ne peuvent servir d’excuses - lorsque l’on parle d’un crime contre
l’humanité - pour la propagation de pratiques hautement problématiques
comme celles que nous relevons concernant le génocide arménien.
Nous ne pensons pas avoir lu – et c’est heureux - de dépêches AFP qui -
pour répondre à des « impératifs de rapidité et de concision » -
qualifieraient la Shoah de « thèse ».
Bien qu’il ressorte de votre courrier que vous vous engagiez à ne plus
utiliser à l’avenir ce terme « inapproprié » (que vous qualifiez de «
maladresse », ce qui est le moins que l’on puisse dire lorsque l’on parle de
l’anéantissement d’un peuple sur ses terres ancestrales), il nous paraît
indispensable de vous faire remarquer que la mise en perspective d’une «
position arménienne » - que vous opposez à une « position de la Turquie
» - renvoie de facto à la mise en concurrence de deux thèses, sans
l’utilisation du terme « maladroit » : c’est d’ailleurs ce que l’on trouve
dans les dépêches AFP, avec l’usage systématique des expressions « Les
Arméniens estiment que » et « La Turquie affirme que » (notons «
l’estimation » des victimes opposée à « l’affirmation » de l’Etat héritier du
crime), à charge pour le lecteur de se faire sa propre « opinion »,
négationniste éventuellement. Pourtant, pas plus que le racisme ou le
sexisme, le déni d’un génocide ne devrait être considéré comme une
opinion.
Vous semblez croire que mentionner en premier lieu « la position
arménienne » est un signal positif de votre part. Or, ce qui serait plus
juste déontologiquement serait de mettre en avant, non pas les
Arméniens, mais les historiens, juristes et spécialistes internationaux dont
les travaux ont déterminé les pertes humaines et ont amené des
parlements à reconnaître le génocide arménien. Pour mémoire, ce
génocide impuni a largement inspiré Raphaël Lemkin dans sa création du
terme et du concept juridique de génocide qui permettent - depuis leur
adoption par l’ONU en 1948 - de poursuivre et juger des génocidaires.
Vous nous dites ne pas pouvoir vous passer de mentionner la position de
la Turquie. Rappeler le déni turc est une chose. Détailler des arguments
négationnistes en est une autre. Vous relayez complaisamment le discours
mensonger d’Ankara, en indiquant qu’« il s’agissait d’une guerre civile
dans laquelle 300 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la
mort » : il serait peut-être bon, là aussi, que vous puissiez nous indiquer
vos sources (et nous ne parlons bien évidemment pas de propagande
d’Etat) concernant cette prétendue « guerre civile » de 1915 qui aurait
échappé à l’attention des historiens, spécialistes de l’Empire ottoman.
Vous le savez, les chiffres et faits fantaisistes ne peuvent être placés sur
le même plan que ceux qui ont été validés par les historiens les plus
sérieux. Par ailleurs, au lieu de vous abriter derrière Reuters et l’AP, vous
pourriez leur opposer un travail exemplaire.