soumise aux lois du marché et du profit à court terme n'apportera pas de réponse à cette question. Les Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie et d’Amérique Latine ont tiré profit de cette délocalisation en attirant des segments de production industrielle en valorisant leur dotation factorielle liée à l’espace géographique, à la qualité des ressources humaines ou à l’offre illimitée de main d’œuvre. Ils ont réussi à mettre en place un tissu industriel dans les domaines des hautes technologies. Certains Etats africains ont fait les mêmes tentatives avec la création des Zones franches industrielles considérées comme des moyens d’attirer les investissements étrangers, créer des emplois, développer l'industrie nationale et les infrastructures, favoriser les transferts de technologies et se procurer des devises. A l’exception de l’Ile Maurice, les Zones Franches africaines ont produit des résultats médiocres. Ce modèle de réussite procède des capitaux asiatiques qui ont fait de Maurice leur base de pénétration du marché européen et d'accès aux pays du Proche-Orient. Créée en 1970, la zone franche couvre tout le pays, emploie 100 000 travailleurs et rapporte plus d’un millier de milliard de dollars. En vingt ans, le taux de chômage est tombé de 20 % à 3 %. Elle a permis à l’Ile en quasi-pénurie de main________________________________________________________________________ 25 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com d'œuvre de privilégie désormais les investissements à forte valeur ajoutée avec des emplois qualifiés. Les principales transformations en cours concernent la multiplication des alliances et des fusions entre multinationales dans les secteurs stratégiques comme les industries aéronautiques et les télécommunications. La concentration transnationale augmente, de même que l’investissement international. Quel qu’en soit les modalités, la globalisation financière a favorisé l’internationalisation de la production. Les entreprises se sont largement financiarisées pour se couvrir contre les risques internationaux, en diversifiant leurs produits. Les investissements directs à l’étranger sont passés de moins de 40 milliards US $ en 1980 à 200 milliards en 1995. Ils conduisent souvent à une délocalisation, transfert à l’étranger d’une activité de production (segment ou ensemble de la fabrication) localisée antérieurement sur le territoire national. Il s’agit en fait d’une véritable décomposition internationale du processus productif (Lassudrie-Duchêne). Chacun des segments est localisé dans des espaces différents, pour des raisons liées aux coûts de production, aux dimensions du marché, à des risques ou à des réglementations. 2) La seconde interdépendance est relative au surdéveloppement des échanges. Alors comment accéder aux marchés ? Le volume total des transactions quotidiennes sur les marchés des changes est passé d’environ 10 à 20 milliards de dollars en 1998. Dans les années soixante dix à 1500 milliards de dollars en 1998. De 1983 à 1993, les achats et les ventes transfrontaliers de bons du trésor américain sont passés de 30 à 500 milliards de dollars par an. Les prêts bancaires internationaux ont progressé de 265 à 4200 milliards de dollars entre 1975 et 1994. Le poids des échanges internationaux dans l'économie ne s'est pas accru de manière considérable, contrairement au discours fondamentaliste sur la mondialisation. Il est en fait à peine supérieur au niveau de 1914 si l'on prend les chiffres du commerce international, qui représente à peine 20% du PIB mondial. Les services se sont enflés rapidement particulièrement les services supérieures directement liés aux activités productives : tourisme, fret et transit, communication et télécommunication. Le tourisme a plus que doublé entre 1980 et 1996 pour devenir une composante financière importante. La Demande touristique accuse des taux de croissance élevés avec un nombre de voyageurs qui passe de 260 à 590 millions par an. Malgré les restrictions sévères, les migrations internationales se poursuivent, de même que les envois de fonds des émigrants. Ces envois ont atteint 58 milliards de dollars en 1996. Le volume des appels téléphoniques internationaux s’est envolé entre 1990 et 1996, passant de 33 à 70 milliards de minutes. Les voyages, internes et les médias stimulent la croissance exponentielle des échanges d’idées et d’informations. L’OMC entend désormais régenter toutes les règles de la concurrence, l'accès aux marchés publics et les lois sur les investissements. Elle impose aux Etats membres La prééminence des quatre principes du libre-échange à savoir le principe de la non discrimination le principe de l’abaissement généralisé des droits de douane l’interdiction des restrictions quantitatives ________________________________________________________________________ 26 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com l’interdiction du dumping. Ceux-ci doivent prévaloir sur toute autre considération qu'elle soit culturelle, sociale ou écologique dans la régulation du commerce international. Cette intégration mondiale est tirée par des changements de politiques visant à promouvoir l’efficience économique via la libéralisation et la déréglementation des marchés nationaux et le désengagement de l’Etat de nombreuses activités économiques, ainsi que la restructuration de l’Etat providence. Mais ce sont surtout les innovations récentes dans la technologie de l’information et des communications qui favorisent l’intégration. Cependant celle-ci reste très partielle au niveau mondial. Ainsi, les mouvements de main d’œuvre sont encore restreints, les frontières étaient fermées aux individus sans qualification. 3) La troisième interdépendance concerne les marchés financiers. Comment capter les ressources pour financer les opportunités d’investissements ? Cette troisième interdépendance est rendue possible par l’articulation de trois éléments qui permettent une internationalisation sans entrave des marchés financiers : ________________________________________________________________________ 27 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com la désintermédiation, elle permet aux entreprises, à l’Etat de recourir directement sans passer par les intermédiaires financiers et bancaires pour effectuer des opérations de placement et d’emprunt. Ils peuvent accéder directement aux marchés financiers pour satisfaire leur besoin de financement. le décloisonnement qui se traduit par la suppression de certains compartiments des marchés. la déréglementation celle-ci indique l’abolition des réglementations des marchés des changes pour faciliter la circulation du capital. Au début du 20ème siècle, les mouvements internationaux de capitaux participent au processus de mondialisation de l’économie. Mais le développement de la finance mondiale atteste d’une déconnexion croissante entre les flux de capitaux et les besoins de financement de l’économie réelle. La globalisation financière se caractérise par l’interconnexion des marchés financiers, par un essor de nouveaux produits financiers et de marchés émergents. On observe également une organisation mondiale de la production dans certains secteurs stratégiques. Les marchandises circulent de plus en plus librement avec des coûts de transport décroissants, du fait de la déréglementation et des progrès de télécommunication permettant des baisses de tarifs. L’instantanéité des informations abolit temps et espace. La circulation des informations peut remplacer celle des hommes (télé achat, télé travail). Les opérations financières génèrent à l’infini ou presque des produits dérivés. Les produits négociés, bien que de plus en plus sophistiqués, sont standardisés. Les transactions papier prennent, ainsi, une grande ampleur par rapport aux opérations physiques. On observe une déconnexion entre les opérations réelles (commerce et investissement) et la sphère finance-change. L’intégration financière résulte de la mobilité des capitaux et la substituabilité des actifs (Bourguinat). Le développement des eurodollars (les dollars circulant hors des Etats-Unis) à partir de 1957 a marqué le début de la circulation internationale des capitaux hors de tout contrôle étatique. Après le passage aux changes flottants, l’accélération du processus de libéralisation de la finance internationale date principalement à la fin des années 70. Les Etats à la recherche de sources de financement pour leurs déficits, ont aboli les principales règles qui contraignaient les mouvements de capitaux. Les mutations sur les marchés financiers sont simplement démentielles et d’une rare ampleur. Ainsi, les mutual funds aux Etats-Unis ont mobilisé quelques 2600 milliards de dollars en 1995 et les fonds de pension s’élèvent à 3600 milliards de dollars soit plus que l’encours des réserves de change de toutes les banques centrales de la planète. Les transactions opérées sur les marchés de change représentent environ 1500 milliards de dollars par jour soit plus de 50 fois les flux réels de marchandise. La valeur des titres côtés en bourse dans 80 pays a été multipliée par 10 en 20 ans. Elle est passée en 1980 à 1800 milliards à 18 000 milliards en 1998. En clair, la sphère financière est complètement déconnectée de la sphère réelle car chaque jour 1500 milliards de dollars de mains sans contre partie en terme de biens et services. Ces chiffres montrent que les marchés financiers ont acquis des pouvoirs très étendus qui leur permettent de contrôler l’essentiel des circuits de financement à l’échelle mondiale et peuvent, toute conséquence, déterminer les rythmes de croissance des économies. La globalisation des marchés financiers laisse apparaître d’abord un surdimensionnement des marchés qui rend les activités des établissements financiers complètement incontrôlables et permet aux acteurs financiers de promener librement leurs ________________________________________________________________________ 28 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com capitaux dans l'espace mondial à la recherche de meilleures rémunérations, ensuite l’incapacité de mesurer le niveau optimal des moyens de paiement pour l’économie mondiale et enfin une montée en puissance des finances illicites dont le produit mondial est estimé à environ 100 milliards. Désormais les actifs financiers peuvent se balader librement à la recherche de meilleures rémunérations. Ces capitaux alimentent les investissements directs étrangers (IDE) qui s’orientent vers les pays présentant de bonnes politiques dans un environnement institutionnel favorable et qui respecte les principes de bonne gouvernance économique. Dans les années 80, les investissements internationaux directs augmentent trois fois plus vite que le commerce mondial. A partir des années 90, après avoir surtout concerné les pays du Nord, ils se tournent de plus en plus vers les pays en développement. A la fin des années 1980, ces pays accueillaient environ 15 % seulement des flux d'investissements directs, aujourd’hui ils en ingèrent plus de 42 %. Les NPI d'Asie se taille la part la plus importante puisqu'ils intègrent 25 % des investissements étrangers directs mondiaux, la Chine en accueillant à elle seule 15 %, soit 33 milliards de dollars sur 214,3 milliards, en 1994. Grâce à ces nouveaux flux financiers et des taux de croissance deux fois supérieurs à la moyenne mondiale sur une trentaine d'années, l'Asie apparaît de plus en plus comme l’une des locomotives d’une économie mondiale en proie au chômage et à la morosité, au niveau de la triade. 