Conservation préventive et restauration des collections de l’Université Le Musée d’ethnographie de l’Université Bordeaux Segalen détient environ cinq mille objets dont la prise en charge, lors de la rénovation des locaux, fut globale. Rassemblés dans les bâtiments du 24 rue Broca, ils furent regroupés par types, lieux de provenance et collecteurs afin d’en faciliter l’identification progressive. Une série de catalogues scientifiques fut établie et un inventaire complet lancé, assurant la base d’un travail appelé « chantier des collections » dont l’organisation et la réalisation ont fait du MEB un lieu d’expérimentation et une institution pilote en la matière. Différents collaborateurs et prestataires y ont participé selon des modalités qui furent toujours conçues au plus près des contraintes budgétaires et des besoins spécifiques de la collection tout en accentuant la vocation pédagogique de l’institution. Une préfiguration générale, réalisée en 2006, permit { l’Université de négocier une subvention spécifique (116 000€) au titre du Contrat d’établissement 2007-2010. Ce lourd travail préparait l’organisation, parallèlement { l’aménagement des nouveaux locaux, du « chantier des collections ». Le « chantier des collections » du MEB a été conçu comme un ensemble de tâches techniques successives dont les étapes furent confiées à des prestataires spécialistes que le personnel du musée accompagna dans leurs missions spécifiques. La préoccupation initiale du musée était de coupler au déménagement des collections les opérations permettant, dans le futur, des conditions de conservation optimales pour des collections fragilisées par le temps et une histoire parfois chaotique. Des prestataires spécialistes en conservation préventive furent recrutés sur appel d’offre pour piloter et réaliser le chantier avec notre équipe. Concertation et constat d’état de la 1 collection établirent des spécificités de l’opération ainsi que ses contraintes et ses besoins précis. En septembre 2009 commençaient les ateliers de travail : chaque objet fut dépoussiéré, consolidé si besoin, conditionné dans un emballage adapté { une conservation durable. L’ensemble fut colisé, le conditionnement et les listings établis devant permettre une réinstallation économique en temps et en moyens dans les nouveaux locaux. Les collections ainsi préparées furent transportées en trois lots vers les nouveaux bâtiments, où elles subirent une décontamination avant de gagner les réserves où espaces et mobilier appropriés à leur conservation ont été préparés. L’ensemble de ces actions s’inscrit dans notre programme de conservation préventive. Ce dernier vise, au moyen d’une prévention attentive aux spécificités de chaque objet, sa préservation de dégradations supplémentaires. Il englobe le contrôle du climat et un aménagement adapté des réserves où le redéploiement des collections est en cours. La collection des maquettes de jonques a bénéficié d’une prise en charge spéciale du fait de son intérêt particulier, mais aussi d’un état général préoccupant. Il a alors semblé opportun de coupler une exposition de ces jonques à un programme de conservation/restauration plus abouti. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a financé l’essentiel du projet (28 000 €), permettant d’associer diffusion de la culture scientifique, valorisation du patrimoine universitaire et soins des collections. Dans ce cadre, des mesures de conservation curative et des restaurations partielles ont pu compléter les soins de conservation préventive initialement projetés. La grande vitrine de cette salle présente les différents aspects d’interventions qui modifient davantage l’aspect, mais aussi parfois la structure même des objets. Dans le cas de nos maquettes, A. Gailhbaud, une restauratrice spécialiste des techniques mixtes, a été recrutée par l’Université. Une première campagne (constat d’état, documentation scientifique et mesures conservatoires) a précédé le conditionnement et le transport des maquettes. Ici, les mesures de conservation préventive ont été complétées par de la conservation curative (traitement des corrosions, fixation des pigments, consolidation des 2 voiles…). La seconde campagne visait { restituer aux maquettes, via des opérations de restauration, une part de leur éclat et une forme de lisibilité permettant de comprendre ce que leur réalisation donnait initialement à voir (aménagements internes et disposition des éléments mobiles, montage des gréements…). Dans certains cas, des lacunes ont été comblées, comme le montrera aux visiteurs intéressés la consultation du rapport scientifique. Ce document précise, pour chaque maquette, les choix techniques, le lieu et l’étendue