Langues nationales et culture démocratique dans les médias à Kisangani Langues nationales et culture démocratique dans les médias à Kisangani

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LANGUES NATIONALES ET CULTURE
DEMOCRATIQUE
DANS LES MEDIAS A KISANGANI
Par Cécile LOSOLO Bouwekama
Assistante à la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines
INTRODUCTION
Les médias Congolais connaissent bien des problèmes quant à leur
mode de gestion, qu’à celui de programmation et d’intervention dans leurs
zones de couverture. Parmi les problèmes soulevés, figure celui de langue de
production et de diffusion des informations.
Dans l’analyse des faits d’une bonne politique de programmation,
connaître son public, ses caractéristiques, ses attentes, c’est pouvoir produire
des programmes qui vont lui donner satisfaction. (BROSSEAU J.M et
SOUNCIN J., 1998, p.46) Ainsi, la question se rapportant à la langue (aux
langues) de diffusion est étudiée et déterminée à l’avance ; elle permettra au
média d’atteindre ses objectifs et de bien jouer son rôle dans la société il
est implanté.
Pourtant, dans la politique sociolinguistique, les médias de Kisangani
privilégient sur l’ensemble de leurs programmes, la langue officielle, le
Français. Cela constitue parfois un obstacle dans la production et la
réception des informations diffusées auprès du public qui fait semblant de les
suivre. Les émissions en langues nationales souvent complémentaires et «
bouche-trou » dans les grilles de programme, n’attirent l’attention ni des
professionnels des médias ni du programmateur. Les émissions de haute
portée (débat, table ronde, magazine,…) sont le plus souvent produites en
Français et destinées à l’élite intellectuelle et à la classe dirigeante
considérées comme leaders dans leurs groupes restreints.
Notre réflexion part du modèle selon lequel les messages des médias
atteignent d’abord certaines personnes plus sociables et plus influentes que
les autres ; ensuite ces personnes, les mieux informées, transmettent
l’information reçue dans les relations de face à face aux groupes plus ou
moins restreints. (BALLE Fr., 2005, p.529)
Certes, le processus de démocratisation déclenché depuis 1990 en
République Démocratique du Congo demeure encore pour la majorité de la
population. Le processus électoral de 2006 a été un moyen palpable
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permettant aux citoyens congolais de saisir de facto les changements opérés.
La tâche attendue des médias était non seulement d’informer les citoyens de
l’évolution du processus, mais aussi de former les esprits (longtemps)
léthargiques à se mobiliser en vue de s’approprier le fait et de s’y impliquer
totalement.
Si la communication en chaîne ou le multi-step flow (EKAMBO D.,
2006 pp.155-156) reconnaît la valeur des récepteurs guides dans la société,
la population de Kisangani vit le contraire. En d’autres termes, l’opinion
constate que les leaders ne jouent pas réellement leur rôle de servir de
courroie de transmission, bloquent l’information reçue et s’approprient la
situation pour écarter d e la scène politique la majorité de la population.
Notre étude s’inscrit dans la lignée d’André-Jean Tudesq (TUDESQ
A.J et NEDELEC S. 1998, pp.20-21) et de Nelson Mandela (MANDELA
N.www report.orgcons.) par la refondation de la presse africaine donnant
priorité aux langues nationales africaines dans les programmes. Elle évalue
dans ce cadre précis l’apport des langues nationales à savoir le lingala et le
swahili dans les médias de Kisangani depuis le début du processus électoral.
Dans la démarche méthodologique de ce travail nous recourons à
l’analyse de contenu dans son sens large entendue au sens d’une méthode
empirique dépendante du type de parole que l’on vise, adéquate au domaine
et au but recherchés. Cette méthode est appuyée par l’approche
ethnographique en communication (DEREZE G., 2009, p.31), fondée sur le
caractère indispensable de la pratique du terrain.
