Dossier de Presse : La Faculté de Médecine de l’Université libre de Bruxelles sous
l’Occupation
Dès le début des années 30’, les membres de l’Université libre de Bruxelles, étudiants
et professeurs combattent avec conviction la montée en puissance des idées fascisantes. En
1933, ils dénoncent les exactions nazies commises à l’encontre des Juifs allemands ; en 1936,
ils se mobilisent, en pleine guerre d’Espagne, pour venir en aide aux Républicains luttant
contre les Nationalistes. En 1940, ils condamnent l’attitude belliciste de l’Allemagne à la suite
des invasions successives de la Pologne, du Danemark et de la Norvège.
La mobilisation universitaire et en particulier celle de l’Université libre de Bruxelles
pour défendre des idées de tolérance et de liberté, a déjà trouvé ses laudateurs avertis, mais
l’engagement particulier du corps médical de la Faculté et, à plus forte raison, celui de la
future génération de médecins - les étudiants d’alors - n’avait encore jamais fait l’objet d’une
étude spécifique. A l’initial de ce projet, un corpus iconographique original (Archives de
l’U.L.B. et documents privés) a servi de socle à une histoire par l’image témoignant alors, de
manière fragmentaire, de cette mobilisation. Complétée par un travail documentaire important
et par l’étude des archives encore non inventoriées de la Faculté de Médecine, la trame d’une
chronique poignante a émergé d’une des pages les plus sombres de notre 20ème siècle.
Mais le cœur proprement dit de cette exposition est à mettre à l’actif des nombreux
acteurs de l’époque, seuls à même de ré-arpenter cette saga engagée. Nous devons à
Mesdames Monique Asiel, Marcelle Vanneste et Messieurs André Bruyns, Armand De
Coster, Jean-Claude Demanet, Alain Dupont, Marcel Franckson, Claude Gompel, Bernard
Hanson, Jacques Henry, Louis Jeanmart, Paul Kinnaert, Jean Léonard, Raymont Mayer, Jean-
Lambert Pasteels, Albert Maertens, Jacques Mulnard, Roland Potvliege, Paul Quarré, Jean
Vanderstricht, André Wynen et Frédéric Wiringer d’avoir redonné vie à l’histoire de la
Faculté de Médecine de Bruxelles sous l’occupation, grâce à leurs témoignages, documents et
objets chargés d’émotion.
L’exposition a voulu mettre en exergue le courage de ces hommes et ces femmes au
travers de leur vécu fait, en alternance, de petites anecdotes et de récits poignants.
Abondamment illustré par un patrimoine d’époque – illustrations, affiches, matériel médical,
uniformes de résistants, photographies… le parcours chronologique traverse les étapes
marquantes de la Faculté de Médecine de l’U.L.B. entre 1939 et 1945. Au rythme de Duke
Ellington ou de Count Basie, cette plongée dans le passé est aussi une convocation de la
mémoire. Comme le disait Elie Wiesel : « on ne vit pas dans le passé, mais le passé vit en
nous » et « Celui qui écoute un témoin, devient témoin à son tour », avec l’espoir que cette
traversée soit lumineuse.
Le 10 mai 1940, les troupes allemandes envahissent la Belgique. Nombreux sont les
professeurs intégrés dans le Service de Santé et les étudiants en médecine qui vivent la
retraite chaotique des Alliés fuyant devant l’avance foudroyante de la Wehrmacht. Pour les
étudiants appelés, la fuite s’arrête dans le sud de la France où ils sont oubliés de tous durant
plusieurs mois et subsistent tant bien que mal jusqu’à leur rapatriement, au mois d’août, en
Belgique occupée.
