Œil et Physiologie de la Vision - VII-2. 2ème partie
VII-2 : ELECTROPHYSIOLOGIE PEDIATRIQUE :
EXEMPLES
Deuxième partie
Florence Rigaudière
Eliane Delouvrier
Jean-François Le Gargasson
Pour citer ce document
Florence Rigaudière, Eliane Delouvrier et Jean-François Le Gargasson, «VII-2 :
ELECTROPHYSIOLOGIE PEDIATRIQUE : EXEMPLES», Oeil et physiologie de la vision [En
ligne], VII-Electrophysiologie pédiatrique, mis à jour le 04/04/2014, URL :
http://lodel.irevues.inist.fr/oeiletphysiologiedelavision/index.php?id=196,
doi:10.4267/oeiletphysiologiedelavision.196
Plan
Evaluation de l’acuité visuelle en période préverbale
Méthode objective : recueil des PEV damier
Principe de la méthode
Avantages, inconvénients
Autres méthodes
Regard préférentiel
Nystagmus optocinétique
Comparaison des résultats des trois méthodes
Suivi d’une amblyopie
Définition
Amblyopie fonctionnelle : intérêt des PEV
Mettre en évidence et suivre une amblyopie chez un enfant d’âge préverbal
Evaluer la nécessité de poursuivre l’occlusion en cas d’échec apparent
Retentissement visuel d’un traitement médicamenteux
Rétinopathie
Neuropathies
Atteintes visuelles et pathologie générale
Conclusion
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-2. 2ème partie
Texte intégral
Collaborations : Anne Jacob & David Lebrun : prise en charge des enfants et
enregistrements des bilans ; Dr Pierre Bitoun, Hôpital Jean Verdier, Bondy, AP-HP :
analyses génétiques ; Dr Monique Elmaleh-Bergès, Hôpital Robert Debré, Paris, AP-HP :
imagerie pédiatrique.
Évaluation de l’acuité visuelle en période préverbale
L’acuité visuelle n’est qu’un aspect des capacités visuelles du nouveau-et de l’enfant
qui sont aussi capables de sensibilité au contraste, de sensibilité spectrale c'est-à-dire de
vision des couleurs, de vision stéréoscopique… (Ardouvin, 1989), (Teller, 1997), (Speeg-
Schatz et al., 1999). Cependant, son évaluation est souvent demandée en période
préverbale elle est synonyme d’évaluation des capacités de détection de la rétine
centrale et de ses limites. En effet, à aucun moment, il n’est possible d’apprécier l’étape
cognitive, c'est-à-dire le phénomène perceptif qui est inclus dans la notion « d’acui
visuelle » de l’adulte.
Méthode objective : recueil des PEV damier
Il s’agit d’explorer les capacités de détection des maculas à l’aide des PEV damier
alternant ou onset-offset, en faisant l’hypothèse que les voies de conduction sont
normales, puis d’extrapoler les résultats à une « acuité visuelle ».
Principe de la méthode
Acuité visuelle subjective et taille-seuil des cases des
damiers
Il a été montré grâce à des sujets coopérants (5-12 ans, puis 12-40 ans) qu’il existe un
parallélisme entre l’acuité visuelle subjective évaluée avec des anneaux de Landolt et les
amplitudes-seuil des PEV damier (De Vries-Khoe & Spekreijse, 1982) (figure VII-2-91).
Dans le car en pointillé, on observe le parallélisme entre les
résultats de l’acuité visuelle évaluée par les anneaux de Landolt et
la taille-seuil des cases des PEV damier pour des sujets de 5 à 40
ans. Pour des sujets de 5 ans à un mois, on peut déterminer la
taille-seuil des cases évoquant des PEV damier juste discernables
et, par extrapolation, l’acuité visuelle supposée varier de façon
parallèle (courbe en pointillée).
On rappelle (voir chapitre V-5) que pour rechercher une amplitude
de PEV damier alternant juste discernable, on présente plusieurs
tailles de cases pour un damier : 120’, 90’, 60’, 30’, 15’, 7’ avec un
contraste lumineux maximum ; les amplitudes de l’onde P100 sont
portées sur un graphique en fonction de la taille des cases. Puis on
extrapole à la case qui donnerait une réponse d’amplitude nulle,
cette dernière étant considérée comme le plus petit détail pouvant
être discriminé (Wenzel & Brandl, 1984) (figure VII-2-92).
En période préverbale
Pour estimer l’acuité visuelle dans la période préverbale (0-2 ans), on fait l’hypothèse
que ce parallélisme existe aussi et que l’acuité visuelle « potentielle », c'est-à-dire
estimable mais non évaluable, suit la variation de l’amplitude des potentiels évoqués
visuels juste discernables, enregistrés à l’aide de damiers dont la taille des cases varie.
La valeur extrapolée à une amplitude nulle, correspond à une taille limite de cases ou de
cycles qui peut être convertie en acuité visuelle (Lenassi et al., 2008).