4) La quatrième interdépendance est relative au facteur déterminant des Technologies de l’Information et de la Communication. Quelles chances offre-t-elle dans le domaine de l’innovation ? Ce qui change véritablement dans la mondialisation d’aujourd’hui, c'est l’ampleur et la profondeur de la Révolution des Technologies de l'Information qui modifie qualitativement et quantitativement les systèmes productifs avec la création de nouveaux produits, permet les échanges en temps réel du fait de la baisse drastique du coût des microprocesseurs et des télécommunications et ouvre de nouveaux canaux de communication et de distribution. La vraie révolution est dans l'innovation accélérée qui permet l’amélioration de la productivité donc la compétitivité. Les technologies de l’information et de la communication sont entrain de modifier les systèmes productifs et les perspectives de la croissance et de l’emploi. Elles déclenchent une explosion des activités économiques, recomposent les territoires industriels et interconnectent tous les marchés de la planète. Ce sont elles qui font précisément du monde un village planétaire. Des millions de kilomètres de fibres optiques se croisent en permanence et relient des continents dans le temps et l’espace. Des contrats, des transactions et des informations de tous ordres traversent les fuseaux horaires, les frontières et les cultures. Les nouvelles routes commerciales sont des éclats de laser et des rayons de satellites. Les marchandises transportées sont le savoir et la technologie. Les évolutions et les mutations technologiques accusent des rythmes à la fois rapides et bouleversants. Les innovations qui en résultent non seulement transforment structurellement les systèmes productifs mais permettent d’accélérer la croissance. Cela entraîne selon P.Chapignac4 trois ruptures qui ont une tendance assez nette à structurer les activités économiques autour du traitement de l’information : 4 P.Chapignac, Communication au Congrès IDT-Marchés et industries, Paris, 1995 ________________________________________________________________________ 29 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com La production de richesse déplace son centre de gravité de l’activité productrice (la dialectique entre la machine et l’homme) à la création (la conception et le pilotage intellectuel). Il va en résulter le déplacement de la source des richesses vers l’activité de conception. Les transactions de toutes natures ont tendance à s’imposer comme principaux générateurs de la valeur ajoutée, ce qui déjà se constate déjà dans la structure des entreprises où les fonctions commerciales, marketing et autres prennent une importance grandissante Le renversement des hiérarchies des actifs avec un caractère dominant des actifs immatériels. Il se crée alors à l’échelle mondiale un immense réservoir technologique dont peuvent bénéficier tous les pays pour innover et exploiter leur potentiel compétitif dans les secteurs industriel, agricole et des services par acquisition de gains de productivité. Certains pays en ont largement profité sous des formes comme la « révolution verte » ou le développement d’industries lourdes ou légères. Ces éléments indiquent à souhait que la mondialisation est en trains de scruter un nouveau modèle de société que l’on appelle communément la société innovante dont les valeurs clés la productivité, la compétitivité, l’efficacité, la rentabilité, l’optimisation, la flexibilité, le contrôle, l’adaptabilité, la mesurabilité et la gestion. Cette société sous-tend un projet axé sur l’apologie du meilleur et de l’excellence. Elle privilégie les outils plutôt que les personnes, elle accorde la priorité aux et se soucie très peu des finalités. Elle devrait entraîner de nouvelles réflexions car si on y prend garde sous couvert de progrès technique, elle peut déboucher sur une logique de compétition, de violence et d’exclusion. Par ailleurs, elle ramène en surface le débat sur les technologies et la recomposition de l’emploi : la machine tue-t-elle l’emploi ou l’oblige-t-il à se déplacer et à se recomposer?5 Cependant, le continent s’insère difficilement dans le concert des nations : en marge de l’expansion industrielle mondiale, il risque d’être exclu de la révolution mondiale des technologies de l’information et des télécommunications (Rapports de 1999 et 2001) 6. L’accélération des innovations technologiques risque de produire plusieurs conséquences négatives sur le développement des pays notamment le creusement de l’écart entre les capacités d’accès et d’utilisation des techniques au Nord et au Sud7, les économies de consommation des matières premières limitant les perspectives d’exportation des PVD et l’approfondissement des inégalités des revenus. Comme l’observait Carlo De Benedetti alors PDG de Olivetti, « le développement technologique actuel rendra les riches encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres ». A côté de ces éléments purement économiques, financiers et technologiques, coexistent d’autres préfigurant les changements spectaculaires comme par exemple le retour du politique et du culturel qui n’ont plus le statut de variables muettes d’une mondialisation qui repose sur l’exigence des « harmonies universelles ». 5 J.B. Foucauld : Une nouvelle donne pour l’emploi, Revue Echanges et projets, janvier 1994 PNUD, RMDH de 2000 et 2001 7 La possibilité pour les PVD de trouver des raccourcis techniques et de choisir le dernier et le meilleur équipement est assez restreinte. 6 ________________________________________________________________________ 30 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 5) Mondialisation et déstructuration des identités et valeurs culturelles par échange inégal des cultures. A la fin des années 60, H Marcuse prédisait dans son célèbre ouvrage « l’homme unidimensionnel » la réduction de l’individu à une seule facette : un conformisme asservi par la technologie plutôt que par la terreur. Il déplorait la diffusion de la culture de masse qui réduit le citoyen au rang de simple consommateur, une quinzaine d’années plus tard, Vance Packard dans « La persuasion clandestine » dénonçait la stratégie des industriels publicitaires pour contrôler les mentalités des consommateurs et uniformiser leur comportement. Aujourd’hui avec la mondialisation, ces phénomènes prennent une dimension insoupçonnée8et remettent à l’ordre du jour les craintes de Marcuse. Il semble selon Théodore Levitt que « le temps des différences régionales et nationales dues à la culture, aux normes et aux structures sont des vestiges du passé »9. Des intellectuels anglo-saxons avancent l’idée que la culture de masse est vouée à s’étendre à partir du centre, en l’occurrence les Etats-Unis, vers la périphérie qui est en fait le reste du monde10. Cela fait craindre l’instauration de l’hégémonie d’une seule puissance du fait de « l’échange inégal entre les cultures ». On n’a beaucoup parlé du « Mc Monde » ou encore de la « Mc Donolisation » à quoi les français tentent d’opposer « l’exception culturelle » Ce débat est entré dans la conscience commune. Et pour beaucoup d’auteurs, la constitution d’un marché global entraîne la formation d’une culture globale qui gomme toutes les identités nationales. Revient en surface l’idée classique de l’unification humaine par la technique de production, de transport, de communication, d’information, désormais banale, pour rendre compte de cette question de plus en plus prégnante qui concerne l’avenir de la culture à l’âge du tout planétaire. Que vont devenir les valeurs culturelles nationales ? Vont-elles se modifier pour épouser les logiques de compétition ou alors seront-elles étouffer ou gommer par la culture standardisée découlant de la mondialisation ? Ces questions sont au cœur de la crise qui secoue les sociétés africaines. En effet, la mondialisation par les moyens de communication de masse diffuse un modèle culturel global bouscule toutes les valeurs et comportements autochtones et les pousse à des formes multiples et complexes de refus et de résistance. Cheikh Anta DIOP, dans un ouvrage consacré aux problèmes de la renaissance des cultures africaines met l’accent sur l’exemple révélateur de Thébes sous le 18ème dynastie. « Ekhanon fut un pharaon acquis à l’influence orientale. Par ses réformes, il faillit diluer l’Egypte de son époque dans et l’aliéner progressivement au profit des peuples d’Orient qui n’étaient ni techniquement ni scientifiquement plus avancés. Le clergé de Thèbes se dresse derrière Toutankhamon pour recouvrer sa liberté et l’autonomie de la nation égyptienne, en ramenant la pensée de l’époque des dieux, aux croyances at aux cultures de tradition purement thébaines. Les Prêtres savaient tout simplement que l’Orient de l’époque ne leur apportait rien de substantiel même en matière religieuse. Ils savaient également qu’en renonçant à leurs dieux et à la leur vision du monde sous-jacents à leurs institutions religieuses, ils s’abandonnaient dangereusement à une aliénation culturelle qui préparait progressivement l’extraversion de l’Egypte et la perte 8 Cité par le Recteur Sélim Abou lors du Colloque de Beyrouth sur la mondialisation, 28 avril 1998 Théodor Levitt : The marketing Imagination, cité par le Recteur Sélim Abou 10 D.Rothkopf écrit dans ce sens que « Les américains ne devraient pas lier le fait que de toutes les nations du monde, la leur est la plus juste, la plus tolérante et constitue le meilleur modèle pour l’avenir, in Foreign Policy 9 ________________________________________________________________________ 31 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com d’identité du peuple pharaonique, la conquête de leur pays par des modèles, des symboles et des instruments qu’ils n’avaient pas élaborés et dont ils ne pourraient décider l’évolution. Mais les Prêtres savaient aussi que l’impérialisme culturel est toujours contemporain de l’impérialisme politique et économique »11. Le drame évité de Thèbes est le drame vécu par le Continent africain qui doit se convaincre que « l’identité culturelle procède de l’expression volontaire d’une authenticité qui prend racine dans le génie de chaque peuple et dans les valeurs fondamentales qui la soustendent. Cette recherche de l’authenticité passe par un ressourcement qui ne traduit un simple retour aux sources mais intègre les réalités et les impératifs du monde moderne. Elle implique une prise de conscience lucide qui permette l’actualisation et le renouvellement des valeurs, interdisant ainsi la création de ghettos culturels. Il s’agit de découvrir de nouvelles dimensions de la culture africaine. C’est dire que le monde africain doit élaborer une stratégie culturelle suffisamment efficace pou atténuer les impacts négatifs des modèles culturels étrangers. Cela suppose un système de communication fondé sur l’utilisation des langues nationales atteindre les masses africaines, une coopération culturelle internationale et la création d’instruments culturels destinés à favoriser les échanges, à financer les industries cultuelles, à encourager les activités intellectuelles. 6) Mondialisation libérale de haute compétition et construction de systèmes démocratiques. Au plan politique, la mondialisation se traduit par un regain d’intérêt pour les problèmes de démocratie, de paix, de sécurité et de bonne gouvernance. Il est indiscutable que ces éléments sont des préalables du développement économique et social. Le débat est clos assez vite par l’imposition d’un ajustement des PVD aux règles et normes démocratiques formelles et de bonne gestion de tous les centres de pouvoir. C’est le socle minimal de la nouvelle civilisation universelle de la démocratie et des droits de l’homme. Il repose sur l’idée implicite de l’existence de valeurs universelles dans lesquelles devaient se reconnaître l’ensemble des « citoyens du monde » En effet, il apparaît clairement que « la démocratie portative » dont parlait Paréto doit essentiellement réglementer la circulation des élites. Elle repose sur les règles de la démocratie représentative que l’Occident a mis des siècles à édifier autour du concept de Parti politique12. A-t-on le bon modèle ? Et dispose-t-on des instruments et des moyens pour les réaliser ? Et enfin comment résoudre l’équation bien délicate des sanctions à appliquer en cas de défaillance? Alors que certains auteurs soutiennent que la mondialisation annonce la fin des conflits ou la « La fin de l’Histoire et le dernier homme »13( Fujuyama), d’autres martèlent les préceptes de la « pensée unique » qui font de la mondialisation la voie royale du bonheur : plus le monde sera ouvert, plus la croissance sera élevée, plus le bien-être se généralisera. Toutes les institutions et tous les acteurs ont l’occasion d’y assister, sinon d’y participer, en direct ou «en temps réel». Cette vision idyllique ne correspond –t-elle à la globalisation 11 C.A. DIO : Nations nègres et culture, Edit. Présence Africaine, 1956 M. Rocard dans son ouvrage Pour une autre Afrique, Ed.. Flammarion 2001, note que « les institutions africaines fondées sur des prises de décisions collégiales et consensuelles et en ce sens ne sont pas inférieures. La méthode en est l’arbre à palabre et l’instrument l’assemblée de village. Tout se passe comme si l’Occident à remplacer par la démocratie consensuelle africaine par son produit la démocratie conflictuelle. » 13 F.Fukuyama : La fin de l’histoire, Edit. Flammarion, Paris 1992 12 ________________________________________________________________________ 32 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com fortement asymétrique effectivement observée. Qu’apporte-elle globalement au continent et au Sénégal ? 