POUR VOUS ACCOMPAGNER DANS VOTRE VISITE ... Ce mois-ci, parcourez l’exposition Le Mythe Cléopâtre et découvrez, grâce à onze œuvres-phare, le véritable visage de la dernière reine d’Égypte. L’analyse des œuvres vous accompagnera au long de votre visite et vous permettra d’appréhender pleinement l’influence de Cléopâtre sur le monde antique. 1. Portrait de Cléopâtre VII, dit « Tête de Turin » Ce portrait en marbre du mont Pentélique (région d’Athènes, en Grèce) a récemment été identifié à Cléopâtre VII. L’œuvre a pour particularité intéressante d’avoir conservé presque intact le nez de la reine, dont on voit que les proportions ne sont pas hors-norme, comme le laissait supposer la célèbre phrase de Pascal. Le marbre importé de Grèce était rare à Alexandrie et l’on réservait son usage à la réalisation de portraits royaux dans le style hellénistique, c’est-à-dire dans la tradition grecque. Bien que régnant sur l’Égypte depuis sa capitale, Alexandrie, Cléopâtre a été la dernière reine de la dynastie des Ptolémées, d’origine et de culture hellénique. L’artiste a réalisé une économie en utilisant du stuc (mélange de chaux et de poudre de marbre) pour la calotte crânienne, aujourd’hui absente. La couronne, rapportée en métal, est également manquante : seuls les trous de section quadrangulaire sont conservés. Les traits de la reine sont ici bien visibles : un visage de forme ovale, au menton lourd, l’ossature de la face marquée dans la région des pommettes et des arcades sourcilières. Les yeux sont de grande dimension, les pupilles incisées permettaient de retenir la polychromie (l’ajout de peinture sur la surface du marbre pour offrir un effet plus conforme à la réalité). La reine porte les cheveux longs, attachés en deux tresses rassemblées au sommet de la tête, formant une sorte de diadème, quelques bouclettes s’échappant pour mettre en valeur la ligne du front. 5. Buste d’une reine ptolémaïque (Cléopâtre VII) Ce buste en basalte n’a pu être officiellement identifié à Cléopâtre VII, bien qu’il présente sur le front la partie inférieure d’un triple uræus (trois cobras dressés côté à côte), attribut des portraits officiels de la reine. Cléopâtre n’a en effet jamais été pharaon : elle a été associée au pouvoir grâce aux mariages avec ses frères Ptolémée XIII, Ptolémée XIV puis Marc Antoine : ses trois époux auraient donné lieu au choix de ce triple attribut. Ce portrait a été réalisé dans le style égyptien ptolémaïque, c’est-à-dire qu’il présente à la fois des caractéristiques hellénistiques, comme par exemple dans la réalisation du visage individualisé, et égyptiennes pharaoniques. En effet, la reine porte ici une perruque en trois parties surmontée d’une dépouille de vautour, symboles associés à la déesse Isis et, nous l’avons vu, le triple uræus, symbole du pouvoir pharaonique. Les Ptolémées se faisaient ainsi représenter avec les attributs des pharaons, souverains d’essence divine, afin d’asseoir leur légitimité sur le peuple égyptien. 4. Tétradrachme de Cléopâtre VII (monnaie d’Ascalon) Un tétradrachme est une pièce d’une valeur de quatre (tetra) drachmes. La pièce a été frappée à Ascalon (actuelle Ashkélon, Israël), sur la rive est de la Méditerranée. La ville faisait alors partie du vaste royaume d’Égypte. La reine Cléopâtre y est visible sur l’avers (côté face), de profil. Elle est ici encore représentée dans une esthétique hellénistique, ces monnaies étant un moyen pour Cléopâtre de diffuser dans un but de propagande son image de souveraine macédonienne, héritière d’Alexandre le Grand. La reine présente un profil très masculin, hormis la coiffure, assurant son pouvoir sur son territoire. Cette intéressante représentation de profil permet encore une fois de relever les traits caractéristiques de la reine : le front