LA CICATRISATION : UN PROBLEME DE SANTE PUBLIQUE ? Les plaies cutanées peuvent-elles faire peau neuve ? Après lésion tissulaire, quel que soit l’organe, des mécanismes de réparation se développent qui vont conduire dans le meilleur des cas à la fermeture de la lésion et à la formation d’une cicatrice qui ne nuira pas au fonctionnement de l’organe. Cependant, deux situations pathologiques peuvent se présenter. La lésion peut ne pas se fermer, conduisant à l’apparition d’une plaie dite chronique ; au contraire, dans d’autres cas, le tissu de réparation peut anormalement se développer et c’est alors une cicatrisation dite excessive qui se développera. Au niveau cutané, ces deux situations pathologiques se concrétisent par des plaies chroniques de types escarres ou ulcères, souvent rencontrées notamment chez les personnes âgées, ou des cicatrices hypertrophiques que l’ont peut observer fréquemment après brûlure. En quoi les nouvelles connaissances scientifiques en biologie cutanée permettent-elles de mieux appréhender le problème de la cicatrisation ? Récemment, de nombreux travaux ont précisé les mécanismes intimes conduisant à la réparation normale d’une plaie cutanée. Les différentes étapes (coagulation et inflammation, développement d’un tissu de granulation, encore appelé tissu de bourgeonnement, formation de la cicatrice) ont été mieux définies. Les rôles joués par les différentes parties de la peau (épiderme et derme) sont maintenant bien connus. Des travaux définissent notamment l’implication des protéases tout au long du processus de réparation cutanée (leur présence excessive dans les plaies chroniques), les différents facteurs de croissance ou cytokines impliqués, et les nombreuses études concernant les cellules souches permettent d’entrevoir la mise en place de moyens thérapeutiques nouveaux. I) LES PLAIES CHRONIQUES : I.1. L’absence de fermeture d’une plaie est-elle une situation fréquente et grave ? Quand la peau ne cicatrise pas, particulièrement chez les sujets âgées, des plaies chroniques (escarres ou ulcères) peuvent apparaître ; des plaies chroniques sont également fréquentes dans les maladies métaboliques, notamment chez les diabétiques. Les plaies et les retards de cicatrisation sont un problème de santé publique qui s'accentue avec le vieillissement de la population et le développement des maladies métaboliques. Le traitement des plaies est une problématique multidisciplinaire, présente dans de nombreuses spécialités médicales. Les plaies peuvent survenir à tout âge chez des patients hospitalisés ou en médecine de ville. Elles peuvent avoir un caractère aigu ou chronique selon l'étiologie et les tares associées. La prise en charge de ces plaies et la cicatrisation dirigée demande une coordination médicale et paramédicale adaptée. Chaque jour, en France, le nombre de patients porteurs de plaies aiguës et chroniques serait supérieur à 2 millions. Certaines de ces plaies entraînent des souffrances physiques, psychiques, et une marginalisation dans la société (odeurs, écoulement, douleur, problème esthétique). Des plaies comme celles rencontrées chez le diabétique, menacent les membres d’amputation et pèsent sur le pronostic vital. Des personnes âgées vivent des années avec des plaies qui coulent, menacent de s’infecter et les rendent tributaires de soins quotidiens. I.2. De nouvelles voies thérapeutiques permettent-elles d’être optimiste dans le traitement des plaies ? De très nombreux pansements différents sont proposés. Mais leur activité n’est pas toujours scientifiquement prouvée, et le personnel soignant n’est pas dans la majorité des cas suffisamment formé et informé au sujet des produits proposés et des conditions de leur utilisation. Il est intéressant de noter que certains produits, qui étaient utilisés depuis des millénaires mais qui avaient disparus avec l’apparition de pansements plus sophistiqués, réapparaissent aujourd’hui avec un succès certain ; on peut citer l’usage du miel qui donne incontestablement des résultas intéressants. Des substituts dermiques ou des peaux équivalentes de plus en plus sophistiqués sont proposés et peuvent être utilisés avec succès pour remplacer la peau qui est incapable de se former chez certains patients. Les traitements par pression négative très utilisés ces dernières années ont permis, en favorisant l’élimination d’un exsudat trop important, en favorisant le rapprochement des berges de la plaie, et en stimulant mécaniquement les cellules, d’obtenir la fermeture de plaies rebelles. La stimulation électrique est également un