7) Mondialisation multipolaire par formation de vastes blocs régionaux véritables pôles de compétition. Tout le système de la mondialisation jusqu’à la fin des années 80 était géré dans un cadre bipolaire mais avec l’effondrement du Bloc Soviétique et l’exacerbation de certaines crises, les contours d’une mondialisation encore plus multipolaire se dessinent. A l’observation, malgré cette forme multipolaire d’organisation et de gestion de la mondialisation,, le monde reste fragile, instable et imprévisible. Jamais la précarité n’a été aussi grande sur la planète dans ses sphères économique, financière, politique et sociale et même culturelle. La rupture da la croissance fordienne à la fin des années 60, consolidée et aggravée par le désordre monétaire international a engendré des ruptures d’équilibre dans l’économie mondiale et face auxquels tous les moyens exceptionnels de régulation vont se révéler totalement inopérants. L’inflation croît en même temps que le chômage (stagflation). L’endettement s’enlise et fragilise les bases du système financier international marqué par l’ampleur des bulles spéculatives et les fluctuations anarchiques des devises. Le protectionnisme se réinstalle avec des techniques plus sophistiquées et échappent souvent à la surveillance de l’OMC (la récente Conférence de Cancun vient d’en administrer la preuve). Face à cette situation et au darwinisme économique, la plupart des grandes nations industrielles organisent des espaces de commerce privilégié (multiplication des organisations régionales) et gèrent leurs complémentarités avec les nations voisines (prolifération des Accords de Libre Echange). C’est dans ce cadre que fonctionnne le monde multipolaire qui consacre 4 Pôles de puissance qui tournent autour de l’abolition des frontières par la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services, l’ouverture des marchés publics et l’élaboration des politiques de coopération pour mieux affronter la concurrence : l’Union Européenne (UE), l’Accord de Libre Echange Nord-américain (ALENA), le Groupe Economique d’Asie Orientale(GEAO) qui se compose des 6 pays de l’ASEAN plus le Japon, la Corée du du Sud, Hong Kong et Taiwan et le MERCOSUR. Ces blocs économiques régionaux sont les meilleurs instruments de compétitivité. En effet, la concurrence exige des pays et des entreprises un subtil dosage de protectionnisme et libre-échange, d’étatisme et de libéralisme. Dans le monde des affaires, on se soucie bien peu des extrêmes : libre échange sans entrave ou protectionnisme dur ou atténué). Le modelage de l’espace mondial invite à des combinaisons complexes qui seules sont à même d’atteindre la plus grande efficacité. Les principaux accords régionaux entre pays en développement Région Afrique SubSaharienne Organisation Pays Membres Communauté Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, économique et monétaire République Centrafricaine, Tchad. d’Afrique Centrale (CEMAC) Marché commun de l’Afrique orientale et Angola, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Ile Maurice, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi, ________________________________________________________________________ 33 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com australe (COMESA) Mozambique, Namibie, Rwanda, Somalie, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Uganda, Zambie, Zimbabwe. Union économique et Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, monétaire ouest-africaine Mali, Niger, Sénégal, Togo. (UEMOA) Communauté Bénin, Burkina, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, économique de l’Afrique Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, de l’Ouest (CEDEAO) Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Léone, Togo. Asie Union douanière de l’Afrique australe (SACU) Botswana, Lesotho, Namibie, Afrique du Sud, Swaziland. Communauté du développement de l’Afrique australe (SADC) Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Afrique du Sud, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe. Coopération économique Australie, Brunei, Canada, Chine, Etats-Unis, Asie Pacifique (CEAP) Hongkong, Indonésie, Japon, Malaisie, Nouvelle Zélande, Philippines, République de Corée, Singapour, Thaïlande. Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam. Association sud-asiatique Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal, de coopération régionale Pakistan, Sri Lanka. (ASACR) Amérique latine Marché commun andin (MERCOAN) Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Venezuela. Secrétariat de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyane, Jamaïque, Monteserrat, St Kitts-et-Nevis, Ste Lucie, St Vincent, Trinité-et-Tobago. Marché commun Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, centraméricain (MCCA) Nicaragua. Association latinoArgentine, Bolivie, Chili, Colombie, Équateur, américaine d’intégration Mexique, Paraguay, Pérou, Uruguay, Venezuela. (ALADI) Marché commun austral Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay. (MERCOSUR) Moyen Orient et Afrique du Nord Conseil de coopération du Golfe (CCG) Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar. Conseil de l’Unité économique arabe (CUEA) Égypte, Émirats arabes unis, Iraq, Jordanie, Koweït, Libye, Mauritanie, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen. ________________________________________________________________________ 34 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Organisation de Iran, Pakistan, Turquie. coopération économique (ECO) Jadis réservée aux pays en développement, la régionalisation devient la forme d’organisation de l’économie mondiale si bien que les relations économiques et financières s’organisent en grande zone géographique. Dans ce contexte, les accords régionaux sont des accords préférentiels et accordent à certains pays des facilités d’accès aux marchés intérieurs qui ne sont pas concédées aux autres. La part du commerce mondial qui n’implique pas un des trois grands accords que sont l’UE, l’ALENA et le GEAO ne représente que 15,6% du commerce mondial. Désormais, les relations commerciales sont fondées sur le principe fort de la clause de la nation la plus favorisée. Tout pays exportateur bénéficiaire de cette clause se voit automatiquement appliquer le tarif douanier le plus favorable. Cette règle est incluse dans les accords de l’OMC qui, cependant, tolère beaucoup d’exceptions et de dérogations. En conséquence, du point de vue strictement économique, la mondialisation favorise la tendance au renforcement de la régionalisation qui diminue l’efficacité des mesures nationales isolées à la concurrence internationale et encourage les réponses. III/ Synoptique des Problèmes de la Renaissance Africaine. Les statistiques montrent que le monde est en phase de polarisation, avec un fossé de plus en plus large entre les pays pauvres et les pays riches. Concrètement, le revenu par habitant entre les pays industrialisés et les pays en développement a ainsi triplé, passant de 5 700 dollars en 1960 à 15 400 dollars en 1993. De plus sur les 23.000 milliards de dollars que représentait le PIB mondial en 1993, 18.000 milliards provenaient des pays industrialisés, contre seulement 5.000 milliards pour les pays en développement. Encore plus significativement, le cinquième le plus riche de la population mondiale dispose de plus de 80% des ressources et le cinquième le plus pauvre de 1%. Quelques 2,7 milliards d’individus (sur 6 milliards) vivent avec moins de 2 euros par jour et ils seront environ 4 milliards en 2015. Au cours des trente dernières années, la part des 20% de personnes les plus pauvres dans le revenu mondial est tombée de 2,3% à 1,4%. Dans le même temps, la part des 20% les plus riches passait de 70% à 85%. L’écart de revenu entre les 20% plus riches et les 20% les plus pauvres a ainsi doublé, passant de 30/1 à 6/1. La fortune des 358 milliardaires en dollars que compte la planète est supérieure au revenu annuel cumulé des 45% d’habitants les plus pauvres de la planète. Au cours des trois dernières décennies, la proportion d’individus habitant des pays ayant connu une croissance annuelle de leur revenu supérieure à 5% a plus que doublé (passant de 12 à 27%), mais la proportion de la population mondiale connaissant une croissance négative de ce revenu a plus que triplé, passant de 5% à 18%. Le second type d’inégalité est celle qui existe au sein même des pays. En prenant l’exemple de la France, le revenu mensuel moyen des ménages résidant dans ce pays était de 14 190 F en 1994. Mais 10% des ménages disposaient alors de moins ________________________________________________________________________ 35 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com de 4 530 F alors que 10% des ménages gagnaient plus de 25 890 F, soit un écart P9/P1 de 5,7 plus important que l’écart des seuls salaires qui s’établissait à 3,2. Dans les pays de l’OCDE, les inégalités salariales sont mesurées par le ratio P9/P1 qui s’élevait, en 1990, à 2 en Norvège, 2,5 en Allemagne, 3,4 au Royaume-Uni et 4,5 aux Etats-Unis. Ces inégalités font aujourd’hui l’objet d’intenses controverses au niveau de l’analyse du développement. En effet, certains économistes soutiennent avec force d’arguments que les inégalités sont favorables à la croissance économique. Ils prennent appui sur les prédictions de S.Kuznets et avancent que si la croissance accroît les inégalités dans un premier temps, elle les réduit ensuite. A y regarder de prés, cette assertion peut-être économiquement fondée mais ne convient pas dans la perspective de lutte contre la pauvreté. Pour P. Engelhard14, il faut s’interroger pour savoir à partir de quel seuil d’inégalité de la croissance de la richesse des uns ne compense plus la perte de richesse des autres ? Rawls fournit une piste intéressante dans le second principe de sa Théorie de la justice sociale15 : lorsqu’il y a des riches, les pauvres sont souvent moins pauvres que si tout le monde était pauvre. Mais alors sommes–nous encore dans un univers où l’accroissement de la richesse des riches garantit que la pauvreté des pauvres va diminuer. Et P. Engelhard observe avec pertinence que deux ou trois cents personnes parmi les plus riches de la planète ont un revenu qui équivaut à celui de deux ou trois milliards de pauvres. Qu’une inégalité permette à ces pauvres de vivre un peu mieux qu’ils ne le feraient si la richesse était un peu moins mal répartie n’est pas très vraisemblable. Globalement, les inégalités se sont creusées entre les pays et au sein de la plupart d’entre eux. Ainsi, dans les pays opulents d’Europe occidentale, le nombre de pauvres n’a cessé d’augmenter depuis vingt ans. Toutefois, ces inégalités et ces pauvretés excessives deviennent inacceptables et dangereuses car elles constituent le terreau sur lequel se recrutent les terroristes qui menacent toutes les démocraties du monde. Manifestement, les réseaux terroristes tirent leur origine dans la désespérance et les souffrances de la pauvreté que vivent certains peuples souvent dans l’indifférence totale de la communauté internationale. Les attentats de Septembre sont intervenus dans une conjoncture de profonde détérioration des rapports Nord-Sud. : Dégradation des termes de l’échange, approfondissement des déficits, massification de la pauvreté, endettement qui hypothèque le financement du développement, baisse de la croissance. Dans les diverses négociations internationales à Seattle (OMC), à Kyoto sur le réchauffement de la terre négocié par 160 nations, à Gènes (G8) et à Durban(ONU) dernièrement sur l’esclavage, les pays du Sud ont fait beaucoup de concessions mais n’ont presque rien obtenu en retour. Ces éléments entretiennent des sentiments d’exclusion, de frustrations, de désespoir, tout cela sur fond de pauvreté ambiante.16 A/ L’Afrique entre pauvreté, précarité et exclusion La participation de l’Afrique à l’économie mondiale a fortement diminué au des cinq dernières décennies aussi bien du point de vue de son PIB, de ses 14 P.Engelhard : L’Afrique miroir du monde ? Plaidoyer pour une nouvelle économie. Edit. Arléa, Paris, 1998, p.222 15 J. Rawls : La théorie de la justice sociale 16 Mustapha Lassé : Récession mondiale et terrorisme, Journal Info7 du 02 fev.2002 ________________________________________________________________________ 36 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com exportations que des IDE reçus. Selon l’OCDE, la part de l’Afrique dans le PIB mondial mesuré en parité de pouvoir d’achat entre 1950-2000 a baissé d’un tiers alors que sa part dans les exportations a été divisée par 3. Il en va de même pour les investissements directs étrangers comme cela a été établi plus haut. D’un autre côté l’économie mondiale a une assez faible incidence sur la croissance des économies africaines. Cela s’explique d’abord par la base de son système productif composée essentiellement de produits primaires et ensuite par son insertion faible dans des réseaux diversifiés de commercialisation On peut donc dire que les paramètres que pose la mondialisation ignorent le continent. Ni les investissements croisés, ni les échanges internationaux sur la base de la croissance de la production mondiale, ni la globalisation financière, ni les réseaux transnationaux, ni les firmes globales, nulle part on ne trouve une place à l’Afrique. A ces facteurs s’ajoutent d’autres qui sont endogènes et contribuent à la marginalisation du continent. Au titre de ces facteurs on peut citer : l’absence d’infrastructures adéquates de communication ; l’étroitesse des marchés ; les incertitudes et risques nés des conflits ; la mauvaise qualité des administrations publiques. Les Programmes d’Ajustement Structurel ont tenté d’introduire des réformes qui avaient pour objectif