est plutôt bas et étroit, les yeux enfoncés dans les arcades sourcilières. La bouche est petite, la lèvre inférieure charnue, les commissures tombantes. L’ossature du visage est nettement marquée accentuant l’aspect rude de la souveraine. La coiffure présentée sur cette monnaie est nommée en « forme de melon » : les cheveux sont tressés depuis le front, les mèches tirées vers l’arrière sont retenues dans un large chignon. Il s’agit d’une coiffure spécifiquement portée par Cléopâtre, qui a permis d’identifier des représentations de la dernière reine d’Égypte. Le bandeau royal est ici large, et porté bas, à la limite du front. 145. Camée d’« Actium » représentant l’empereur Auguste Ce magnifique camée représente Auguste, titre offert à Octavien par le Sénat romain en 27 avant notre ère. Ce camée a été réalisé pour célébrer sa victoire sur les flottes coalisées de Cléopâtre et Marc Antoine lors de la bataille d’Actium le 2 septembre 31 avant notre ère, scellant le sort de ces derniers en même temps que celui de l’Égypte. La bataille d’Actium est une bataille navale se déroulant à l’ouest de la Grèce : c’est pourquoi le char (quadrige) d’Auguste est tiré par quatre Tritons et non par quatre chevaux. Ces créatures mythologiques, fils de Neptune, lèvent haut leur bras, portant aux nues Auguste. Le Triton à la droite du camée élève auprès d’Auguste une statue de la déesse Niké, la victoire ailée, symbole du triomphe de Rome sur Cléopâtre. Le Triton à la gauche de la composition tient quant à lui les symboles d’Auguste, le Clipeus Virtutis, le bouclier honorifique offert par le Sénat au premier empereur de Rome, entouré de deux capricornes. Ces camées, l’une des plus remarquables productions alexandrines, sont réalisés sur des pierres dures à deux strates : la taille de la couche supérieure permet ainsi de révéler le fond plus sombres, jouant sur les dégradés et l’intensité de la lumière et des tonalités. La monture en or, émaux et perle a été rajoutée au début du xviie siècle. 124. Portrait de Cléopâtre VII Nous sommes encore en présence d’un portrait de la reine Cléopâtre VII exécuté en marbre, peut-être de Paros, dans un style hellénistique. La reine porte une coiffure similaire à celle remarquée sur la monnaie d’Ascalon : la coiffure en forme de melon est rassemblée en chignon sur la nuque et arbore le diadème royal à ruban, symbole hellénistique du pouvoir. Sur le bandeau est présente, au centre, une petite excroissance qui permettait probablement de maintenir en place le triple uræus. Les traits caractéristiques de la souveraine sont ici encore bien visibles. Ce portrait, découvert à Rome, a été réalisé lors du séjour de Cléopâtre au sein de la cité, entre 46 et 44 avant notre ère. Dès cette période, Rome découvre les fastes de l’Égypte et introduit une forme d’ « égyptomanie » dans ses productions. 51. Livre des Morts de Pa-iry. Le Livre des Morts ou « formules pour sortir le jour » est un des éléments centraux de la pratique funéraire égyptienne. Il présente les épreuves auxquelles sera confronté le défunt lors de son voyage dans l’Au-delà. L’illustration du papyrus ici présenté concerne le chapitre 125, la pesée du cœur ou psychostasie. Le défunt Pa-iry (à droite habillé d’un pagne blanc) est introduit dans le tribunal divin par la déesse de la justice Mâât, portant une robe bleue et reconnaissable à l’aide de la plume piquée dans sa perruque. Le centre de la vignette est occupé par la balance du jugement du cœur. L’équilibre des plateaux est surveillé par Thot sous son aspect de babouin, pendant qu’Horus en vérifie l’exactitude à l’aide d’un fil à plomb. Le plateau droit soutient une céramique, dans laquelle est placé le cœur du défunt, pendant qu’Anubis, dieu des embaumeurs, place la plume de Mâât dans la