Journées scientifiques 24/25 mars 2015 URSI-France SONDER LA MATIÈRE PAR LES ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES, Capteurs à fibre optique pour la surveillance et l’observation du stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde ________________________________________________________________________________ S. Delepine-Lesoille, J. Bertrand, S. Buschaert, S. Leparmentier*, J. L. Auguste*, G. Humbert* Andra, 1-7 rue Jean Monnet,92298 Chatenay-Malabry, France * XLIM, UMR 7252 CNRS/ University of Limoges, 123 Avenue Albert Thomas, 87060 Limoges Mots clés (en français) : capteurs à fibre optiques, auscultation des ouvrages d’art Mots clés (en anglais) : optical fiber sensor, structural health monitoring L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est chargée de la gestion à long terme des déchets radioactifs produits en France. Elle assure la gestion de deux centres de stockage en exploitation acceptant des déchets de très faible à moyenne activité à vie courte, ainsi que celle d’un centre fermé en phase de surveillance. Les déchets à vie longue sont actuellement entreposés. Leur stockage définitif est envisagé en couche géologique profonde. Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) sera une installation nucléaire atypique, construite en souterrain et exploitée sur plus de 100 ans. L’observation et la surveillance de l’environnement et des ouvrages doivent répondre aux besoins de connaissances nécessaires à l’exploitation du stockage et à sa gestion réversible. Elles contribuent également aux analyses de sûreté en exploitation et après fermeture. Le système d’auscultation envisagé doit fournir une caractérisation Thermo-Hydro-Mécanique-Chimique-Radiologique (THMCR) des phénomènes autour des alvéoles de stockage de déchets radioactifs. Les contraintes à respecter sont sévères : durée de fonctionnement pluri-décennale sans accessibilité pour maintenance, discrétion (non-intrusivité), conditions d’environnement localement agressives (température jusqu’à 100°C, débits de dose de l’ordre du Gy/h et dégagements d’hydrogène). Pour y répondre, les systèmes de mesure sont sélectionnés sur les retours d’expérience disponibles en surveillance de certains tunnels, des enceintes de confinement de centrales nucléaires, digues et barrages. Ainsi, les extensomètres à corde vibrante et les sondes de température du type Pt100 seront utilisés pour réaliser des mesures ponctuelles de déformations et de température respectivement. En parallèle de ces technologies éprouvées, des systèmes novateurs sont envisagés (cf. figure 1). L’intérêt majeur des fibres optiques est de fournir une mesure répartie sur de grands linéaires, sans zone morte donc sans qu’il soit nécessaire d’anticiper la position exacte d’éventuels désordres. De telles caractérisations sont inaccessibles pour des systèmes composés de capteurs ponctuels, où les volumes des câbles de transmission sont rapidement incompatibles avec la spécification de « discrétion ». Figure 1. A gauche : Concept d’instrumentation du chemisage métallique d’une alvéole de stockage de déchets de haute activité à vie longue, par capteurs à fibre optique. A droite : Réalisation d’un démonstrateur au laboratoire souterrain de l’Andra Les systèmes de mesures réparties par fibres optiques sont fondés sur les mesures des rétrodiffusions Rayleigh et Brillouin (sensibles aux variations de température et aux déformations notamment) ou Raman (sensible à la température uniquement). Le spectre de rétrodiffusion Brillouin d’une fibre optique standard en silice se décale linéairement avec les 223 URSI-France Journées scientifiques 24/25 mars 2015 variations thermique et mécanique du milieu dans lequel les fibres sont placées [1]. Il est donc envisagé de réaliser des mesures de déformations par système Brillouin et de combiner des mesures de rétrodiffusion Raman pour caractériser et soustraire les variations thermiques. Avec des partenaires universitaires, académiques et industriels, l’Andra mène une qualification poussée de ces systèmes de mesure, incluant