Le 28 mai, le Roi Léopold III capitule et la Belgique est placée sous la juridiction de
l’armée allemande. Dès lors, la Militärverwaltung ne cesse de faire pression sur les autorités
académiques de l’U.L.B. afin qu’elles acceptent d’intégrer des professeurs pro-allemands au
sein du corps professoral. Mais les professeurs et étudiants n’ont nullement renié leurs idéaux
avec la capitulation. Refusant de plier face aux exigences inacceptables de l’Occupant,
l’Université ferme ses portes le 25 novembre 1941, cas unique en Europe occupée, pour ne
pas devenir le bastion de la germanité. Les étudiants en médecine ont alors le choix entre
continuer leur formation dans une autre université ou suivre clandestinement des cours libre-
exaministe, interdits par les Allemands, et affirmer ainsi leur fidélité à leur Alma Mater. Ceux
qui optent pour la clandestinité participent alors à une aventure incroyable et inconsciente
faisant fi des risques encourus. Avec la complicité de la Commission d’Assistance publique
de la Ville de Bruxelles, les jeunes doctorants sont lancés précocement dans les hôpitaux où
ils apprennent leur futur métier sous les bombes.
Beaucoup de membres de la Faculté entrent dans la Résistance. Bistouris, stylos ou
mitraillettes en main, ils luttent chacun à leur façon contre l’occupant. Bravant le danger,
certains soignent des résistants, d’autres rédigent des tracts anti-allemands ou évacuaient des
pilotes alliés quant ils ne combattaient pas, arme au poing, l’envahisseur. Les étudiants
participent eux aussi à la lutte, certains payeront d’ailleurs de leur vie cet engagement sans
limite ou seront déportés dans des camps de concentration. Pour ceux qui gagnent
l’Angleterre, où s’est formé un Gouvernement belge libre, ils intègrent les Forces belges en
Grande-Bretagne - en particulier la fameuse Brigade Piron - au sein de laquelle ils reviennent
libérer la Belgique en 1944.
La joie de la Libération cède rapidement la place à l’indignation. La découverte de
l’horreur des camps de concentration nécessite une nouvelle mobilisation massive. Conscients
de leur devoir de futurs médecins, les étudiants se portent volontaires et partent en Allemagne
pour soigner les victimes survivantes de l’Holocauste aux côtés des médecins britanniques.
L’exposition proposée par le Musée de la Médecine retrace l’histoire d’un engagement
collectif. Médecins et étudiants de l’Université libre de Bruxelles ont compté parmi les
défenseurs de la liberté mettant au service de la société civile leur bravoure, leur compétence
et leur dévouement. Cette page méconnue de l’histoire de notre pays est retracée à travers des
témoignages, des documents iconographiques, des photographies inédites… et rend hommage
au courage de ces hommes et de ces femmes.
Informations pratiques
La Faculté de Médecine de l’Université libre de Bruxelles sous l’Occupation
Du 20 janvier 2009 au 27 mars 2009
Ouvert du lundi au vendredi de 13h à 16h
Musée de la Médecine, 808, route de Lennik, 1070 Bruxelles campus Erasme
Tél : 02 / 555.34.31
Mail : museemed@erasme.ulb.ac.be
Vous trouverez ci-dessous le contenu des panneaux explicatifs repris dans l’exposition.
La Faculté de Médecine contre les totalitarismes
Manifeste de protestation des professeurs d’universités belges
« Les professeurs des universités belges, profondément émus par les violences et les mesures d’exception dont
sont l’objet certaines catégories de citoyens allemands et notamment les Juifs, en raison uniquement de leurs
origines, de leurs croyances ou de leurs opinions, expriment leurs sentiments de vive sympathie aux victimes
de ces persécutions. (…) ils ne peuvent s’empêcher de protester contre la violation de l’esprit de tolérance et
de justice, la conquête dont s’honore le plus notre civilisation »
Ce manifeste est signé en 1939 par 154 professeurs d’universités belges, dont 90 de Bruxelles.
1922 : Mussolini prend le pouvoir en Italie.
1933 : Hitler devient Chancelier en Allemagne.
1939 : Après la défaite des Républicains, Franco et les Phalangistes instaurent la dictature en
Espagne.
1939 : L’Allemagne envahit la Pologne. Puis la France et l’Angleterre lui déclarent la guerre.
10 mai 1940 : L’Armée allemande envahit la Belgique.
Par une signature, une aide matérielle ou un investissement sur le terrain, les membres de la Faculté de
Médecine de Bruxelles militent activement et se battent pour la défense des libertés individuelles. Dès les
premières lueurs des conflits se déroulant hors de notre pays, un engagement désintéressé anime
professeurs, étudiants, chercheurs… et anticipe sur la mobilisation collective et courageuse qui se met en
place dès le début de la deuxième guerre mondiale.
