Œil et Physiologie de la Vision – VI-2
VI-2 : APPORT DE L’ÉLECTROPHYSIOLOGIE CHEZ
LADULTE : EXEMPLES
Florence Rigaudière
Jean-François Le Gargasson
Pour citer ce document
Florence Rigaudière et Jean-François Le Gargasson, «VI-2 : APPORT DE
L’ÉLECTROPHYSIOLOGIE CHEZ L’ADULTE : EXEMPLES», Oeil et physiologie de la vision
[En ligne], VI-Exemples cliniques chez l'adulte, mis à jour le 18/06/2013, URL :
http://lodel.irevues.inist.fr/oeiletphysiologiedelavision/index.php?id=226,
doi:10.4267/oeiletphysiologiedelavision.226
Plan
Baisse d’acuité visuelle dans un contexte connu
Hérédodégénératif rétinien
Évolution d’une rod-cone dystrophy
Évolution d’une maladie de Stargardt
Recherche d’un état de femme conductrice
Vasculaire
Ischémie maculaire unilatérale au cours d’une choriorétinopathie
Occlusion de l’artère centrale de la rétine
Tumoral ou traumatique
Tumeur de proximité
Antécédents traumatiques : simulation ?
Toxique possible d’origine médicamenteuse
Le vigabatrin
L’(hydroxy)chloroquine : maculopathie
La quinine : rétinopathie, séquelle d’une intoxication aigüe
L’éthambutol – l’interféron : neuropathies
D’origine professionnelle
Sidérose oculaire
Saturnisme
Maladies générales
Sclérose en plaques
Exemples de cytopathies mitochondriales
Maladies générales et atteintes visuelles de découverte précoce : voir chapitre VII-2-3
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Œil et Physiologie de la Vision – VI-2
Texte intégral
Collaboration : Anne Jacob & David Le Brun
Remerciements : à tous nos confrères du service d’ophtalmologie, Hôpital Lariboisière et
Hôpital Avicenne, du service de neurologie, groupe hospitalier Pitié-Salpétrière et aux
praticiens ophtalmologistes de ville (Paris et Province) de nous avoir adressé leurs
patients et fait confiance ; au Dr Patricia Hayman, service d'ophtalmologie, Hôpital
intercommunal de Créteil, au Dr Eliane Delouvrier, service d’ophtalmologie et neurologie,
Hôpital Robert Deb et au Dr Nuria Garcia-Dépraz, service de neurologie et maladies
métaboliques, Hôpital Robert Debré, pour leurs précieux compléments et amicales
suggestions et à M-P Beaunoir, orthopsie, Hôpital Lariboisière.
Baisse d’acuité visuelle dans un contexte connu
Dans un contexte connu, le bilan électrophysiologique n’est plus à visée diagnostique. Il a
pour but de quantifier la fonction visuelle restante et/ou d’en suivre l’évolution qui n’est
pas toujours parallèle à l’acuité visuelle ou vérifier si la sensation visuelle plus
globalement ressentie par le patient a ou non un support anatomique.
Hérédodégénératif rétinien
Cette évaluation objective peut être importante pour les décisions à prendre dans le
cadre d’un apprentissage ou d’une reconversion professionnelle.
Évolution d’une rod-cone dystrophy
Mme S. 27 ans. a une rod-cone dystrophy de découverte fortuite (en 2007) lors d’une
première consultation pour prescription de lentilles de contact (myopie d’environ 10 dt)
sur l’aspect de son fond d’œil qui est typique, avec une large couronne de pigments
situés en dehors des arcs vasculaires inférieurs (figure VI-59). Le champ visuel
Goldmann de 2007 est significatif avec rétrécissement des isoptères autour des dix
degrés centraux et perception, au III-1, d’un ilôt périphérique dans le champ visuel
inférieur (figure VI-60).
Figure VI-61. L’OCT de 2007 montre pour l'œil droit, une disparition de la ligne des
photorécepteurs dans la zone périfovéolaire avec une diminution d'épaisseur de
l'épithélium pigmentaire et, pour l'œil gauche, dans la zone périfovéolaire, l'espace
correspondant à la zone allant des photorécepteurs et à la plexiforme externe est
quasiment inexistant.
La patiente consulte de nouveau un an plus tard (2008) pour adaptation de ses lentilles
car elle ressent une gêne visuelle essentiellement à droite. Il n’y a pas de diminution de
l’acuité visuelle mesurée cliniquement par rapport à l’année précédente qui reste à droite
comme à gauche, de 10/10ième P2. La pression intraoculaire, le segment antérieur sont
toujours normaux. L’aspect du fond d’œil est stable.
Le bilan électrophysiologique est effectué en 2007 ; il est contrôlé l’année suivante en
2008 pour juger de l’évolution de la fonction rétinienne et surtout pour voir s’il y a un
support organique à la sensation décrite de « gêne visuelle » à droite alors que l’acuité
visuelle mesurée cliniquement est stable.