l’assainissement des économies en vue de la restauration de leur compétitivité extérieure par la réduction des déficits, budgétaires, une pression sur les salaires, la suppression des subventions, la privatisation et le dégraissage de la fonction publique. Une fois assainie, les économies devraient amorcer une croissance durable tirée par les IDE et les exportations. En définitive, on s’aperçoit qu’en fait l’assainissement ne finit jamais, les IDE se font attendre, la croissance n’est pas durable et la pauvreté est encore loin d’être éradiquée. Cela a nécessité l’élaboration par la Communauté internationale « Des Objectifs du Millénaires pour le Développement, un pacte entre les pays pour vaincre la pauvreté »17 Pauvreté de masse et défaillance des systèmes de protection sociale Le continent africain est la région du monde la plus pauvre, sa production moyenne par habitant à la fin des années 90 est inférieure à ce qu’elle était en 1960, sa part dans le commerce mondial a reculé. Au niveau social, la situation est simplement catastrophique avec 250 millions de personnes qui n’ont pas accès aux service de santé, 140 millions d’analphabètes et 2 millions d’enfants qui meurent chaque année avant leur premier anniversaire. Le bilan de 10 années de recherche et de lutte contre la pauvreté est fortement contrasté. Les actions de lutte conte la misère et la famine ont donné quelques résultats positifs indéniables avec l’augmentation de la production alimentaire du système périphérique et le recul de la faim. Toutefois, depuis les années 70, le nombre de pauvres augmente au même rythme que la population (Kankwenda, 1999) sans que l’on soit à mesure de répondre aux questions fondamentales à savoir : i) Comment mesurer la pauvreté ? ii) Quels sont les groupes les plus vulnérables ? iii) 17 PNUD : RMDH 2003 : Les OMD ________________________________________________________________________ 37 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Quelles sont les conditions de vie des pauvres et des très pauvres ? iv) Quelle politique efficace faut-il mettre en œuvre ? A l’analyse tous les pays africains sont traversés par une crise sociale d’une très grande ampleur qui se manifeste dans l’accroissement du couple pauvreté et chômage. Cela entraîne une forte dégradation des conditions de vie : pénurie et insécurité alimentaires, diverses épidémies, non-accès aux services de base. Ce processus de paupérisation de masse s’accompagne paradoxalement d’un affaiblissement des formes modernes comme traditionnelles de protection sociale. Le continent africain administrait la force d’une indiscutable « solidarité », découlant principalement d’un ensemble d’obligations et de droits complexes destinés à préserver la cohésion du groupe et à réduire l’incertitude économique. La logique du « don et du contre don », sans doute latente dans ce tissu d’obligations réciproques, avait fini par instaurer un contrat-social implicite qui est en train de se déliter dangereusement. Dès lors, la protection sociale cesse de s’appuyer sur les réseaux de la famille élargie qui n’est plus en mesure de répondre aux sollicitations de ses membres les plus faibles et les plus démunis dans un contexte de crise économique. Au niveau des structures formelles les choses ne vont pas mieux suite à la crise profonde du système public de sécurité sociale, symbole de « l’Etatprovidence ». Il accuse une triple crise : une crise d’efficacité : effets pervers de prélèvements excessifs ; une crise de légitimité : côté recettes : une redistribution à rebours et côté dépenses : la solidarité déviée avec des difficultés d’évaluation ; et une crise d’adaptation. Pris en tenaille entre l’accroissement soutenu des dépenses et le tarissement des sources de financement suite à l’assainissement économique et financier, le fonctionnement du système de redistribution et de protection sociale est de plus en plus bloqué. La crise économique et financière va finir par liquider tous les filets de protection et de redistribution. La conséquence est alors l’instauration de la pauvreté, de la précarité et de l’exclusion. Les analyses sur la pauvreté sont marqués par trois visions qui peuvent coexister ou alterner dans un même pays : une vision technocratique, une vision assistantielle et une vision caritative. La vision technocratique est celle des organisations internationales. Elle est selon Bruno LAUTIER «exprimée sur le mode de la pathologie et emploie souvent un langage mi-médical, mi-guerrier : la pauvreté est une maladie, à éradiquer et pour cela il faut mettre en place des stratégies pour les pauvres». Il s’agit d’une maladie du corps social et en conséquence, le réalisme imposant de limiter se ambition, il faut scinder la pauvreté en deux ou trois, pour éliminer «une pauvreté absolue» qu’il est nécessaire de supprimer en premier. Il est donc normal que cette vision mette l’accent sur les éléments de quantification en vue de déterminer la proportion de pauvreté absolue qu’une société peut supporter sans risque de faire imploser son ordre social. Cette vison implicite n’est pas appuyée par une bonne connaissance des mécanismes et des facteurs de la pauvreté : les causes macroéconomiques et structurelles (économie mondiale, politiques internes introduites par les PAS, ________________________________________________________________________ 38 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com l’endettement) et les causes sociales (double explosion démographique et urbaine, exclusion économique et sociale, absence de protection sociale et rupture des solidarités traditionnelles). Pour en sortir, il est recommandé aux pays africains de poursuivre et d’approfondir l’ajustement structurel qui seul est à même de relancer la croissance économique pour éradiquer la pauvreté. Ce schéma appuyé par les IFI postule que la croissance doit être tirée par les exportations. Ce principe appliqué à l’Afrique a quelque chose de surréaliste avec des Exportation africaines qui ont régressé de 14%. L’hypothèque de la dette africaine. A la fin de l’année 2000, les allègements promis s’élevaient à 34 milliards de dollars, ce qui ne représente que 1,6% de la dette totale du tiers monde, et 15% de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE)18. On est très loin des pourcentages annoncés régulièrement à grand renfort médiatique. A cela s’ajoute le fait que les quelques allègements fort partiels qui sont décidés sont étalés sur plusieurs dizaines d’années et liés à certaines conditionnalités politiques et économiques difficilement accessibles. Si la Banque Mondiale et le FMI ont lancé cette initiative, c’est parce que la situation devenait trop dramatique et leur position intenable. Il fallait rendre la dette soutenable pour garantir la poursuite des remboursements. D’ailleurs, le Rapport Statistique de la dette extérieure de l’OCDE, paru en 2001, note que «la mise en œuvre intégrale de l’Initiative ne se traduira pas par une diminution de la valeur (…) de la dette, car les allègements prendront pour l’essentiel la forme de remises d’intérêts et de dons destinés à financier le service de la dette, et non de réductions directes de l’encours de cette dette». 18 Moustapha Kassé : L’endettement de l’Afrique :quelles voies de sortie après PPTE, Marchés Tropicaux n°3000, 9 mai 03 ________________________________________________________________________ 39 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Le problème demeure donc entier. L’initiative PPTE, c’est un coup de canif dans un baobab. Plus généralement, en 1980, le stock de la dette des pays en développement (PED) s’élevait à 586 milliards de dollars ; en 2000, il est passé à 2 527 milliards de dollars, il a donc été multiplié par plus de quatre. Dans le même temps, les PED ont remboursé 4 096 milliards de dollars soit sept fois leur dette de 1980. Selon le rapport Global Développement Finance 2001 de la Banque Mondiale, les pays du Sud ont remboursé au Nord, en 1999, 137 milliards de dollars de plus que ce qu’ils ont reçu sous forme de nouveaux prêts. En 2000, c’est 101 milliards de dollars ! Le mécanisme de la dette représente un transfert de richesses des peuples du Sud aux détenteurs de capitaux du Nord. Alors que demander de plus ? Au Comité pour l’annulation de la dette du Tiers monde (CADTM), ainsi qu’à ATTAC, il faut dire que l’annulation totale de la dette extérieure publique du tiers monde est, sans conteste, le premier pas indispensable vers la construction d’un monde où le but n’est pas le remboursement de la dette, mais la satisfaction des besoins humains fondamentaux. La dette écrasante, la trop grande pauvreté rendent impossible le financement des investissements collectifs sans lesquels le développement ne peut commencer. Vision synoptique des risques de la mondialisation En résumant, les risques probables de la mondialisation et de la libéralisation sont à la fois économiques, politiques et sociales et se présentent comme suit : Au niveau économique faible capacité d’offre secteur privé pas suffisamment développé avec des faibles possibilités financières, ________________________________________________________________________ 40 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com techniques de production rudimentaires concurrence dans les débouchés extérieurs et sur le marché domestique avec des conséquences dommageables aux entreprises nationales suppression des préférences tarifaires et commerciales orientations défavorables des IDE Au niveau technologique faible capacité technique et technologique et tendance au creusement de l’écart Nord-sud ; défaillance et insuffisance du capital humain et des institutions de recherche –développement ; déficience des composantes du capital humain : éducation et santé transferts technologiques et innovations coûteux financièrement et culturellement. Au niveau social processus contradictoire d’appauvrissement et d’affaiblissement des formes modernes comme traditionnelles de protection sociale l’offre de biens et services est calquée sur celle de l’Europe, dont le revenu par tête est quarante fois plus élevé (18000 dollars contre 450) absence de filet de protection pour atténuer la sévérité des conséquences sociales des premières générations de PAS. Au niveau politique les limites liées à l’Etat bienveillant et même inadaptation des Etats à un nombre croissant de situation du fait de l’imbrication de certains intérêts le marché devient le régulateur de la vie économique d’où simultanéité entre processus de démocratisation et processus de mondialisation Sans aucun doute, notre époque est celle des « démocraties concurrentielles » c’est-à-dire des démocraties où la politique est l’économique sont en interaction permanente, où, c’est le marché mondial qui commande et où ce sont les économies nationales qui obéissent. Dans ce nouveau contexte, la politique économique sera une politique internationale tournée vers le marché, où les méthodes d’intervention n’auront plus rien à voir avec les politiques nationales traditionnelles. Dès lors, une fois bien comprise le phonème de la mondialisation, présentée comme une nouvelle configuration de l’économie mondiale, la question majeure est comment y insérer positivement l’économie sénégalaise A première vue, toutes les interdépendances analysées révèlent à la fois les potentialités mais aussi les risques de la globalisation pour l’Afrique. D’abord tous les paramètres qu’elle pose ignorent pour une bonne part le continent. Et lorsqu’elle les intègre, c’est pour l’introduire comme un support aux multinationales (européennes, américaines, asiatiques) en termes d’approvisionnement régulier et stable en matières premières et de débouchés solvables (ou solvabilisables). Autrement dit, ni les investissements croisés, ni les échanges internationaux sur la base de la croissance de la production mondiale, ni la globalisation financière, ni les réseaux transnationaux, ni les firmes globales, nulle part dans ce jargon de grands et de riches, on trouvera une place de premier plan pour l’Afrique. ________________________________________________________________________ 41 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Les théories et les pratiques de la mondialisation à une faible perception de l’Etat surtout africain. Elle le confine au simple rôle de gestionnaire des collectivités sous l’œil vigilant de multiples observatoires que sont les institutions de gouvernance de l’économie mondiale dont l’efficacité est fortement contestée. Ces observations n’entament en rien le caractère inéluctable de la mondialisation. B/ La situation de l'Afrique s’améliore de manière substantielle même si les tendances lourdes restent encore bien fragiles. Par rapport aux années 90, la situation de l’Afrique bouge positivement sur le plan économique, politique et social et cela quelque soit le domaine d’analyse. Bien entendu, il faut préciser que le Continent est extrêmement hétérogène en conséquence de quoi, certains pays s’en sortent facilement, d’autres moins bien et certains ne s’en tirent pas du tout. Ces contrastes la macroanalyse les occulte mais la réalité commande d’en tenir grand compte. Cette synoptique est forcément macro pour bien mettre en relief les trajectoires globales caractéristiques : afro réalisme oblige. 