ANTICORPS THÉMATIQUEANTI-HBC À TAPER Les anticorps anti-HBC seuls chez les patients atteints d’hépatite virale C chronique au Maroc Mouna Lahsounea,*, Ouafaa El Maataouia, Rhimou Alaouib, Ouafaa Badreb, Malika Zahraouia, Hassan Fellaha, Souad Sekkata, Abdellatif Cherkaouib, Abdellah Benslimanea RÉSUMÉ SUMMARY La détection des Ac anti-HBc comme les seuls marqueurs d’une infection virale B au cours d’une hépatite virale C (HVC) chronique n’est pas rare mais leur signification reste controversée. Antibodies anti-HBC alone in patients with chronic hepatitis C in Morocco Patients et méthodes. Étude prospective effectuée au laboratoire d’immunologie de la faculté de médecine de Casablanca. La population d’étude comprend un groupe de patients suivis pour une hépatite C chronique et un groupe témoin ayant une sérologie VHC négative. Les deux groupes ont bénéficié d’une sérologie virale par un test ELISA 3 e génération pour la recherche des anticorps antiVHC, anti-VIH et les marqueurs sérologiques de l’hépatite virale B. La recherche de l’ARN viral par RT-PCR a été effectuée sur les sérums positifs en sérologie VHC. Résultats. L’étude a concerné 115 patients et 55 témoins. Parmi les 84 patients ARN-VHC positifs, 63 % ont un marqueur d’une infection virale B versus 49 % dans le groupe témoin. Leur profil est compatible avec une infection non guérie dans 39,28 % versus 20 % des témoins (p = 0,008) et une infection guérie dans 23,8 % versus 29 % des témoins. La différence entre les fréquences des anticorps anti-HBc chez les patients VHC positifs et les témoins (62 % contre 41 %) est encore plus significative lorsqu’on ne considère que les patients ayant des marqueurs d’infection VHB (p = 0.001). Un profil de vaccination ou aucun marqueur sérologique VHB sont retrouvés chez 37 % des patients versus 51 % des témoins. Conclusion. La recherche des anti-HBc au cours de l’infection chronique VHC doit être systématique et des techniques PCR ultra sensibles devraient permettre la confirmation d’une hépatite occulte B afin de limiter le risque de transmission et l’évolution péjorative. Co-infections VHB-VHC – anticorps anti HBc – infection occulte. 1. Introduction Les virus de l’hépatite B (VHB) et de l’hépatite C (VHC) sont responsables d’une proportion élevée d’hépatites Laboratoire d’immunologie Service de gastro-entérologie-hépatologie Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd Faculté de médecine et de pharmacie 19, rue Tarik Ibn Zyad Casablanca The detection of antibodies « anti HBc » as the only markers of B virus infection in chronic hepatitis C is not rare but their signification remains controversial. Patients and methods. Prospective study conducted at the laboratory of Immunology, Faculty of Medicine of Casablanca. The study population comprises a group of patients followed for chronic hepatitis C and a control group with a negative HCV serology. Both groups have benefited from a viral serology by a 3rd generation ELISA for the detection of antibodies anti-HCV, antibodies antiHIV, and serological markers of viral hepatitis B. The search for viral RNA by RT-PCR was performed on serum positive HCV serology. Results. The study involved 115 patients and 55 controls. Among the 84 patients HCV-RNA positive, 63% have a marker of a viral infection B versus 49% in the control group. Their profile is compatible with an infection not cured in 39.28% versus 20% of controls (p = 0.008) and infection healed in 23.8% versus 29% of controls. The difference between the frequencies of anti-HBc in HCV positive patients and controls (62% against 41%) is even more significant when one considers only patients with markers of HBV infection (p = 0.001). A profile of vaccination or no HBV serological markers were found in 37% of patients versus 51 of controls. Conclusion. The search for antibodies anti-HBc during chronic HCV infection should be systematic and ultra sensitive PCR techniques should allow the confirmation of an occult hepatitis B to reduce the risk of transmission and evolution pejorative evolution. a b * Correspondance [email protected] article reçu le 20 janvier, accepté le 27 juin 2009. © 2009 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. Coinfection B-C – antibodies anti HBC - occult infection aiguës et chroniques partout dans le monde. Les deux virus ont les mêmes facteurs de risque et modes de transmission et par conséquent la co-infection B et C est fréquente. La détection des anti-HBc comme les seuls marqueurs d’une infection virale B au cours d’une hépatite C chronique n’est pas rare mais leur signification reste controversée. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2009 - SUPPLÉMENT AU N°416 // 11 L’objectif de cette étude est de déterminer la prévalence des anti-HBc seuls au cours de l’infection virale C chronique et de discuter de leur intérêt éventuel. 2. Patients Il s’agit d’une étude prospective effectuée au laboratoire d’immunologie de la faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca au Maroc. La population d’étude comprend deux groupes : le premier groupe dit groupe « cas » composé de patients suivis pour une hépatite C chronique. Les patients ont été recrutés dans les services de gastro-entérologie de l’hôpital régional Moulay Youssef et du Centre hospitalo-universitaire Ibn Rochd à Casablanca. Le deuxième groupe dit groupe « témoins » est constitué de 55 donneurs volontaires, ayant une sérologie VHC négative, choisis en fonction de l’âge et du sexe, de manière à obtenir le meilleur appariement possible avec les patients. Tous les patients et les témoins positifs en antigène HBs ou en anticorps anti-HIV, ainsi que ceux ayant des antécédents de maladies hépatiques médicamenteuses ou alcooliques ont été exclus de ce travail. Pour tous les patients, une fiche de renseignements comportant les données suivantes est remplie : âge, sexe, origine ethnique, facteurs de risques, antécédents pathologiques, bilans sérologiques, biochimiques et histopathologiques et le traitement anti VHC. 3. Méthodes 3.1. Étude des statuts sérologiques VHC et VHB Les deux groupes d’étude, patients et témoins, ont bénéficié d’une sérologie virale par un test ELISA de troisième génération pour la recherche des anticorps anti-VHC, anti-VIH et les marqueurs sérologiques de l’hépatite virale B (antigène HBs, anticorps anti-HBc). Témoins (VHC -) N = 55 19 à 79 56 ans 32 83 27 à 85 53 ans 16 39 Âges extrêmes (ans) Moyennes d’âges Hommes Femmes 3.2. Recherche du génome viral VHC La recherche de l’ARN viral par RT-PCR a été effectuée sur les sérums positifs en sérologie VHC par une technique semi-automatisée utilisant l’analyseur Cobas Amplicor (Roche Diagnostics, France). 3.3. Recherche du génome viral VHB La recherche de l’ADN viral du VHB n’a pu être réalisée dans cette étude pour des raisons techniques et matérielles. 3.4. Analyse statistique Le test ij2 a été utilisé pour analyser le degré de signification statistique entre les fréquences des marqueurs de l’infection par les virus des hépatites B et C chez les patients et les témoins. Le seuil de risque choisi est de 5 % et de ce fait la différence entre deux résultats est considérée significative si la valeur P est inférieure à 0,05. Le coefficient ij est toujours positif ou nul et il est d’autant plus grand que la liaison entre les deux variables considérées est forte. 4. Résultats L’étude a concerné 115 patients VHC positifs (83 femmes et 32 hommes) dont l’âge moyen est de 56 ans et 55 témoins VHC négatifs (39 femmes et 16 hommes) dont l’âge moyen est de 53 ans (tableau I). La recherche d’une virémie VHC par RT-PCR a été réalisée pour 111 patients parmi les 115 recrutés et 84 patients se sont révélés virémiques. L’analyse de la répartition des différents marqueurs VHB en fonction de la détection ou non de l’ARN viral montre que la fréquence des anticorps anti-HBc associés aux anticorps anti-HBs est plus élevée Tableau I – Répartition des groupes patients et témoins. Patients (VHC +) N = 115 Par ailleurs, les sujets positifs en anticorps anti-HBc isolés ont bénéficié de la recherche des anticorps anti-HBs. La détection de l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (Ag HBs) a été réalisée par la trousse Hepanostika® HbsAg Uni-Form II (Organon-Teknika, Allemagne). Pour la recherche des anticorps anti-HBc totaux, on a utilisé la trousse Welltech (Welltech, Maroc). La recherche des anticorps anti-HBs a été réalisée par une trousse Murex (Murex, Grande-Bretagne). Les anticorps anti-VHC (Ac-VHC) ont été mis en évidence par la trousse Bio-Rad (Bio-Rad Sanofi Diagnostics Pasteur, France). La détection des anticorps anti-HIV1et 2 a été réalisée par la trousse Vironostika® Ac. HIV Uni-Form II (OrganonTeknika, Allemagne). Tableau