Piratage : le rôle révélé des plaquettes dans les infections par le

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Recueilli en janvier 2016
Piratage : le rôle révélé des
plaquettes dans les infections par
le virus de la dengue
Quel est l’objet de cette étude?
En bref…
Le virus de la dengue est le plus courant des virus propagés par un
insecte. Il est généralement transmis à l’humain par la piqûre d’un
Les unités de plaquettes et de
moustique du genre Aedes (comme ses proches cousins le virus du
globules rouges peuvent contenir
Nil occidental et le virus Zika). Les symptômes peuvent aller de
le virus vivant de la dengue et le
légers malaises pseudo-grippaux à une fièvre hémorragique grave
reproduire dans des conditions
pouvant entraîner la mort, bien que cela soit rare. Le fardeau
d’entreposage normales.
mondial de la dengue est considérable : autour de 2,5 milliards de
Toutefois, les unités plus âgées
personnes sont à risque d’être infectées et près de 400 millions le
présentent
un risque d’infection
sont chaque année; environ 25 000 personnes ne survivent pas à
nettement moindre.
l’infection. Bien que le virus soit principalement présent dans les
régions tropicales et subtropicales, la mondialisation et les voyages
pourraient contribuer à le propager dans le monde entier. Comme tous les virus, celui de la dengue a besoin
d’un autre organisme vivant (un hôte) pour se reproduire et survivre. Les virus pénètrent dans les cellules de
l’hôte et utilisent leur mécanisme interne pour reproduire leur propre matériel génétique (l’ARN simple brin
dans le cas de la dengue). Les cellules infectées libèrent ensuite de nouveaux virus et le cycle d’infection se
poursuit.
Les symptômes du virus de la dengue surviennent de 3 à 14 jours après l’infection. Toutefois, environ la moitié
des personnes infectées ne manifestent jamais de symptômes en dépit de la quantité élevée de virus dans
leur sang (jusqu’à un million et plus par millilitre de sang). Comme le sang destiné à la transfusion peut être
prélevé chez un donneur infecté qui ne présente aucun symptôme, cela inquiète les fournisseurs de sang. La
dengue a également un effet sur les cellules du sang. Dans les cas les plus graves, l’un des principaux
symptômes est la thrombocytopénie (diminution du nombre de plaquettes). Les plaquettes sont de petites
cellules sanguines sans noyau qui jouent un rôle important dans la coagulation sanguine et dans l’immunité.
On a constaté que celles des personnes infectées par le virus de la dengue contiennent des particules
pseudo-virales. Toutefois, on ne connaît pas le rôle exact des plaquettes dans l’infection par ce virus. On ne
sait pas non plus dans quelle mesure ce dernier peut survivre dans les composants sanguins pendant leur
entreposage. Les plaquettes et autres cellules n’ayant pas de noyau (dont les globules rouges) n’ont jamais
été considérées comme des participants possibles au cycle de vie d’un virus; on croyait qu’elles n’étaient que
des spectateurs innocents.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont examiné l’hypothèse selon laquelle le virus de la dengue pénètre dans les plaquettes et,
une fois à l’intérieur, utilise le mécanisme cellulaire de chaque plaquette pour produire des protéines virales et
reproduire son matériel génétique, c’est-à-dire son génome. Pour vérifier leur hypothèse, ils ont employé une
méthode appelée technique d’amplification en chaîne par polymérase quantitative en temps réel (qRT-PCR)
afin de mesurer la quantité de matériel génétique viral fixé aux plaquettes et ayant pénétré dans celles-ci. De
plus, ils ont examiné les quantités de protéines virales au moyen d’une technique dite de l’immunobuvardage,
laquelle utilise des anticorps précis pour déceler une protéine d’intérêt.
Le bulletin Concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le
Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.
Disponible sur le Web : sang.ca
Les chercheurs se sont ensuite demandé ce qui se produirait si les composants sanguins étaient infectés par
le virus de la dengue. Ils ont utilisé une plus petite quantité virale afin de reproduire le niveau de virus
habituellement présent chez un donneur infecté asymptomatique. Les chercheurs ont ajouté le virus aux unités
de plaquettes et de globules rouges, puis ils ont entreposé celles-ci dans des conditions normales de
stockage. Ils ont mesuré la quantité de virus au moyen de la technique qRT-PCR et d’une méthode de dosage
qui permet de cultiver le virus et de le mesurer directement.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
Le virus de la dengue se fixe aux plaquettes à 37 °C (température du corps) et à 25 °C (température
ambiante et température d’entreposage de la banque de sang). L’efficacité de la fixation est plus faible
à 25 °C. Deux protéines de surface des plaquettes (la DC-SIGN et la HSP) sont des récepteurs qui
permettent au virus de se fixer.
Le virus de la dengue entraîne une activation plaquettaire. La stimulation des plaquettes par la
thrombine, enzyme provoquant la coagulation sanguine, a pour effet de multiplier par deux la capacité
de fixation du virus aux plaquettes.
Le génome du virus de la dengue se réplique, et des protéines virales de la dengue sont synthétisées
par les plaquettes. De nouveaux virus infectieux de la dengue sont générés par les plaquettes infectées.
