Facteur tissulaire et cancer Tissue factor and cancer »

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Thromboses et
hémopathies malignes
dossier
Facteur tissulaire et cancer
Tissue factor and cancer
P. Nguyen*
également douée de propriétés pléiomorphes impliquées
dans le développement des cancers. L’expression du FT par
les monocytes et les polynucléaires lui confère un rôle dans
l’immunité innée. Son expression par les cellules endothéliales
activées pourrait intervenir, avec d’autres facteurs procoagulants,
dans la constitution des niches favorisant l’éveil tumoral. Cette
glycoprotéine, qui est un récepteur du facteur VII, existe sous
une forme entière et sous une isoforme tronquée soluble qui
joue un rôle déterminant dans la biologie du cancer. L’implication
du FT dans la migration et l’invasion tumorale est par ailleurs
sous le contrôle de mi-RNA, ce qui laisse entrevoir des possibilités
thérapeutiques de modulation de son expression. Le dosage
du FT soluble, qui pourrait rejoindre la panoplie des biomarqueurs
prédictifs du risque thrombotique chez les patients atteints
de cancer, nécessite toutefois encore d’être validé.
Mots-clés : Facteur tissulaire – Angiogenèse – Cancer.
L
e facteur tissulaire (FT) joue un rôle déterminant et tient une place à part dans la biologie
du cancer. En effet, cette glycoprotéine d’expression tissulaire, très ubiquitaire, est à la fois le facteur
déclenchant de la coagulation plasmatique et un
authentique récepteur cellulaire, capable d’activer de
multiples voies de signalisation. Différents modèles ont
établi le rôle du FT dans des processus de migration
cellulaire, d’angiogenèse, de prolifération et de dissémination tumorale ainsi que dans la thrombogénicité
associée au cancer (1, 2).
Enjeux en biologie du cancer
L’intérêt majeur qu’a suscité le FT est probablement
en lien direct avec la fonction procoagulante de cette
molécule. L’apparition et le développement d’une
tumeur sont associés à un risque thrombotique élevé,
plus veineux qu’artériel, mais toujours caractérisé par
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. IX - n° 2 - mars-avril 2014
Summary
RÉSUMÉ
» Le facteur tissulaire (FT ) est une molécule procoagulante,
Tissue factor ( TF) is a pro-coagulant molecule with
pleiomorphic features involved in the development of
cancer. TF expression by monocytes and polymorphonuclears
provides it with an implication in innate immunity. Also
expressed by activated endothelial cells, it could take part,
with other procoagulant agents, in the formation of niches
favoring tumor emergence. This glycoprotein acts as a
receptor for factor VII and exists as a transmembrane full
molecule or as a truncated soluble isoform. The latter is
determinant in the biology of cancer. The involvement of
TF in tumor cells migration and invasiveness is moreover
controlled by miRNA, which suggests possible therapeutic
modulation of its expression. Soluble TF assays, which could
join the array of biomarkers predictive of thrombosis risk in
cancer patients, still however require validation.
Keywords: Tissue factor – Angiogenesis – Cancer.
la sévérité de la thrombose (propension aux récidives,
y compris sous antivitamines K [AVK]) et par le caractère
insolite de certaines localisations.
La thrombogénicité observée au cours du cancer n’est
pas univoque. S’agit-il de la conséquence directe de
l’expression du FT par la tumeur elle-même ? Cela impliquerait un processus d’extravasation tumorale. Est-ce
la manifestation délétère d’une réponse innée face à
la tumeur ? Dans ce cas, quelles seraient les cellules
impliquées ? Le FT “soluble”, libre ou véhiculé par des
microparticules, joue-t-il un rôle déterminant ? Ce FT
soluble pourrait-il constituer un biomarqueur prédictif
du risque thrombotique ? Pourquoi la thrombose
associée au cancer résiste-t-elle aux AVK ? Comment,
à l’inverse, interpréter l’efficacité des héparines de bas
poids moléculaire (HBPM) ? Quelle pourrait être la place
de nouveaux antithrombotiques dans un tel contexte ?
En parallèle se pose la question du rôle du FT dans le
développement de la tumeur elle-même. En effet, des
modèles expérimentaux indiquent clairement le rôle
* Service d’hématologie,
pôle de biologie, CHU de
Reims, et EA3801-HERVI
faculté de Reims, université Reims-ChampagneArdenne.
