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La dernière ligne de ce tableau indique quand sont exploités ces deux types de raisonnement,
mais ne donne aucun renseignement sur qui doit les utiliser. A cet égard, nous suivons les
idées de Polya qui apporte une réponse non équivoque à cette interrogation
:
• les raisonnements plausibles sont l’apanage de tous, y compris des mathématiciens
« qui doivent deviner
- un théorème avant de le démontrer
- le principe général d’une démonstration avant de la détailler » ;
• les raisonnements démonstratifs devraient être pratiqués par tous, y compris les non-
mathématiciens, car chacun doit, même « s’il n’aura que rarement l’occasion de s’en
servir directement, acquérir un élément de comparaison qui puisse lui permettre de
juger les prétendues preuves de toutes sortes qui lui seront offertes dans le monde où
nous vivons actuellement ». Bien plus, partant des deux hypothèses (très plausibles)
selon lesquelles, premièrement, le sens de la précision et de la rigueur n’est pas
forcément inné chez tout individu mais doit faire l’objet d’un apprentissage régulier et
progressif, et, deuxièmement, ces deux qualités sont (quasi) incontournables pour
accomplir efficacement des activités intellectuelles dévolues à des diplômés du
supérieur, on peut en déduire toute l’importance des cours de mathématiques dans une
formation universitaire. De fait, d’une part, les raisonnements démonstratifs forment
mieux aux deux qualités mentionnées que leurs homologues plausibles, car il paraît
difficile (voire impossible) d’apprendre à devenir précis et rigoureux à l’aide de
raisonnements dont la conclusion n’est guère certaine ; d’autre part, les cours de
mathématiques sont assurément ceux qui font le plus (et le mieux) appel à des
raisonnements démonstratifs.
Notons encore que la démarche scientifique classique repose sur le principe de réfutabilité
dû à Popper ; elle est assez fréquemment illustrée par cet exemple emblématique : « on
suppose que tous les cygnes sont blancs ; dans ce cas, tous les cygnes observés doivent
être de couleur blanche ; si on observe un cygne qui n’est pas blanc (par exemple, qui est
noir), alors l’hypothèse de départ ne peut pas être retenue ». Un tel raisonnement est
démonstratif, puisqu’il peut être présenté par un syllogisme du type modus tollens, à
savoir :
G. Polya, op. cit., pp. X – XI.