Chirurgie de la main 28 (2009) 113–115 Cas clinique Luxation ouverte transscaphorétrolunaire du carpe avec avulsion antébrachiale du semi-lunaire et du fragment scaphoïdien Open transscaphoid perilunate dislocation with proximal displacement of the lunate and proximal scaphoid H.J.C. Razafimahandry a, H.N. Rakoto-Ratsimba b,*, O. Gille c b a Service d’orthopédie et de traumatologie, CHU HJRA-Ampefiloha, BP 4150, Antananarivo 101, Madagascar Service de chirurgie viscérale A, CHU HJRA-Ampefiloha, lot III R 48 A Tsimbazaza, BP 4150, Antananarivo 101, Madagascar c Service d’orthopédie et de traumatologie, CHU Pellegrin-Tripode, place Amélie-Raba-Léon, 33000 Bordeaux, France Reçu le 23 avril 2007 ; reçu sous la forme révisée 6 novembre 2008 ; accepté le 23 décembre 2008 Résumé Les auteurs rapportent une forme particulière d’une luxation transscaphorétrolunaire du carpe liée au déplacement proximal important du lunatum et du fragment proximal du scaphoïde qui se trouvent respectivement devant l’épiphyse et la région métaphysodiaphysaire de la partie distale du radius. Une carpectomie proximale et partielle, laissant en place le fragment scaphoïdien distal, a été effectuée en urgence, donnant un bon résultat anatomique et fonctionnel après un recul de six ans. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Carpectomie partielle ; Fracture ; Luxation rétrolunaire ; Scaphoïde Abstract The authors report a case of dorsal transscaphoid perilunate dislocation which is noteworthy because there was significant anterior displacement of the lunate together with the proximal part of the scaphoid. The lunate was propelled in front of the radial epiphysis and the proximal part of the scaphoid ended up in front of the metaphyseal part of the radius. An emergency partial proximal row carpectomy was performed, preserving the distal part of the scaphoid. Good anatomic and functional result was observed at 6 years follow-up. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Fracture; Partial carpectomy; Perilunate dislocation; Scaphoid 1. Introduction Les luxations et les fracture-luxations périlunariennes du carpe sont des lésions traumatiques de pronostic incertain [1]. Les luxation-fractures périlunariennes postérieures récentes constituent 65 % de l’ensemble des lésions [2]. Nous en rapportons une forme anatomique particulière liée à l’importance du déplacement proximal du lunatum et du fragment * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H.N. Rakoto-Ratsimba). proximal scaphoïdien, notre objectif étant d’en évoquer les aspects étiopathogéniques, thérapeutiques et évolutifs. 2. Observation Un homme de 32 ans était admis aux urgences après un accident de moto avec chute appuyée en hyperextension sur la paume de la main droite. À l’examen, le poignet était œdématié, déformé en baïonnette et présentait à sa face antérieure une plaie contuse à bords déchiquetés. Des paresthésies étaient signalées au niveau des doigts. La palpation de la partie inférieure de l’avant bras découvrait une petite masse dure et relativement mobile. Les radiographies révélaient une fracture- 1297-3203/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2008.12.006 114 H.J.C. Razafimahandry et al. / Chirurgie de la main 28 (2009) 113–115 Fig. 1. Fracture-luxation transscaphorétrolunaire du carpe avec déplacement proximal du lunatum et énucléation du fragment proximal du scaphoïde. luxation transscaphorétrolunaire du carpe avec avulsion proximale du lunatum situé en regard de l’épiphyse distale du radius après rotation de 908, une énucléation du fragment proximal du scaphoïde, déplacé à la région diaphysométaphysaire distale et médiale du radius à 6 cm environ de l’interligne articulaire, et une fracture marginale postérieure du radius (Fig. 1). Une intervention chirurgicale en urgence était pratiquée par voie antérieure en agrandissant la plaie qui était parée. Le bilan lésionnel confirmait les constatations radiologiques. Le ligament annulaire antérieur du carpe, les freins ligamentaires antérieur et postérieur du lunatum, les ligaments scapholunaire et triquetrolunaire étaient rompus, laissant le lunatum et le fragment scaphoïdien libres sans aucune attache. Une résection du lunatum et du fragment proximal scaphoïdien, très déplacés, était réalisée. Le capitatum ne présentait pas de lésions, notamment cartilagineuses malgré la violence du traumatisme. Le triquetrum et le fragment scaphoïdien distal étaient laissés en place. Les suites opératoires étaient simples. Une immobilisation par une manchette plâtrée fenêtrée était prescrite pour une durée de trois mois, suivie d’une rééducation fonctionnelle douce et progressive du poignet, ayant permis une reprise du travail à un an. L’évolution après six ans de recul est favorable avec un poignet indolore et de morphologie proche de la normale (Fig. 2). La flexion était de 308, l’extension de 408, l’inclinaison radiale de 808 et l’inclinaison ulnaire de 258. La pronation coude fléchi était de 708 et la supination de 808. Une discrète diminution de la force de la main droite était notée. La radiographie montrait une calcification parastyloïdienne ulnaire et un très discret contact entre l’ulna et le triquetrum (Fig. 3). 