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du FT dans l’angiogenèse tumorale, mais également dans
la prolifération tumorale et le processus métastatique.
Carte d’identité d’une protéine
peu connue
Bien connu des biologistes en tant que réactif de laboratoire sous le nom de “thromboplastine”, le FT est encore
assez peu familier pour le clinicien, dans la mesure où
cette molécule n’est pas explorée par des analyses
médicales (figure). Il s’agit d’une glycoprotéine transmembranaire (masse moléculaire de 47 kDa), constituée
d’un domaine extracellulaire et de 2 courts domaines
intramembranaire et cytoplasmique (3). Ce récepteur
appartient à la famille des cytokines de classe 2. Il est
doté d’une très forte affinité pour le facteur VII, qu’il
lie sous sa forme native ou activée (FVIIa). Ainsi, le
complexe FT-FVIIa favorise l’auto-activation du FVII et
l’activation des facteurs IX et X. Les FVII, FX et FIX sont
des Gla-protéines (dépendant de la vitamine K) et des
zymogènes de sérine-protéases, capables de se fixer
par des ponts calciques aux phospholipides anioniques.
Il existe une forme “intégrale” de FT (full length Tissue
Factor [flTF]) et une isoforme, tronquée (30 kDa), résultant d’un épissage alternatif (4). Cette isoforme (alternatively spliced Tissue Factor [asTF]) est soluble puisque
les domaines transmembranaire et cytoplasmique y
ont été remplacés par un domaine unique C-terminal
(40 acides aminés). Cette forme soluble serait dotée
d’une activité procoagulante faible. L’asTF joue un rôle
déterminant dans la biologie du cancer.
TFPI
K1
K2
FVIIa
FXa
K3
C
FT
Membrane
TFPI : Tissue Factor Pathway Inhibitor.
Figure. Relations entre le facteur tissulaire et les autres facteurs de la coagulation.
70
Dans sa forme intégrale, le FT existe sous une forme
cryptique, non procoagulante. L’activité procoagulante sous-entend donc un ou plusieurs mécanismes
de “dé-encryptation”. Parmi ces derniers, l’exposition
des phospholipides anioniques (phosphatidylsérine,
principalement) est mise en avant. Par ailleurs, certains
travaux suggèrent l’existence d’une dé-encryptation
“allostérique” du FT, mettant en jeu une protéine disulfide isomérase (PDI), qui régule la conformation du
FT au niveau des cystéines 186 et 209 (5). Ainsi, l’oxydation ou l’isomérisation du FT convertit (switch) une
forme peu procoagulante en une molécule fortement
procoagulante.
L’activité procoagulante du FT est régulée par le TFPI
(Tissue Factor Pathway Inhibitor) [6]. Il s’agit d’une protéine de 34 kDa, synthétisée par les mégacaryocytes
et l’endothélium. La structure du TFPI est caractérisée
par 3 boucles de Künitz, qui interagissent avec les facteurs VIIa (K1) et Xa (K2). Le complexe quadrimoléculaire ainsi formé n’est pas procoagulant. Ce mécanisme
d’inhibition est original dans la mesure où le FXa joue
un rôle pivot dans la régulation de la génération de
thrombine, en participant à l’inhibition de la phase
d’initiation.
Expression du FT dans les tissus
et les cellules d’origine hématopoïétique
Le FT est très largement exprimé, de façon constitutive,
dans les tissus. Certains organes − le poumon, le cerveau, le placenta − sont très riches en FT. À l’inverse,
des organes comme le thymus, la rate et le foie en
contiennent peu.
Le FT est exprimé par les cellules d’origine hématopoïétique. L’expression du FT par les monocytes est
inductible, notamment en réponse à des lipopolysaccharides (LPS) d’origine bactérienne. Cette induction
est médiée par le récepteur CD14 associé à TLR-4 et
s’intègre dans les réponses immunitaires innées. Les
voies de signalisation en cause impliquent p38-MAPK.