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Œil et Physiologie de la Vision – VI-2
Analyse des ERG flash, EOG et ERG mf : comparaison 2007/2008
Figure VI-62. ERG flash : réponses du système scotopique en 2007 : les réponses sont
discernables mais d’amplitude très diminuée ; à l’EOG, il n’y a pas de genèse du Light
Peak reflet du dysfonctionnement important des bâtonnets sans pouvoir dire s’il y a
dysfonctionnement du l'épithélium pigmentaire. L’année suivante, en 2008, la rod-
response n’est plus discernable, la mixed-response est sensiblement identique à droite,
mais l’amplitude de l’onde-b est diminuée à gauche. Il y a absence de genèse du Light
Peak pour les mêmes raisons qu’en 2007 ; on remarque aussi que la valeur de base de
l’EOG a diminuée ; en 2007, elle est à droite de 400 et à gauche de 250 ; en 2008 elle
est à droite de 130 et à gauche de 150. Ce peut être le reflet d’un dysfonctionnement
associé de l'épithélium pigmentaire.
Figure VI-63. ERG flash : ponses du système photopique en 2007 : la cone-response
est discernable, mais d’amplitude faible, comme la flicker-response ; en 2008 : l’onde-a
de la cone-response n’est plus discernable, la flicker-response reste d’amplitude
identique. Les potentiels oscillatoires ne sont discernables ni en 2007, ni en 2008.
Cette évolution des réponses du système des cônes montre qu’il y a une majoration du
dysfonctionnement global des cônes (atteinte réceptorale) entre les deux examens.
Figure VI-64. ERG multifocal. En 2007, seuls les pics fovéolaires (5 degrés centraux) sont
d’amplitude correcte. En 2008, l’ERG mf montre à droite une diminution d’amplitude du
pic fovéolaire et à gauche, une amplitude du pic fovéolaire comparable à celle enregistrée
l’année précédente.
Commentaire
Dans ce cas les amplitudes des réponses globales (ERG flash) sont déjà très faibles, il
est difficile de juger de l’évolution de leur diminution. Par contre, il est essentiel de suivre
l’évolution du fonctionnement de la zone maculaire qui sous tend l’acuité visuelle.
On prête donc une attention particulière au P-ERG et aux PEV damier. Dans ce cas de
dysfonctionnement rétinien, les voies de conduction sont fort probablement normales et
les PEV sont alors le reflet amplifié du fonctionnement maculaire.
Analyse des P-ERG et PEV : comparaison 2007/2008
Figure VI-65. En 2007 : P-ERG, les réponses ne sont pas discernables à droite, seule
d’onde N95 l’est à gauche. PEV damier : on analyse essentiellement les résultats de
potentiels évoqués par les cases de 15’ qui testent le fonctionnement des quelques
degrés centraux. A droite : les réponses sont normales ; à gauche, les réponses sont
d’amplitude normale mais avec une augmentation des temps de culmination de l’onde
P100. En 2008 : P-ERG, les réponses ne sont discernables ni à droite, ni à gauche. Pour
les PEV damier 15’ : à droite, il y a augmentation du temps de culmination par rapport au
précédent examen et à gauche, les réponses sont identiques.
Synthèse des résultats des tests maculaires (pic fovéolaire de l’ERG mf, P-
ERG, PEV damier 15’)
En 2007 : les résultats des tests maculaires montrent un dysfonctionnement des 15
degrés centraux (P-ERG) mais avec encore un fonctionnement correct des quelques
degrés centraux aussi bien à droite qu’à gauche (pic fovéolaire et PEV damier 15’). En
2008 : on observe que le dysfonctionnement global des 15 degrés centraux a évolué à
gauche (absence d’onde N95). Le fonctionnement des quelques degrés centraux à
gauche est resté stable (pic fovéolaire et PEV damier 15’ identiques) ; par contre, on
observe une dégradation plus importante à droite (diminution d’amplitude du pic
fovéolaire et augmentation du temps de culmination du PEV damier 15’).
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Œil et Physiologie de la Vision – VI-2
Conclusion
Cette patiente présente une rod-cone dystrophy avec conservation de son acuivisuelle
clinique. Cependant le fonctionnement des quelques degrés centraux, s’il est resté stable
en un an à gauche, a évolué de façon défavorable à droite. Cette diminution fonctionnelle
à droite correspond à la sensation décrite par la patiente de « gêne visuelle ». Il est
probable que ce dysfonctionnement des quelques degrés centraux à droite précède une
baisse d’acuité visuelle à venir.
Conduite à tenir pour la surveillance ultérieure
La surveillance ultérieure de la fonction maculaire peut se faire par des tests plus
facilement disponibles que les tests électrophysiologiques adaptés (ERG mf, P-ERG et
PEV) à savoir le champ visuel central automatisé (type 10-2) et la vision des couleurs par
test 15 HUE désaturé et saturé. Ces examens sont de pratique clinique courante dans
tous les cabinets et leurs résultats permettent de suivre de façon fiable l’évolution du
fonctionnement des dix degrés centraux.
Évolution d’une maladie de Stargardt
Mr J. 26 ans a été suivi durant 4 ans (entre 2000 et 2004) pour une maculopathie
initialement étiquetée dystrophie des cônes.
