De la constitutionnalité de la loi n°11 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution du 18 février 2006

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Annales FLSH N° 19 (2015)
DE LA CONSTITUTIONNALITE DE LA LOI N°11 DU 20
JANVIER 2011 PORTANT REVISION DE CERTAINS
ARTICLES DE LA CONSTITUTION
DU 18 FEVRIER 2006
Par
NGANI IPOPO Gérard et
SONGIMA MOSAU Doudou1
ABSTRACT:
The constitutionality of the law n° 11/002 of 20 January 2011
relative to the revision of some articles of the Constitution of the
Democratic Republic of Congo of the 18 th February 2006
The revision of the constitution is allowed because of the adaptation
according to the mutability principal in the accordance with the constitution.
The Republic Democratic of Congo is organized by the constitution of
18.2.2006 which was modified the 20th January 2011 by the law n° 11/002 du
20 January 2011 modifying eight articles of the constitution of the 18th
February 2006. Those articles are: 71,110,126, 149,197,198,218 and 226.
The analyze of that low indicates that according to the form of the
revising, that law is correct, but according to the substance four articles are
unconstitutional. Those articles are: 149,197,198 and 218 because the revision
of those articles is forbidden.
In fact, the norms relative of the revision of the constitution give
possibilities of revising some matters and forgive the others. They are two
kinds of limitations of the revisions: the express interdiction and the implicit
one. The first is done by the constitution but the second is not allowed clearly.
The first case is done by the 20th article of the constitution itself and second is
relative of the form of the revision.
The revision of those four articles is the calling into question of the law
State. That is the reason why, the Congolese Parliament is or the Congolese are
called to review those articles witch are modified out of the norms to return to
the origin position. The Congolese are sovereign i.e the people is the owner of
the power. The article 28th of the Constitution obliges Congolese to refuse
illegal order.
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Assistants, respectivement à l’Université de Lisala et à l’ISDR/Bosondjo
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INTRODUCTION
La République Démocratique du Congo étant un Etat, elle doit être régie
par le droit car une société sans droit tombe dans la jungle dans la mesure où
les plus forts risqueront de disposer les plus faibles. Ne dit-on pas : « homo
homini lupus » ? Le droit doit donc intervenir pour harmoniser la société, il y
est obligatoire, « Ubi societas ibi jus », dit-on. Et ce droit doit être en premier
lieu le droit public, car celui-ci est l’ensemble des règles qui régissent
l’activité de l’Etat et qui fixent les rapports entre l’Etat et les particuliers.
Ce droit est subdivisé en son sein en droit constitutionnel, droit
administratif, la législation financière, le droit international public (Barraine,
1972, pp.1-2) .Le droit constitutionnel est appelé aussi « droit politique, droit
politisé, voire droit d’Etat ».Il est appelé droit politique (polis =cité) par le fait
qu’il est lié aux Etats.
Voilà pourquoi la RDC tout en étant un Etat s’est dotée aussi d’un droit
constitutionnel contenu essentiellement dans sa constitution : c’est la
constitution du 18.02.2006 qui est la constitution de la troisième République.
Pour que celle-ci soit élaborée, ce sont les différentes crises que la RDC a
connues, crises liées à la légitimité des institutions politiques ainsi qu’aux
animateurs de celles-ci qui sont à la base. Pour mettre fin à ces diverses crises,
il a fallu des négociations politiques parmi lesquelles le Dialogue InterCongolais qui a abouti à l’Accord Global et Inclusif et qui a débouché sur la
Constitution du 04.04.2003 connue sous le nom du « Gouvernement 1+4 ».
Cette constitution avait établi un parlement bicaméral.
En vertu de l’article 98 de ladite constitution, l’Assemblée Nationale
avait notamment pour mission de voter les lois, de contrôler le gouvernement,
les services publics et d’adopter le projet de constitution avant son approbation
par le peuple au référendum. L’article 104 de la même constitution donne au
Sénat le pouvoir d’élaborer un avant projet de constitution.