La région régulatrice du gène FT présente des sites
de fixation pour différents facteurs de transcription
(AP1, SP1, NF-κB). Ainsi, l’expression du FT apparaît
en réponse au stress et lors de l’apoptose. Le FT est
exprimé par les cellules dendritiques d’origine monocytaire et par les macrophages, mais également par
les cellules endothéliales et des progéniteurs endothéliaux issus de cellules souches hématopoïétiques,
exprimant CD34 (7).
Le FT est présent (ARNm et protéine) dans les polynucléaires neutrophiles (PNN). Cette notion, longtemps
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controversée, semble aujourd’hui établie. Récemment,
M. Demers et al. (8) ont mis en lumière l’expression du
FT par les PNN activés, lors du phénomène de NETose
(correspondant à la formation de Neutrophil Extracellular Trap). Là encore, cela témoigne d’un lien entre
l’expression du FT et les mécanismes de défense innée
de l’organisme (9).
La présence de FT a été mise en évidence au niveau des
plaquettes, mais ces données sont sujettes à caution.
Un article récent de l’équipe de K.G. Mann (10), utilisant
une méthodologie robuste, réfute la présence de FT.
Les plaquettes pourraient néanmoins jouer un rôle
lors de la dé-encryptation du FT, soit par l’apport de
phospholipides, soit par le biais de la PDI.
tion inverse entre l’expression de FT et celle de miR-19,
observée aux stades I et II du cancer colique mais pas
au-delà. L’ensemble de ces données obtenues ex vivo
suggère un rôle du FT dans l’invasion tumorale et ouvre
de nouvelles perspectives dans le cancer colique. Le
miR-19a intervient également dans l’expression du FT
par les cellules tumorales mammaires. D’autres mi-RNA
(miR-19b, miR-20a, miR-93, miR-106b, miR-126) interviennent dans la régulation de l’expression du FT par
les cellules du microenvironnement tumoral (monocytes, cellules endothéliales et musculaires lisses), mais
également par les cellules tumorales notamment les
léiomyosarcomes (14).
La modulation d’expression du FT par les si-RNA est
prometteuse dans la mesure où elle permet de réduire
la néovascularisation (15).
Expression du FT par les tumeurs
Une récente étude a évalué le niveau d’expression du
gène du FT dans différentes tumeurs solides et hémopathies. Ce travail a montré que les tumeurs solides, dans
leur grande majorité, expriment le FT. Cette expression
est hétérogène, quel que soit l’organe impliqué, mais
elle peut être forte, particulièrement dans les cancers
digestifs et pancréatiques, réputés fortement thrombogènes (11). Au contraire, le FT n’est pas exprimé par les
hémopathies lymphoïdes, qu’elles soient d’origine B ou
T. Cette observation est en lien avec la très faible, voire
l’absence de capacité d’expression du FT par la lignée
lymphocytaire non pathologique (12).
FT, mi-RNA et invasion tumorale
Le FT joue un rôle dans la migration et l’invasion tumorales. Dans un modèle utilisant des lignées de cancer
colique, il a été démontré que ces cellules exprimaient
fortement le FT. Cette expression est régulée négativement par des micro-RNA (mi-RNA-19a, miR-19) avec,
pour conséquence, un ralentissement de la migration
cellulaire et une diminution de l’invasion tumorale (13).
Cette inhibition de la migration cellulaire passe par la
régulation de la métalloprotéinase matricielle MMP-9.
À partir de l’analyse directe de tumeurs coliques, ce
travail a montré que l’expression de FT est plus importante dans le tissu tumoral qu’au niveau du tissu sain,
à partir du stade II de la maladie. L’expression du FT
augmente ensuite avec les stades d’extension. De façon
intéressante, le niveau d’expression de miR-19a s’élève
de façon significative comparativement au tissu sain,
mais cette surexpression n’est pas corrélée avec le stade
évolutif du cancer. Les auteurs rapportent une corréla-
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FT et éveil tumoral
Il existe aujourd’hui des arguments expérimentaux
montrant que le FT joue un rôle dans l’éveil tumoral. En
effet, une cellule gliale n’exprimant pas le FT est viable
mais latente (tumor dormancy). En revanche, l’expression
du FT favorise la transition tumorale. Dans un modèle
glial, la croissance tumorale s’accompagne d’une modification permanente du microenvironnement, avec le
recrutement de cellules vasculaires et myéloïdes (16).