balance. Si le défunt a été vertueux tout au long de son existence, son cœur sera aussi léger que la plume de Mâât, et il rejoindra Osiris momiforme sur la gauche, vers l’immortalité. Dans le cas contraire, son âme sera engloutie par la déesse Ammit, la dévoreuse, qui attend patiemment sous la balance. On remarque également le dieu Thot (à tête d’ibis cette fois-ci), scribe transcrivant le résultat de la pesée. U à d d b n . , 76. Portrait d’homme (Ptolémée Apion ?) Ce magnifique portrait en bronze est un excellent exemple de la technique de moulage à la cire perdue, encore utilisée à notre époque par des artistes tels que Giacometti ou Rodin. Le modèle réalisé en cire est recouvert par deux blocs d’argile réfractaire afin d’y laisser son empreinte en négatif. Lors de la cuisson de l’argile, la cire fond et s’échappe par des canaux percés dans les blocs. Le bronze est ensuite coulé dans cette matrice afin de réaliser l’épreuve finale. Ce portrait, découvert dans la Villa des Papyrus à Herculanum, en Campanie (Italie), a longtemps été identifié à Ptolémée Apion, fils de Ptolémée VII. Mais des études récentes ont permis de découvrir sur le pilastre d’origine une inscription qui l’identifierait à Thepsis, musicien à la cour de Ptolémée Ier. Il est également avancé qu’il pourrait s’agir d’un souverain d’Arabie, leur silhouette sur les pièces de monnaie arborant le même type de coiffure, insolite dans le monde hellénistique. Cette tête présente des traits classiques, immortalisés dans une jeunesse et une beauté sereine et distante. L’excellence des ateliers des bronziers grecs apparaît ici, de même que le souci d’un naturalisme exacerbé. Le visage et la calotte crânienne ont été travaillés dans la technique du bronze à la cire perdue, et les mèches des cheveux rapportées en cuivre. Le cuivre étant un métal plus facile à travailler, il a été ici utilisé sous forme de lamelles enroulées autour d’un morceau de bois pour imiter les boucles des cheveux. Le bronze, sorti des ateliers des fondeurs, présente une couleur dorée, le cuivre une teinte rouge plus soutenue : de cette manière, l’artiste est parvenu à jouer sur les teintes pour immortaliser le portrait du modèle. 164. Tête de femme portant un diadème Cette fresque décorait le mur d’une domus, une demeure, de la cité romaine d’Herculanum, dans la région du Vésuve. On retrouve sur ce portrait la coiffure typiquement hellénistique qu’arborait Cléopâtre VII sur la monnaie d’Ascalon et sur le buste de romain : les cheveux coiffés en melon sont ramenés en chignon sur la nuque et retenus par un diadème à bandeau décoré d’un motif de méandre. Le peintre a souhaité, grâce à sa palette (ensemble des couleurs utilisées), imiter les effets visuels des camées. Le visage de la femme se détache, à l’aide d’un pigment blanc rehaussé de rose plus soutenu, sur un fond sombre. Les touches, rapides, fournissent un sentiment de dynamisme et de vitalité à ce portrait. , Ce type de représentation, peut-être un portrait de la reine, des années après sa mort et si loin d’Alexandrie, illustre l’engouement qu’a connu le monde romain pour l’Égypte des Ptolémées, dès le séjour de Cléopâtre à Rome puis sous le règne d’Auguste. Les femmes romaines arboraient alors par mode ce type de coiffure « à l’égyptienne », bien qu’il s’agisse en réalité, nous l’avons vu, d’une coiffure hellénistique, et importent des recettes de beauté orientales pour imiter le soin que Cléopâtre portait à son apparence. . 