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-2. 2ème partie
Le principe sur lequel est basée cette méthode appelle deux
remarques. 1- Le parallélisme de fonctionnement entre l’aire
visuelle primaire (testé par les PEV seuil) et l’aire cognitive
(approchée par l’acui visuelle), s’il est vrai à partir de l’âge de
cinq ans, ne l’est pas nécessairement durant les deux premières
années de la vie. 2- Les PEV damier ne sont pas toujours
enregistrables avec différentes tailles de cases du damier chez les
0-2 ans et encore moins lorsqu’il y a suspicion de basse vision.
En pratique
On se contente du recueil des réponses avec deux ou trois tailles de cases adaptées à
l’âge. Si les réponses sont discernables, on considère que les capacités de détection des
aires maculaires et le fonctionnement des voies maculaires sont corrects, supposant que
l’acuité visuelle le sera aussi...
Exemple
A. 3 ans présente un syndrome de Smith-Magenis associant une dysmorphie faciale, une
petite taille, un retard mental modéré, un retard de langage (Elsea & Girirajan, 2008),
(Gropman et al., 2006) et dans son cas, une myopie forte (13 dt OD et OG). Son fond
d’œil a un aspect de choroïdose myopique et des vaisseaux grêles à gauche. L’évaluation
de son acuité visuelle est demandée dans le cadre d’une prise en charge éducative.
Résultats
Figure VII-2-93. L’ERG flash (protocole court, électrodes collées) montre des réponses
normales des deux systèmes attestant un fonctionnement normal de l’électrogenèse
rétinienne. Le P-ERG est discernable mais de morphologie atypique à droite et
sensiblement normal à gauche. Ce test généralement enregistré à partir de 5 ans,
suggère ici un fonctionnement maculaire correct.
Les PEV flash sont bien discernables du bruit de fond, on observe que les amplitudes des
PEV flash BI sont plus amples que les PEV flash après stimulation monoculaire, indiquant
une maturation normale des voies visuelles.
Figure VII-2-94. Les PEV damier testent les capacités de détection maculaire. La taille
des cases pour évoquer une réponse optimale est de 60’ ; une plus petite taille par
exemple 15’ est en dessous de la taille seuil qui permet d’évoquer une réponse (figure
VII-1-19) ; on vérifie bien que les PEV damier 15’ ne sont pas discernables. Pour une
case de taille 60’, on recueille une réponse discernable : PEV damier 60’, après
stimulation de l’œil droit ou du gauche.
Estimation de l’acuité visuelle
Ces résultats attestent que le fonctionnement des zones maculaires est normal et
suggèrent que l’acuité visuelle est de l’ordre de 4 à 5/10ième, correspondant à celle de son
âge (figure VII-2-95).
Plusieurs exemples ci-dessus ont mont qu’il est possible d’avoir une acuité visuelle
correcte avec des PEV damier non discernables (figure VII-2-77) et réciproquement
d’avoir des PEV damier discernables, alors que l’acuité visuelle est limitée (figure VII-2-
75). La prudence est donc de mise avant de faire une trop rapide corrélation entre
réponse évoquée aux damiers et valeur de l’acuité visuelle…
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-2. 2ème partie
Avantages, inconvénients
Cette méthode permet d’effectuer une évaluation directe du système sensoriel sans faire
intervenir de réponses motrices. Cependant, on ne peut pas complètement se passer de
l’attention de l’enfant... Cette méthode par recueil des PEV a l’inconvénient de faire
intervenir un matériel plus coûteux que celui utilisé par la méthode de regard préférentiel
et de nécessiter des enregistrements et interprétations par des utilisateurs formés.
Autres méthodes
Deux autres méthodes sont fréquemment mises en œuvre chez le tout petit : le regard
préférentiel et le déclenchement d’un nystagmus optocinétique.
Regard préférentiel
On s’est aperçu que, s l’âge d’un mois, le nouveau-né et le nourrisson sont davantage
attirés par une cible dont la surface est structurée que par celle dont la surface est
homogène et de même niveau lumineux moyen.
Principe de la méthode
On présente à un nourrisson par exemple à sa droite, une mire dont la fréquence spatiale
peut varier et, simultanément à sa gauche, une surface homogène. On note de quel côté
l’enfant tourne préférentiellement la tête. En principe, il doit regarder la surface qui lui
paraît « structurée », c'est-à-dire celle pour laquelle il est capable distinguer les « barres
noires » des « barres blanches » et donc de discriminer la fréquence spatiale proposée.
Lorsque l’enfant ne voit pas la différence entre les deux surfaces, il regarde l’une d’elles
au hasard. En présentant dans un ordre aléatoire et d’un côté aléatoire, des mires de
différentes fréquences spatiales, il est possible d’apprécier le pourcentage des cas
l’enfant regarde la surface structurée, qui est alors supposée être perçue différente de la
surface homogène.