3. Discussion Les fracture-luxations transscaphorétrolunaires du carpe sont les plus fréquentes parmi les luxations ou luxationfractures périlunariennes du carpe. En revanche, la forme avec déplacement proximal du lunatum et du fragment supérieur Fig. 2. Poignet indolore et de morphologie proche de la normale après six ans de recul. Fig. 3. Radiographie après six ans de recul : calcification parastyloïdienne ulnaire et bonne préservation articulaire radiocapitale. scaphoïdien est rare, voire exceptionnelle. À ce propos, Givissis et al. en ont rapporté un cas avec déplacement peu important et associé à une fracture de la styloïde radiale [3]. Herzberg et Forissier l’ont retrouvé une fois sur une série de 23 cas de luxation transscaphorétrolunaire du carpe [4] ; dans ce dernier cas, le déplacement du lunatum et du fragment scaphoïdien proximal se faisait dans le canal carpien. Pour notre part, nous en rapportons un cas très particulier caractérisé par un déplacement antérieur proximal très important du lunatum et surtout du fragment scaphoïdien et une ouverture type II de Cauchoix du foyer de fracture et de luxation. Un traumatisme à haute énergie avec une chute sur la main en hyperextension et en inclinaison cubitale est le mécanisme habituel des luxations périlunariennes postérieures du carpe [5]. Chez notre patient, l’avulsion antérieure et très proximale du lunatum et du fragment scaphoïdien est en plus rattachée au caractère appuyé du traumatisme, à la plaie de la face antérieure du poignet et aux ruptures ligamentaires annulaire et interosseux. La fracture H.J.C. Razafimahandry et al. / Chirurgie de la main 28 (2009) 113–115 marginale postérieure de l’épiphyse radiale, dont l’agent vulnérant était le capitatum, témoigne également du caractère appuyé du traumatisme dans notre cas. Sur le plan thérapeutique, l’arthrodèse partielle du carpe ou la résection de la première rangée pourrait être d’un dernier recours en cas d’irréductibilité ou d’instabilité persistante après réduction par manœuvre externe. Selon Inoue et Shionoya, la carpectomie proximale a sa place dans le traitement des luxations périlunaires vues au delà de deux mois sous réserve d’une bonne préservation du cartilage du capitatum [6]. Notre choix d’une résection primitive du lunatum et du fragment scaphoïdien proximal était dicté par le risque élevé d’infection, de nécrose, d’instabilité et de pseudarthrose. Cette résection partielle de la première rangée du carpe, laissant en place le fragment scaphoïdien distal et le triquetrum, n’est pas encore rapportée dans la littérature. Elle est justifiée par le fait que l’intervention était effectuée en urgence. Chez notre patient, l’évolution à six ans de recul était favorable, marquée par l’absence d’une nécrose avasculaire du reste du scaphoïde. Par ailleurs, le résultat fonctionnel était satisfaisant malgré un certain degré de limitation de la flexion palmaire du poignet. 4. Conclusion La migration proximale du lunatum et du fragment proximal scaphoïdien est une situation rare au cours d’une luxation 115 transscaphorétrolunaire du carpe. Le caractère appuyé du traumatisme, sa violence et par conséquent la gravité des lésions des parties molles en seraient l’origine. La résection partielle de la première rangée du carpe, laissant en place le fragment scaphoïdien et le triquetrum, est une alternative intéressante, qui nous a donné dans ce cas un résultat anatomique et fonctionnel satisfaisant à six ans de recul. Références [1] Fikry T, Lamine A, Harfaoui A, Essadki B, Zryouil B, Trafeh M. Luxations périlunaires du carpe. Étude clinique (à propos de 39 cas). Acta Orthop Belg 1993;59:293–300. [2] Herzberg G, Comtet JJ, Linscheid RL, Amadio PC, Cooney WP, Stalder J. Perilunate dislocations and fracture-dislocations: a multicenter study. J Hand Surg 1993;18A:768–79. [3] Givissis P, Christodoulou A, Chalidis B, Pournaras J. Neglected transscaphoid trans-styloid volar dislocation of the lunate. Late result following open reduction and K-wire fixation. J Bone Joint Surg Br 2006;88: 676–80. [4] Herzberg G, Forissier D. Acute dorsal trans-scaphoid perilunate fracturedislocations: medium-term results. J Hand Surg 2002;27B:498– 502. [5] Hildebrand KA, Ross DC, Patterson SD, Roth JH, MacDermid JC, King GJW. Dorsal perilunate dislocations and fracture-dislocations: questionnaire, clinical and radiographic evaluation. J Hand Surg 2000;25A:1069– 71. [6] Inoue G, Shionoya K. Late treatment of unreduced perilunate dislocations. J Hand Surg 1999;24B:221–5.