S’étant conformé à ses missions, le projet de constitution était soumis au
référendum organisé du 18 au 19 décembre et promulgué le 18.02.2006. Et
celle-ci a été élaborée dans un esprit de bâtir au cœur de l’Afrique un Etat de
droit c'est-à-dire l’Etat qui respecte les droits de l’homme et qui respecte la
hiérarchie des normes en commençant par la constitution qui est la loi
fondamentale sur laquelle toutes les autres lois doivent trouver leur fondement.
Cette constitution a été élaborée dans l’esprit de bâtir un Etat droit c'est-à-dire
celui qui respecte les normes ou encore celui dans lequel le principe de légalité
est rigoureusement de mise. Tout sachant que la constitution est une œuvre
humaine est susceptible de révision, le constituant originaire a prévues les
normes y relatives aux articles 218 à 220. Se référant notamment à l’article 218
sur l’initiative du gouvernement, le parlement a adopté la révision
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constitutionnelle par la loi n°11/002 qui a été promulguée par le Président de la
République en date du 20.01.2011.
La question la plus fondamentale est celle de savoir si cette constitution
s’est conformée à la volonté de sa mère c’est-à-dire à la constitution du
18.02.2006.Il s’agit en d’autres termes de la question de la constitutionnalité de
la loi n°11/002 du 20 janvier 20011.
Ainsi parler de la constitutionnalité d’une loi revient à apprécier sa
conformité à la constitution (Cornu, p.2005, p.195).Il est question ici de la
constitution du 18.02.2006 à la quelle la loi n°11/002 précitée doit se
conformer car celle-ci n’est rien d’autre que la révision de ladite constitution.
Et pour parvenir à cette gymnastique intellectuelle, il faut avoir la
maîtrise de la constitution elle-même (Chapitre I) avant de se rendre compte de
sa révision (Chapitre II).
CHAPITRE I : DE LA CONSTITUTION
Elle peut être définie aussi bien au sens matériel qu’au sens formel. Dans
le premier cas, elle traduit l’ensemble des règles écrites ou coutumières qui
déterminent la forme de l’Etat(…) la dévolution et l’exercice du pouvoir ; dans
le second, elle est un document relatif aux institutions politiques dont
l’élaboration et la modification obéissent à une procédure différente de la
procédure législative ordinaire (Guillien et Vincent, 1999, p.140).
Comme on peut bien le constater, de cette définition se dégage ce qui
suit :
- Au sens matériel, la Constitution peut être écrite comme il en est le cas de la
France et la RDC ou coutumière et c’est le cas en Grande Bretagne
(Vunduawe, p.183) ;
- Au sens formel, elle est soit rigide comme celle de la DRC soit souple tel est
à titre illustratif, le cas en Grande Bretagne.
Tout en ayant un objet (section I), la Constitution doit être élaborée
(section II).
Section 1 : DE L’OBJET DE LA CONSTITUTION
Il convient de présenter les différentes conceptions de la constitution (§1)
avant d’en déterminer l’objet (§2).
§1. Les conceptions de la constitution.
La constitution peut avoir une conception politique (I) tout comme elle
peut avoir une conception juridique(II).
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I. La conception politique de la constitution.
Celle-ci est orientée idéologiquement(…), elle est le synonyme de la
garantie des droits fondamentaux et de limitation des pouvoirs par leur
séparation .C’est à cette conception que répond la formule de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « toute société dans laquelle la
garantie des droits n’est pas assurée, n’a pas de constitution (art 16) (Mpongo,
2001, p.75).
Comme on peut bine le remarquer cette conception privilégie l’homme
qui doit être au centre de la société en protégeant ses droits. Théoriquement, la
RDC a souscrit à cette conception par le fait qu’elle ait consacré les droits
humains dans sa constitution.
II. La conception juridique de la constitution.
Selon cette conception, tout Etat a nécessairement une constitution du
moment qu’apparait un pouvoir institutionnalisé permettant de différencier le
pouvoir en soi et ses agents d’exercice (…) elle est le synonyme de statut de
l’Etat, elle est considérée comme l’ensemble des règles concernant le mode de
désignation et le fonctionnement du pouvoir politique (Ntumba, 2005, p.119).
