Gestion du diabète et prévention des complications durant la

Le risque, pour une femme en âge de procréer, de dévelop-
per le diabète varie selon les régions et est généralement
comparable au risque régional de développement de la
condition soit entre 5 et 8 % en moyenne. Chez les femmes
enceintes, le risque de diabète gestationnel doit être évalué
et dépists tôt lorsque plusieurs facteurs de risque
sont réunis. En effet, que le diabète apparaisse durant la
grossesse ou date davant la conception, une excellente ges-
tion globale de la condition avant et pendant la grossesse,
ainsi qu’au moment de laccouchement, est nécessaire. Sara
Meltzer présente une série de stratégies visant à réduire
les risques pour la santé et les complications éventuelles
liées au diabète pour la mère et l’enfant.
Gestion du diabète et
prévention des complications
durant la grossesse et
à laccouchement
Sara Meltzer
Pour maximiser la capacité de stockage
d’énergie et répondre aux hormones pro-
duites durant la grossesse, le corps de la
femme augmente la production d’insuline,
de manière générale et, en particulier,
après les repas, durant la grossesse. Le
métabolisme s’accélère afin d’offrir un sou-
tien continu au bébé et au placenta. Les
hormones placentaires (qui interfèrent avec
l’effet de l’insuline) augmentent progressive-
ment, de sorte que les besoins en insuline
sont deux à trois fois plus importants qu’en
temps normal.
Chez les femmes atteintes de diabète de
type 2, la capacité de production d’insu-
line est déjà limitée. Les hormones liées
à la grossesse interférant avec l’action
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Mai 2009 | Volume 54 | Numéro Spécial
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de l’insuline et la prise de poids durant
la grossesse font que, bien souvent, ces
femmes ne sont pas en mesure de satisfaire
leurs propres besoins en insuline. Dans
le cas du diabète gestationnel, certaines
femmes arrivent à un stade l’insuline
produite par leur corps est insuffisante pour
maintenir des taux de glycémie normaux.
En principe, l’insuline d’une mère n’est pas
transmise au bébé par le biais du placenta,
sauf lorsque sa glycémie est élevée. Le fœ-
tus répond alors à cette augmentation du
glucose en produisant de l’insuline dans des
quantités beaucoup plus importantes que
la normale. Cette insuline supplémentaire
peut stimuler une croissance excessive du
fœtus avec, pour conséquence, un bébé
plus grand que la normale (macrosomie).
Les mères atteintes de diabète de type 2
ou de diabète gestationnel peuvent donc
avoir besoin d’une thérapie insulinique pour
maintenir le glucose transmis au bébé dans
une fourchette normale et garantir ainsi un
environnement sûr pour son développement.
Selon les normes acceptées au niveau lo-
cal, le dépistage du diabète gestationnel
est réalisé entre la 24e et la 28e semaine
de la grossesse. Dans de nombreux pays et
régions, ce dépistage se limite à un test oral
de tolérance au glucose. Dans d’autres, un
dépistage initial consistant à absorber une
boisson sucrée, puis à effectuer un test de
glycémie après une heure, est effectué.
La glycémie d’une femme est jugée normale
lorsqu’elle est inférieure à 7,8 mmol/l (140
mg/dl). Une glycémie supérieure à 11,1
mmol/l (200 mg/dl) permet de poser le
diagnostic de diabète gestationnel sans test
supplémentaire. Par contre, si le résultat du
dépistage se situe entre ces valeurs limites,
un test oral de tolérance au glucose sera
généralement effectué. On tente actuelle-
ment d’adopter des valeurs standard pour
le dépistage et le diagnostic du diabète
gestationnel au niveau mondial. (Un article
consacré à l’étude HAPO publ dans ce nu-
méro décrit certains des problèmes en jeu.)
Principales considérations
Un bon contrôle glycémique est essentiel
avant la grossesse. En effet, au moment
la grossesse est confirmée (généralement
entre la 5
e
et la 8
e
semaine), le fœtus a
déjà développé ses principaux organes.
Or un taux de glycémie élevé à ce stade
du développement augmente le risque de
développement fœtal anormal (malforma-
tions congénitales). Au cours du deuxième
trimestre, un mauvais contrôle glycémique
peut interférer avec le développement du
cerveau et des îlots de Langerhans. Enfin,
durant le troisième trimestre, une glycémie
élevée augmente le risque de césarienne ou
d’autres problèmes à l’accouchement pour
la mère, ainsi que le risque de macrosomie,
de jaunisse, d’hypoglycémie et/ou d’aug-
mentation du nombre de globules rouges
(polycythémie) pour le bébé. Les femmes
atteintes de diabète ont par ailleurs plus
de risques de mettre au monde un enfant
mort-né que les femmes non atteintes de la
condition. Toute femme ayant un diabète
connu et qui envisage d’avoir un bébé doit
donc chercher à atteindre un taux de gly-
cémie optimal, c’est-à-dire un taux d’HbA
1C
inférieur à 7 %, voire dans la mesure du pos-
sible à 6 %, avant et pendant la grossesse.
