
PHILOSOPHIE 
Conférence du 13 mars 2009 – professeur : M. A. GLEDEL 
MACHIAVEL : Le prince 
 
 
I   "Il reste maintenant à voir quels doivent être les manières et les comportements d'un 
prince avec ses sujets et avec ses amis. Et comme je sais que beaucoup ont écrit là-dessus, 
je crains, en écrivant à mon tour, d'être regardé comme présomptueux, d'autant plus qu'en 
discutant de ce point, je divergerai des conclusions des autres. Mais puisque mon intention 
est d'écrire quelque chose d'utile pour qui l'entend, il m'a semblé plus approprié de 
considérer la vérité effective de la chose plutôt que l'imagination qu'on s'en fait. Beaucoup 
se sont imaginés des républiques et des principautés que jamais on n'a véritablement ni 
vues ni connues, car il y a un tel écart entre la façon dont on vit et celle dont on devrait 
vivre, que celui qui délaisse ce qui se fait pour ce qui devrait se faire apprend plutôt à se 
perdre qu'à se sauver. En effet l'homme qui en toutes choses veut faire profession de bonté 
se ruine inéluctablement parmi tant d'hommes qui n'ont aucune bonté." 
 
II  "Je dis que tout Prince doit grandement souhaiter d'être estimé pitoyable et non pas 
cruel; néanmoins il doit bien prendre garde de n'appliquer mal cette miséricorde. César 
Borgia fut estimé cruel : toutefois sa cruauté a réformé toute la Romagne, l'a unie et 
réduite à la paix et fidélité. Ce que bien considéré, il se trouvera avoir été beaucoup plus 
pitoyable que le peuple florentin qui, pour éviter le nom de cruauté laissa détruire Pistoïa. 
Le Prince, donc, ne se doit point soucier d'avoir le mauvais renom de cruauté pour tenir 
tous ses sujets en union et obéissance; car, faisant bien peu d'exemples, il sera plus 
pitoyable que ceux qui, par être trop miséricordieux, laissent se poursuivre les désordres, 
desquels naissent meurtres et rapines; car ceci nuit ordinairement à la généralité mais les 
exécutions qui viennent du Prince ne nuisent qu'à un particulier. (…) Toutefois, il ne doit 
pas croire ni agir à la légère, ni se donner peur soi-même, mais procéder d'une manière 
modérée, avec sagesse et humanité, de peur que trop de confiance ne le fasse imprudent et 
trop de défiance ne le rende insupportable."  
 
III   "Comme le Prince est donc contraint de savoir bien user de la bête, il doit entre 
toutes choisir le renard et le lion; le lion en effet ne se défend pas des pièges, le renard ne 
se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour connaître les pièges et lion pour 
effrayer les loups. Ceux qui se fondent uniquement sur le lion n'y entendent rien. C'est 
pourquoi un seigneur prudent ne doit pas tenir sa parole lorsque la promesse qu'il a faite 
tourne à son désavantage et qu'ont disparues les raisons qui lui avaient fait promettre. Si 
les hommes étaient tous bons, ce précepte ne serait pas bon, mais comme ils sont méchants 
et qu'ils ne tiendraient pas la parole qu'ils t'ont donnée, toi non plus tu n'as pas à tenir celle 
que tu leur a donnée. D'ailleurs, les raisons de justifier le manquement à la parole donnée 
n'ont jamais fait défaut aux princes. On pourrait en donner une infinité d'exemples 
modernes et montrer combien de traités de paix, combien de promesses ont été rendus nuls 
et non avenus à cause du manque de parole des princes : et c'est celui qui a su le mieux 
user du renard qui a triomphé. Mais cette nature, il est nécessaire de bien la maquiller, et 
d'être grand simulateur et dissimulateur; et les hommes sont si naïfs, et ils obéissent tant 
aux nécessités présentes que celui qui trompe trouvera toujours quelqu'un qui se laissera 
tromper."