1. La situation macroéconomique s’améliore de façon notable. Les indicateurs macro économiques le montrent : retour de la croissance, meilleure maîtrise des déséquilibres et de l’inflation, amélioration des avoirs extérieurs. A l’évidence, les Pays Producteurs de Pétrole ont fortement contribué à cette situation suite à la flambée des prix des hydrocarbures. Delon le dernier Rapport (Afrique 2007) de la CEA « Les économies africaines continuent de maintenir la dynamique de croissance des années précédentes, en enregistrant un taux de croissance réel global du PIB de 5,7% en 2006, contre 5,3% en 2005 et 5,2% en 2004. Pour la deuxième année consécutive, le taux de croissance est resté supérieur à celui de l’Amérique latine (4,8%) mais inférieur à celui de l’Asie en développement (8,7%). Pas moins de 33 pays ont enregistré une amélioration de la croissance en 2006 par rapport à 2005. Seuls deux pays, le Zimbabwe et le Seychelles, ont connu des taux de croissance négatifs en 2006. Comme les années précédentes, les performances de la croissance de l’Afrique ont été soutenues par une amélioration de la gestion macroéconomique dans de nombreux pays et par une forte demande mondiale pour des produits africains clefs, ce qui s’est traduit par une hausse des prix à l’exportation, en particulier pour le pétrole brut, les métaux et les minerais. Cela explique les taux très élevés de croissance enregistrés par les pays riches en pétrole ». Seuls quatre pays ont atteint un taux de croissance réel du PIB de 7% ou plus, pendant cette période. À ce rythme, peu de pays sont en mesure de réaliser les OMD d’ici 2015. C’est pourquoi le continent est confronté au défi qui consiste à augmenter les taux de croissance et à les maintenir élevés sur une longue période. En Afrique le taux de croissance devrait être de 5,8% en 2007 en légère augmentation par rapport à 2006 (5,7%). Les pays exportateurs de pétrole bénéficieront d’une augmentation des recettes d’exportation résultant de la hausse des cours du brut. La demande mondiale de produits africains notamment le pétrole les minerais et les produits de base agricoles – devrait rester ferme en raison d’une reprise économique dans les grands pays industriels et les nouvelles économies asiatiques en particulier la Chine. De plus, la livraison de l’aide promise et l’allégement de la dette permettront aux pays africains ________________________________________________________________________ 42 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com d’augmenter les dépenses dans des secteurs clefs comme les infrastructures et les services sociaux. La consolidation de la gestion macroéconomique permettra non seulement de réduire l’inflation à court terme mais également de contenir les craintes d’une inflation à long terme, ce qui encouragera les investissements privés. Les pays africains exportateurs de pétrole, en tant que groupe, ont contribué à hauteur de 57,5% du taux de croissance de 5,7% du continent en 2006, comparés aux 53,4% en 2005. Aussi, la récente augmentation des cours du pétrole a-t-elle augmenté le poids des producteurs de pétrole dans la croissance globale du continent, éclipsant les améliorations observées chez les pays non pétroliers (la croissance passant de 4,6% en 2005 à 5,2% en 2006). 2. Les contraintes liées à la mondialisation bien que restant fortes, se desserrent progressivement avec l’amélioration des cours des matières premières agricoles, minérales et énergétiques, base des recettes extérieures et budgétaires. De même l’annulation de la dette PPTE accroît les capacités de financement du développement. L’espoir que la dette extérieure de l’Afrique serait sensiblement réduite dans le cadre de l’Initiative PPTE et que les réformes économiques stimuleraient l’afflux de capitaux privés, a été très long à se concrétiser. Le total de la dette extérieure de l’Afrique était de 244 milliards de dollars É.-U en 2006 contre 289 milliards de dollars É.-U en 2005 (FMI, 2006b). Bien que l’encours ait diminué considérablement par rapport au PIB (passant de 35,9% en 2005 à 26,2% en 2006), les obligations au titre du service de la dette sont restées pratiquement inchangées (4,2% du PIB en 2005 et 4,1% en 2006) en raison des taux d’intérêt élevés. Le fardeau de la dette pèse gravement sur les dépenses d’investissements publics et retarde en fin de compte la croissance et la création d’emplois 3. Les Technologies de l'information et de la communication bien que constituant un risque de dépendance se présente comme énorme opportunité pour les systèmes productifs et financiers. Selon le Rapport de la CEA « Les économies africaines sont en train de connaître une mutation structurelle dans laquelle le secteur des services devient un important moteur de la croissance. En 2004, le secteur des services contribuait pour 49% à la croissance du PIB contre 36 pour l’industrie (y compris les industries extractives) et 15% pour l’agriculture. En 2004, ces trois secteurs ont continué à croître, à des rythmes relativement lents cependant. Le secteur industriel a enregistré le plus fort taux de croissance qui s’est établi à 9,05%, même si la croissance dans le secteur manufacturier a diminué de près de 3,8% par rapport aux valeurs de 2003 ». 4. L'Afrique est beaucoup moins déconnectée du temps mondial avec la modification de ses réseaux d’alliance et de coopération. La meilleure illustration est le retour de la Chine Populaire sur les marchés des matières premières qui reprennent à cause de cette nouvelle demande de la nouvelle usine mondiale. De plus, le Continent bénéficie d’aides substantielles matérielles et financières et la signature d’un nouveau cadre de Coopération Stratégique Sino-africaine. En 2004, les investissements chinois s’élevaient à plus de 900 millions de dollars sur les 15 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) en Afrique. Ce chiffre peut paraître à priori surprenant si l’on se rappelle que dans un passé récent la coopération sino-africaine tenait à des considérations purement idéologiques. Les ________________________________________________________________________ 43 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com temps changent et, à Pékin, le pragmatisme a pris le pas sur la rhétorique idéologique. Commerce extérieur et coopération économique sont d’ailleurs gérés par le même ministère. Jusqu’au milieu des années 1970, il s’agissait plutôt de construire la solidarité entre deux continents appartenant au même monde : celui des pays sousdéveloppés. La présence chinoise en Afrique se résumait au technicien venu assister le pays frère fraîchement affranchi de sa tutelle coloniale et contribuer ainsi à son essor. Quinze mille médecins et plus de dix mille ingénieurs agronomes furent alors envoyés vers ce tiers-monde transformé en base arrière de la guerre froide. Mais, abandonnant l’exportation de sa boîte à outils révolutionnaire, la Chine se consacre désormais à l’essor de son commerce extérieur et de ses investissements à l’étranger. Lorsque la géopolitique de l’après-guerre froide et l’évolution incertaine du ProcheOrient ramènent les pays du Nord en Afrique, notamment pour diversifier leurs approvisionnements pétroliers, elle est déjà devenue l’« usine du monde » et convoite les matières premières du continent. Face à cette offensive économique de la chine, quelle est la stratégie à adopter par les pays africains pour en tirer le meilleur parti ? 5. L’espace politique s’améliore avec l’avènement de systèmes plus démocratiques ainsi que l’alternance politique et la promotion des principes de Bonne gouvernance. Les évolutions en RDC, au Sénégal, au Burkina, au Bénin, au Mali et en Mauritanie sont symptomatiques de grandes mutations au niveau de l’évolution démocratique. 6. La conflictualité africaine recule avec l’apaisement de beaucoup de foyers de tension et la démocratie avance: en Centrale et Australe comme (RDC, Angola, Ouganda, Somalie, Soudan) et en Afrique de l’Ouest (Libéria, Sierra Léone, Côte d’Ivoire, Togo). D’importantes initiatives pour la Paix et la sécurité sont prises et semblent fonctionner même par moment avec une situation précaire de ni guerre ni paix. 7. L’intégration progresse avec la consolidation de l’Union Africaine et des Organisations régionales. Le NEPAD est l’acte fondateur qui fixe les grandes priorités du Continent et l’idée d’un Gouvernement continental fait son chemin. ________________________________________________________________________ 44 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Manifestation de nouveaux partenariats : Les Accords de Cotonou de l’UE, le Plan d’Action en faveur de l’Afrique suite à la rencontre du G8 de Kananaskis, le Rapport de la Commission Blair, les OMD, les DSRP, l’AGOA, le MCA. Beaucoup de plans qui traduisent une volonté politique même si les résultats restent encore bien faibles. Trente-sept pays africains remplissent les conditions pour bénéficier de l’AGOA, qui accorde aux pays africains l’accès quasiment en franchise de droits et sans contingent au marché des États-Unis. En 2005, les importations des États-Unis en provenance d’Afrique subsaharienne au titre de l’AGOA se sont chiffrées à 38,1 milliards de dollars, soit 44% de plus que l’année précédente, principalement en raison de la hausse des importations de pétrole. Hors pétrole, les importations des États-Unis en provenance d’Afrique ont en réalité baissé de 16%, à 2,9 milliards de dollars, principalement en raison d’une concurrence accrue dans le secteur du textile et de l’habillement suite à la fin de l’Accord multifibres. Il y a également eu des avancées mineures dans les secteurs traditionnels et non traditionnels, par exemple les produits chimiques, les fruits, les noix, les fleurs coupées et les articles chaussants. rente-quatre pays africains sont des PMA et, par conséquent, peuvent bénéficier de l’initiative de l’UE intitulée «Tout sauf les armes». D’autres pays africains qui ne sont pas des PMA sont soit des bénéficiaires du système généralisé de préférences (SGP) de l’UE, soit des parties à un accord de libre-échange bilatéral avec l’UE (TDCA et Euro-med). L’avènement de nouveaux partenariats dynamiques et agressifs qui risquent de changer radicalement la donne des anciens rapports de coopération : Chine, Inde, ________________________________________________________________________ 45 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Brésil et autres Dragons fortement demandeurs de matières premières. La Chine accroît son aide et son volume commercial avec l’Afrique et propose un partenariat qualifié de «gagnant-gagnant». La politique africaine de la Chine se composent de trois parties: celle de la politique, de la coopération économique et celle du commerce. Le mécanisme de surveillance réciproque des pairs est déjà en place même s’il reste encore appliqué par une minorité de pays. Ce mécanisme suppose que les politiques de chaque État puissent être soumises au contrôle par les pairs (African Peer Review Mechanism). En définitive, toute appréciation globale de ce Mécanisme, montrerait que les dirigeants africains ne s’empressent point et beaucoup d’entre eux continuent de soulever des questions relativement à la structure, au mode de fonctionnement et au pouvoir d'action de ce mécanisme et cela malgré la pression de certains pays donateurs. Paradoxalement, certains gouvernements se déclarent intéresser, tout en indiquant qu’ils n'avaient pas encore pris de décision officielle définitive et irréversible. Concrètement, sur les 53 pays membres de l’Union Africaine, 24 manifestent des dispositions à participer au mécanisme mais seulement 4 se sont proposés pour subir l’évaluation : le Rwanda, le Ghana, Maurice et le Kenya. Empressement de quelques uns mais prudence de l’écrasante majorité. Le Communiqué du Sommet des Chefs d’Etat de Sharm El Sheikh (19 avril 2005) a « reconnu les complexités des évaluations du MEAP qui sont d’autant plus importantes qu’il s’agit de la première fois qu’un tel processus est mis en place en Afrique, et qu’il s’agit également d’un processus unique à l’échelle du Monde ». Certains pays craignaient que le mécanisme d'évaluation ne porte atteinte à la souveraineté nationale tan disque d’autres redoutent qu’il serve aux partenaires pour sanctionner. C/ De grands handicaps subsistent encore 1. Les investissements directs étrangers restent encore assez faibles et représentent entre 1980 et 2000, 1% du total mondial (9 milliards), contre 10% pour l'Amérique latine (90 milliards) et 20% pour l'Asie. Les raisons demeurent l’étroitesse des marchés, l’ampleur des risques et des instabilités. Les flux des investissements étrangers directs dans le monde ont à nouveau augmenté de façon significative, de 29% en 2005, après une hausse de 27% en 2004. En ce qui concerne les investissements étrangers directs, les tendances pour les différentes régions sont moins évidentes que celles du commerce (figure 1.9). La part de l’Union européenne dans les flux d’investissements étrangers directs dans le monde est passée à 46% en 2005, soit le même niveau qu’en 2003. En revanche, la part des États-Unis s’est sensiblement contractée alors que celle du Japon est restée faible. La part de l’Amérique latine a fluctué autour des 10% au cours des cinq dernières années alors que celle de l’Asie a plus que doublé, passant de 10% en 2000 à 22% en 2005. À elle seule, la Chine représente désormais 8% des flux d’investissements étrangers directs mondiaux, soit la moitié de sa part du PIB mondial. La part de l’Afrique dans les investissements mondiaux a également augmenté, passant de 0,6% en 2000 à 3,4% en 2005. ________________________________________________________________________ 46 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 2. Le défi social pour l'Afrique subsaharienne de demain : amplification du couple pauvreté de masse et chômage dans un contexte de délitement des anciennes formes de solidarité sociale. L’Afrique sub-saharienne compte selon les plus récentes statistiques environ 250 millions de pauvres soit 45% de sa population. Il semble que le rythme de croissance de la pauvreté est plus rapide que celui de la production et des revenus. Ce processus est aggravé par une forte et incohérente croissance urbaine et une démographie galopante deux phénomènes conjugués qui font exploser la demande sociale. Comme quoi, la main invisible du marché est fortement prédatrice de la condition sociale. 