Cette deuxième conception réside sur la notion « d’institution », c’est-àdire elle établit la différence entre les animateurs du pouvoir politique et le
pouvoir lui-même qui est considéré comme une personne morale ou une
institution. Ne dit-on pas que « les hommes passent et les institutions
restent ? ». Cette différence est fondamentale en évitant la confusion entre le
pouvoir et les agents.
Ainsi la notion de la personne morale implique une conséquence en
matière de la responsabilité administrative en distinguant la faute de service de
la faute personnelle. Lorsque la faute est personnelle souligne Vunduawe
(2007, pp.775-776), l’agent est civilement responsable(…) dans le cas d’une
faute de service (…) C’est l’Administration qui doit réparer le préjudice.
En parcourant les articles 68 à 210 de la constitution du 18.02.2006, on
peut bien lire l’intention du constituant de prendre en considération la
conception juridique de la constitution.
Ayant maîtrisé les différentes conceptions de la constitution, découvrons
à présent l’objet de la constitution.
§2. De l’objet de la constitution
Les différentes conceptions qu’on vient d’établir sur la constitution
permettent de bien saisir l’objet de la constitution à savoir les droits humains
et l’organisation des pouvoirs. A ce sujet Ntumba Luaba Lumu (2005, p.130)
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déclare : « la constitution a pour objet principal l’organisation des pouvoirs
publics, la fixation des modalités d’aménagement et d’exercice du pouvoir
politique au sein de l’Etat(…).Outre la fixation du statut des gouvernants et
leur légitimation, la constitution détermine aussi le statut des gouvernés.
Ayant compris la conception ainsi que l’objet de la constitution, il
importe de savoir comment s’élabore la constitution.
Section 2 : DE L’ELABORATION DE LA CONSTITUTION
Etant la source suprême, directe ou indirecte de toutes les compétences
qui s’exercent (Rouault, 2007, p.16) au sein d’un Etat, l’établissement d’une
constitution obéit à une procédure spécifique où se rencontrent préoccupations
techniques et politiques (Ntumba, 2005, p.146) .Il s’agit plus des constitutions
rigides que les constitutions souples.
Les premières sont entourées d’une certaine solennité et nécessitent pour
leur modification l’intervention d’une autorité particulière alors que les
secondes peuvent être modifiées avec la même facilité que les lois ordinaires.
Cette distinction est purement formelle car souples ou rigides, les
constitutions peuvent être coutumières ou écrites .La constitution est dite
coutumière lorsque l’organisation de l’Etat résulte de pratiques, de traditions
considérées comme ayant force juridique (Mpongo, 2001, p.77).On est en
présence d’une constitution écrite lorsque les règles (…) se trouvent
rassemblées dans le même document ou texte fondamental. La constitution du
18.02.2006 est rigide dans la mesure où la procédure de sa révision est
verrouillée.
Il faut toutefois préciser que la différence entre la constitution écrite et
coutumière n’est pas absolue, car dans les pays à constitution coutumière il
existe aussi des textes écrits épars. Il en est de même pour les pays à
constitution écrite où l’on fait aussi recours à la coutume. Cette référence est
observée par la RDC.
C’est ainsi que nous envisageons « la constitution à dominance
coutumière et la constitution à dominance écrite » au lieu de la constitution
écrite et de la constitution coutumière.
Quelle que soit la forme de la constitution, son élaboration relève du
pouvoir constituant ou auteur de la constitution ou d’une révision. Les modes
mêmes d’élaboration varient en fonction de la nature du régime politique
concerné(…) le pouvoir constituant englobe l’ensemble des organes chargés
d’élaborer ou de réviser la constitution(…) on distingue le pouvoir constituant
originaire et le pouvoir constituant dérivé (Ntumba, 2005, p.146). Le pouvoir
constituant est dit originaire, inconditionné ou même primaire car c’est lui qui
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est à l’origine de la constitution et ce (…) sans aucune condition préalable. Il
est dit par contre dérivé, conditionné, institué ou même secondaire car, il est
tributaire du pouvoir constituant originaire qui prévoit les conditions selon
lesquelles la révision doit être opérée.