II – Répartition des marqueurs VHB et virémie VHC. ARN VHC Positif N (%) Marqueurs VHB 12 Négatif N (%) Non Fait N Ac anti-HBc isolé 33 (39,28) 09 (33,33) 00 Ac anti-HBc + Ac anti-HBs 20 (23,80) 04 (14,81) 00 Ac anti-HBs isolé 03 (3,57) 02 (7,40) 01 Aucun marqueur 28 (33,33) 12 (44,44) 03 Total 84 (100) 27 (100) 04 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2009 - SUPPLÉMENT AU N°416 ANTICORPS ANTI-HBC chez les patients ARN positifs (23,80 % contre 14,81 % chez les négatifs (tableau II). Parmi les 84 patients ARN-VHC positifs 63 % (53/84) ont un marqueur d’une infection VHB. Leurs profils sont compatibles avec une infection guérie (Ac anti HBc + Ac anti-HBs) dans 37,7 % (20/53) et non guérie (Ac anti-HBc isolés) dans 62,3 % (33/53). Parmi le reste de ces patients, 37 % avaient un profil de vaccination (anti-HBs isolés) ou aucun marqueur sérologique VHB (tableau III). Parmi le groupe témoin, 49 % ont un marqueur d’une infection VHB. Leur profil est compatible avec une infection guérie (Ac anti-HBc + Ac anti-HBs) dans 59 % (16/27) et une infection VHB non guérie (Ac anti-HBc isolés) dans 40 % (11/27), un profil vaccinal et aucun marqueur du VHB sont retrouvés dans 51 % des cas (tableau III). La différence entre les fréquences des anti-HBc chez les patients VHC positifs et les témoins (62 % contre 41 %) est encore plus significative lorsqu’on ne considère que les patients ayant des marqueurs d’infection VHB (p = 0,001) (tableau IV). Parmi les sujets ayant un marqueur d’infection VHB, la comparaison des prévalences des anticorps anti-HBs montre une fréquence significativement plus importante des profils de guérison chez les témoins (59 % versus 37 %). Ces résultats montrent que l’infection VHC est associée à une faible fréquence des anti-HBs chez les patients (tableau IV). 5. Discussion Le virus de l’hépatite C (VHC) et le virus de l’hépatite B (VHB) sont deux virus hépatotropes responsables d’un taux élevé de mortalité principalement dans les pays d’endémie [1]. L’évolution de l’hépatite virale aiguë B et C se fait vers une résolution spontanée dans une grande majorité de cas, mais deux types de complications peuvent survenir, en faisant toute la gravité. D’une part, l’évolution vers une forme fulminante d’hépatite (moins de 1 % des cas symptomatiques), d’autre part, l’incapacité du système immunitaire à se débarrasser du virus, entraînant alors pour les patients un passage à la chronicité avec le risque d’évolution vers une cirrhose et une dégénérescence en carcinome hépatocellulaire [2]. Les voies de transmission parentérale, sexuelle et périnatale sont communes aux deux virus [3, 4]. On estime à près de 170 millions, le nombre d’individus infectés par le VHC dans le monde, soit 2,2 % de la population du globe [3]. La prévalence de séropositivité par le VHC aux États-Unis est de 1,8 % dans la population générale ; en Europe il existe un gradient nord-sud allant de 0,5% dans les pays du nord, à près de 3 % dans les pays du pourtour méditerranéen [3]. Au Maroc, l’étude du laboratoire d’immunologie de la faculté de médecine de Casablanca a démontré que la séroprévalence des anticorps anti-VHC au sein de la population générale varie entre 0,5 % chez une population de militaires et 1,1 % chez les donneurs de sang et les femmes enceintes. Des séroprévalences plus élevées ont été retrouvées au sein de certains groupes à risque [4]. La co-infection B et C est fréquente surtout dans les pays de forte endémicité. Plusieurs études ont démontré une Tableau III – Répartition des marqueurs VHB et virémie VHC. Marqueurs VHB Patients VHC + Témoins VHC - ij² p AC anti-HBc isolés 33 (39 %) 11 (20 %) 7,02 0,008 Ac anti-HBc + Ac anti-HBs 20 (23 %) 16 (29 %) 1,71 0,191 Ac anti-HBs isolés + aucun marqueur VHB 31 (37 %) 28 (51 %) 1,63 0,202 Tableau IV – Comparaison des marqueurs VHB entre patients et témoins. Patients N (%) Témoins N (%) P Ac anti-HBc isolé 33 (63) 11 (41) 0,001 Ac anti-HBc + Ac anti-HBs 20 (37) 16 (59) Total 53 (100) 27 (100) Marqueurs VHB prévalence élevée des marqueurs VHB chez les sujets atteints d’hépatite virale C [5, 6]. Notre série retrouve des marqueurs sérologiques du VHB (les anticorps anti-HBc et anti-HBs) chez 63 % des sujets atteints d’une hépatite virale C chronique versus 49 % chez les témoins. Les anticorps anti-antigène core (anti HBc) sont les marqueurs les plus importants