remarques sur ce que lui inspire l’Esprit des Lois2. Il fait à son au-
teur des reproches qu’on retrouvera d’ailleurs en 1774, notam-
ment le formalisme excessif de ses catégories politiques qui ne
permet pas de rendre compte de l’infinie diversité des régimes
existants3. Montesquieu a davantage fait une « métaphysique des
lois » (Metaphysik der Gesetze) qu’une étude concrète des différents
cas existants4, il n’a pas écrit ce que Herder appelle une
« métaphysique pour la Bildung des peuples » (Metaphysik zur Bil-
dung der Völker)5. Quel serait le contenu d’une telle métaphysi-
que ? Elle étudierait les mœurs, l’éducation et non pas les lois qui
ne sont que l’ombre de la vie ; elle prendrait pour objet les peuples
sauvages, demi-sauvages ou en voie de se cultiver et non pas les
peuples déjà cultivés6. Faire comme Montesquieu et s’en tenir uni-
quement aux lois (den Gesetzen folgen) et non pas aux mœurs
(keine Sitten haben), c’est suivre la froide raison (der kalten Ver-
nunft… folgen wollen) et ignorer une grande partie de l’humanité7.
De 1770 à 1774 on est passé d’une métaphysique à une philosophie
de l’histoire en vue de la Bildung des peuples. Ce changement de
termes n’est pas gratuit mais ne doit pas induire en erreur : la mé-
taphysique peut être remplacée par une philosophie de l’histoire
dans la mesure où le particulier, le concret que Herder veut pren-
dre en considération ne peut être donné que dans l’espace et dans
le temps.
Que faut-il retenir de ce titre surchargé, sans élégance, où
l’effet de lourdeur est presque revendiqué comme tel ? L’œuvre de
2 J.G. Herder Sämmtliche Werke, IV, Olms, 1967, “Einzelne Blätter zum “Journal der
Reise”, pp. 464-468.
3 Ibid., Journal meiner Reise im Jahr 1769, pp. 418 sq. où Herder énumère tous les cas
possibles : aristocraties démocratiques, monarchies aristocratiques, aristocraties mo-
narchiques, etc.
4 Ibid., p. 465.
5 Ibid.
6 Ibid., p. 466.
7 Ibid., p. 468.