C’est ainsi que Mpongo BokakoB(2001,p.77) affirme en considérant que
le pouvoir constituant est inconditionné puisqu’il est à la source, au
commencement d’un ordre juridique nouveau. Au sujet du pouvoir constituant
dérivé, Ntumba Luaba (2005,p.) déclare : « il est celui qui modifie, une
constitution déjà en vigueur, selon les règles posées par celle-ci (2.Le titulaire
du pouvoir constituant n’est pas le même selon la nature de la société,
démocratique ou non ( …) l’on distingue parmi les modes d’élaboration de la
constitution le mode autoritaire, les modes mixtes et les modes démocratiques .
S’agissant du mode non démocratique il y a lieu de citer l’octroi qui
consiste à établir les constitutions par décision unilatérale du chef de l’Etat .Le
pate ou contrat et le plébiscite populaire forment les modes mixtes :le contrat
se fait entre une assemblée qui propose au roi et celui-ci doit l’accepter .Dans
le plébiscite ,il s’agit d’un référendum dans lequel, à l’occasion de
l’approbation d’un acte, il est demandé au corps électoral de manifester sa
confiance à un homme.
Concernant les modes démocratiques, c’est le peuple souverain soit par
l’intermédiaire de ses représentants (Convention ou Assemblée constituante)
soit par référendum constituant. Dans le premier cas l’assemblée peut être ad
hoc ou assemblée constituante et législative(…). Dans le second qui est aussi
de la consultation populaire, le peuple ne se contente pas d’approuver un texte
préparé en dehors de lui. Il est associé à l’élaboration du texte de la
constitution.
Il faut également signaler le cas de la combinaison de l’assemblée
constituante et du référendum constituant : c’est l’application de la démocratie
directe et semi directe(…). La Constitution est élaborée par une assemblée
constituante spécialement élue à cet effet, mais le texte n’acquiert force
juridique qu’après avoir été ratifié par le peuple .C’est le cas de la constitution
de la RDC du 18.02.2006 car le peuple n’était ni associé à son élaboration
encore moins il était suffisamment sensibilisé.
Seules les techniques ne sont pas suffisantes pour élaborer la constitution,
encore faut-il que l’on puisse s’assujettir sur un certain nombre de procédures.
II. DE LA PROCEDURE DE L’ELABORATION DE LA CONSTITUTION
Dans le cas des constitutions rigides (…) il faut distinguer l’élaboration
de la constitution qui doit respecter deux étapes importantes : l’initiative et la
ratification.
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a. L’initiative
L’on est progressivement passé : d’une initiative unilatérale du tutélaire
de la souveraineté à une initiative populaire soit directe soit indirecte.
S’agissant de la constitution du 18.02.2006, l’initiative était populaire
indirecte par le fait qu’elle était confiée au parlement bicaméral de la
constitution du 4 avril 2003 conformément aux articles 104 et 98.
b. La ratification du projet élaboré
Elle fait intervenir soit le parlement soit le corps électoral par voie de
référendum.
En ce qui concerne la constitution du 18.02.2006 le corps électoral est
intervenu par voie référendaire organisé du 18 au 19 décembre 2005
(Vunduawe, 2007, p ;207) .
Etant une ouvre humaine, la constitution nait, évolue et peut mourir par
l’abrogation qui peut être totale ou partielle. L’abrogation partielle de la
constitution est appelée « la révision constitutionnelle » dont l’analyse s’avère
nécessaire.
CHAPITRE II : DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE
Il faut partir des règles générales relatives à la révision constitutionnelle
(section I) avant d’apprécier la conformité de la loi n°11/002 du 20.01.2011 à
la constitution du 18.02.2006 (section II).
Section 1 : DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE
Bien saisir la révision constitutionnelle revient à maîtriser les règles
générales y relatives (§1) celles-ci ne doivent qu’être conformes à la
constitution cause de sa suprématie (§2).
§1. Théories générales sur la révision constitutionnelle.
Celles-ci partent de l’étendue de la révision (I) à la procédure de la
révision (II).
I. De l’étendue de la révision constitutionnelle
Il revient au pouvoir constituant institué de réviser la constitution dans
les limites lui reconnues par le pouvoir constituant originaire .C’est pour cette
raison que Mpongo Bokako (2001, p.95) affirme : « le pouvoir constituant
dérivé est par essence un pouvoir limité .On distingue deux types de
limitations : les limitations expresses et les limitations implicites.
