Et que le régime Aliev ne badine pas avec la question du Haut-Karabakh
dont la population arménienne, en s’émancipant du joug, a infligé une
insupportable blessure narcissique à ce nationalisme panturc qui conduit
l’Azerbaïdjan et la Turquie à prétendre former deux Etats pour un même
peuple…
Les conditions aussi tragiques qu’inédites du kidnapping de Lapshin en
Biélorussie, de son extradition et de son incarcération à Bakou en disent
d’ailleurs long sur l’obsession névrotique des dirigeants azerbaïdjanais
envers cette question arménienne. Un délire qui les a amenés à instaurer
un état de terreur dans leur sphère d’influence à l’égard de tout ce qui y
touche (nombre de dissidents sont accusés d’espionnage ou
d’accointances avec l’ennemi), mais aussi à l’extérieur. Bakou revendique
une liste noire de 500 personnalités ayant visité la République du Haut-
Karabakh. Ces « malheureux » se voyaient jusqu’alors interdits de séjours
en Azerbaïdjan… mais ils s’en relevaient. La situation est plus grave
aujourd’hui, qui les met à la merci d’une escale malencontreuse dans tout
Etat qui entretiendrait des liens privilégiés avec l’Azerbaïdjan, comme ce
qui est arrivé à Lapshin en Biélorussie.
Nombre de journalistes et de politiques français qui ont voyagé dans le «
territoire libéré » du Haut Karabagh pourraient figurer sur cette liste.
L’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, qui s’y est lui-même rendu
« sans autorisation de Bakou » il y a un an et demi, en fait-il partie ? Et
sera-t-il lui aussi attendu au tournant, dans un futur plus ou moins
lointain, dans quelque aéroport international de quelque pays amis de
l’Azerbaïdjan ?
Dans son zèle à étendre le domaine de la terreur, il semblerait que cet
État ne se contente plus de briser la liberté d’expression dans ses murs
(l’Azerbaïdjan est classé 163e sur 180 pays au classement RSF sur la
liberté de la presse), il s’aventure également à essayer de la régenter très
loin de chez lui, parfois-même jusqu’en France. Ainsi l’auteur de ces lignes
a-t-il été poursuivi pour avoir diffusé un communiqué du député UDI la
Loire, François Rochebloine, qui qualifiait l’Azerbaïdjan « d’État Terroriste
». Un juge a certes délivré il y quelques semaines un non lieu dans cette
affaire. Mais l’Azerbaïdjan a décidé de faire appel. Naturellement. Ce qui
entravera d’autant moins son budget que son ambassade jouit de
l’immunité diplomatique et n’aura jamais à subir les conséquences de ses
poursuites abusives contre des journalistes français. Dans ces conditions,
pourquoi romprait-il avec ses vieilles habitudes en se privant de les
harceler sur le terrain judiciaire ?
On le voit, le cas d’Alexandre Lapshin, pour être spectaculaire, n’est que la
résultante d’une dérive autoritaire et mégalomaniaque qui ne cesse de
s’accentuer et de se développer, tant à l’intérieur des frontières de cet
État qu’à l’extérieur. Un rapport explosif de l’ESI (European Stability
Initiative), sur les tentatives de corruption de l’Azerbaïdjan au sein de