des interventions de la restauratrice. Ce volet du travail a permis d’intégrer pour un mois { notre équipe E. Masse, stagiaire en restauration à l’Institut National du Patrimoine (Paris). Historique Conservées dans les bâtiments de la rue Broca durant plus d’une décennie, les collections du MEB étaient exposées à de brutaux changements de température et d’humidité. En outre, elles ne disposaient pas d’un espace de rangement suffisant. A l’occasion du chantier de rénovation du musée, le déplacement des collections dans des réserves spécialement aménagées a donc été préparé et pris en charge par le MEB assisté d’une équipe de restaurateurs diplômés en conservation préventive : Marie-Josèphe Arrestays, Pascale Girard, Alain Renard, Cédric Lelièvre, Raphaëlle Ternois. A cette occasion, les membres du service (Gaëlle Cartault, Anaïs Rouyer et Solenn Nieto) ont été sensibilisées et formées à la manipulation, au rangement des collections et à leur conservation. Le chantier a été rendu possible par un long travail d’inventaire préalablement réalisé par Olivier Thomas assisté de Bérengère Sansamat. Un travail d’analyse globale des besoins avait par ailleurs été réalisé en 2006 par Marie-Dominique Parchas (stagiaire MST Paris1). Il avait débouché sur une évaluation financière { partir de laquelle l’Université négocia les crédits nécessaires auprès du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Riecherche. 3 Un constat d’état a d’abord été réalisé pour chacune des pièces. Cette première étape a permis de classer l’ensemble des objets en fonction du type de matériaux (métaux, céramiques, bois et matériaux composites…) tout en déterminant leur quantité, leur volume et les modalités d’intervention (urgence, étendue, moyens techniques). Cette approche générale a permis de distinguer dans l’ensemble ceux qui, plus fragiles ou plus dégradés, ont nécessité une prise en charge particulière. Enfin, cette étape du chantier a défini les besoins quant au conditionnement et au stockage des collections dans les nouvelles réserves. 4 Le dépoussiérage L’atelier des restaurateurs était composé de deux pôles d’activité : le dépoussiérage des objets d’abord, leur conditionnement ensuite en vue du transfert vers les nouvelles réserves. Lors du constat d’état, les objets avaient été classés selon leur niveau d’empoussièrement et leurs matériaux. La technique et les outils employés ont été déterminés à partir de cette typologie. Ainsi, l’équipe avait { sa disposition des aspirateurs à intensité variable munis de petites brosses, des mini- compresseurs, des pinceaux, des chiffons adaptés... Les techniques de dépoussiérage adoptées sont très douces. Elles ont permis de débarrasser les objets des microparticules (suies, sels et autres poussières issus de la pollution, spores et autres micro organismes…) néfastes { l’intégrité des surfaces, et plus généralement, de matériaux fragilisés par le temps. Minutie et dextérité étaient de mise. Pour les textiles, le dépoussiérage a souvent été accompagné du travail plus délicat d’élimination des cocons de mites { la pince { épiler. Le dépoussiérage était une étape indispensable du chantier car il est la condition d’une bonne conservation des objets. 5 6 Le conditionnement et le stockage Le conditionnement fait suite au dépoussiérage. Il permet le déménagement et le stockage ultérieur des collections en toute sécurité. Les matériaux d’emballage utilisés répondent aux normes de la conservation préventive (neutralité et pérennité de leurs composants). Il en existe différents types, choisis en fonction de la fragilité, de la dimension et des matériaux constitutifs des objets. Ces mêmes critères ont également conditionné différentes options de conditionnement (plateaux, cartons, boites…) Les pièces de petite taille (bijoux, pièces de monnaie, ustensiles, chaussons…), ont ainsi été rangées dans des plateaux { compartiments conçus pour être installés en l’état dans les tiroirs des nouvelles réserves. Les pièces plus importantes, quant { elles, ont sollicité l’ingéniosité de l’équipe qui a dû adapter, pour chacune d’entre elles, des conditionnements intermédiaires assurant ergonomie et sécurité. Enfin, les objets hors gabarit ou atypiques ont bénéficié de « tamponnages » (conditionnements sur mesure) conçus et réalisés au cas par cas. Les textiles ont été traités à part : les anciens rembourrages de papier de soie tachés, usés, voire de papiers journaux d’époque, ont été remplacés par de la ouate de pour éviter les déformations. Dans l’attente du déménagement, des salles avaient été réservées au marquage et au stockage des colis. L’étape du colisage a permis, via un relevé précis du contenu de chaque colis (fichiers informatiques) et un étiquetage individuel (indications pour la manutention, numéro de colis, pastilles de couleurs), la traçabilité des colis et des collections ainsi que leur destination pour les traitements ultérieur (anoxie, stockage intermédiaire, réserves de destination). 