Notre analyse porte sur un choix résolu de la presse audiovisuelle de
Kisangani dont la Radio communautaire Mwangaza (RACOM), Radio
télévision Amani(RTA) et la Radio Okapi. Ce choix se justifie par rapport
aux éléments jugés à notre niveau utiles pour la viabilité d’un média
notamment le taux d’écoute et la crédibilité accordée aux médias retenus
ainsi que l’utilisation plus au mois équilibrée de langues nationales dans les
programmes durant cette période cruciale de l’histoire politique du pays. On
joindra à cette liste les chaînes des télévisions émettant de Kinshasa et
captées à Kisangani et dont les émissions culturelles produites en lingala
hybride retient l’attention soutenue du public. Il s’agit de la Radio Télévision
Groupe Avenir (RTG@), de la chaîne Digital Congo et de la Radio
Télévision Nationale Congolaise/ Kinshasa.
L’étude est ponctuée en deux moments. Le premier temps s’articule
sur les langues nationales, le deuxième évalue la contribution de la
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nationalisation de programme des médias pour la promotion de la culture
démocratique.
1. Les langues nationales dans les médias.
Aussi appelée langue véhiculaire, une langue nationale est une langue
commune satisfaisant aux besoins communicationnels des communautés
ayant des parlers divers sur l’ensemble du territoire national ou une grande
partie d’étendue territoriale. (BOKULA M., 2005, p.125) Dans ce point,
trois aspects du problème sont abordés : la politique linguistique et
sociolinguistique des médias de Kisangani, les fonctions et rôles des langues
et l’avenir sociolinguistique des médias.
1.1. La politique linguistique et sociolinguistique des médias
La cartographie linguistique du Zaïre a classé la ville de Kisangani
parmi les villes swahiliphones (BOKULA M., 2005, p.7) Mais, suite aux
facteurs linguistiques et extralinguistiques, Kisangani est devenue
aujourd’hui une ville bilingue le kiswahili et le lingala, deux langues
nationales de la RD Congo sont parlées. Le français est reconnu dans son
statut de langue officielle du pays et de l’administration.
1.2. Les fonctions et les rôles des langues nationales dans les médias
La fonction primordiale des langues nationales en tant que moyen de
communication est la fonction sociale. Ces langues permettent aux locuteurs
de différentes communautés habitant la ville de Kisangani de se comprendre
mutuellement ; elles permettent à l’individu de retrouver son identité et à s’
insérer dans son milieu social et culturel. Malgré les diversités culturelles
existantes dans la ville, ce patrimoine commun renforce l’unité ou la
cohésion. Dans la dimension communicationnelle, l’utilisation des langues
nationales produit deux situations instantanées. La première consiste pour
ces langues à assurer la transmission de l’information ; la deuxième qui est
très importante et globalisante, elles établissent entre locuteurs la relation qui
s’effectue dès le décodage de l’information transmise. Ainsi, le rapport établi
conduit vers la socialisation des acteurs communiquant (émetteurs et
récepteurs).
Notons que dans tous les secteurs de la vie, ces langues favorisent la
compréhension du message. Pour illustrer nos propos nous avons cible
six domaines ou centre d’intérêt à savoir, le secteur médiatique, le domaine
éducatif, le domaine politique, le domaine économique, le domaine
religieux et le domaine militaire.
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Dans le secteur médiatique, les langues nationales permettent à toute
la population de s’informer sur tout ce qui se passe dans la société,
d’accéder aux médias en expliquant clairement des problèmes de société. La
traduction des éditions françaises en langues nationales permettent une large
diffusion des informations à toute la masse. Pendant la seconde guerre
mondiale, par exemple, l’utilisation des langues africaines dans les
programmes des radios relais de la BBC/Afrique était pour informer la
population de l’évolution de la guerre et aussi pour justifier la présence et la
participation actives des troupes africaine. (TUDESQ A.J. et NEDELEC S.,
1998, p.58 )
Dans le secteur de l’éducation, ces langues sont des instruments
d’enseignement dans la transmission de connaissance de l’univers culturel
congolais à tous les degrés d’enseignement ; elles sont plus utilisées dans les
actions d’alphabétisation, de l’éducation permanente des jeunes et des
adultes ainsi que dans l’apprentissage des métiers aux analphabètes.
