Initiation à la phytosociologie Objectifs et moyens Eliane DEAT Atelier d’initiation à la phytosociologie. Dans le cadre des prestations du Forum des Marais Atlantiques Chalonnes-sur-Loire, lundi 8 juin 2015 Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Définition Phytosociologie : C'est l'étude des communautés végétales du point de vue floristique, écologique et dynamique. La phytosociologie admet que l’on peut reconnaître au sein de la végétation des unités similaires, assez faciles à délimiter, distribuées à la manière d’une mosaïque. Ces unités de base sont nommées associations végétales ou communautés végétales. C'est l'analyse comparative et statistique des groupements végétaux, par la combinaison répétitive d'espèces originales, qui permet de définir ces catégories. La phytosociologie s’attache à décrire les relations spatio-temporelles entre végétaux. Elle s'intéresse au fonctionnement écologique des végétations, à leur dynamique (succession végétale), aux relations des plantes entre elles, avec leur milieu de vie (climat, sol) et leur répartition géographique. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Objectifs pratiques Identifier des habitats naturels : Le regroupement des espèces entre elles en fonction de leur conditions de vie, définie des cortèges végétaux à écologie spécifique (biotopes), base de la description d'habitats naturels. (et d'habitats d'espèces) Relier les habitats naturels aux codifications françaises et européennes : La protection de l’environnement en France et en Europe se base sur la notion d’habitats naturels. Elle répertorie l’ensemble des habitats observables sur le territoire et établie un classement de rareté et de sensibilité de ceux-ci (Habitats d'intérêts communautaires). Ces habitats sont identifiés notamment sur la base de la classification phytosociologique. Evaluer les objectifs de la gestion des sites remarquables (réserves naturels, les arrêtés de biotopes…) : La cartographie des habitats naturels d’un site, accompagné d’un état de conservation permet d’évaluer les objectifs d’un plan de gestion, en comparant ces habitats sur des pas de temps pluriannuels. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Deux courants L’approche sigmatiste Cette approche et dénomination est issue de la station internationale de géobotanique méditerranéenne et Alpine fondé par J. Braun-Blanquet et Pavillard à Montpellier en 1930. C’est l’approche la plus ancienne et encore actuelle, qui consiste à décrire et classer les communautés végétales, à partir des phytocénoses, ou association végétale. Ces classements sont regroupés au sein du synsystème, présenté dans le prodrome des végétations de France. L'approche synusiale Née dans les 1980 (avec Julve, de Foucault et Gillet) et issue de l'approche sigmatiste, cette approche prend en compte la dimension paysagère des structures végétales. Elle diffère par une méthodologie plus précise d'analyse au niveau de l'architecture des groupements et de leur dynamique. Elle apporte la notion de synusie végétale, proche de l'association (avec peut-être une plus forte corrélation entre les espèces associées) L'approche sigmatiste reprend cette vision lors de l'étude des peuplements forestier, où chaque strate de la végétation (Herbacée, Arbustive, Arborescente) fait l'objet d'un relevé. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Classement et terminologie du synsystème 18 grands types de milieux naturels dans lesquels s'imbriquent classes, ordres, alliances et associations : Classe (76) : un nom d'espèce (ou deux) terminé par etea Ordre (141): deux noms d'espèces le deuxième terminé par -etalia Alliance (370) : deux noms d'espèces le deuxième terminé par -ion Association (…) : deux noms d'espèces le deuxième terminé par –etum Pour être exacts, les noms des groupements sont suivis par un nom d’auteur et une date. Il existe des sous alliances (enion) et des sous associations (etetum), ainsi que des faciès… Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Sommaire du prodrome des végétations de France 1 Le prodrome des végétations de France présente le synsystème jusqu’à l’alliance. Les espèces caractéristiques ne sont pas citées. Aucun ouvrage ne récapitule l’ensemble du synsystème français, jusqu’aux associations, en y apportant les listes d’espèces caractéristiques (travail en cours). Il existe seulement des catalogues régionaux. Extrait du prodrome des végétations de France, Bardat J. 2004 Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Sommaire du prodrome des végétations de France 2 Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Exemple d’une classe. Les Agrostietea, végétation vivace des prairies Extrait du prodrome des végétations de France, Bardat J. 2004 Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le relevé phytosociologique -1 Le relevé phytosociologique consiste à dresser une liste floristique, la plus exhaustive possible, d’un groupement végétal, tout en respectant la triple homogénéité, à la fois sur le plan physionomique, écologique et floristique. Ce recensement (effectué par strate herbacée, arbustive et arborescente, le cas échéant) est assorti d'une évaluation semi-quantitative de l'abondance-dominance qui s'appuie principalement sur le recouvrement de chaque espèce à l'intérieur de la surface du relevé. Les coefficients d'abondance-dominance de Braun-Blanquet suivants sont ainsi attribués : -5 -4 -3 -2 -1 -+ -r -i : recouvrement de l'espèce compris entre 75 et 100% de la surface totale du relevé, : recouvrement compris entre 50 et 75%, : recouvrement de 25 à 50%, : recouvrement de 5 à 25%, : recouvrement inférieur à 5%, ou plante abondante de recouvrement très faible, : espèce peu abondante, à recouvrement très faible, : espèce très rare, : espèce représentée par un individu isolé. La notion de sociabilité reste peu utilisée. Elle peut être utile dans le cadre de suivis pluriannuels de la végétation d’un même site. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le relevé phytosociologique - 2 Outre les espèces un certain nombre d’autres éléments seront notés : - Numéro du relevé - Commune - Date - Nom de l’observateur - Coordonnées GPS - Surface % de recouvrement de la végétation Hauteur mini et maxi de la végétation Hydromorphie (sec, humide, en eau) Type de milieux - Type de sol (argile, tourbe, sable, affleurement rocheux…) Pente Orientation Gestion Remarques Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le relevé phytosociologique -3 Surface à inventoriée : Sélectionner une surface de forte homogénéité : composition végétale, pente, nature du sol, hygrométrie, exposition…qui corresponde à l’air minimale. On se limitera à des secteurs homogènes (combinaison floristique, physionomie, structure), en évitant les zones de transition entre deux groupements. Sauf pour définir les habitats de lisière. Aire minimale : C’est la surface minimale au delà de laquelle le nombre d’espèce du relevé n’augmente plus (ou très peu). Au sein d’une même surface homogène. Cette surface varie suivant les types de milieux (cf. courbe air/espèces), les valeurs habituellement retenues sont : Pour les formations à caractère plus ou moins linéaire (Delpech, 2006) : - 10 à 20 m pour les ourlets et lisières herbacées - 10 à 50 m pour les végétations herbacées ripuaires - 30 à 50 m pour les haies - 30 à 100 m pour les végétations des eaux courantes Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le relevé phytosociologique- 4 Aire minimale : Pour les formations ± étendues spatialement, elle est de (Gorenflot & De Foucault, 2005 ; Delpech, 2006) : - quelques cm² pour les végétations annuelles de dalles rocheuses, des fissures de rochers, - 10 cm² pour les végétations flottantes de lentilles d’eau, - 10 à 25 m² les prairies, les pelouses maigres ou de montagne, les végétations aquatiques, roselières, mégaphorbiaies, - 25 à 100 m² pour les communautés d’advantices, les végétations rudérales, celles des éboulis, des coupes forestières, - 100 à 200 m² pour les landes, - 300 à 800 m² pour les forêts. Nombre de relevés : Le nombre de relevé à effectuer par groupement dépend de l’objectif. Pour un travail de classement et de détermination précise de l’association, il est recommandé un minimum de 10 relevés. Pour un travail de confirmation du groupement ou de l’habitat, 2 à 3 relevés suffisent. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Exemple d’une fiche de relevé Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Lecture de juxtaposition de communautés végétales Une prairie humide subsaumatre Zone plus basse, vert clair Zone intermédiaire, plus blanche Zone plus haute, vert marron Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le traitement des relevés Méthode de diagonalisation des tableaux Les tableaux détaillés bruts Ces tableaux regroupent l’ensemble des relevés effectués sur la zone inventoriée. Un relevé par colonne, une ligne par espèce. Chaque espèce étant renseignée par son coefficient d’abondance dominance. Une ligne est rajoutée qui comptabilise le nombre d’espèces par relevé. Les tableaux détaillés ordonnés Les colonnes des relevés similaires sont mises côté à côte. Si les relevés concernent des milieux très différents (coteaux calcaire et dépression humide), on scinde le tableau en deux. Ceci afin de rajouter une colonne, qui indique les classes de présence par espèce. Ensuite les espèces de ces tableaux sont classées par ordre de présence décroissante (classe de présence), ce qui permet ensuite de mettre côte à côte les relevés similaires. Les tableaux synthétiques, diagonalisés Les espèces sont ensuite classées par catégories phytosociologique suivant qu’elles soient caractéristiques, différentielles ou compagnes. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le traitement des relevés Classes de présence Les classes de présence A partir des tableaux synthétiques, une classe de présence (en chiffre romain) est attribuée pour chaque espèce (réalisable, à partir de 5 relevés par association) : V : espèce présente dans 80 à 100 % des relevés IV : espèce présente dans 60 à 80 % des relevés III : Espèces présentes dans 40 à 60% des relevés II : Espèces présentes dans 20 à 40 % des relevés I : Espèces présentes dans 1 à 20 % des relevés (+ : dans 6 à 10%, r : dans moins de 6%) Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le traitement des relevés Classement des espèces Les espèces caractéristiques Les espèces caractéristiques sont les espèces qui se trouvent le plus fréquemment dans le groupement (voir inféodées au groupement pour les espèces exclusives, mais elles sont rares). Leur présence permet d’identifier le relevé et de le rattacher à une classe, un ordre, une alliance ou une association. C’est la combinaison des espèces entre elles et non une seule espèce qui peut définir le rattachement au groupement. Ces listes sont connues et établies pour chaque structure définis par les auteurs de la description des groupements phytosociologiques (cf. les tableaux princeps). Les espèces différentielles Elles permettent de distinguer un ensemble d’un ensemble voisin, deux associations entre elles ou des sous-associations. Leur présence indique la sous association concernée. Les espèces compagnes Espèces n’ayant de préférence pour une communauté, mais présentent dans le groupement. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le traitement des relevés exemple de tableaux interprétés Les colonnes des relevés similaires sont mises côté à côte. Si les relevés concernent des milieux très différents (coteaux calcaire et dépression humide), on scinde le tableau en deux. Ceci afin de rajouter une colonne, qui indique les classes de présence par espèce. Ensuite les espèces de ces tableaux sont classées par ordre de présence décroissante (classe de présence), ce qui permet ensuite de mettre côte à côte les relevés similaires. Tableau extrait du topo d’initiation à la phyto des CBN du Bassin Parisien et de Franche comté. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le traitement des relevés Autre exemple d'un tableau de relevés interprété (carto d'habitat) Tableau extrait du rapport THOMASSIN G., BALLAYDIER A., 2014 – Typologie phytosociologique, cartographie des végétations et de la flore de la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Denis-du-Payré (85). Pour la LPO France. Nantes : Conservatoire botanique national de Brest, 1 volume. 106 p. + annexes. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Dans la pratique Confirmation d’habitat Lorsqu’il s’agit de caractériser les habitats, afin de les rattacher à une association assez bien connue, ou à une alliance dans l’objectif de nommer les codes Corine biotope ou Natura 2000 (Eur 28), quelques relevés, 2 à 3 par habitats, suffisent. Identification précise d’une association végétale Il faut pour cela un plus grand nombre de relevé, avec un minimum de 10, afin que l’association puisse être décrite et caractérisée. Cartographie d’habitats Après avoir parcouru le site à cartographier, on identifie les différents groupes ou faciès en présence. On sein de chacun de ces faciès on réalise 3 à 5 relevés afin de caractériser le groupement, de le rattacher à une association connue et/ ou d’en préciser ses caractéristiques stationnelles et les particularités. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Les outils pour rattacher un relevé au synsystème la baseflor de Julve (exemple) Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Les outils pour rattacher un relevé au synsystème Index taxonomique de la Classification phyto des végétations CBN de Brest (CT1) Les plantes caractéristiques sont citées pour chaque alliances, mais pas les associations. En fin d’ouvrage, une liste de plante classée par ordre alphabétique, renvoi aux numéros de pages où l’espèce entre dans la composition d’un syntaxon. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Les outils pour rattacher un relevé au synsystème : le Ref typo du CBN de Brest Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Le lien avec l’indice d’Ellenberg L’indice d’Ellenberg permet de caractériser le degré d’hygrophilie d’un milieu, en fonction des plantes des zones humides présentes sur celui-ci. A chaque plante est rattachée un indice d’humidité édaphique. Cet indice, établi de 1 à 12, est donné par Julve et accessible dans la baseflor. A partir de 5 et jusqu’à 12 on a à faire à des plantes indicatrices d’une faible présence d’hydromorphie jusqu’aux plantes aquatiques. Pour établir un calcul de cet indice sur un milieu, Ellenberg propose de réaliser sur des quadrats des relevés de type phytosociologique (10 relevés pour 1 hectare). De ces relevés on sélectionne les espèces au coefficient d'abondance-dominance supérieur à 2. On attribue à chaque plante l’indice d’humidité édaphique, voir pour cela la colonne correspondante du tableau de Baseflor. Ensuite, on effectue une moyenne de la somme de ces coefficients édaphiques. En fonction du résultat, on obtient l’état d’humidité édaphique de la zone. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Les correspondances des associations végétales avec les codes Corine (Eunis) et Eur 28 Dans les Code Corine ou du code Eunis (cf lien entre les deux), et dans les Cahiers d’habitats, les alliances ou associations végétales sont rappelées en en tête de chaque codification. Les cahiers d’habitats restent les plus détaillés avec la présentation des arborescences phytosociologique de l’habitat concerné et des listes d’espèces caractéristiques bien fournies. Extrait des cahiers d’habitats, Tome 3. Mégaphorbiaie mésotrophe collinéennes Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Bibliographie MEDDOUR R., 2011 La méthode phytosociologique sigmatiste ou Braun Blanqueto Tuxenienne, 40 p. ROYER J.M., 2009 Petit précis de phytosociologie sigmatiste, N° spécial 33, SBCO GILLET F., 1998 La phytosociologie synusiale intégrée. Guide méthodologique. Université de Neuchâtel. Institut de botanique. 68p LAHONDERE C., 1997 Initiation à la phytosociologie sigmatiste Ed SBCO D FOUCAULT B., 1984 Petit manuel d’initiation à la phytosociologie sigmatiste BARDAT J. et al., 2004 - Prodrome des végétations de France. Publications scientifiques du Muséum National d'Histoire Naturelle. 171 p. RAMEAU, J.-C., 2000. – CORINE biotopes. Version originale, Types d’habitats français. ENGREF, GI ATEN, 175 p CAHIERS D'HABITATS NATURA 2000 (ouvrages collectifs), 2002 à 2004 - Tome 1, 2, 3 et 4 : Habitats côtiers, Humides, Agropastoraux, Forestiers. La Documentation française (cf internet, site museum). DELASSUS, MAGNANON et al, 2014 - Classification physionomique et phytosociologique des végétations de Basse-Normandie, Bretagne et Pays de la Loire. Conservatoire Botanique National de Brest, 260 p. TERRISSE J. & Co – Guide des habitats naturels du Poitou-Charentes. Poitou-Charentes Nature, 465 p. THOMASSIN G., BALLAYDIER A., 2014 – Typologie phytosociologique, cartographie des végétations et de la flore de la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Denis-du-Payré (85). Pour la LPO France. Nantes : Conservatoire botanique national de Brest, 1 volume. 106 p. + annexes Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT Sites internet Site du CBN de Brest : http://www.cbnbrest.fr/site/Refer_typo/habit1.php?id= Référentiel typologique des habitats terrestres du Massif Armoricain. Aide à la classification des arborescences avec indications des espèces caractéristiques des alliances ( 2007). La Baseflor de Julve Version 5 : philippe.julve.pagesperso-orange.fr/baseflor.xlsx Le volet phytosociologie du site tela botanica : www.tela-botanica.org propose en téléchargement l'article très bien documenté et accessible de Meddour R., et des fichiers d’espèces par associations végétales. Base de données SOPHY sur la socio-écologie des plantes à partir de l’étude statistique des relevés phytosociologiques : http://sophy.tela-botanica.org/sophy.htm Site internet de photographie de la flore de France, très complet, réalisé par Benoit Bock, botaniste reconnu : Photoflora : http://photoflora.free.fr en renseignant le nom de genre, on obtient la liste des différentes espèces et les photos correspondantes. Initiation à la phytosociologie- juin 2015-Eliane DEAT