nouveau procédé qui peut dans certains cas s’avérer efficace. Concernant l’utilisation des cellules souches, particulièrement des cellules souches adultes qui peuvent être prélevées chez le patient lui-même, leur utilisation ne pose pas de problème éthique et ne présente pas de risque. Des études récentes ont décrits des résultats très intéressants. I.3. L’hygiène de vie (tabac, alcool, soleil…) influe-t-elle sur la cicatrisation ? Il est effectivement prouvé qu’une consommation excessive de tabac et/ou d’alcool ralentit la cicatrisation des plaies. En chirurgie esthétique, le tabagisme est une contre-indication pour toute intervention. L’exposition au soleil provoque un vieillissement prématuré de la peau qui pourra conduire à des difficultés pour la cicatrisation. La matrice extracellulaire qui entoure les cellules dans le derme perdra ses propriétés de maintien et d’élasticité, et des rides profondes apparaîtront plus rapidement. L’exposition au soleil représente surtout un risque très important pour le développement de cancers cutanés, notamment les mélanomes qui sont des cancers extrêmement agressifs. II. LES PROBLÈMES POSÉS PAR LA CICATRICE : Dans le meilleur des cas, lorsque la plaie se ferme, peut-on réduire la survenue d’une cicatrice disgracieuse ? En cas de cicatrisation spontanée, le personnel soignant doit veiller à ce que la cicatrice ne devienne pas hyperplasique. C’est une situation fréquemment rencontrée après brûlure ; dans ce cas, la prolifération du tissu de granulation (permettant de remplacer la perte de tissu) n’est plus contrôlée et conduit à des cicatrices hypertrophiques particulièrement pénibles pour le patient, car ces cicatrices contractent la peau et leur traitement nécessite de nombreuses reprises chirurgicales. Dans le cas d’opérations chirurgicales, de nouvelles techniques, moins invasives, et qui tiennent davantage compte des tensions qui existent naturellement dans la peau suivant la localisation, permettent de réduire la taille des cicatrices post-opératoires. Les cicatrices disgracieuses sont de moins en moins acceptées par les patients, et les chirurgiens apportent davantage de soins (amélioration des techniques de suture notamment) à cet aspect qui n’était pas forcément suffisamment pris en compte par le passé. III. DANS QUELLE MESURE PEUT-ON GARDER AVEC L’ÂGE UNE PEAU JEUNE ? Au cours du vieillissement, la matrice extracellulaire qui entoure les cellules du derme, particulièrement les fibroblastes, vieillit. Cette matrice est constituée essentiellement de collagène qui donne à la peau sa solidité, et d’élastine qui procure l’élasticité ; de plus, l’acide hyaluronique permet une bonne hydratation de la peau. Avec l’âge, cette matrice n’est pas renouvelée par les fibroblastes, et des microlésions ou des microdéchirures peuvent apparaître, favorisant notamment l’apparition de rides. L’exposition au soleil accentue ces phénomènes. Des injections locales de produits (céramiques, collagène, acide hyaluronique, toxine botulique, tissu adipeux…) sont employées pour combler les rides, mais la durée d’action de ces produits peut être réduite, et un recul est nécessaire pour établir définitivement l’innocuité de ces manipulations. Des produits, notamment cosmétiques, peuvent stimuler à l’intérieur de la peau, du derme en particulier, les différentes étapes classiques de réparation de façon à restaurer la cohésion du tissu cutané. EN CONCLUSION, des progrès certains ont été réalisés pour traiter les lésions cutanées. De très nombreux produits sont proposés, montrant l’importance du marché dans ce domaine. Plutôt que d’agir en tentant d’imposer à l’organisme sa réparation (ce qui peut conduire notamment à des cicatrices disgracieuses), les traitements actuels cherchent à stimuler l’organisme afin qu’il répare lui-même les lésions. On parle davantage de médecine régénératrice que de médecine réparatrice. Dans cette voie, très certainement, l’utilisation des cellules (éventuellement souches) du patient lui-même constitue incontestablement la base de moyens thérapeutiques nouveaux et séduisants. Les cellules souches provenant de la moelle osseuse, du tissu adipeux, ainsi que les cellules particulières présentes au niveau de la gencive, peuvent être utilisées, sans poser, contrairement aux cellules embryonnaires, de problèmes éthiques. Enfin, les travaux récents montrant qu’il est possible de reprogrammer une cellule afin de la réorienter ensuite pour qu’elle remplace par exemple une population cellulaire défaillante, représente une perspective extrêmement prometteuse.