3. Faiblesses institutionnelles des États marginalisés par deux acteurs incontournables et limite des processus d’intégration. Les 12 contre performances de l’intégration 1) Faibles effets de l’Intégration commerciale et des marchés: 2) Convergence et politiques monétaires non réglées 3) Les infrastructures intégrationnistes à faire 4) Faibles intégration des politiques économiques 5) Contraintes à la libre circulation des facteurs 6) Rationalisation des Communautés à faire 7) Architecture institutionnelle d’énormes lacunes 8) Beaucoup de Programmes de modestes réalisations 9) Le financement des institutions est entier 10) Faible participation du secteur privé 11) Paix, sécurité et conflits comme questions transversales restent encore des préoccupations 12) Faible volonté politique D/ Quelques solutions pointent à l’horizon mais seront-elles suffisantes ? 1. La croissance économique peut-elle éradiquer la pauvreté ? La vision technocratique de la pauvreté établit un lien entre la croissance et l’éradication de la pauvreté passe par la croissance économique. C’est pour cette raison que les PAS posent le postulat selon lequel la croissance viendra à bout de la pauvreté. Car, même si elle profite principalement aux «riches» par le biais ou non des IDE, elle peut avoir un effet d’entraînement positif sur le revenu des pauvres. Cette proposition bien que n’étant pas absurde suppose l’existence d’un État capable de redistribuer les richesses. Rien ne prouve que cette condition soit réalisable pour des politiques qui font dépérir prématurément l’État. 2. Cependant, il est établi que même si croissance économique, la pauvreté et la qualité de vie ne sont pas automatiquement liées, elles vont souvent de pair. Dans ce sens, certaines recherches tentent d’établir que pour empêcher simplement la hausse du nombre de pauvres absolus pendant les 15 prochaines années, il faudra un taux de croissance de 5%. Réaliser l’objectif de développement international qui consiste à réduire de moitié l’incidence de la grande pauvreté d’ici 2015, exige une ________________________________________________________________________ 47 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com croissance d’au moins 7% par et une plus juste répartition des revenus. Si les termes de l’échange de l’Afrique continue de se détériorer, la réduction de la pauvreté demandera une croissance encore plus élevée. Alors la question se posera de savoir ce qu’il importe de faire des pauvres si ce niveau de croissance ne se réalise pas. Toutes les réformes initiées par les gouvernements, en partenariat avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ces deux dernières décennies, visent principalement à la relance de la croissance économique. Elles ont permis dans la majeure partie des cas la réalisation de taux de croissance plus élevés et l’assainissement des finances publiques. Cependant, les indicateurs sociaux restent toujours à un niveau faible traduisant une paupérisation des populations vulnérables qui sont surtout en zone rurale. 3. De plus, ces réformes ont aussi contribué au creusement des inégalités par accaparement des richesses nationales par une minorité. Cette forme de répartition des richesses soulève la question de distribution équitable des fruits de l’effort collectif entre les différentes couches de la population. Une fraction de plus en plus importante de la population africaine est exclue des processus de production qui constituent le mécanisme essentiel de répartition des richesses à travers la distribution de salaires. Après deux décennies d’application des réformes économiques en vue du déclenchement d’un cercle vertueux de croissance, le continent est traversé par une crise sociale d’une très grande ampleur qui se manifeste dans l’accroissement du couple pauvreté et chômage. Cela entraîne une forte dégradation des conditions de vie : pénurie et insécurité alimentaires, diverses épidémies, non accès aux services de base. Ce processus de paupérisation des populations s’accompagne paradoxalement d’un affaiblissement des formes modernes comme traditionnelles de protection sociale. En effet, le continent africain administrait la preuve d’une indiscutable «solidarité», découlant principalement d’un ensemble d’obligations et de droits complexes destinés à préserver la cohésion du groupe et à réduire l’incertitude économique. La logique du «don et du contre don», sans doute latente dans ce tissu d’obligations réciproques, instaure un contrat social implicite. 4. Or, ce contrat social est entrain de se déliter dangereusement. Dès lors, la protection sociale cesse de s’appuyer sur les réseaux de la famille élargie qui n’est plus en mesure de répondre aux sollicitations de ses membres les plus faibles et les plus démunis dans un contexte de crise économique. Au niveau des structures formelles les choses ne vont pas mieux suite à la crise profonde du système public de sécurité sociale, symbole de «l’Etat-providence» qui accuse une triple crise d’efficacité (effets pervers de prélèvements excessifs) ; une crise de légitimité avec côté recettes une redistribution à rebours et côté dépenses la solidarité déviée avec des difficultés d’évaluation et une crise d’adaptation. Pris en tenaille entre l’accroissement soutenu des dépenses et le tarissement des sources de financement du fait de l’assainissement économique et financier, le fonctionnement du système de redistribution et de protection sociale est de plus en plus bloqué. La crise économique et financière va finir par liquider tous les filets de protection et de redistribution. La conséquence est alors l’instauration de la pauvreté, de la précarité et de l’exclusion. Malgré on s »est entêté à recommandé aux pays africains de poursuivre et d’approfondir l’ajustement structurel qui seul est à même de relancer la croissance économique pour éradiquer la pauvreté. A la suite de Philip ENGELHARD, on peut se demander si la croissance viendra à bout de la pauvreté. ________________________________________________________________________ 48 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 5. Le changement de perspective avec la mise en place de la stratégie pour la réduction de la pauvreté (DRSP). Aujourd’hui, l’échec des politiques d’insertion dans la mondialisation se traduit par un impact négatif sur l’emploi, sur les revenus et sur la prestation des services sociaux. Ces politiques sont perçues comme un facteur d’aggravation de la misère ou d’expansion de la pauvreté qui devient un phénomène de masse et touche un nombre sans cesse croissant d’individus, de groupes d’individus et de couches sociales. Face à cette situation et en réponse aux nombreuses critiques relatives aux faibles performances des PAS, la Banque mondiale et le FMI changent de discours et mettent en place un «nouveau programme de lutte contre la pauvreté». Incontestablement, c’est un véritable regain d’intérêt pour la pauvreté dont l’allégement est à nouveau inscrit dans l’agenda mondiale du développement. Les nouveaux Programmes ne sont pas imposés d’en haut par des experts avec des conditionnalités, mais sont préparés par les pays qui sont mieux à même de cibler leurs politiques de la lutte contre la pauvreté. 6. Les DSRP contiennent quatre éléments essentiels : une description du processus de préparation, fondé sur la participation des acteurs un diagnostic de la pauvreté, avec l’identification des obstacles au recul de la pauvreté et à la croissance ; des objectifs, des indicateurs (par exemple taux annuels de croissance ou scolarisation primaire) et des systèmes de suivi, fondés sur le diagnostic de la pauvreté ; des mesures prioritaires que les pays s’engagent à prendre - dans les limites imposées par leur budget- pour atteindre les objectifs établis. Il apparaît alors que toutes les initiatives complètement laissées aux pays de manière à ce qu’ils prennent en charge leurs réformes économiques en enclenchant un exercice fondé sur une large concertation et participation de tous les acteurs du développement économique et social a savoir : les pouvoirs publics et les donateurs, les communautés locales et les organisations civiles, comme les organisations non gouvernementales (ONG), les syndicats, les organisations religieuses et les Instituts de Recherche. 7. Les nouveaux programmes sont-ils efficients pour réduire au plus vite la pauvreté de masse ? Les DRSP sont des Programmes encore récents dont les évaluations ne sont pas encore faites au regard de l’absence de statistiques. Cependant, ils comportent trois points très positifs : la prise en compte des indicateurs de la pauvreté dans l’allocation des ressources ; la création d’un mécanisme de contrôle social et sa reconnaissance par la loi sur le dialogue national sont, sans aucun doute, le grand succès du processus ; la constitution de filets de protection adéquats et souples partant de l’identification des domaines potentiels de vulnérabilité et les filets de protection sociale ou autres ripostes appropriés. ________________________________________________________________________ 49 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Ces filets de protection devraient se traduire par la mobilisation de ressources en faveur des pauvres dans les périodes d’austérité, la maîtrise de l’inflation et le maintien du chômage à un bas niveau. Ces ressources seront mobilisées par la Banque mondiale et surtout par le FMI qui vient de remplacer la Facilité d’Ajustement Structurel Renforcé c’est-à-dire ses facilités de prêts concessionnels par la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté dont l’objectif est de faire reculer la pauvreté. 8. Qu’en est-il de l’emploi en Afrique ? Les conséquences de cette montée fulgurante du chômage en Afrique sont à la fois d’ordre économique et social : Au plan économique : La marginalisation et l’exclusion d’une frange de plus en plus croissante de la population des circuits de production empêche progressivement toute possibilité d’élargissement du marché intérieur. Il s’en suit alors une production déclinante, des capacités productives inemployées qui augmentent les coûts unitaires des produits fabriquées Cette situation peut être source d’inflation, de contraction de la consommation finale du fait de l’insuffisance des salaires distribués et enfin de risque important de réduction de la demande globale (consommation + investissement) du fait d’éventuelles restrictions d’investissement par les producteurs rendus pessimistes par l’évolution d’ensemble du marché. A ce niveau, le risque est grand de voir s’enclencher un dangereux processus de déflation économique généralisé et dont les effets économiques et sociaux à court, moyen et long termes seraient catastrophiques pour les pays qui de surcroît ont besoin d’une croissance rapide et au taux le plus élevé possible compte tenu des ressources disponibles. Au plan social L’amplification du chômage a tendance à exacerber les distorsions sociales déjà existantes et à en créer de nouvelles. Les couches sociales se stratifient davantage : les classes moyennes s’appauvrissent, les « économiquement faibles » sont rejetés à la misère et à la survie, la pauvreté se développe, les jeunes marginaux potentiellement actifs et ainsi rejetés par la production et la société développe un sentiment de frustration et de « laissés-pour-compte » qui trouve son exutoire dans la recrudescence de la délinquance, la dépravation des mœurs et le désordre social.. Face à des perspectives aussi inquiétantes, que faire ? Nécessite d’élaborer des politiques réalistes et efficaces de l’emploi. Il faut commencer par reconnaître tout de suite qu’en matière de résolution de la crise de l’emploi, il n’existe pas de panacée, ni de formules achevées. Il importe par conséquent, dans le cas précis des pays africains d’imaginer des combinaisons assez originales, ce qui n’exclut pas d’emprunter et d’adapter au contexte socio-économique et syndical local toutes les formules qui ont fait leurs preuves sous d’autres cieux. Pour ce faire, notre modèle en la matière devra prendre en compte et articuler les 5 éléments constitutifs qui suivent : 1. La mise en place de nouveaux cadres de concertations permanentes entre tous les partenaires sociaux en vue de tendre vers la réalisation d’un véritable consensus ________________________________________________________________________ 50 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com 2. 