Dans le domaine économique, en publicité, ces langues influencent la
clientèle. L’utilisation des langues nationales dans l’action publicitaire à
travers les attributs du produit exerce sur le consommateur une séduction-
persuasion (IPO A.E., 1996, pp.245-248) qui amplifie son besoin et
l’identifie. A titre illustratif nous avons ce qui suit :
- Noms de tissus : « momemi maki »qui veut dire « le porteur des œufs » ;
« moklisto azali mwinda »qui veut dire « le chrétien est lumière. »
- La bière, turbo King « mobali ya nguya » : turbo King, « un homme
puissant ».
Dans le domaine religieux, les langues nationales sont utilisées pour
l’évangélisation afin de rendre intelligible et accessible la bonne nouvelle à
la majorité des chrétiens. Pendant les émissions religieuses, l’interprétation
de la parole de Dieu en langue nationale revêt aussi, pour les chrétiens, une
signification profonde qui rappelle l’avènement de la pentecôte entendue au
sens de l’effusion de l’esprit saint sur toute chair (Actes 2 :17) et la
diversification des langues utilisées pour annoncer cette bonne nouvelle (
REF :et cette bonne nouvelle sera prêchée en toutes langues…)
Dans le domaine politique, les langues nationales facilitent le rapport
entre administrateurs et administrés. Pendant la période de campagne
électorale, l’utilisation de lingala et de kiswahili par le candidat a toujours
attiré l’attention de l’électorat. Dans certains cas, les langues nationales
servent de situation de discrétion pour les locuteurs ; c’est le cas par exemple
de MOBUTU, président du Zaïre lorsqu’il s’adresse à un des ministres qui
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parlait positivement du pays à l’étranger, »mwana mboka, buka lokuta na
yo. »
Dans le domaine militaire, vu le niveau d’instruction des militaires
congolais, ces langues permettent de bien assurer des instructions militaires
aux groupes concernés.
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1.3. Avenir sociolinguistique des médias
La nationalisation des programmes des médias ouvre deux brèches :
l’émergence d’une super langue nationale et le trilinguisme fonctionnel.
1.3.1 Le trilinguisme fonctionnel
La politique linguistique et sociolinguistique de médias conduit au
trilinguisme fonctionnel. (BOKULA M., 2005, pp. 162-163) Au cours des
émissions, l’individu accède aux trois composantes de stratifications de base,
notamment la langue ethnique ou vernaculaire qui lie l’individu à son
ethnicité et à sa culture traditionnelle, la langue nationale met en interaction
interethnique et le français qui exprime la cohésion nationale, le savoir
scientifique. Cette formule est plus employée dans les émissions culturelles
et le portrait où l’invité se fait découvrir pour son langage.
Pendant la campagne électorale de la législative de 2006 un candidat
s’exprimait en ces termes sur le plateau d’une radio :
« Watoto wa Kisangani, siku ya utshaguzi, mutshague mutu munyewe
atatengeneza mungini
… La question de la bonne gouvernance, de la paix, de la sécurité
territoriale préoccupe le pays en général et la ville de Kisangani en
particulier. Situations qui font référence aux termes d’Etat de droit, de
transparence et de participation
… po na kosukisa napesi mbote na bandeko banso ya Kisangani,…epa na
bambole nalobi afashama,… bamongo nalobi ngoya losako, bangando,
bomoyao »
Ce qui veut dire, » les enfants (habitants) de Kisangani, le jour de vote,
choisissez la personne qui va améliorer la situation du milieu
La question de la bonne gouvernance, de paix, de sécurité territoriale
demeurent des préoccupations pour le pays en général et de la ville de
Kisangani en particulier. Situations qui font référence aux termes d’Etat
de droit, de transparence et de participation…
pour terminer, je salue toute la population de Kisangani, à tous les
mbole, je dis bonjour aux mongo, je dis bonjour, aux ngando, je dis
aussi bonjour »…
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