Le motif de la première consultation (en 2000) est une difficulté à conduire de nuit qui va
en croissant. Par contre, le patient travaille sur ordinateur sans problème avec une acui
visuelle limitée à 6/10ième P2 à droite et à gauche, sans amétropie. La pression intra-
oculaire est normale.
Au pôle postérieur, en 2000, on trouve des petites taches blanches situées en zone
périmaculaire à droite et en « œil de bœuf » à gauche ; l’angiographie, en 2004, montre
une atrophie diffuse de l'épithélium pigmentaire en couronnes concentriques (figure VI-
66).
En 2004, l’acuité visuelle est de 1/10ième P10 à droite et 4/10ième P3 à gauche.
Le diagnostic de maladie de Stargardt est poau vu de l’ensemble des résultats et de
leur évolution.
Exploration électrophysiologique
Trois bilans électrophysiologiques ont été enregistrés successivement en 2000 puis début
et fin 2004. Ils montrent une évolution compatible avec ce que l’on connaît de la
physiopathologie de la maladie de Stargardt : un dysfonctionnement progressif global de
l'épithélium pigmentaire et du système scotopique. Le dysfonctionnement global du
système photopique évolue plus lentement ; il est associé à un dysfonctionnement
maculaire plus précoce que l’évolution de l’acuité visuelle ne laisse prévoir.
Analyse des ERG flash scot et EOG
Figure VI-67. ERG flash scot : les amplitudes des réponses sont initialement normales
(en mai 2000 et février 2004), puis elles diminuent significativement (en octobre 2004) ;
EOG : l’amplitude du Light Peak est diminuée dès le premier examen, reflet du
dysfonctionnement de l'épithélium pigmentaire.
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Œil et Physiologie de la Vision – VI-2
Analyse de l’ERG flash phot
Figure VI-68. ERG flash phot : les potentiels oscillatoires restent identiques, Phot-OP2 et
Phot-OP3 sont d’amplitude diminuée dès le premier examen -traduction du
dysfonctionnement maculaire-, l’amplitude de Phot-OP4 reste normale au cours des 3
bilans. Les cone- et flicker-responses sont d’amplitude juste à la limite de la normale en
mai 2000 et février 2004 et d’amplitude diminuée en octobre 2004 ; cette évolution du
système des cônes est parallèle à celle du système des bâtonnets.
Analyse des ERG mf, P-ERG et PEV
ERG mf : Les ERG multifocaux ne sont pas exploitables à cause des artéfacts liés à
l’instabilité de fixation du patient.
Figure VI-69. P-ERG et PEV damier 60’ et 15’ : dès le premier examen (mai 2000), les
réponses du P-ERG ne sont pas discernables, d’où logiquement des PEV non discernables.
Commentaires
Dysfonctionnement initial de l'épithélium pigmentaire
Pour ce patient, on constate que le fonctionnement du système scotopique est
initialement normal et associé à un dysfonctionnement de l’épithélium pigmentaire ; ceci
est la traduction de la toxicité de l’accumulation de lipofuscine dans l’épithélium
pigmentaire [Delori et al., 1995], [Molday, 2007], [Molday, Zhang, 2010]. Ce résultat à
lui seul, exclut de diagnostic initialement posé de dystrophie des cônes ; dans ce dernier
cas, l’EOG est toujours normal (figure VII-2-66).
Dysfonctionnement secondaire des deux systèmes
L’évolution se fait ensuite par un dysfonctionnement secondaire et progressif des deux
systèmes. En effet, l’épithélium pigmentaire déficient ne joue plus son rôle physiologique
essentiel à la vie des bâtonnets d’une part et, d’autre part, l’accumulation des rétinoïdes
dans les bâtonnets et les cônes sont à l’origine de leur apoptose. Le déficit en
transporteurs de rétinoïdes entre les photorécepteurs et l'épithélium pigmentaire est la
cause désormais bien comprise de la maladie de Stargardt [Michaelides et al., 2003],
[Klevering et al., 2005], [Molday, 2007].
On constate aussi que les réponses du système des cônes diminuent avec le temps mais
dans une moindre mesure que celles du système des bâtonnets ; on se rappelle qu’une
partie du métabolisme des cônes est géré par les cellules de ller. Par contre, dès le
premier examen (en mai 2000), alors que l’acuité visuelle était moyenne (6/10ième à
droite et à gauche), le fonctionnement maculaire était déjà très anormal (diminution
d’amplitude des deux premiers potentiels oscillatoires, P-ERG non discernable et en
conséquence PEV damier également non discernables : figure VI-69).
Évolution de l’acuité visuelle
La diminution de l’acuité visuelle était inexorable, ce qui a bien été constaté cliniquement
puisqu’en 2004 l’acuité visuelle a diminuée à 1/10ième P10 à droite et 4/10ième P3 à
gauche.
Ce patient a été revu cliniquement en 2008 ; son acuivisuelle a diminuée à 1/10ième
P10 des deux côtés. La lecture reste cependant possible à P3 avec une correction de +4
dt. L’OCT de 2008 (non montré) met en évidence une atrophie maculaire bilatérale
sévère.
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