Chaque fois que possible, les femmes chez
qui un diabète a été diagnostiqué doivent
être orientées très tôt vers une équipe de
prestataires de soins spécialisée dans la
gestion des grossesses à haut risque. Pour
garantir des valeurs de glycémie normales
et stables, plusieurs injections d’insuline ou,
le cas échéant, une thérapie basée sur une
pompe à insuline sont souvent requises. Les
femmes prenant des hypoglycémiants oraux
doivent par ailleurs passer à l’insuline.
Prévenir les complications
Chez les femmes atteintes de diabète, une
évaluation des risques dus à des compli-
cations liées au diabète doit être réalisée
dans le cadre de la planification d’une
grossesse. Un examen oculaire minutieux
doit par ailleurs être effectué avant la
conception. Les changements légers du
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Une glycémie élevée
augmente le risque de
problèmes pendant
la grossesse et
l’accouchement, tant pour la
mère que pour le bé.
fond des yeux, qui entraînent rarement
des problèmes, doivent être surveillés tout
au long de la grossesse. Par contre, les
changements entraînant la formation de
nouveaux vaisseaux peuvent s’aggraver
considérablement avec les changements
hormonaux, même en début de gros-
sesse, et affecter la vision à long terme.
Idéalement, donc, ces changements doivent
être identifiés et traités avant la grossesse.
Des analyses d’urine de routine et des me-
sures du rapport albumine/créatinine doi-
vent être réalisées afin d’évaluer la fonction
rénale. Si celle-ci se révèle anormale, une
surveillance étroite de la pression artérielle
sera primordiale pendant la grossesse.
Certains antihypertenseurs courants, tels
que les inhibiteurs de l’ECA et les bloqueurs
des récepteurs de l’angiotensine, peuvent
provoquer une malformation des reins du
fœtus et sont dès lors contre-indiqués en cas
de grossesse. Ils devront par conséquent
être remplacés par d’autres antihyperten-
seurs sans risque.
Les statines hypocholestérolémiantes sont
également contre-indiquées et doivent être
interrompues par les femmes qui tentent de
concevoir un . Enfin, les femmes présen-
tant des niveaux lipidiques anormaux, une
hypertension ou un diabète depuis plus de
10 ans doivent subir un examen cardiaque.
Les femmes qui développent des mala-
dies oculaires ou rénales peuvent avoir
une fonction placentaire déficiente, ce qui
augmente le risque de liquide amniotique
insuffisant, d’hypertension et de mise au
monde d’un bébé de petite taille. La plupart
des femmes atteintes de diabète présen-
tent un risque accru de macrosomie et
d’hydramnios – un excès de liquide dans
le sac amniotique et, par conséquent,
d’accouchement précoce, éventuellement
par césarienne ou à l’aide de forceps (avec
un risque de lésions à la naissance pour
la mère et/ou le bébé).
Des objectifs glycémiques les plus proches
possible des niveaux normaux, sans faire
courir de risques, doivent être fixés. Les
taux à jeun sont plus bas chez les femmes
enceintes que chez les autres, tandis que
les pics postprandiaux peuvent être lé-
gèrement supérieurs, tout en dépassant
rarement 7,8 mmol/l (140 mg/dl).
Les premières échographies sont souvent
réalisées à 11-12 semaines, puis à 20
semaines, afin de déceler les anomalies
congénitales et de vérifier les dates. Au
cours du dernier trimestre, les échogra-
phies permettent de vérifier la croissance
du fœtus et de prévoir l’accouchement.
Des signes de macrosomie peuvent indi-
Une évaluation des risques dus à des complications liées au diabète doit être réalisée dans le cadre
de la planification d’une grossesse.
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quer la nécessité d’un contrôle glycémique
plus strict, en particulier après les repas.
Après 30 à 34 semaines, le bien-être fœtal
est évalué à l’aide de tests non stressants
(surveillance de la fréquence cardiaque
du bébé et de l’activité utérine) et/ou de
profils biophysiques.