3. 4. 5. social, condition de base de toute politique de lutte contre le chômage et de sortie de crise. L’adaptation, sur la base du consensus précédemment réalisé, de l’ensemble du dispositif législatif et réglementaire en matière de travail et de politique d’emploi au nouvel environnement de crise afin d’en atténuer et de déconcentrer les effets sociaux négatifs ; cette démarche devrait de surcroît faciliter et accélérer l’adaptation de l’appareil productif national aux contraintes extérieures, notamment dans l’aspect concurrentiel. L’élaboration de mesures vigoureuses de promotion des PME (Petites et Moyennes Entreprises) généralement reconnues comme étant de grandes pourvoyeuses d’emplois. Pour cela, il importera aux pouvoirs publics de lever toutes les rigidités et d’alléger les procédures administratives de création des PME, de prendre certaines dispositions fiscales incitatrices à leur égard, de faciliter dans la mesure du possible leur accès aux institutions financières réputées méfiantes à leur endroit. L’institution de mécanismes permettant aux agents déflatés des entreprises publiques ou privées de bénéficier d’un crédit de reconversion et même aux chômeurs (ayant déjà travaillé) de disposer d’indemnités de licenciement pour créer de nouvelles PME. L’exploitation et l’adaptation de certaines mesures en cours d’application notamment dans les pays développés comme : le développement du système de préretraite. Si les employeurs ont jugé le système très coûteux pour eux, à l’expérience, il ressort des statistiques officielles que des licenciements pour un effectif équivalent auraient coûté encore plus chers. De plus, l’impact psychologique et social a été très favorable contrairement à ce qu’auraient représenté des licenciements brutaux et massifs ; le travail à temps partiel, la réduction du temps de travail et la flexibilité de l’emploi sous des formes concertées. Dès que la loi assouplit les dispositions en vigueur, la porte est ouverte à toutes les combinaisons possibles de partage du travail qui améliore d’ailleurs la productivité et réduit l’absentéisme. Ainsi, selon la spécificité de la branche d’activité et les contraintes particulières liées à l’exploitation, plusieurs entreprises en France, en Belgique ou encore en Allemagne ont déjà mis en œuvre avec des succès variables une nouvelle organisation de travail fondé sur ce principe. La journée normale de travail est ainsi sectionnée et le personnel se répartit en plusieurs équipes roulantes. La productivité a augmenté, la production aussi et certaines entreprises ont même pu embaucher des travailleurs supplémentaires. Le développement de systèmes nouveaux comme : les travaux d’utilité collective (TUC) ; en France et qui sont ouvertes aux jeunes de 16 à 25 ans sans emploi et qui ne suivent pas une formation. La nécessité de promouvoir à grande échelle et par des politiques appropriées le secteur informel et la Toute Petite Entreprise. Toutes les études montrent aujourd’hui le rôle de premier plan que joue le secteur informel dans les économies africaines aussi bien dans la production de la valeur ajoutée que la création d’emplois. «Faute d’alternatives de développement impulsé par les pouvoirs publics, un nombre sans cesse croissant de citadins africains ________________________________________________________________________ 51 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com trouvent dans leurs propres initiatives et leur ingéniosité les moyens de s’affirmer et de survivre». Déjà dans beaucoup de pays le secteur contribue pour plus de 50% au PIB et peut fournir jusqu’à plus de 60% des revenus. Dans l’avenir selon certaines statistiques le secteur devrait fournir 93% des nouveaux emplois dans les villes alors que présentement presque deux personnes sur trois en vivent. Pour ce faire, il faut alors que les pouvoirs publics lui accordent sa place dans la stratégie de développement pour en faire le levier de la croissance. Dans cette direction, P.ENGELHARD observe avec justesse «qu’il sera difficile de sortir de la pauvreté aussi longtemps qu’on aura pas assimilé un fait essentiel : une grande partie de la production du continent africain émane des petites entreprises familiales urbaines et des petites exploitations rurales dont l’efficience économique, cependant, est souvent très faibles, en dépit de performances parfois étonnantes» L’État doit alors aider ces entreprises à devenir plus efficiente en accroissant leur productivité du travail par la formation, la disposition d’un outillage et l’ouverture de crédits fonctionnels c’est-à-dire en leur créant un environnement incitatif et approprié. Le secteur informel est même entrain de se constituer en économie mondiale. D’abord, ses acteurs contribuent à la réalisation effective des processus d’intégration régionale avec un dynamisme déconcertant par édictions de propres règles de circulation et d’échange de biens et de la monnaie : flux commerciaux, taux de change parallèles. Ensuite, les acteurs établissent des réseaux de plus en plus denses qui essaiment en Europe, en Amérique et en Asie. Quelle conclusion : la libéralisation internationale des économies et des finances, en multipliant les risques et les incertitudes, commande une nouvelle gouvernance mondiale ? La mondialisation inéluctable aujourd’hui soulève de nombreux défis d’ordre économique, politique, culturel et social qui appellent sans nul doute des solutions à la fois urgentes et inédites. La globalisation résulte d’une triple mutation : géopolitique avec l’effondrement du monde bipolaire ; économique et financière ; technologique avec la révolution des technologies de l’information et de la communication. Comme nouvelle donne mondiale, la mondialisation modifie conséquemment et profondément les modèles politique, social et culturel ainsi que les environnements institutionnels. Quoi de plus normal puisque l’on connaît depuis longtemps que la base matérielle commande et détermine toutes les superstructures. C’est dire que ces mutations ne sont pas des calamités mais constituent plutôt sur bien des points des avancées progressistes qui ont donc une valeur positive. C’est un énorme progrès de constater aujourd’hui que l’internationale est bien devenue le genre humain. Il faut s’organiser pour tirer le meilleur parti de ces avancées de l’humanité tout en étant très alertes sur les risques potentiels. Comme l’observe Pierre SECKA «La mondialisation, à la différence de la décolonisation (où les États pouvaient choisir par ________________________________________________________________________ 52 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com referendum d’être indépendants ou de demeurer sous le joug colonial) n’est pas une denrée à prendre ou à laisser dans sa totalité. Elle a ses vertus et ses défauts ; fortement enraciné dans son contexte, elle épouse parfaitement son temps et s’impose de ce fait à tous». Face aux différentes contraintes inhérentes au processus, quelles mutations socio-économiques doit opérer l’Afrique pour profiter du phénomène ? Ne doit-elle pas se démocratiser davantage, former ses acteurs, transformer ses structures et adopter sa culture ? Les questions sont d’autant plus pertinentes que la globalisation impose de nouvelles conditions de proximité et d’intimité entre entités économiques et sociales pourtant considérées jadis éloignées qui font que les idées, les identités et les modes de vie se mondialisent avec rapidité. Les nouvelles technologies ont complètement gommé le temps et ont relativement homogénéisé les pratiques de régulation sociales ainsi que les goûts et les consommations. Toutefois l’émergence inéluctable et irréversible de cette mondialisation a consolidé les dualités externes et internes aux sociétés, creusé les irrégularités et les inégalités et approfondi les exclusions des acteurs les plus démunis et les fragiles souvent sans leur offrir un ascenseur social. La dissolution des filets traditionnels de protection sociale, les ruptures des solidarités familiales ainsi que la restructuration des rapports sociaux (Mathieu, 1990 ; Vidal, 1992), mettent en urgence à l’ordre du jour, la question sociale. La crise de l’État providence, le coût croissant du système formel d’assurance, d’assistance, et l’émergence de nouveaux risques sociaux résultant des mutations technologique et de l’emploi commandent la réactivation des politiques sociales et de solidarité. Face à tous ces nouveaux risques une nouvelle gouvernance de l’ordre interne et externe se pose. Quelques ajouts pour compléter l’information sur certaines questions. Consulter les Rapports de la CEA, de la Banque mondiale, du PNUD et de la BAD sur l’Afrique 2007 Les économies africaines continuent de maintenir la dynamique de croissance des années précédentes, en enregistrant un taux de croissance réel global du PIB de 5,7% en 2006, contre 5,3% en 2005 et 5,2% en 2004. Pour la deuxième année consécutive, le taux de croissance est resté supérieur à celui de l’Amérique latine (4,8%) mais inférieur à celui de l’Asie en développement (8,7%). Pas moins de 33 pays ont enregistré une amélioration de la croissance en 2006 par rapport à 2005. Seuls deux pays, le Zimbabwe et le Seychelles, ont connu des taux de croissance négatifs en 2006. Comme les années précédentes, les performances de la croissance de l’Afrique ont été soutenues par une amélioration de la gestion macroéconomique dans de nombreux pays et par une forte demande mondiale pour des produits africains clefs, ce qui s’est traduit par une hausse des prix à l’exportation, en particulier pour le pétrole brut, les métaux et les minerais. Cela explique les taux très élevés de croissance enregistrés par les pays riches en pétrole Seuls quatre pays ont atteint un taux de croissance réel du PIB de 7% ou plus, pendant cette période (tableau 2.1). À ce rythme, peu de pays sont en mesure de réaliser les OMD d’ici 2015. C’est pourquoi le continent est confronté au défi qui consiste à augmenter les taux de croissance et à les maintenir élevés sur une longue période. En Afrique le taux de croissance devrait être de 5,8% en 2007 en légère augmentation par rapport à 2006 (5,7%). Les pays exportateurs de pétrole bénéficieront d’une augmentation des recettes d’exportation résultant de la hausse des cours du brut. La demande mondiale de produits africains notamment le pétrole les minerais et les produits de base agricoles – devrait rester ferme en raison d’une reprise économique dans les grands pays industriels et les nouvelles économies asiatiques en particulier la Chine. De plus, la livraison de l’aide promise et l’allégement de la dette permettront aux pays africains d’augmenter les dépenses dans des secteurs clefs comme les infrastructures et les services sociaux. La consolidation de la gestion macroéconomique permettra non seulement de réduire l’inflation à court terme mais également de contenir les craintes d’une inflation à long terme, ce qui encouragera les investissements privés. ________________________________________________________________________ 53 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com Les pays africains exportateurs de pétrole, en tant que groupe, ont contribué à hauteur de 57,5% du taux de croissance de 5,7% du continent en 2006, comparés aux 53,4% en 2005 (figure 2.3). Aussi, la récente augmentation des cours du pétrole a-telle augmenté le poids des producteurs de pétrole dans la croissance globale du continent, éclipsant les améliorations observées chez les pays non pétroliers (la croissance passant de 4,6% en 2005 à 5,2% en 2006). La demande mondiale de brut et de minéraux s’est accrue rapidement grâce à la croissance mondiale tirée en particulier par les très bonnes performances de la Chine. En moyenne, les prix des denrées alimentaires et des boissons tropicales ont augmenté de 26% entre 