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1. Les limitations expresses portent notamment sur :
- le temps en précisant la période pendant laquelle est possible voire même
l’échéance endéans laquelle la révision peut s’opérer ;
- l’objet de la constitution c'est-à-dire les matières pouvant faire ou pas être
révisées ;
- les circonstances entourant l’intervention de l’organe de la révision
constitutionnelle.
Il faut avouer la bonne volonté du constituant originaire de la constitution
du 18.02.2006 à se conformer à ces règles. Par rapport par exemple aux temps,
l’article 219 de ladite constitution interdit toute révision constitutionnelle
pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim
à la Présidence de la République ni pendant que l’Assemblée et Sénat se
trouvent empêchés de se réunir librement.
S’agissant de l’objet de la constitution, l’article 220 prohibe la révision
de la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme
représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du
Président de la République, l’indépendance du pouvoir judicaire, le pluralisme
politique et syndical.
De même ajoute t-il que toute révision ayant pour objet ou pour effet de
réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des
provinces et des entités territoriales décentralisées est interdite.
2. Les limitations implicites interdisent la révision totale voire même la
révision de la procédure de la révision constitutionnelle.
II. De la procédure de la révision constitutionnelle.
Dans le cas des constitutions rigides (…) il faut distinguer l’initiative, les
organes chargés de la révision et les organes chargés de la ratification
(Mpongo, 2001,p.102).
1. L’initiative de la révision : elle peut être confiée à l’exécutif seul, au
parlement seul, partagée entre l’exécutif et le parlement, partagée entre le
peuple et les pouvoirs publics.
Il faut signaler que la constitution du 18.02.2006 a opté pour la dernière
possibilité c'est-à-dire l’initiative de la révision constitutionnelle est
partagée entre le peuple et les pouvoirs comme le prévoit l’article 218 de la
Constitution du 18 février 2006.
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Les organes chargés de la révision constitutionnelle. Ils peuvent être
soient les organes législatifs, soit une assemblée spéciale soient encore le
peuple et le parlement.
Le constituant du 18.02.2006 a opéré son choix sur le parlement en
consacrant à l’article 218 al2 que chacune des initiatives est soumise à
l’Assemblée Nationale et au Sénat qui décident à la majorité absolue de
chaque chambre, du bien fondé du projet, de la proposition ou de la pétition
de la révision.
2. Les organes chargés de la ratification ou de l’adoption. Il peut s’agir : soit
de l’autorité qui a élaboré la révision mais sous certaines conditions ; soit
d’un organe spécial ; soit au peuple ; soit encore au parlement.
En ce qui concerne la constitution du 18.02.2006, le pouvoir revient en
principe au peuple et exceptionnellement au parlement .Voilà pourquoi
Vunduawe (2007, p.222) fait remarquer qu’avec la nouvelle constitution, le
parlement, pouvoir constitué, n’est plus en effet le véritable pouvoir constituant
dérivé de l’Etat, comme ce fut le cas dans toutes les précédentes constitutions
ayant régi le pays depuis 1967.
Comme on peut bien le remarquer, la révision de la constitution doit se
soumettre à la constitution elle-même étant donné que celle-ci est placée au
sommet de la hiérarchie des normes juridique et par voie de conséquence elle
s’impose théoriquement à tous les organes de l’Etat (Mpongo, 2001, p.104) :
c’est la garantie de la supériorité de la constitution.
§2. La suprématie de la constitution
Le fait que ces normes, qui sont au sommet (Chapus,1996,p.27) d’un
Etat, elles s’imposent à tous. La constitution n’est-elle pas la loi fondamentale
d’un Etat ? Et la suprématie de la constitution est aussi bien matérielle (I) que
formelle(II).
I. La suprématie matérielle
Cette suprématie a un fondement (a) et des conséquences (b).
a. Le fondement de la suprématie matérielle.
Elle résulte du fait qu’elle organise des compétences, elle est
nécessairement supérieure aux autorités qui en sont investies. Cela revient à
dire que la suprématie matérielle concerne le contenu ou l’objet de la
constitution. Les autorités ne doivent qu’agir dans les limites des compétences
qui leur sont reconnues car, comme le déclare Vunduawe (2007, p.221) la
compétence est d’attribution en droit.
