La Lettre du Pharmacologue - vol. 20 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2006
Éditorial
Éditorial
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Neuroprotection
et maladie d’Alzheimer
Neuroprotection and Alzheimer’s disease
Il y a encore 15 ans, lorsque le clinicien faisait le dia-
gnostic de maladie d’Alzheimer, il n’avait aucune
solution thérapeutique à proposer au patient qu’il
avait en face de lui. La mise sur le marché des inhibiteurs
de l’acétylcholinestérase a été un progrès pour les patients
et leurs familles. Si certaines études longitudinales, comme
l’étude AD2000, ont permis de souligner le chemin qu’il
reste à parcourir pour aboutir à un traitement optimal des
patients, la communauté médicale s’accorde pour recon-
naître que cette mise sur le marché a non seulement permis
d’améliorer l’état cognitif des patients atteints de la mala-
die d’Alzheimer, mais aussi contribué à la structuration des
filières de soins et à la poursuite des efforts de recherche
dans le domaine. Cela a conduit à la mise sur le marché
de la mémantine, un antagoniste des récepteurs NMDA,
médicament ayant un autre mécanisme d’action que les
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. L’évaluation pré- ou
post-AMM des traitements symptomatiques, qu’il s’agisse
des inhiteurs de l’acétylcholinestérase ou de l’antagoniste
des récepteurs NMDA, a permis de mieux appréhender leur
application aux différents stades de la maladie d’Alzheimer,
mais aussi dans les autres formes de démence, conduisant
à l’individualisation d’une nouvelle classe : les stimulants
de la cognition. La mise en évidence de la complémentarité
pharmacologique des approches thérapeutiques permet de
proposer à un nombre important de malades atteints de
maladie d’Alzheimer une bithérapie dont la supériorité en
termes de gain thérapeutique a été montrée.
Compte tenu de cette évolution, certains pourraient être
tentés d’arrêter là les efforts de recherche. En effet, dans
beaucoup de pathologies, le traitement repose sur des
associations de traitements symptomatiques. Néanmoins,
pour beaucoup, la recherche de nouveaux traitements
apparaît nécessaire. Si cette nécessaire recherche n’est
pas spécifique à la maladie d’Alzheimer mais concerne de
nombreux champs pathologiques de la médecine, il n’en
demeure pas moins que le problème est particulièrement
aigu dans le cas de la maladie d’Alzheimer compte tenu du
contexte épidémiologique de cette affection. Il y a également
des raisons humaines, dans la mesure où cette affection
neurodégénérative touche l’homme dans les fonctions qui le
distinguent le plus du reste du règne animal : la mémoire, le
jugement, le langage… Les symptômes cognitifs retentissent
sur la vie du patient et de son entourage. À titre d’exemple,
la perte de la reconnaissance des visages familiers (la
prosopagnosie) constitue toujours un traumatisme majeur
pour l’entourage du patient et souvent, pour le patient lui-
même, l’un des tournants vers la perte d’autonomie.
Les progrès thérapeutiques dans la maladie d’Alzheimer
peuvent être attendus dans plusieurs directions : optimisation
et diversification des traitements symptomatiques ;
caractérisation et évaluation de stratégies préventives ;
recherche d’agents neuroprotecteurs.
La première piste pour mieux traiter les patients est
d’améliorer le traitement symptomatique. L’étude AD2000
(Courtney C et al., Lancet 2004;363:2105-15), évaluant l’effet
à long terme d’un des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase,
bien que méthodologiquement critiquable, a eu le mérite de
montrer que le traitement symptomatique de la maladie
d’Alzheimer doit être encore optimisé. La possibilité
d’utiliser une bithérapie est déjà un progrès important.
La poursuite des recherches sur la physiopathologie des
signes cognitifs et psycho-comportementaux de la maladie
d’Alzheimer offre des perspectives. De nouvelles pistes
pharmacologiques existent pour envisager la mise au point
de nouveaux stimulants de la cognition : noradrénaline,
GABA, récepteur GABA-B, neuropeptides (somatostatine,
leptine), neurostéroïdes... Les traitements actuels peuvent
aussi révéler des effets qui vont au-delà de ce qui avait été
montré lors de leur enregistrement. À titre d’exemple, la
galantamine a montré son efficacité sur les troubles psycho-
comportementaux, parallèlement à sa propriété reconnue
d’agoniste allostérique des récepteurs nicotiniques,
dont les interactions avec plusieurs fonctions cérébrales
(apprentissage, attention…) sont démontrées. L’optimisation
des traitements symptomatiques passe également par
celle de leur profil pK/pD, notamment par l’amélioration
de la galénique. Avec les formes retard, la diminution de
la concentration maximale au pic plasmatique contribue
à diminuer les effets indésirables du traitement. Mais
l’amélioration du profil pharmacocinétique peut également
contribuer à améliorer le profil pharmacodynamique