de l’infection par le VHB ; ils sont présents dès le stade aigu de l’infection et persistent en cas de rémission ou de passage à la chronicité. La détection des anti-HBc seuls au cours d’une infection virale chronique C n’est pas rare, leur prévalence est estimée entre 20 et 50 % [7-9], ce qui concorde avec les résultats retrouvés dans notre série. Cependant, la signification des anti-HBc seuls au cours de l’infection virale C chronique est controversée. Elle peut reéter des cas de faux positifs, toutefois dans notre étude la confirmation de la positivité des anti-HBc a été réalisée par une seconde détection. D’autre part, les anti-HBc seuls peuvent se rencontrer lors de la fenêtre sérologique entre la disparition de l’antigène HBs et l’apparition des anticorps antiHBs. Enfin, cette situation peut représenter une infection occulte B qui est définie par la présence dans le sang ou dans le foie de l’ADN du VHB en l’absence de l’antigène HBs circulant. Elle est séropositive dans 20 des cas (antiHBc) et les concentrations de l’ADN circulant sont faibles (< 10 000 copies mL). L’infection virale B occulte est fréquemment identifiée chez les patients atteints d’hépatite virale chronique C. En effet, 30 % des patients ayant une hépatite chronique C active sont porteurs occultes du virus B contre 14 % des patients ayant une maladie hépatique chronique non liée au virus C [1]. L’absence de détection des marqueurs du VHB dans l’infection occulte est due à des réarrangements génomiques et à une forte suppression de la réplication virale [10, 11]. Le portage occulte B pourrait agir comme un co-facteur de progression de la fibrose et du carcinome hépatocellulaire et comme un co-facteur de moindre réponse au traitement antiviral [1, 12-15]. Par ailleurs, l’hépatite occulte B séropositive avec surtout les anticorps anti-HBc seuls positifs expose au risque de transmission du VHB par la voie sanguine et lors de greffes hépatiques [12]. L’analyse des résultats de notre étude a montré une forte circulation du VHB chez les patients atteints d’une hépatite C REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2009 - SUPPLÉMENT AU N°416 // 13 active. En effet, une prévalence des anticorps anti-HBc isolés est retrouvée chez 39 % des patients VHC contre 20 % des témoins (P = 0,008), ce qui concorde avec les données de la littérature [5]. Par ailleurs, dans notre série, la prévalence des anticorps anti-HBs est significativement plus basse chez les patients VHC positifs par rapport aux témoins (37 % versus 59 %). Ceci peut être expliqué de deux manières : soit que l’infection VHB chez les patients VHC positifs est très ancienne et de ce fait, seuls les anticorps anti-HBc qui persistent très longtemps dans le sérum sont présents, alors que les anticorps anti-HBs ne sont plus détectables. Ou bien, comme rapporté par d’autres travaux, les protéines virales du VHC ont un effet négatif sur la synthèse de l’antigène HBs et par conséquent la réponse anti-HBs, chez ces patients est très faible [5]. Bien que le diagnostic d’une infection occulte VHB ne peut être confirmé que par la recherche de l’ADN viral dans la biopsie hépatique, ceci n’exclut pas une forte prévalence de cas de co-infection chez ces patients, d’autant plus que l’ADN viral VHB est retrouvé chez environ 30 % des individus 14 anti-HBc positifs [16, 17]. Au Maroc, il a été démontré que l’ADN du VHB était présent chez 44,5 % de sujets HBc positifs co-infectés par le VHC [4]. Cependant, une variation de la prévalence de l’infection occulte B peut être reliée aux différences de prévalence de l’infection virale dans les différentes populations, aux différences des techniques de PCR ou à des biais de sélection [6, 15, 18]. Des mutations pré-S du génome du VHB peuvent entraîner des profils Ag HBS négatif et l’ADN VHB est détectable [19]. Ces mutants pré S ne peuvent être exclus dans notre étude car leur recherche n’a pas été effectuée. 6. Conclusion La découverte des anticorps anti-HBc au cours d’une hépatite virale chronique C doit inciter à la recherche de l’ADN du VHB par RT-PCR afin de confirmer une hépatite occulte et ainsi limiter le risque de transmission et l’évolution péjorative. Conflit d’intérêt : aucun. Références carriers seropositive for antibody to hepatitis B surface antigen. J Virol 1994;68(4):2671-6. 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