
54 ONCFS Rapport scientifi que 2005
Habitats
la structure de la végétation en Guyane
française par une approche de type géo-
systémique est en cours d’étude.
… ses liens avec le paysage…
Plusieurs études ont démontré la faisa-
bilité de l’approche par unité géomor-
phologique sur le relief guyanais et ont
permis de développer un processus de
segmentation de l’espace et une première
définition d’unités géomorphologiques.
Les bases de cette approche se fondent
sur une description d’interfluves élé-
mentaires regroupés en fonction de leurs
caractéristiques topographiques, leur
forme, leur taille, leurs orientations
générales, le tout étant étroitement lié
au substrat géologique qui les supporte.
On définit ainsi des zones de collines
de formes variables, de plateaux plus
ou moins larges et à différents niveaux
d’altitude… sur granites, schistes de dif-
férentes natures, roches volcaniques…
Une méthodologie d’analyse rapide
(Roullier, 1997 ; Ndongou, 1999) est
actuellement utilisée par les aména gistes
forestiers. Elle se déroule en une phase
d’interprétation de prises de vues aérien-
nes ou satellitaires qui permet de recon-
naître et localiser les différents types
de modelés caractéristiques du relief.
Puis un croisement d’informations est
réalisé avec les cartes topographiques
thématiques (altitude, dénivellation) et
géologiques pour aboutir à la définition
et au zonage des unités. Une validation
terrain permet de consolider les résultats
obtenus. Cependant, la démarche actuel-
lement utilisée en Guyane n’a pas de
cadre normalisé et n’est pas standardi-
sée à l’échelle du département.
…et influences sur la faune
sauvage et les habitats.
La comparaison avec les pays voisins
nous fournit une base de réflexion sur
les sources potentielles de variabilité
naturelle des peuplements de grande
faune. En Amazonie, les milieux fores-
tiers très tranchés existent du fait de
leur inondation saisonnière (« Varzea »)
ou non (« Terra ferme »). Cette inon-
dation serait une source majeure de
variabilité dans la biomasse globale et
dans le cortège des mammifères, con-
sidérablement plus important dans les
forêts inondées ou alluviales que dans
les forêts de terre ferme. Cette varia-
tion s’expliquerait essentiellement par la
nature et la richesse des sols, qui, pério-
diquement enrichis par les allu vions des
fleuves permettraient une production
primaire (feuilles et fruits) plus élevée
pouvant accueillir des biomasses ani-
males plus fortes (Peres, 1999). Ces
zones à dynamique annuelle autorise-
raient également un étalement des pics
de fructification, réduisant la période de
rareté en ressources fruitières.
En Guyane, l’opposition entre forêt
de terre ferme et forêt inondée n’est
pas aussi tranchée que celle des forêts
amazoniennes. L’imbrication des dif-
férents types de forêt reste plus com-
plexe en raison notamment d’un réseau
hydrographique très dense. Les densités
animales sont plutôt comparables avec
les forêts de type « terre ferme » du
bassin amazonien, c’est à dire parmi
les moins riches. Cette relative pauvreté
des milieux du plateau des Guyanes a
également été soulignée par la mise
en évidence d’un gradient décroissant
de richesse et de biodiversité selon la
latitude et l’altitude, à l’échelle des
forêts tropicales sud-américaines (Voss
et Emmons, 1996). Certaines espèces
patrimoniales comme les atèles, dont
l’espèce a une répartition géographique
réduite au plateau des Guyanes sem-
blent par contre plus abondantes en
Guyane que dans d’autres zones de
l’Amazonie, et leur grande vulnérabilité
à la chasse rend donc la responsabilité
des gestionnaires du milieu naturel en
Guyane encore plus importante.
Au-delà de l’impact de la chasse sur les
espèces les plus sensibles, des analyses
préliminaires montrent que de grandes
disparités existent entre les zones non
chassées. Certaines espèces sont parfois
plus abondantes dans les zones chas-
sées que dans les zones non-chassées.
Ces différences de peuplements sont à
mettre en relation avec le milieu naturel
variable et plus ou moins favorable selon
les espèces. Ainsi, selon nos résultats
préliminaires des sites à topogra phie
plutôt douce, proches de fleuves, seraient
plutôt favorables aux ongulés (Pécari à
collier Tayassu tajacu et cervidés Mazama
sp.), aux rongeurs agoutis (Dasyprocta
agouti) et acouchis (Myoprocta acouchy)
et aux tinamous (Crypturellus sp. et
Tinamus major), alors que les sites à
relief marqué favoriseraient plutôt les
marails (Penelope marail), les hoccos
(Crax alector), les toclos (Odontopho-
rus guyanensis) et les grands primates
(Richard-Hansen, 2005).
Des résultats préliminaires montrent
que la forte représentation, ou la domi-
nance, de certaines familles végétales
pourrait être liée à l’importance rela-
tive de certaines espèces ou groupes
d’espèces animales qui les consomment
préférentiellement.
Par ailleurs, de nombreuses études
mettent en évidence que le facteur
limitant pour l’expansion numérique
d’espèces animales dans une zone est
constitué principalement par la pério de
de pénurie des ressources alimentaires,
et particulièrement pour de nom-
breuses espèces frugivores. La présence
sur certains sites d’espèces ressources
clé, importantes dans le régime ali-
mentaire et fructifiant à une période
décalée par rapport à l’ensemble des
autres peut également représenter un
facteur important de développement
pour certaines espèces animales assez
spécialisées.
Problématique
et intérêt de l’étude
Si les études en cours permettent
d’éclairer une partie de la structuration
de la biodiversité spécifique à l’échelle
du paysage aucune approche globale ne
permet à l’heure actuelle de faire le lien
entre ces multiples relations bilatérales.
Les jalons sont cependant posés pour
expliciter les relations entre paysage,
habitat et biodiversité et être capable de
les analyser.
Notre projet d’étude propose de se situer
en connexion et en complémentarité
avec les programmes scientifiques en
cours, mais en abordant le problème
selon une démarche différente qui se
veut directement opérationnelle, multi-
disciplinaire et pragmatique.
On cherchera ainsi à valider les
hypothèses qui sous-tendent la
démarche d’aménagement forestier
actuellement mise en œuvre, à savoir :
– un type d’« Unité de Paysage » cor-
respond à un ensemble d’habitats bien
particulier ;
– des relations fortes existent entre le
type d’unité de paysage et les carac-
téristiques dendrométriques d’un peu-
plement ;