7 Traitement par anoxie Les objets ethnographiques constitués de matières organiques comme le bois ou le textile ont fait l’objet d’un traitement particulier en vue de leur conservation. En effet, ils pouvaient avoir été contaminés par des insectes xylophages (vrillettes par exemple) et keratophages (mites) qu’il fallait éliminer pour éviter la propagation de ces parasites et la détérioration des objets dans les nouvelles réserves. Différentes méthodes de désinsectisation existent, telles que la fumigation chimique et le traitement par le froid. Le traitement non chimique par anoxie dynamique est, de toutes les techniques, la moins dangereuse pour les collections. Il consiste à placer les collections dans un milieu hermétiquement clos (bulle plastifiée) dans lequel on abaisse le taux d’oxygène tout en insufflant de l’azote (gaz toxique { forte dose). Pour cette délicate opération de décontamination, le MEB a fait appel au restaurateur Alain Renard. Après avoir installé une protection de sol et un tapis de plastique, il a monté un rayonnage conçu sur mesure afin de reçevoir les collections. L’ensemble fut enveloppé d’un film plastique étanche thermosoudé. La température y a été maintenue au dessus de 22° centigrades, ce qui a provoqué la sortie des éventuels insectes en surface. La bulle était reliée { un générateur d’azote qui a peu { peu remplacé l’oxygène (photo 5.1) et provoqué l’asphyxie des organismes vivants. Du fait de la quantité d’objets { traiter, ceux-ci ont été répartis en trois lots d’environ quatre mètres cube. Chacun de ces lots a subit un traitement par anoxie d’environ quatre semaines, { l’issue duquel insectes et larves devaient être éradiqués. Tout au long du traitement, Alain Renard a suivi le bon déroulement du processus à distance, grâce à des capteurs paramétriques de contrôle. Les collections ainsi assainies sont actuellement en cours de redéploiement dans les nouvelles réserves du musée. Elles y bénéficient des normes de conservation préventive préconisées par la Direction des Musées de France. 8 En cas d’acquisition d’un nouvel objet ethnographique de petit volume, le MEB dispose d’un dispositif de traitement par le froid. Les objets métalliques et les céramiques de la collection ne nécessitaient pas une désinfection spécifique du fait de leur propriétés inorganiques. Ils ne sont donc pas passés en anoxie, mais ils doivent, en revanche, bénéficier { terme d’une salle de réserve au climat plus sec afin que l’humidité de l’air ne favorise pas d’autres types de dégradation (oxydations et gonflement des sels hygroscopiques, par exemple) 9 Les nouvelles réserves Après l’anoxie, l’équipe du MEB a amorcé le redéploiement des collections. Il s’agit d’organiser et de ranger de façon cohérente et raisonnée les objets ethnographiques dans chacune des réserves qui leurs sont destinées, selon plusieurs étapes : - Une phase de manutention qui consiste à déplacer et à répartir les colis numérotés et répertoriés vers leurs salles de réserves respectives, lesquelles correspondent à différentes aires géographiques ou à une typologie particulière : réserves des métaux et céramiques ; réserve des collections asiatiques ; réserves des collections ethnomusicologiques et des objets africains, américains et océaniens ; réserve des textiles, des collections arctiques, et pièces maritimes (photo 6.2) ; - une réflexion autour de l’emplacement de chaque objets au sein de la réserve selon sa taille, son poids, sa fragilité et, si possible, sa collection d’origine. Pour certains objets, il a été nécessaire de fabriquer des supports de rangement garantissant leur stabilité à long terme (photos 6.3 et 6.4) ; - le nouvel emplacement de chaque objet est intégré au fur et à mesure dans la base de données à partir de laquelle sont éditées les documents (notice d’œuvre, inventaires, livrets de traçabilité…) de le localiser avec précision ; - dans un même temps, l’équipe du MEB gère la conservation préventive (comme le nettoyage des réserves, le contrôle des armoires climatiques et la surveillance sanitaire des objets). Elle prépare également les synthèses méthodologiques qui rendront compte des choix techniques et classificatoires retenus pour le redéploiement. 10 A ce jour, les réserves sont encore en phase de redéploiement, mais les quelques 5.500 objets de nos collections ne sauraient tarder à trouver leur place définitive. i Crédits photos, MEB, 2010. 11