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co-organisés par les membres des Croqueurs ou par le RSP, événements listés en Annexe 3. Enfin,
un retour a été organisé sous forme d’une réunion en février 2016, durant laquelle les résultats de
recherche ont été présentés devant seize participants et discutés avec eux. Pour étendre les
échanges au-delà des Croqueurs et s’adresser aux utilisateurs des semences, la réunion a été
organisée en partenariat avec le groupe thématique concerné par les semences potagères au sein du
RSP. Les discussions tenues lors de cette réunion de « feedback » ont permis en particulier
d’identifier de nouvelles perspectives de recherche.
Le présent chapitre prend la forme d’un récit guidé par la théorie de l’acteur-réseau (ANT), appelée
également « sociologie des associations » (Latour, 2005) ou « sociologie de la traduction » (Callon,
1986). Plutôt que de contraindre les cas d’étude à s’adapter aux catégories amenées par les cadres
théoriques des chercheurs en sciences sociales, l’ANT propose d’étudier les « associations » qui,
derrière les acteurs – ou plutôt autour d’eux –, permettent à ces derniers d’agir. Si l’individu est doté
de la capacité d’agir à travers son réseau d'associations, il est également responsable de la
construction de ce même réseau. Puisque ce réseau entourant l’individu a tendance à devenir
invisible une fois stabilisé, la théorie de l’acteur réseau propose de décrire les controverses de leur
déploiement à leur stabilisation et d’étudier les processus d’association qui sous tendent chaque
configuration socio-technique. Les associations sont envisagés comme des réseaux d’actants,
humains et non-humains, connectés et interagissant1.
Pour permettre l’émergence de nouvelles associations, l’ANT encourage les chercheurs en sciences
sociales à suivre les acteurs et les récits qu’ils peuvent tenir. Cela implique d’abandonner la
distinction établie entre Nature et Société2, une frontière notamment entretenue par la séparation
entre sciences naturelles et sciences sociales.
Le déploiement de la méthode proposée par l’ANT s’appuie sur les trois instructions ou prescriptions
suivantes (Latour, 2005) :
(i) Le chercheur en sciences sociales ne doit jamais adopter d’emblée une posture globalisante.
Plutôt que de se référer de manière floue à certaines forces globales, de contexte, à l’œuvre
1 Latour soutient que la sociologie telle qu’elle a été pratiquée par le passé, en appliquant ses théories aux sujets
étudiés, met à l’arrière plan les spécificités de chaque situation pour conformer les acteurs aux théories et
concepts (cf. « Changer de société, refaire de la sociologie », p. 234 dans la version anglaise). La recherche
sociologique aurait ainsi contribué à reproduire les associations stabilisées avant le développement des théories
sociales. Si cela a pu se révéler opportun tant que la sociologie se donnait pour mission d’accompagner les
mouvements de modernisation et d’émancipation, les défis auxquels l’humanité se trouve confrontée aujourd’hui
requièrent l’émergence et la formalisation de nouvelles associations.
2 Lélé et Norgaard (2005) placent l’agriculture à la frontière entre nature et société. Dans leur publication
concernant la pratique de l’interdisciplinarité, ils affirment que les postulats disciplinaires tenus à propos des
champs de compétences voisins constituent des modèles simplistes qu’il convient de complexifier. La théorie de
l’acteur réseau offre un point de vue novateur pour dépasser à la fois la fracture ontologique entre nature et
société et le partage disciplinaire entre sciences naturelles et sociales.