Même si l’on ramène le niveau de virus à celui que présente un donneur asymptomatique, le virus
infectieux de la dengue persiste et son génome peut se répliquer dans les unités de plaquettes et de
globules rouges.
Le virus infectieux de la dengue peut continuer de se reproduire dans les unités de plaquettes et de
globules rouges entreposées. Toutefois, sa prolifération ne suffit pas à contrebalancer la dégradation
globale des virus. En d’autres mots, les unités plus âgées contiennent moins de virus infectieux de la
dengue.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Cette étude nous a permis d’approfondir notre connaissance du processus de réplication du virus de la
dengue. Bien que les plaquettes n’aient pas de noyau, ces minuscules cellules sanguines renferment tous les
éléments nécessaires pour synthétiser des protéines et répliquer l’ARN du virus. Les conclusions sans
précédent de cette étude démontrent que le virus de la dengue pirate le mécanisme des plaquettes pour
produire des protéines virales et répliquer son propre génome. Toutefois, on ne connaît pas encore très bien la
corrélation entre ce phénomène et la thrombocytopénie observée chez certaines personnes infectées. Pour la
première fois, on envisage la possibilité que des antigènes viraux soient exposés directement à la surface des
plaquettes. La découverte de la reproduction du virus de la dengue dans les unités de globules rouges a été
surprenante, étant donné que ces cellules n’ont pas de mécanisme de réplication. On soupçonne l’intervention
d’autres cellules résiduelles présentes dans les unités de globules rouges.
Les systèmes d’approvisionnement en sang du monde entier sont vulnérables au virus de la dengue. On a
recensé cinq cas de transmission du virus par transfusion sanguine, tous dans des régions où la dengue est
présente ou endémique. Et il est probable que bien d’autres cas soient passés inaperçus. L’augmentation des
voyages, la mondialisation et le réchauffement planétaire sont tous des facteurs qui contribuent à l’expansion
des habitats de moustiques. Par conséquent, la dengue est considérée comme une menace infectieuse
émergente pour le système d’approvisionnement en sang du Canada. Cette étude montre que les unités de
plaquettes ou de globules rouges provenant d’un donneur asymptomatique porteur du virus de la dengue
peuvent contenir le virus. De surcroît, le virus demeure infectieux et peut continuer de se reproduire dans des
composants sanguins entreposés. La politique d’exclusion des donneurs qui ont voyagé dans des zones
présentant un risque d’exposition au paludisme s’applique aussi aux régions où la dengue est endémique, ce
Le bulletin Concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le
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qui constitue un filet de sécurité pour l’approvisionnement en sang. De nouvelles techniques permettant de
détruire les virus dans le sang pourraient aussi être efficaces contre la dengue. Elles font l’objet d’études.
À propos de l’équipe de recherche : La recherche a été menée dans le laboratoire d’Ed Pryzdial, chercheur à la Société
canadienne du sang, directeur associé du Centre de recherche transfusionnelle et professeur clinique au département de pathologie et
de médecine de laboratoire à l’Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, par Michael Sutherland, associé de recherche
principal et professeur adjoint d’enseignement clinique, et le Dr Ayo Simon, à titre de boursier de recherche postdoctorale maintenant
professeur adjoint à l’Université Ahmadu Bello. L’étude portant sur la présence du virus de la dengue dans les produits sanguins a été
réalisée en collaboration avec des collègues de la Société canadienne du sang : Katherine Serrano et Peter Schubert, tous deux
associés de recherche au Centre d’innovation et professeurs cliniciens agrégés au département de pathologie et de médecine de
laboratoire à l’Université de Colombie-Britannique, et Jason Acker, chercheur principal en développement au Centre d’innovation et
enseignant au département de pathologie et de médecine de laboratoire à l’Université de l’Alberta.
Le contenu de ce Concentré de recherche est tiré des publications suivantes :
[1] Simon AY, Sutherland MR, Pryzdial ELG: Dengue virus binding and replication by platelets. Blood 2015; 126:378-85.
[2] Sutherland MR, Simon AY, Serrano K, Schubert P, Acker JP, Pryzdial ELG: Dengue virus persists and replicates during storage of
platelets and red blood cell units. Transfusion 2016:doi10.1111/trf.13454.
Remerciement : La Société canadienne du sang remercie les généreux donneurs de sang qui ont permis de mener cette étude. Les
travaux de recherche ont été réalisés grâce au soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada et de la Société
canadienne du sang, elle-même financée par les ministères provinciaux, territoriaux et fédéral de la Santé. Les opinions exprimées
dans le présent bulletin ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada. Le Dr A. Y. Simon a reçu une bourse de
recherche postdoctorale de la Société canadienne du sang pour participer à l’étude.
Mots-clés : pathogène, sécurité, approvisionnement en sang, dengue, virus, plaquettes, globules rouges.
Vous voulez en savoir plus? Communiquez avec Ed Pryzdial par courriel à [email protected].
Le bulletin Concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le
Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.
Disponible sur le Web : www.medecinetransfusionnelle.ca
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