30 | La Lettre du Cardiologue • N° 504 - avril 2017
CAS CLINIQUE
Mots-clés
Fistule coronaire droite et gauche – Shunt – Hyperdébit cardiaque – Syndrome coronarien aigu
Keywords
Coronary fistula − Cardiac shunt − Hyperkinetic heart syndrome − Acute coronary syndrome
Une volumineuse double fistule
coronaire
An impressive double coronary fistula
B. Polin*, V. Auffret**
* Interne DES.
** Service de cardiologie et maladies vasculaires, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes ;
Inserm, UMR 1099 ; LTSI, université de Rennes.
Une patiente de 67 ans, sans antécédents notables mais
aux multiples facteurs de risque cardiovasculaires −
hypertension artérielle, tabagisme à 30 paquets-
année et hérédité coronarienne − est prise en charge par
le SAMU pour une douleur thoracique rétrosternale et
constrictive concomitante à des palpitations, dans un contexte
d’alcoolisation aiguë.
Examen initial
L’ECG initiale met en évidence une fibrillation atriale rapide avec
un courant de lésion sous-endocardique inférolatéral. L’examen
clinique retrouve un souffle systolodiastolique précordial intense et
diffus sans autres anomalies auscultatoires. La troponine ultrasen-
sible est dosée à 31 puis 108 ng/ml.
L’échocardiographie transthoracique initiale retrouve une FEVG
conservée sans troubles de la cinétique, une absence de valvulo-
pathie mitro-aortique, un ventricule droit sans anomalie, des
oreillettes dilatées. On met en évidence un aspect anévrismal du
tronc commun et une dilatation de la coronaire droite. On note
un hyperdébit aortique à 9 l/mn.
La coronarographie retrouve une dilatation anévrismale du tronc
commun et de l’artère interventriculaire antérieure (IVA) proximale
ainsi qu’un aspect de magma artériel très sinueux naissant d’une
part de l’IVA moyenne (figure 1), d’autre part, de la coronaire
droite (figure 2), faisant alors évoquer le diagnostic de fistule(s)
coronaire(s) ; les portes de sortie sont impossibles à déterminer.
Le réseau natif est par ailleurs indemne de lésions.
Discussion
Une fistule coronaire est définie par la connexion entre une ou
plusieurs artères coronaires et les cavités cardiaques ou d’autres
gros vaisseaux (1). Initialement décrite en 1865, la fistule coronaire
concerne, dans environ 55 % des cas, la coronaire droite ou ses
branches, et dans 35 % la coronaire gauche.
L’origine de ces fistules coronaires peut être congénitale, associée ou
non à d’autres anomalies (sténose pulmonaire, coarctation aortique,
tétralogie de Fallot), mais peut également être acquise, le plus souvent
secondaire à un traumatisme cardiothoracique (chirurgie, accident).
Le traitement de ces anomalies, s’il est retenu, peut être chirurgical ou
interventionnel ; il s’appuie sur la présentation clinique des patients :
âge, comorbidités et surtout retentissement hémodynamique (2).
Dans le cas décrit, des investigations complémentaires semblaient
nécessaires afin de préciser le diagnostic et guider la prise en charge
thérapeutique. Un cathétérisme cardiaque droit avec oxymétries
étagées retrouve une discrète hypertension artérielle pulmo-
naire (38/16-26), confirme l’hyperdébit aortique à 8,4 l/mn et met
en évidence un possible enrichissement dans le tronc de l’artère
pulmonaire (saturation passant de 63 % dans le ventricule droit à
77 % dans l’artère pulmonaire gauche), avec un rapport de shunt
à 1,8. Une coro-TDM retrouvera une volumineuse double fistule
coronaire (coronaire droite et IVA) semblant se drainer dans le tronc
de l’artère pulmonaire et l’AP droite (figures 2-4). On retrouve
également une communication avec une collatérale médiastinale
de l’aorte thoracique.
Conclusion
Il s’agit d’une double fistule coronaire, se drainant d’une part dans
l’artère pulmonaire, créant donc un shunt gauche/droit à faible
débit, et d’autre part dans l’aorte descendante (créant un shunt
gauche/gauche). Au total, cet hyperdébit chronique aortique et
pulmonaire a probablement participé à l’apparition d’une fibril-
lation atriale paroxystique (dilatation bi-atriale importante).
Après discussion en staff médicochirurgical, compte tenu de
l’absence de retentissement fonctionnel de ces fistules coronaires
congénitales, avec un rapport de shunt inférieur à 2, et étant donné
les difficultés prévisibles d’une éventuelle correction chirurgicale
de ces anomalies, il est proposé une simple surveillance clinique
et échographique. ■