Ces modifications microenvironnementales modifient
le phénotype tumoral mais également l’expression
génique et la méthylation de l’ADN. Ainsi, le FT et les
systèmes procoagulants pourraient participer à la
constitution d’une niche favorable à l’éveil et à la progression d’une tumeur à partir de cellules quiescentes.
FT et métastases
Le FT joue un rôle dans le phénomène métastatique.
Différentes données expérimentales ont pu montrer le
rôle du FT dans l’angiogenèse et la croissance tumorales médiées par les signalisations induites par le FT
lui-même et impliquant le récepteur PAR-2 et la liaison
aux β-intégrines. L’intravasation des cellules tumorales
est la première étape de la dissémination tumorale et
le FT y joue un rôle facilitant. En utilisant un modèle
de souris présentant un phénotype “hyperthrombotique” secondaire à un déficit fonctionnel de la thrombomoduline, l’équipe de N. Mackman et W. Ruf (17) vient
d’apporter de nouveaux arguments démontrant le rôle
du FT dans les métastases pulmonaires des cancers
du sein. Ce modèle leur permet de mettre en évidence
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le rôle majeur de la thrombine, qui favorise le processus
métastatique en activant les plaquettes et les récepteurs
PAR-1 exprimés par la tumeur et les cellules de l’hôte.
asTF, croissance tumorale
et angiogenèse tumorale
Deux publications très récentes des équipes de
H.H. Versteeg, V.Y. Bogdanov et W. Ruf (18), établissent
le rôle de l’isoforme asTF dans la croissance et l’angiogenèse tumorales. À partir d’une tumorothèque provenant de 574 patientes atteintes d’un cancer du sein,
les auteurs montrent que l’asTF est exprimé par ces
tumeurs et que cette expression est corrélée au grade
et au stade de la tumeur. En utilisant une construction
cellulaire établie dans une lignée MCF-7, ils montrent
que l’asTF favorise la prolifération des cellules cancéreuses et l’expression de gènes pro-oncogéniques.
L’effet sur la prolifération est dépendant de la liaison
de l’asTF avec les β1-intégrines. Le blocage de l’asTF
réduit la croissance tumorale, ce qui ouvre des perspectives thérapeutiques.
Dans des modèles expérimentaux in vivo et in vitro, ces
mêmes équipes ont montré que l’asTF favorise l’angiogenèse, indépendamment de l’expression de PAR-2 (19).
Cette observation suggère que le FVIIa de la coagulation
n’intervient pas dans cet effet proangiogénique. L’asTF
favorise la migration endothéliale et le bourgeonnement vasculaire en se liant aux β1- et β3-intégrines
exprimées par l’endothélium, dont ils activent certaines
voies de signalisation. Ces effets ne sont pas observés
avec le FT dans sa forme transmembranaire intégrale.
L’ensemble de ces données est cohérent. Elles identifient
l’asTF, dans son interaction avec les β-intégrines, comme
cible potentielle d’une thérapeutique antitumorale et
antiangiogénique.
Le FT cryptique
L’expression du FT par une cellule tumorale peut sembler impressionnante, lorsqu’on la compare à celle de
monocytes ou de cellules endothéliales perturbées par
des activateurs pourtant puissants (LPS ou cocktails
cytokiniques). Dans une publication à la méthodologie
expérimentale très rigoureuse, l’équipe de L.V. Rao (20)
montre que l’expression du FT par une lignée de carcinome mammaire (MDA-231) est comparable à celle de
cellules endothéliales (HUVEC), monocytaires (THP-1)
ou fibroblastiques (WI-1) sous la forme de monomères
de FT de 48 kDA, avec une quasi-absence de formes
72
dimériques. Les auteurs pointent la difficulté de définir
l’état cryptique ou décrypté du FT et proposent des
méthodes très fines, permettant de définir son état
fonctionnel, en mesurant l’activité spécifique du complexe FT-VIIa et l’activité prothrombinase du FT de la
surface cellulaire. L’évaluation du FT actif est de l’ordre
de 21 % au niveau de la lignée cancéreuse alors qu’il est
de 14 % au niveau de la lignée monocytaire mais atteint
64 % au niveau de l’endothélium activé par les cytokines. En cohérence avec ces données comparatives,
l’activité spécifique du complexe FT-FVIIa et l’activité
prothrombinase du FT membranaire sont moindres,
comparativement aux activités spécifiques et prothrombinase des cellules endothéliales et des monocytes. Les
auteurs rappellent que la concentration plasmatique
de FVII (10 nM) serait suffisante pour se fixer au FT à
la surface des cellules, que ce dernier soit ou non sous
forme cryptique. Contrairement à l’idée communément
admise, le FT exprimé par la tumeur ne serait donc pas
constitutivement procoagulant.
