
• SCIENCES ET AVENIR - OCTOBRE 2008
II y a deux
botaniques : celle
des pays riches
tempérés et celle
de l'Afrique
noire"
• • • terriblement et fait tout pour les éliminer. Mais pour les arbres, c'est un atout considérable, une mutation pouvant ajouter un caractère
de résistance, intéressant pour la colonie. Car l'arbre ne peut pas bouger, contrairement à l'animal qui peut se déplacer pour retrouver des
conditions favorables en cas de stress environnemental. Les durées de vie de plusieurs milliers d'années sont fréquentes chez les arbres : ils
doivent pouvoir pallier les inconvénients d'un changement qui peut survenir en moins de temps. Il est impossible de le démontrer, mais
je pense que cette variabilité génétique intra-arbre est une assurance, contre les changements climatiques notamment.
Cela pourrait-il expliquer l'exceptionnelle longévité de certains spécimens ?
Quand j'étais étudiant, on disait que les arbres les plus vieux avaient 5000 ans, soit 5000 cernes de croissance. Ainsi, en Californie, un Pinus
longaeva, baptisé Mathusalem, s'est révélé vieux de 4900 ans. Il avait plus de trois siècles quand fut édifiée la grande pyramide de Khéops.
Depuis, nous avons fait des découvertes vertigineuses car la longévité des arbres uniques est bien peu de chose comparée à celle des
clones. A partir d'un arbre initial disparu depuis longtemps, et par des mécanismes de multiplication végétative au niveau du sol, les clones ont
des durées de vie illimitées. Ainsi, toujours en Californie, un Séquoia sempervirens, nommé le Parthénon, est vieux de 3000 ans, et forme un
cercle de troncs majestueux, aux allures de colonnes grecques. Toute notre civilisation gréco-romaine tient aisément dans la durée de vie
d'un tel arbre.
Le record actuel de longévité - provisoire - est détenu par un houx royal de Tasmanie, Lomatia tasmanica : ses troncs au nombre de
plusieurs centaines se succèdent sur 1200 mètres le long d'un cours d'eau. Il serait âgé de 43 000 ans et proviendrait d'une graine ayant germé
au pléistocène, lorsque coexistaient Neandertal et l'homme moderne. Cette fois, c'est l'histoire de notre espèce qui tient dans la durée de vie
d'un arbre !
Certains arbres seraient donc potentiellement immortels...
Cueillez une petite feuille en haut de la cime d'un vieil arbre : ses tissus ne présentent aucune différence avec la feuille obtenue à partir
d'un semis. Alors qu'un être humain adulte ne peut comparer aucun de ses organes à ceux qu'il possédait étant enfant. Les animaux sont en
effet soumis à un programme de sénescence. Les arbres semblent y échapper, sauf certains palmiers à croissance continue, qui poussent
pendant cinquante ans, fleurissent une seule fois et meurent. Les autres arbres, qui connaissent une croissance rythmique (ralentie l'hiver),
pourraient être potentiellement immortels. Ils semblent en effet être capables de « rallumer » leurs gènes au printemps.
• • •
REPÈRES ______________________________
FAUT-IL DES BRANCHES POUR FAIRE UN ARBRE ?
Arboriculteurs, forestiers et botanistes continueront longtemps de discuter de ce qu'est un arbre. Faut-il du bois ? Des branches ? Ou seulement
des feuilles ? Aucune de ces questions n'est simple,
selon Francis Halle, qui propose dans son
dernier ouvrage, Aux origines des plantes, un « essai
de définition de l'arbre »,
reflétant son intérêt pour les végétaux des tropiques mais aussi pour les arbres
-apparus au dévonien,
il a plus de 370
millions d'années.
La voici : « Un arbre est une plante habituellement pérenne possédant un à plusieurs troncs à croissance verticale, Son
anatomie rend le tronc autoportant et lui permet d'élever au-dessus des plantes voisines concurrentes pour la lumière une cime, ou couronne, qui
selon les espèces peut avoir trois constitutions différentes : de grandes feuilles si l'arbre n'a pas de
branches ; des branches qui assurent la
photosynthèse si les feuilles sont trop petites pour assurer cette fonction ou sont absentes -, des branches feuillées dans le cas général. Enfin,
l'arbre est un "grand" végétal. Sa hauteur, le diamètre de son tronc, sa longévité sont évalués au regard des dimensions et de la durée de vie de
l'être humain. »
Quelques précisions : «
habituellement pérenne »
implique que
certains arbres, dits monocarpiques,
ne le sont pas, comme des
palmiers d'Asie ou des
Bromeliaceaedes
Andes péruviennes qui meurent après une
floraison unique. « L'anatomie de l'arbre rend son tronc
autoportant » : cette
expression exclut les très grandes algues,
comme
Macrocystis,
qui atteignent
50 mètres de hauteur mais ne sont verticales que
grâce à la poussée
d'Archimède. En revanche, elle inclut les
arbres fossiles comme
Lepidodendron
qui devait sa rigidité à un « cortex » durci,
mais aussi les fougères arborescentes qui tiennent debout grâce à un manteau de racines, ou encore les bananiers, dont le tronc est fait de gaines
foliaires emboîtées. «
Si l'arbre n'a pas de branches »
fait référence à une centaine d'espèces d'arbres non ramifiés, presque
toutes tropicales,
appelées monocaules.
« Si les feuilles sont trop petites pour assurer la photosynthèse » s'applique à de
nombreuses espèces des régions
chaudes et
arides dont les feuilles sont rapidement caduques ou se changent en épines et dont la photosynthèse
est assurée par les branches et le tronc. Les
feuilles peuvent aussi être absentes : ainsi, l'
Eospermatopteris,
du dévonien,
était un arbre antérieur à l'invention
de ces organes
.