Des comités de vigilance anti-fascistes et de soutien à l’Espagne républicaine luttent contre les
nationalismes, le totalitarisme, le rexisme… ou s’engagent dans les Brigades Internationales, publiant des
manifestes, organisant des défilés et dénonçant l’attitude de l’Allemagne nazie. Cette implication des
médecins et étudiants en médecine de Bruxelles dans la lutte idéologique, sociale et même vitale, place la
Faculté au cœur d’un mouvement plus large de défense des libertés, porteur des valeurs de l’Université
libre de Bruxelles.
Les premières actions contre le fascisme
Le Comité de vigilance anti-fasciste est créé en 1934 à l’initiative de l’Association Générale des Etudiants, du
Cercle du Libre Examen, des Cercles politiques libéraux, socialistes et marxistes avec la bienveillance du
Recteur Edouard Bogaert.
Dans la même mouvance, les professeurs Dedonder, Verlaine, Pelseneer et Brien, mettent sur pied le Comité de
vigilance des intellectuels anti-fascistes.
Les professeurs Fernand Neuman et René Dumont de chirurgie rejoignent le Comité belge d’aide sanitaire aux
Brigades Internationales qui participe à la mise sur pied du Centre Médical Belge à l’hôpital d’Onteniente près
de Valence (Espagne).
Le télégramme de remerciements du professeur Marque de la Faculté de Médecine de Madrid au professeur
Auguste Ley, Président de la Faculté de Médecine de Bruxelles : « Je proteste avec la plus grande véhémence au
nom de la Faculté de Médecine de Madrid devant le monde civilisé. Les sauvages et lâches fascistes qui nous ont
agressés à Badajoz, Málaga, Madrid, Durango et Guernica sont la honte et l’opprobre de l’Humanité. Le
bombardement bestial d’Almería par un escadron allemand représente une provocation effrontée contre la paix
mondiale. Je proteste contre cette technique italo-teutonne de faire une guerre d’invasion sans la déclarer et
cela devant l’indifférence des gouvernements démocratiques nationaux. Je demande la solidarité de tous les
hommes honnêtes pour la cause juste de la République espagnole ».
La carte d’inscription de Gostynski
Dès 1936, des membres du Comité d’aide à l’Espagne républicaine, créé à l’initiative de l’Association Générale
des Etudiants, rejoignent les Brigades Internationales composées de volontaires étrangers désireux de lutter
contre Franco. Parmi eux, Abram Izak Gostynski (1912-1936), étudiant en deuxième doctorat et chercheur
attaché au Laboratoire de Biochimie, a donné sa vie pour défendre les valeurs de Démocratie et de Liberté.
La Saint Verhaegen de 1938 et Le Pet irréel
Lors de la Saint Verhaegen 1938, le Cercle de Médecine affiche ses positions anti-fascistes en arborant sur son
char un écriteau énumérant les symptômes du rexisme : pets irréels et vomissements pourris tandis que les
étudiants singent les Nazis. Le Bruxelles Universitaire, résolument engagé contre le rexisme, publie une
chronique intitulée Le Pet Irréel, caricature du journal rexiste Le Pays réel.
Les manifestations de 1940
En avril 1940, les étudiants de notre Université manifestent contre l’invasion de la Norvège et du Danemark.
Roland Potvliege, étudiant de première candidature s’en souvient : « J’ai participé au défilé d’étudiants contre
l’invasion des pays nordiques par l’Allemagne. Je portais une pancarte sur laquelle était inscrit « A bas
l’agresseur ». La police nationale est intervenue pour disperser les manifestants car les autorités belges ne
voulaient en aucun cas contrevenir au principe de neutralité du pays ».
Invasion et errances
Les professeurs considéraient avec angoisse ces jeunes physionomies familières, et ceux qui avaient fait la
guerre 1914-1918 sentaient leur cœur se serrer devant l’insouciance avec laquelle la jeunesse s’apprêtait à
subir les aléas redoutables de l’avenir. M.Vauthier, 1944.
10 mai 1940 : Invasion allemande et mobilisation par le Centre de Recrutement de l’Armée
Belge (C.R.A.B.) de tous les hommes âgés de 16 à 35 ans.
28 mai 1940 : Capitulation de la Belgique.