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b. Les conséquences de la suprématie matérielle
Une double conséquence s’en dégage, envisagée tant à l’égard des
gouvernés que des gouvernants : dans le premier cas, elle renforce la légalité de
sorte que tout acte contraire à la constitution n’aura aucune valeur juridique et,
par voie de conséquence, il faudra l’attaquer. Dans le second, elle interdit aux
organes non investis de pouvoir intervenir dans les matières ne relevant pas de
leurs compétences.
II. Suprématie formelle de la constitution
Il y a suprématie formelle lorsque les règles constitutionnelles ne peuvent
être élaborées ou modifiées que dans des conditions et suivant des procédures
spéciales qui sont strictes que celles qui sont prévues pour l’élaboration et pour
la modification des lois ordinaires. Du point de vue formel, poursuit-il, on
distingue les constitutions rigides et les constituions souples, les lois
constitutionnelles et les lois ordinaires
La différence entre les constitutions rigides et souples étant déjà donnée,
disons que les lois constitutionnelles se distinguent essentiellement des
ordinaires en ce que leur adoption provisoire au niveau du parlement réuni en
congrès est obtenu par un vote renforcé et selon la procédure de révision
constitutionnelle prévue ; ce qui n’est pas le cas avec les lois ordinaires.
Etant donné que la valeur juridique de la loi constitutionnelle est
controversée où les uns pensent qu’elle doit se soumettre à la constitution et les
autres estimant qu’elle a la même valeur que la constitution, nous estimons que
la loi constitutionnelle étant l’œuvre du pouvoir constituant dérivé, les
compétences de ce dernier sont limitées surtout lorsqu’on est dans un Etat de
droit et lorsque la constitution est rigide. Quant on est en présence d’un Etat
policier où règne le principe du bon plaisir c'est-à-dire où tout dépend du bon
vouloir de dirigeant ou encore lorsqu’il s’agit d’une constitution souple, la loi
constitutionnelle aura la même valeur que la constitution. La République
Démocratique étant un Etat de droit et dont sa constitution est rigide, la loi
constitutionnelle reste subordonnée à la constitution qui est sa mère.
Une question se pose cependant : « comment alors apprécier
la
constitutionnalité de la loi n°11/002 du 20.01.2011 portant révision de certains
articles de la constitution du 18.02.2006 ? »
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Section 2 : DE LA CONSTITUTIONNALITE DE LA LOI N°11/002 DU
20.01.2011
La nature juridique de cette loi, on l’a dit, est une loi constitutionnelle car
elle a révisé huit articles de la constitution du 18.02.2006.Et pour découvrir si
cette loi est ou non conforme à la constitution du 18.02.2006, il est important
de commencer par analyser la procédure prévue par cette constitution au sujet
de sa révision (§1) pour finir par vérifier si la loi sus évoquée s’est conformée à
toutes ces règles. En d’autres termes, il s’agit d’apprécier véritablement la
constitutionnalité de la loi précitée (§2).
§1. De la procédure de la révision constitutionnelle prévue par la
constitution du 18.02.2006
Le titre VII de cette constitution est relatif à la révision constitutionnelle
en y consacrant trois articles à savoir : 218,219 et 220.
En effet l’article 218 prévoit la procédure de la révision constitutionnelle
en prévoyant les initiateurs (le Président de la République, le gouvernement, le
parlement ainsi que la fraction du peuple environs 100.000), les réviseurs
(parlement) ainsi que les approbateurs (le peuple par référendum).
Quant à l’article 219, celui-ci précise la période pendant laquelle la
révision est impossible. Il s’agit de l’état de guerre, d’urgence ou de siège,
pendant l’intérim à la présidence de la république et même lorsque le parlement
ne peut se réunir librement.
L’article 220 pour sa part interdit la révision de certaines dispositions, tel
est le cas de la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel,
la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du
Président de la République, l’indépendance du pouvoir judicaire, le pluralisme
politique et syndical .Il en est de même de l’interdiction de réduire les droits et
libertés de la personne humaine et même les prérogatives des provinces et des
entités territoriales décentralisées.