186. Trapézophore Un trapézophore est un pied de table, servant à soutenir un plateau. Bien que la technique du damasquinage (incrustation de métaux précieux dans un autre métal, ici or et argent dans du bronze) soit spécifique de l’artisanat alexandrin, de nombreux éléments attirent l’attention : le sphinx porte bien le némès des pharaons surmonté de l’uræus, mais il présente également des membres antérieurs humains, ce qui laisse penser qu’il a été réalisé dans un atelier romain. Ces mains tendues sur le devant servaient probablement à protéger la flamme d’un lumignon placé sur la base. On remarque également sur la partie supérieure de l’objet un buste d’Athéna, la déesse grecque de la sagesse, portant un casque à cimier et une tête de gorgone sur le buste. Ce « mélange des genres » est un très bon exemple de l’« égyptomanie », où les élites campaniennes et romaines cherchent à acquérir des objets exotiques inspirés de l’Égypte, symbole de luxe et de richesse. Ces motifs sont considérés comme uniquement décoratifs. Ainsi le sphinx est, à Pompéi, utilisé comme décor de jardin et n’est plus la représentation de la force et de la puissance du pharaon. 152. Scène nilotique représentant des chasseurs pygmées Cette peinture à fresque, découverte dans la Maison du Médecin à Pompéi, est un témoignage de la fascination pour l’Égypte, « le pays don du Nil », symbole de fécondité. Elle représente une bataille entre des Pygmées, des crocodiles et un hippopotame. La végétation luxuriante encadre un îlot supportant un ensemble architectural (peut-être un temple ?) au premier plan, des cabanes de pisé parsèment les rives du fleuve nourricier. Une embarcation de type romain est placée dans l’angle supérieur droit. Les Pygmées sont représentés dans une attitude de jeu et forment un genre parodique permettant d’évoquer une ambiance exotique et nilotique (en rapport avec le Nil). Les animaux exotiques font partie de la fascination pour l’Égypte établie à Rome et en Campanie dès la fin du Ier siècle avant J.-C. Cette quête d’exotisme de la part d’une population aisée conduit à l’élaboration d’un monde illusoire et fantasmé, comme en témoigne cette œuvre. 161. Auguste en Pharaon Cet élément de placage, conservé au Musée Champollion de Figeac, provient du temple de Kalabsha en Haute-Nubie. Octavien devenu Auguste, vainqueur de l’Égypte en 30 avant notre ère, a scellé la fin des royaumes hellénistiques fondés à la mort d’Alexandre le Grand et marqué l’extinction des traditions grecques dans le monde oriental. L’Égypte assimilée au territoire romain devient le symbole de la victoire et de la toute puissance d’Octavien (Auguste). Pour régner en maître sur l’Égypte et accéder à ses richesses, le premier empereur romain sera contraint de se plier aux attentes du peuple des rives du Nil, et d’être couronné pharaon. Comme les Ptolémées, il fait ériger des temples à la gloire des dieux ancestraux pour assurer sa légitimité et faire valoir son statut royal de manière ostentatoire. Sur l’élément, Auguste est représenté, selon les conventions égyptiennes, de profil, dans une position statique, la tête couverte du némès. Il est présenté en offrant, tendant face à lui un vase nou de forme ronde contenant du vin. Un tyet, le nœud d’Isis, est figuré à l’arrière du nouveau pharaon. Les dieux recevant les bienfaits et honneurs de la main d’Auguste sont toujours présents sur la façade du temple d’où a été extrait ce fragment : il s’agit de Thot, le scribe divin et dieu de la sagesse, et de Mandoulis, la forme nubienne du dieu Horus, dieu solaire. POUR ALLER PLUS LOIN... Une visite guidée ? Plongez dans l’univers de Cléopâtre avec notre médiatrice culturelle. Rendez-vous sur notre site internet (www.pinacotheque.com) pour plus d’informations. Envie de lecture ? Découvrez dans les Boutiques de la Pinacothèque de Paris les sélections d’ouvrages adulte et enfant consacrés à l’exposition Le Mythe Cléopâtre. Un album spécialement édité pour l’exposition reprend les plus belles œuvres présentées ainsi que l’intégralité des textes de l’exposition. 10/03/14 10:31:41