Le 10 mai 1940, la Belgique est envahie. A l’U.L.B., les cours sont immédiatement suspendus ;
2000 étudiants sont mobilisés et de nombreux professeurs partent pour la France.
Dès 1936, la Commission d’Assistance Publique de la Ville de Bruxelles a anticipé le conflit et
préparé les services hospitaliers à des situations de crise. En 1938, la « Commission Z », dans laquelle
siègent les professeurs Pierre Nolf, Edgard Zunz, Jean La Barre et Pierre Rijlant, travaille déjà à la
protection des civils en cas de guerre chimique. A l’inverse, l’Armée belge est totalement dépassée lors de
l’invasion allemande. C’est ainsi qu’entre mai et août 1940, les médecins et étudiants de l’U.L.B. mobilisés
se trouvent réaffectés et déplacés de manière chaotique du Nord de la Belgique au Sud de la France.
Roland Potvliege et Armand De Coster, alors étudiants en médecine, en témoignent : « Nous avions été
convoqués une première fois à Coxyde, mais une fois arrivés sur place, il n’y avait personne. On nous a alors
fixé un deuxième point de rassemblement à Boulogne : toujours personne ! Puis nous nous sommes rendus à
Toulouse où finalement nous avons été pris en charge par la Croix-Rouge avant d’être rapatriés en
Belgique…»
André Wynen vit une expérience similaire : incorporé à l’âge de 16 ans et demi au Corps de
Recrutement de l’Armée belge. Il rapporte : « Avec mon frère qui avait 18 mois de plus que moi, nous avons été
mis dans des wagons à bestiaux (déjà) à la Gare de Schaerbeek et trois jours plus tard, nous nous sommes
retrouvés à Villeneuve-les-Magelone, près de Montpellier dans la campagne viticole de l’Hérault, et installés
dans la grange d’un viticulteur qui était le Maire du village. Durant trois mois, nous avons vécu sans aucune
nouvelle ni de notre hiérarchie ni de notre famille, qui digérait mal l’écrasante victoire des Allemands (…). A la
fin du mois de juillet, nous avons été embarqués dans des fourgons à bestiaux (encore) pour être ramenés à
Bruxelles. L’entrée des Allemands à Clermont-Ferrand a été une épreuve qui nous a marqués profondément
sans compter une certaine hostilité des populations françaises ».
Parmi les appelés présents sur le front,
- Albert Guérisse, Capitaine-médecin au Ier Régiment de Lanciers qui s’est distingué en
secourant des blessés à Juprelle et à Geluwe
- Pierre Houssa, Assistant au Service de Chirurgie de l’Hôpital Brugmann a maintenu la
cohésion des équipes médicales lors du bombardement de l’Hôpital militaire
d’Ostende
- Albert Maertens, qui sera déporté
En août 1940, ceux qui rentrent, trouvent l’Université libre de Bruxelles fermée. Certains passent dans la
clandestinité, d’autres s’exilent ou participent à des missions sanitaires comme celles de la Croix-Rouge de
Belgique.
Les étudiants de deuxième candidature casernés à Gand
Jacques Henry se rappelle avec humour de ces heures difficiles marquées notamment par des bottes en
caoutchouc restées jaunâtres, faute de temps pour les teindre témoignant, à elles seules, du manque
d’anticipation de l’Armée.
André Bruyns, caserné à Gand, se souvient du flou organisationnel complet : « Nous avions attendu une semaine
qu’un milicien assemble nos masques à gaz, constitué de trois parties qu’il suffisait d’assembler mais que les
sursitaires n’avaient pas le droit de faire eux-mêmes… ! Mais l’Armée c’est l’Armée, répète-t-il ! Et le résultat
est que nous étions parmi les derniers à échapper à la poche de Dunkerque. »
Etudiants belges incorporés dans le Centre d’Instruction du Service de Santé (CISS)
A partir du 18 mai 1940, commence une longue errance pour les membres du Centre d’Instruction du Service de
Santé belge. Ils sont appelés à se rendre à Nantes où les Autorités françaises leur mettent à disposition 2000 lits
pour accueillir les blessés. Mais arrivés à Abbeville, ils doivent atteindre l’objectif par leurs propres moyens.
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