Images en Dermatologie • Vol. VI • n° 1 • janvier-février 2013
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Figure 3. Exemple de
“fi sh spa”
(Parga, Grèce) avec bassin individuel
pour chaque client.
Culture et peau
au cours du séjour. La plupart des patients mentionnait ne
prendre aucun traitement concomitant pour le psoriasis, sans
plus de précision. Trente-cinq patients, déjà venus auparavant,
mentionnaient également une plus longue période de rémis-
sion, en comparaison d’un traitement par corticostéroïdes.
Bien sûr, cette étude présente des limites méthodologiques
(étude non contrôlée, patients perdus de vue après la période
d’observation, pas de notion de la prise d’émollients ou d’autres
topiques,etc.). Deplus, plusieurs explications peuvent être
données à l’amélioration du PASI : meilleure pénétration des
ultraviolets (UV) après nettoyage des squames par
Garra rufa
;
exposition aux UV en altitude ; effet psychique bénéfi que du
fait de l’amélioration
de visu
des plaques pour le patient ; effet
“jacuzzi” relaxant (la source chaude vient du fond de la piscine) ;
effet relaxant massant lié aux poissons qui grignotent la peau ;
rôle du sélénium, qui pénétrerait dans le derme et exercerait
un effet antimitotique, etc. S.Özçelik et al. ont suggéré un
phénomène contraire de Koebner (clairance du psoriasis sur
les sites traumatisés par les poissons)
[2]
. Cependant, d’autres
auteurs turcs ont mentionné des cas de psoriasis sur les sites
de traitement par les poissons
(6)
.
Une autre étude, rétrospective et non contrôlée, réalisée
en Autriche, combinait des bains individuels de 2heures en
compagnie de
Garra rufa
, une exposition aux UVA dans une
cabine solaire commerciale durant3 à 5minutes(!), et l’appli-
cation d’émollients après la séance
(3)
. La durée de l’étude
était de 3semaines. Le PASI était réduit de 71 % avec 46 % de
patients obtenant un PASI75. De plus, les patients exprimaient
de la satisfaction à l’égard de ce traitement. Cependant, cette
étude souffre de biais importants (absence de groupe contrôle
UVA sans poisson ou de dosimétrie d’exposition aux UV). En
revanche, dans cette étude, l’eau de bain utilisée présentait des
concentrations basses de sélénium, ce qui s’oppose à l’effet
supposé par Özcelik et al.
(2)
.
Quels sont les risques liés àl’ichthyothérapie ?
Devant l’effl orescence de
“fi sh spas”
et autres centres esthé-
tiques ayant développé ce créneau, en Europe, en Asie ou en
Amérique du Nord, la question des risques, principalement
infectieux, a été soulevée par les autorités de santé.
Les risques encourus comprennent le risque de transmis-
sion d’anthropozoonoses via le poisson et les risques infec-
tieux liés à l’exposition aquatique, tels ceux encourus dans
les douches collectives, piscines et autres jacuzzis (mycose,
folliculite bactérienne, etc.). De plus, la question de la trans-
mission d’infections interhumaines a été également soulevée.
En pleine explosion de la pandémie du VIH, D.etJ.Warwick
soulevaient la question du risque de transmission du VIH ou
des hépatites via les poissons
(5)
. Récemment, le risque de
transmission de l’infection rétrovirale a été remis au goût du
jour par les autorités de santé britanniques
(7,8)
.
Cependant, à notre connaissance, aucune complication en rela-
tion avec
Garra rufa
n’a été rapportée à ce jour, que ce soit à
Kangal ou à partir d’un spa quelconque.
Actuellement, l’ichthyothérapie en tant que thérapie contre le
psoriasis n’est pratiquée qu’à Kangal. Dans les pays occiden-
taux, elle n’est proposée que dans un but de relaxation et/ ou de
pédicurie. En France, il n’est pas possible de faire des propriétés
thérapeutiques du
Garra rufa
un argument marketing pour les
patients ayant un psoriasis ou d’autres dermatoses chroniques.
En l’absence de législation claire, le protocole sanitaire établi
comprend le recueil des antécédents, notamment dermato-
logiques, un examen des pieds à la recherche d’une plaie ou
de lésions dermatologiques et une désinfection des pieds avant
la séance. La qualité de l’eau doit bien sûr être constamment
contrôlée, de même que l’état de santé des poissons. Enfi n,
il convient que les aquariums contenant les poissons soient
individualisés et d’éviter les bassins de groupe
(fi gure3)
.
II
Références bibliographiques
1.
Kazandjieva J, Grozdev I, Darlenski R, Tsankov N. Climatotherapy of
psoriasis. Clin Dermatol 2008;26:477-85.
2.
Özçelik S, Polat HH, Akyol M, Yalçin AN, Özçelik D, Marufi hah M. Kangal hot
spring with fi sh and psoriasis treatment. J Dermatol 2000;27:386-90.
3.
Grassberger M, Hoch W. Ichthyotherapy as alternative treatment for
patients with psoriasis: a pilot study. Evid Based Complement Alternat Med
2006;3:483-8.
4.
Undar L, Akpinar MA, Yanikoglu A. “Doctor fi sh” and psoriasis. Lancet 1990;
335:470-1.
5.
Warwick D, Warwick J. The doctor fi sh – a cure for psoriasis? Lancet 1989;
334:1093-4.
6.
Kürkçüo�glu N, Oz G. Psoriasis and the doctor fi sh. Lancet 1989;2:1394.
7.
http://www.dailymail.co.uk/health/article-2050342/Fish-pedicures-foot-
spas-spread-HIV-hepatitis-C.html, accédé le 12 novembre 2012.
8.
http://www.hpa.org.uk/webw/HPAweb&HPAwebStandard/HPAweb_C/
1317131044395, accédé le 12 novembre 2012.