Style de vie et problèmes sociaux
La grossesse peut être une période de stress
intense pour les femmes, une situation exa-
cerbée lorsque le diabète s’ajoute à l’équa-
tion. Un soutien social approprié, impliquant
les membres de la famille et la communau,
est par conséquent toujours important.
Une bonne alimentation est par ailleurs
essentielle pour contrôler la glycémie.
Idéalement, une femme enceinte atteinte
de diabète doit consulter un diététicien
afin de mettre au point un plan d’alimen-
tation approprié favorisant une prise de
poids normale environ 2,5 kg au premier
trimestre et 5 kg pour les deuxième et troi-
sième trimestres.
Un apport alimentaire restrictif a pour effet
d’accroître la décomposition des graisses
et, donc, la production de tones, ce
qui peut interférer avec le développe-
ment du cerveau du fœtus. Idéalement,
un programme alimentaire doit répartir
les sources de glucose, tandis que l’inges-
tion de différents types d’aliments tout au
long de la journée optimisera l’action de
l’insuline. Une activité physique sous la
forme de promenades après le repas, de
séances de natation et/ou d’exercices de
la partie supérieure du corps contribue à
contrôler le taux de glycémie sans affecter
le bien-être du fœtus.
Thérapie insulinique
Pour les femmes enceintes atteintes de dia-
bète de type 1, divers protocoles d’insuline
reposant généralement sur des ajustements
basés sur les taux de glycémie avant le
repas peuvent être utilisés. Dans le cas de
femmes atteintes de diabète de type 2 ou
de diabète gestationnel, les taux de glycé-
mie à jeun et après les repas doivent être
vérifiés plus souvent. Lorsqu’une alimen-
tation contrôlée combinée à une activité
physique s’avère inefficace pour atteindre
les objectifs glycémiques, la thérapie insu-
linique reste la meilleure solution. Dans la
mesure les besoins en insuline évoluent
durant la grossesse, il est important d’en-
seigner aux femmes enceintes atteintes de
diabète des techniques d’ajustement de
l’insuline et la nécessité de celles-ci.
Des soins de qualité
avant, pendant et après
la grossesse réduisent
les risques pour la santé
et les complications
potentielles, pour la mère
et pour son enfant.
Des besoins changeants
Durant les premières semaines de la gros-
sesse, les besoins en insuline d’une femme
augmentent, mais il peut également y avoir
un risque accru d’hypoglycémie nocturne.
Entre les huitième et quatorzième semaines,
on peut par contre assister à une chute des
besoins en insuline, en particulier chez les
femmes atteintes de diabète de type 1.
Cette diminution, associée aux troubles
de la sensibilité aux hypoglycémies qui
peuvent se manifester pendant la gros-
sesse, augmente considérablement le risque
d’épisodes hypoglycémiques graves. Une
surveillance fréquente et des ajustements
des doses d’insuline constituent par consé-
quent des mesures préventives cruciales.
Une fois le cap du milieu de grossesse dé-
passé (20 semaines), le placenta se velop-
Sara Meltzer
Sara Meltzer est endocrinologue au sein
de la division d’endocrinologie et du
département de métabolisme au sein du
centre hospitalier de l’université McGill,
et professeur assistante en médecine, en
obstétrique et en gynécologie au sein de
l’université McGill, à Montréal, Canada.
pant et produisant davantage d’hormones,
les besoins en insuline augmentent progres-
sivement jusque tard dans le troisième tri-
mestre. Durant les dernières semaines, le
placenta commence à vieillir et le fœtus en
pleine croissance mange de plus en plus, ce
qui peut conduire à une chute des besoins
en insuline, en particulier la nuit.
Prévention, protection et soins
Qu’une femme soit atteinte de diabète
avant d’être enceinte ou que la condition
se développe pendant la grossesse, des
soins de qualité avant, pendant et après
la grossesse réduisent les risques pour la
santé et les éventuelles complications à
court et long terme, tant pour la maman
que pour l’enfant.
Chez les femmes présentant un excellent
contrôle glycémique, un fœtus de taille
normale et l’absence de tout signe d’hy-
pertension, l’accouchement doit s’effec-
tuer sur base des pratiques obstétriques
normales. Chez les femmes atteintes d’un
diabète préexistant et traitées à l’insuline,
une perfusion de glucose sera fournie pour
compenser l’effort physique lié au travail et
un protocole de perfusion d’insuline avec
diminution des doses à mesure que le tra-
vail avance pourra s’avérer nécessaire. Les
bébés nés de femmes atteintes de diabète
doivent faire l’objet d’un examen médical
afin de détecter une hypoglycémie ou tout
autre problème, en particulier s’ils sont
plus grands ou plus petits que la normale.
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