§2. De la constitutionnalité de la loi n°11/002 du 20.01.2011
Il est intéressant de commencer par la procédure et le fond (I) pour finir
par apprécier si le constituant secondaire s’est conformé au constituant
primaire (II).
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I. De la procédure de la révision et les articles révisés
A. L a procédure
Il faut signaler que l’initiative de cette révision est provenue
du
gouvernement et le parlement réuni en congrès en a approuvée à la majorité
absolue soit 485 votes positifs contre 8 négatifs 11 abstentions et en l’absence
de l’opposition, conformément à l’article 218 de la constitution et aux articles
36 et 37 du Règlement Intérieur du Congrès.
La procédure de la révision n’a pas posé problème, ce qu’on a déploré la
célérité de la procédure.
B. Les matières révisées
Il s’agit de :
- L’article 71 qui réduit l’élection du Président de la République à un seul tour
et à la majorité simple ;
- L’article 110 qui donne privilège au parlementaire de reprendre le parlement
après la cessation des fonctions incompatibles avec sa qualité de
parlementaire ;
- L’article 126 qui permet au parlement d’accorder le crédit provisoire au
gouvernement ;
- L’article 149 qui écarte le parquet du Pouvoir judiciaire ;
- L’article 197 qui accorde au Présidant de la République le pouvoir de
dissoudre l’Assemblée Provinciale en cas des crises persistantes ;
- L’article 198 qui autorise au Président de la République de révoquer le
gouverneur de Province en cas des crises persistantes avec l’Assemblée
Provinciale ;
- L’article 218 qui octroi au Président de la République le pouvoir
discrétionnaire pour convoquer le peuple au référendum afin de la révision
constitutionnelle ;
- L’article 226 qui convie le parlement à programmer la mise en application
des 26 Provinces prévues à l’article 2 de la constitution.
Peut-on considérer cette loi conforme à la constitution originaire ?
II. De la constitutionnalité de la loi n°11/002 du 20.01.2011.
Il y a lieu d’observer que la procédure a été minutieusement respectée en
ce sens qu’on s’est conformé à l’article 218 al.4 et aux articles 36 et 37 du
Règlement Intérieur du Congrès.
En ce qui concerne le fond, les articles 149,197,198 et 218 posent
problème par rapport à leur conformité à la constitution comme le signale bien
l’article 220 en ces termes : « ….l’indépendance du pouvoir judiciaire,…les
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prérogatives reconnues
décentralisées ».
aux
provinces
ainsi
qu’entités
territoriales
Ainsi les arguments avancés par le constituant dérivé ne se justifient
nullement en droit pour des raisons que voici :
- L’on ne peut pas écarter le parquet du pouvoir judiciaire car cela constitue
une violation intentionnelle de la constitution en ce sens que l’article 220 en
prohibe formellement. L’argument avancé par le constituant dérivé ne tient
pas débout car déjà l’article 15 de la loi organique n°06/020 portant statut
des magistrats dispose que le magistrat du Parquet assume sa mission
d’officier public sous direction de l’autorité hiérarchique. Toutefois poursuit
le même article, sans préjudice des articles 149 ,150 et 151 de la
constitution, le gouvernement peut demander sans avoir à interférer de
quelque manière que ce soit dans le cours de l’instruction, saisir le
Procureur Général près la Cour de cassation des faits qui relèvent de sa
compétence, afin de mettre l’action publique en mouvement.
Bien que son indépendance soit relative, il est tout à fait dangereux de
la lui enlever pendant qu’elle est constitutionnellement garantie. Le parquet
étant toujours attaché à la juridiction, doit conserver son indépendance en
vertu de la théorie de séparation des pouvoirs qui est d’ailleurs consacré par
l’article 149 de la constitution du 18.02.2006 (version originelle). Juges ou
Ministère Public, ils sont tous magistrats comme le souligne bien la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire et sont
tous soumis au même statut ;
- L’on ne peut pas accorder au Chef de l’Etat le pouvoir sur les entités
régionalisées, c’est une violation manifeste de la constitution dans la
mesure où l’article 220 de la constitution interdit rigoureusement toute
révision ayant pour objet ou pour effet de réduire les prérogatives reconnues
aux provinces. Aussi l’article 3 de la constitution leur reconnaît une libre
administration et l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques,
humaines, financières et techniques.