La variation de ce pourcentage en fonction de la fréquence spatiale de la mire, permet de
déterminer la fréquence spatiale-seuil. Elle correspond à celle que l’enfant a regardé
préférentiellement dans 75% des cas. L’acuité visuelle est exprimée en cycles par degré.
A titre de comparaison, la valeur de l’acuité visuelle ainsi exprimée chez l’adulte est
supérieure à 30 cycles par degré.
Il est rappelé qu’une mire de 30 c/° possède 60 barres (2 barres
forment un cycle); chaque barre est vue sous un angle visuel de 1
minute, ce qui correspond à une acuité visuelle de 10/10ième.
Résultats, avantages, inconvénients
Des normes de l’acuité visuelle en fonction de l’âge sont proposées à la suite d’études
effectuées sur de larges groupes d’enfants de 0 à 48 mois (Mayer et al., 1995a),
(Salomao & Ventura, 1995). L’acui visuelle augmente de façon exponentielle de
0,3/10ième à 2/10ième au cours des douze premiers mois, puis plus lentement de 2/10ième à
4/10ième au cours de la 2ième et 3ième année, pour s’approcher des valeurs de l’adulte
(7/10ième) au cours de la 4me année (figure VII-2-95).
Cette méthode montre que la fréquence spatiale discriminée (en nombre de cycles par
degré) augmente très rapidement en fonction de l’âge pour atteindre la valeur de l’adulte
vers l’âge de 4-5 ans. Elle a pour avantage d’être effectuée avec un matériel peu
coûteux en utilisant des « cartons » structurés, mis initialement au point par Teller
(Mayer et al., 1995b), (Clifford et al., 2005) puis modifiés (Vital-Durand, 1990), (Vital-
Durand & Cottard, 1985) (figure VII-2-96).
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-2. 2ème partie
Elle nécessite cependant du personnel entraîné (Getz et al., 1996) et surtout l’attention
de l’enfant qui peut très vite se lasser ou ne porter aucun intérêt à la scène proposée,
sans qu’il n’y ait pour cela d’anomalie visuelle.
Elle est aussi difficile à réaliser en cas d’anomalies oculomotrices puisqu’elle fait
intervenir le « regard de l’enfant ».
Nystagmus optocinétique
Une structure en mouvement provoque chez le sujet qui la regarde un nystagmus dit
optocinétique.
Principe et limites de la méthode
Elle est basée sur la recherche de la fréquence spatiale minimale d’une mire qui,
lorsqu’elle est entraînée à une vitesse optimale sur un tambour, déclenche un
nystagmus.
Pour un examen monoculaire, la réponse est asymétrique au cours des quatre premiers
mois. En effet, le nystagmus optocinétique est sous le contrôle de deux voies
différentes ; l’une, croisée sous-corticale présente s la naissance, permet l’apparition
du nystagmus lorsque la stimulation s’effectue dans le sens temporo-nasale ; l’autre
passant par la voie rétino-corticale, contrôle la stimulation en direction naso-temporale.
Cette dernière ne mature qu’après l’âge de 3 à 4 mois. Avant cette période, une
stimulation délivrée dans le sens naso-temporal ne peut pas induire de nystagmus.
La symétrie du nystagmus provoqué par une stimulation tournant dans le sens temporo-
nasal ou naso-temporal ne se fait que vers l’âge de six mois (Roy et al., 1989) voire celui
de deux ans (Lewis et al., 2000).
Résultats, avantages, inconvénients
Cette méthode montre que la fréquence spatiale-seuil entraînant un nystagmus,
augmente avec l’âge, témoignant d’une amélioration rapide de la discrimination spatiale,
surtout au cours des six premiers mois (Dobson & Teller, 1978).
Elle demande une participation du sujet plus restreinte que celle nécessaire au bon
déroulement de la méthode du regard préférentiel. Elle met cependant en jeu non
seulement l’attention de l’enfant et son système sensoriel, mais aussi son système oculo-
moteur.
Elle présente donc l’inconvénient d’évaluer une réponse motrice liée au système extra-
géniculé, pour affirmer une fonction sensorielle liée au système géniculo-cortical, ce qui
peut être source de faux positifs. De même, une altération du système oculo-moteur ou
une atteinte vestibulaire empêchant la survenue du nystagmus optocinétique peut être
source de faux négatifs, alors que la fonction sensorielle est normale.
Comparaison des résultats des trois méthodes
La maturation normale des voies maculaires se décompose en deux phases, l’une
rétinienne rapide liée à l’augmentation de la sensibilité à de plus hautes fréquences
spatiales obtenue grâce à l’allongement de l’article externe des cônes centraux et
l’augmentation du nombre des cônes fovéaux par migration centripète et l’autre,
corticale, plus lente, liée au développement d’inhibitions corticales par des mécanismes
de proliférations synaptiques permettant la sélectivité en fréquences spatiales et en
orientations (Spekreijse, 1983), (Wilson, 1988).
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