2002 et 2005 et ceux des matières premières agricoles de 41%. Les plus fortes hausses ont été enregistrées pour le caoutchouc (96%), le café (87%), le riz (50%), le sucre et les grumes (44%). Dans le monde, les exportations de biens et services ont augmenté plus rapidement que le PIB. Toutefois, toutes les régions n’ont pas bénéficié à part égale de cette embellie (figures 1.7 et 1.8). La part de l’Union européenne dans les exportations mondiales s’est maintenue autour de 40% entre 2001 et 2004 et est tombée à 38,4% en 2005. Elle avait baissé de façon significative pendant les années 90. En revanche, la part du Japon et celle des États-Unis d’Amérique ont diminué entre 2001 et 2005. alors que celle de l’Asie est passée de 27% en 2001 à 29% en 2005. La part de la Chine est passée de 4,3 à 7,3% en seulement quatre ans. Celle de l’Afrique est passée de 3,1% en 1990 à 2,2% en 2002, pour atteindre de nouveau 2,9% en 2005 grâce à la hausse des prix des produits de base. Augmentation des flux de capitaux Les flux des investissements étrangers directs dans le monde ont à nouveau augmenté de façon significative, de 29% en 2005, après une hausse de 27% en 2004. En ce qui concerne les investissements étrangers directs, les tendances pour les différentes régions sont moins évidentes que celles du commerce (figure 1.9). La part de l’Union européenne dans les flux d’investissements étrangers directs dans le monde est passée à 46% en 2005, soit le même niveau qu’en 2003. En revanche, la part des États-Unis s’est sensiblement contractée alors que celle du Japon est restée faible. La part de l’Amérique latine a fluctué autour des 10% au cours des cinq dernières années alors que celle de l’Asie a plus que doublé, passant de 10% en 2000 à 22% en 2005. À elle seule, la Chine représente désormais 8% des flux d’investissements étrangers directs mondiaux, soit la moitié de sa part du PIB mondial. La part de l’Afrique dans les investissements mondiaux a également augmenté, passant de 0,6% en 2000 à 3,4% en 2005. Tant au plan du commerce que des investissements étrangers directs, la Chine et l’Inde sont devenues d’importants partenaires de l’Afrique, signe de la diversification géographique du commerce et des sources de financement pour le continent Il subsiste, toutefois, pour les pays africains certains risques qui pourraient provenir de la concurrence asiatique et du fléchissement du marché de l’immobilier dans les économies avancées, ce qui réduirait la demande et ferait baisser les prix des produits de base. Aussi, les pays africains ont-ils besoin d’observer de très près l’évolution au plan international. Des mesures visant à réduire la vulnérabilité aux chocs extérieurs, à augmenter la diversification et à renforcer la demande intérieure sont cruciales pour maintenir la récente reprise de la croissance en Afrique. L’espoir que la dette extérieure de l’Afrique serait sensiblement réduite dans le cadre de l’Initiative PPTE et que les réformes économiques stimuleraient l’afflux de capitaux privés, a été très long à se concrétiser. Le total de la dette extérieure de l’Afrique était de 244 milliards de dollars É.-U en 2006 contre 289 milliards de dollars É.-U en 2005 (FMI, 2006b). Bien que l’encours ait diminué considérablement par rapport au PIB (passant de 35,9% en 2005 à 26,2% en 2006), les obligations au titre du service de la dette sont restées pratiquement inchangées (4,2% du PIB en 2005 et 4,1% en 2006) en raison des taux d’intérêt élevés. Le fardeau de la dette pèse gravement sur les dépenses d’investissements publics et retarde en fin de compte la croissance et la création d’emplois Les économies africaines sont en train de connaître une mutation structurelle dans laquelle le secteur des services devient un important moteur de la croissance. En 2004, le secteur des services contribuait pour 49% à la croissance du PIB contre 36 pour l’industrie (y compris les industries extractives) et 15% pour l’agriculture. En 2004, ces trois secteurs ont continué à croître, à des rythmes relativement lents cependant. Le secteur industriel a enregistré le plus fort taux de croissance qui s’est établi à 9,05%, même si la croissance dans le secteur manufacturier a diminué de près de 3,8% par rapport aux valeurs de 2003. L’évolution dans chaque secteur et pour chaque région est examinée plus en détails ci-après. Le secteur énergétique En 2005, la production de pétrole brut de l’Afrique a été en moyenne de 8 856 barils/jour, soit une augmentation de 6,1% par rapport à la moyenne de 2004. L’Algérie, l’Angola, la Libye et le Nigeria sont les principaux producteurs dont la part moyenne a été de 75% en 2005. Les autres producteurs de pétrole sont le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Soudan, le Tchad et la Tunisie. ________________________________________________________________________ 54 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com L’Afrique continue d’être un exportateur net de brut et de produits pétroliers raffinés. En 2005, les exportations de pétrole brut de l’Afrique ont atteint 6 477,6 millions de barils/jour, soit une augmentation de 1,8% par rapport à 2004. Toutefois, la part de l’Afrique dans les exportations mondiales de pétrole brut a baissé légèrement, passant de 14,9% en 2004 à 14,5% en 2005. En ce qui concerne les produits raffinés, les exportations de l’Afrique ont légèrement En ce qui concerne le gaz naturel, la production de l’Afrique a atteint en 2005 une moyenne à 171 735 millions de mètres cubes standard, soit une augmentation de 13,1% par rapport à 2004. Cela porte la part de l’Afrique dans la production gazière mondiale de 5,5% en 2004 à 6,1% en 2005. L’Algérie a représenté 50% du total de la production de gaz de l’Afrique, suivie par l’Egypte et le Nigéria, représentant ensemble environ 44% en 2005. Le secteur touristique De nombreux pays en développement considèrent désormais que le tourisme est une part importante et intégrante de leur stratégie de développement économique. Selon les estimations, 808 millions de touristes ont voyagé dans le monde en 2004 et généré environ 682 milliards de dollars É.-U. L’Afrique a enregistré 41,3 millions d’arrivées touristiques, ce qui représente seulement 5,1% des voyages touristiques effectués dans le monde. En termes de recettes, l’Afrique a reçu 3,6% (soit 25,2 milliards de dollars É.-U.) des 682 milliards de recettes touristiques dans le monde. En 2006, les quatre pays ayant enregistré les meilleurs résultats dans le secteur touristique sont l’Afrique du Sud (6,3 milliards de dollars É.-U.), l’Egypte (6,1 milliards de dollars É.-U.), le Maroc (3,9 milliards de dollars É.-U.) et la Tunisie (1,9 milliards de dollars É.-U.). Le développement social Si la croissance s’est rétablie sur le continent les gains en termes de bénéfice social et de réduction de la pauvreté sont encore limités. La présente sous-section fait le point du développement social à travers les OMD, et analyse les progrès et les défis en rapport avec les divers objectifs et fournit un exposé plus détaillé des problèmes que pose le VIH/sida. Évaluation globale des OMD Comme on peut le voir dans le tableau 2.14, les progrès vers la réalisation des OMD sont lents et de sérieux problèmes se posent toujours dans tous les domaines importants du développement social. Cependant, si on affine l’analyse selon les pays, on constate que certains ont réalisé des progrès significatifs. La proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour est restée pratiquement inchangée pendant la période de 12 ans comprise entre 1990 et 2002 (tableau 2.16). Le manque de progrès dans la lutte contre la pauvreté peut être attribué à deux facteurs. D’abord le taux de la pauvreté a tendance à suivre celui de la croissance mais avec un certain retard. Ensuite la croissance économique récente n’est pas allée de pair avec la création d’emplois réels alors que la croissance de l’emploi est déterminante dans la lutte contre la pauvreté (CEA 2006a). Évolution des négociations commerciales Le commerce mondial a connu une expansion significative entre 2000 et 2005. Le montant total des exportations dans le monde est passé de 6 451 milliards de dollars en 2000 à 10 393 milliards de dollars en 7 2005, soit une augmentation de 61% . Le tableau 3.1 permet de comparer cette évolution avec celle des exportations africaines pendant la même période. a) Le Cycle du développement de Doha Le mandat des négociations de ce cycle est défini dans la Déclaration de la quatrième Conférence ministérielle tenue à Doha. Les pays en développement, notamment africains, ont fait valoir que la dimension développement était cruciale pour la mise en oeuvre du mandat de Doha, à savoir réformer le système commercial multilatéral et améliorer leurs chances dans le commerce mondial. Un programme favorable au développement était censé être le facteur de solidarité dans les efforts visant à lutter contre le caractère injuste de la répartition des fruits du commerce mondial, dont les pays développés se taillent la part du lion. Le Cycle de Doha devait mettre le développement au coeur des débats. La mise en oeuvre de ce mandat à la satisfaction des pays en développement était censée être l’aune à laquelle serait mesuré le succès du Cycle de Doha. b) Autres faits nouveaux dans les négociations commerciales internationales Compte tenu de la récente suspension des négociations à l’OMC et du processus en cours concernant les APE, les pays africains ont encore plus intérêt à diversifier leurs marchés d’exportation. Ils sont impliqués dans plusieurs accords et négociations de libre-échange au niveau régional. Ils tirent également profit de plusieurs grands régimes préférentiels tels que la Loi des ÉtatsUnis eu faveur de la croissance et des opportunités en Afrique (AGOA). Certains pays africains participent aussi à des ________________________________________________________________________ 55 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com négociations commerciales bilatérales avec d’autres régions du monde. La présente section passe en revue les principaux faits nouveaux concernant ces processus. Intégration régionale africaine La promotion de l’intégration régionale africaine est depuis longtemps un des objectifs du continent. Le Traité d’Abuja instituant la Communauté économique africaine (chapitre 1) prévoit une intégration continentale progressive, axée sur l’intégration des cinq sous-régions (Nord, Ouest, Est, Centre et Afrique australe). 2) Régimes commerciaux préférentiels Trente-sept pays africains remplissent les conditions pour bénéficier de l’AGOA, qui accorde aux pays africains l’accès quasiment en franchise de droits et sans contingent au marché des États-Unis. En 2005, les importations des États-Unis en provenance d’Afrique subsaharienne au titre de l’AGOA se sont chiffrées à 38,1 milliards de dollars, soit 44% de plus que l’année précédente, principalement en raison de la hausse des importations de pétrole. Hors pétrole, les importations des ÉtatsUnis en provenance d’Afrique ont en réalité baissé de 16%, à 2,9 milliards de dollars, principalement en raison d’une concurrence accrue dans le secteur du textile et de l’habillement suite à la fin de l’Accord multifibres. Il y a également eu des avancées mineures dans les secteurs traditionnels et non traditionnels, par exemple les produits chimiques, les fruits, les noix, les fleurs coupées et les articles chaussants. rente-quatre pays africains sont des PMA et, par conséquent, peuvent bénéficier de l’initiative de l’UE intitulée «Tout sauf les armes». D’autres pays africains qui ne sont pas des PMA sont soit des bénéficiaires du système généralisé de préférences (SGP) de l’UE, soit des parties à un accord de libre-échange bilatéral avec l’UE (TDCA et Euro-med). De Monterrey à Gleneagles Les pays africains et leurs partenaires de développement ont reconnu le rôle crucial du financement du développement et s’emploient activement à mobiliser des ressources tant internationales que nationales. Toutefois, ils doivent relever des défis de taille dans leurs efforts visant à faire du financement du développement les suivants: Trouver une solution efficactraversent plusieurs pays africains, de façon à libérer des ressources pour le financement du développement; - Attirer des flux soutenus de capitaux privés, y compris les envois de fonds, et faire en sorte que ces capitaux aillent à des secteurs à forte valeur ajoutée et créateurs d’emplois; - Améliorer la mobilisation de ressources intérieures en augmentant l’épargne et les recettes fiscales et en réduisant les fuites de capitaux; - Améliorer l’efficacité et la capacité d’absorption de l’aide étrangère; - Utiliser le commerce international comme instrument de mobilisation des ressources. Le Consensus de Monterrey ________________________________________________________________________ 56 Professeur Moustapha Kassé : Les Grands Problèmes Economiques Contemporains Université de Kara Togo Mai 2007 _www.mkasse.com