Les prérogatives accordées au chef de l’Etat sur les institutions
provinciales ne se justifient aucunement car l’article 19 de la loi 08/012 du
31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces a déjà résolu avec délicatesse le problème en
considérant que quand il y a crise (…) que l’Assemblée provinciale soit
dissoute de plein droit et que les présidents de deux chambres en fassent que
la constater pour en faire rapport au Président de la République qui ne fera
qu’en prendre acte. Cet argument doit être le même pour le gouverneur de
Province qui est responsable devant l’Assemblée Provinciale ;
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Annales FLSH N° 19 (2015)
- S’agissant de l’article 218 qui accorde au Président de la République le
pouvoir discrétionnaire pour convoquer le peuple au référendum pour
réviser la constitution, c’est une interdiction implicite : cette révision est très
dangereuse car il y a risque qu’une prochaine révision touche à l’article 220
pour changer le statut de la constitution qui est rigide pour qu’elle devienne
souple.
CONCLUSION
La révision de la constitution est indispensable dans la mesure où la
constitution doit s’adapter aux réalités du moment en vertu du principe de la
mutabilité mais sans pour autant se départir des règles tracées par la
constitution elle-même. Ceci pour dire que la loi n° 11/002 du 20.01.2011
devait se réaliser conformément à la constitution du 18.02.2006 qui a prévu
elle-même la procédure, la période et les matières pouvant faire l’objet de la
constitution.
Curieusement le constituant dérivé s’est octroyé des pouvoirs exorbitants
pour réviser les matières qui sont formellement interdites par la constitution
elle-même. Peut –on réellement considérer que la RDC est un Etat de droit
formel ?
Ainsi envisageons-nous que le parlement sur sa propre initiative, s’il est
réellement le représentant du Peuple, qu’il tienne compte de cette
inconstitutionnalité pour retourner à la version originale de la constitution. Au
cas contraire le peuple peut agir car l’article 5 de la constitution du 18.02.2006
lui reconnait la souveraineté : il s’agit d’une démocratie directe.
De même l’article 28 de la constitution ne prévoit –il pas que nul ne peut
exécuter l’ordre manifestement illégal ? Les articles 149, 197,198 et 218 sont
donc manifestement illégaux car il s’agit là comme nous l’avions démontré
d’une violation intentionnelle de la constitution du 18.02.2006. Les victimes
des actes pris conformément aux articles précités de la loi sous
constitutionnelle peuvent agir par voie d’exception devant les juridictions
ordinaires et par voie d’action devant le juge constitutionnel.
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BIBLIOGRAPHIE
TEXTES LEGAUX ET REGLEMENTAIRES
- Constitution du 18.02.2006 ,47 année, n°spécial du 18 février 2006
- Loi n°11/002 du 20.01.2011 portant révision de certains articles de la
constitution du 18.02.2006 J.O 47 année
- Loi 08/012 des 31.07.2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces JO n°spécial du 31 juillet 2009
- Loi organique n°10 octobre 2006 portant statut des magistrats n°spécial 47
année 1ere partie Kin 25 octobre 2006 ;
- la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire
II. OUVRAGES
- Barraine R., Droit constitutionnel et institutions politiques, L.G.D.J,
Paris,1972
- Chapus R., Droit administratif général, T1, 10ième. éd, Montchrestien Paris,
1996
- Cornu G, vocabulaire juridique, P.U.F, Paris, 2005.
- Gullien R., et Vincent J., Lexique des termes juridiques, 12ième éd, Dalloz,
Paris, 1999
- Mpongo Bokako Bautolinga E., institutions politiques et droit
constitutionnel, E.UA, Kin, 2001.
- Rouault M.C., l’essentiel du droit administratif, 6è éd Gualino éditeur,
E.J.A,Paris, 2007
- Ntumba Luaba Lumu A.D., Droit constitutionnel général, E.U.A, Kin,
2005
- Vunduawe te Pemako F., Traité de droit administratif, éd Larcier,
Bruxelles, 2007.
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