des vieillissements accélérés sous température, radiation et hydrogène, des évaluations métrologiques, des mises en œuvre sur ouvrages représentatifs (tel qu’illustré sur la figure 1, droite). Suivant les fibres optiques choisies (dopants et revêtements primaires) et les longueurs d’onde de travail des instruments de mesure (1064nm, 1.3µm ou 1.55µm), les mesures de température et déformation peuvent être largement perturbées. A titre d’exemple, dans une fibre optique standard exposée à de l’hydrogène pur, le spectre Brillouin se décale de 20 MHz (Figure 2), ce qui correspond à une erreur de mesure de température de 20°C. La mesure de température Raman dans une fibre irradiée (sous rayonnement gamma, à quelques MGy) peut quant à elle, présenter une erreur de plusieurs dizaines de degrés sur quelques dizaines de mètres de propagation [2]. Au contraire, dans les fibres optiques dont le cœur est en silice pure, la gaine optique est en silice dopée avec du fluor et la gaine mécanique est dotée d’un revêtement primaire en carbone, l’influence des radiations et de l’hydrogène peut être réduite à l’augmentation des pertes de propagation. Comme l’information exploitée par les capteurs Brillouin porte sur un décalage fréquentiel, au premier ordre, seule la portée de la mesure est dégradée. La longueur d’onde de travail 1.3µm doit être privilégiée (contrairement aux instruments commerciaux existants). Ainsi, avec ces précautions, il est déjà acquis que les mesures réparties de déformation seront possibles et fidèles (à 2MHz près, soit environ 2°C ou 40µe), sur toute la durée d’exploitation du stockage, même en surface externe de chemisage d’alvéole HA [3]. 1.0 Amplitude (a.u) 0.8 Virgin fiber Hydrogen loaded fiber 0.6 0.4 0.2 0.0 10650 10700 10750 10800 10850 10900 Brillouin frequency (MHz) Figure 2: Spectres Brillouin normalisés, mesurés dans une fibre standard G652 revêtue acrylate, avant et après exposition à l’hydrogène (330h, 150 bars, 25°C). Figure 3: Réalisation d’une fibre spéciale contenant des particules métalliques de palladium dispersées dans la gaine optique pour augmenter la sensibilité naturelle des fibres silice à l’hydrogène. L’Andra a alors choisi d’exploiter ces sensibilités aux paramètres du milieu environnant et développe un système de mesure répartie d’hydrogène fondé sur la rétrodiffusion Brillouin dans des fibres spéciales, contenant des particules métalliques de palladium dispersées dans la gaine optique pour exalter la sensibilité de la fibre à l’hydrogène [4]. Comme illustré sur la figure 3, l’ajout d’inclusions d’air entre le cœur où se propage le faisceau lumineux et les particules de palladium absorbantes permet de diminuer les pertes de propagation de la fibre optique, mais complexifie leur raccordement par soudure aux fibres télécom des instruments de mesure. Des solutions technologiques ont été proposées et la faisabilité d’échantillons composés de ces fibres très originales est désormais démontrée. Leur intérêt pour la mesure d’hydrogène est en cours d’évaluation. Enfin, l’Andra évalue les possibilités de réaliser un système complet d’auscultation permettant de fournir des mesures réparties de température, déformations, hydrogène et radiations dans les conditions difficiles du stockage de déchets radioactifs. Références bibliographiques [1] M. Niklès, L. Thévenaz, P.A. Robert, “Brillouin Gain Spectrum Characterization in Single-Mode Optical Fibers”. J. Light. Tech., vol 15, no. 10, 1997, pp. 1842-1851 [2] Cangialosi, et al “Hydrogen and radiation induced effects on performances of Raman fiber-based temperature sensors”, IEEE Journal of Lightwave Technology, jan. 2015 [3] X. Phéron, et al “High g-ray dose radiation effects on the performances of Brillouin scattering based optical fiber sensors”, Optics Express, Vol. 20 Issue 24, pp.26978-26985 (2012) [4] S. Leparmentier, et al, “Palladium particles embedded inside silica optical fibers for hydrogen gas detection,” SPIE Europe/ Micro-Structured and Specialty Optical Fibres conference, 4 - 17 Avril 2014, Bruxelles, no 9128-16. 224