FT, le nouveau biomarqueur du cancer ?
La mesure du FT plasmatique n’est pas réalisée en
pratique courante (absence de marquage CE, analyse
ne figurant pas dans la nomenclature française des
examens de biologie). L’interprétation d’une élévation du FT est par ailleurs délicate et dépendante de
la méthodologie utilisée. S’agit-il d’une forme soluble,
issue de l’épissage alternatif ou d’une forme soluble
et clivée de la forme intégrale ? Le FT exprimé par des
microparticules est-il mesuré par ces techniques ?
En réponse à un article montrant une association entre
le FT porté par des microparticules et la mortalité (mais
pas thrombogénicité) chez des patients atteints d’un
cancer (21), l’équipe de N. Mackman (22) remet en cause
les conclusions de cette étude, en indiquant les difficultés méthodologiques de l’exploration du FT. Il est en
effet nécessaire d’utiliser des techniques strictement
standardisées de quantification des microparticules ; les
méthodes de dosage (ELISA, méthodes fonctionnelles)
et les trousses commerciales actuellement disponibles
sont de qualité et de spécificité parfois médiocres ou
peu spécifiques.
La plupart des équipes multidisciplinaires évaluent
le risque de thrombose lié à la chimiothérapie en calculant le score prédictif proposé par A.A. Khorana et
al. (23). Ce score a été validé de façon indépendante
par 6 études cliniques, dont 3 études prospectives. Le
calcul du score repose sur des paramètres simples et
disponibles : site du cancer, indice de masse corporelle,
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paramètres de l’hémogramme avant chimiothérapie
(plaquettes, leucocytes, hémoglobine) ou utilisation
d’érythropoïétine. Différents biomarqueurs pourraient
permettre d’affiner ce score : D-dimères, P-sélectine,
fragment 1.2 de la prothrombine, FVIII, mesure de la
génération de thrombine (24). Le FT soluble est cité
parmi ces biomarqueurs mais, compte tenu des réserves
émises, il n’est pas encore utilisé comme marqueur
prédictif du risque thrombotique chez les patients
atteints d’un cancer.
Conclusion
Le FT joue un rôle déterminant dans la biologie du
cancer et dans sa thrombogénicité. Le rôle de l’asTF
dans le développement du cancer lui-même est établi
par des données expérimentales solides et convaincantes. À côté de son rôle direct dans la biologie du
cancer, le FT favorise l’activation des voies de coagulation mettant en jeu des récepteurs PAR spécifiques
des différentes sérines protéases de la coagulation.
Grâce aux études de signalisation (kinome profiling),
les conséquences sur le métabolisme tumoral, l’inflammation, le cycle cellulaire et l’apoptose sont de mieux
en mieux connues. L’activation des plaquettes par la
thrombine et le dépôt de fibrine favorisent le thrombus
et modifient le microenvironnement tumoral. L’occlusion
thrombotique du vaisseau, en créant l’hypoxie,
déclenche des voies de signalisation pro-angiogéniques,
modifiant en permanence le microenvironnement au
profit de la prolifération et de l’invasion tumorale. Dans
les phénomènes de thrombose liés au cancer, les AVK
pourraient s’avérer inefficaces dans la mesure où de
faibles concentrations de FVIIa suffisent à saturer le
FT exprimé à la surface cellulaire et que des processus
indépendants de la voie extrinsèque sont mis en œuvre
notamment par le phénomène de NETose. Devant cette
complexité d’interactions biologiques, il y a fort à parier
que les nouveaux médicaments anticoagulants, ciblant
soit le FXa, soit la thrombine, auront des effets très différents, à court terme, sur la coagulation plasmatique et
la thrombogénicité, mais également à plus long terme,
sur le développement tumoral lui-même.
■
P. Nguyen déclare
ne pas avoir de liens
d’intérêts.
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