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Par Karol Barthelemy et Jean-Louis Counil
Les découvertes astronomiques
depuis dix ans ont complètement
remis en cause notre conception
de l'Univers, preuve en est la récente
perte de son statut de planète par Pluton.
La première exo-planète n'a été
découverte qu'en 1995, à environ
quarante années lumière de la Terre, par
Michel Mayor et Didier Queloz depuis
l'Observatoire de Haute-Provence. Douze
ans plus tard, deux cent exo-planètes ont
été détectées, pour la plupart des géantes
gazeuses. La NASA a par exemple
annoncé en octobre 2006 la découverte
simultanée de seize exo-planètes par le
télescope Hubble ! A ce jour, l'Homme a
identifié plus de vingt systèmes planétaires
comportant deux planètes ou plus, et
nous découvrons régulièrement de
nouveaux types de planètes, absents de
notre système solaire. Détectée en
septembre 2006,l'une d'elle se trouve être
deux fois plus volumineuse que Jupiter
mais deux fois moins lourde. Moins dense
que le liège… Toutes ces observations,
balbutiements manifestes de nombreuses
découvertes à venir, ont imposé aux
astronomes une révision complète de
leurs modèles de formation des systèmes
stellaires et d'introduire de nouveaux
concepts comme celui de migration des
planètes au sein d'un système planétaire.
Corot est bien parti, il a livré sa première
image le 17 janvier. A présent pleinement
opérationnel, le chasseur entame sa traque
d'exo-planètes telluriques. L'objectif de la
mission tout comme ses procédés
répondent aux récentes observations
astronomiques, qui ont bouleversé toutes
nos considérations de l'Univers. Explications
et point sur l'actualité du satellite avec
Jean-Louis Counil de la Direction de la
Stratégie et des Programmes du CNES.
Le 27 décembre 2006, en guise
de dernier test avant sa mise en
œuvre opérationnelle depuis la
base de Kourou en 2008, le lanceur
Soyouz 1-B quittait le cosmodrome de
Baïkonour au Kasahkstan, avec à son bord
le satellite COROT.
Chasseur d'exo-planètes, ces planètes
tournant autour d'autres étoiles que notre
Soleil, et en particulier, de planètes
telluriques, semblables à la Terre et
indétectables aujourd'hui par les méthodes
au sol, Corot sera également capable de
"voir" l'intérieur des étoiles en analysant
leurs variations de luminosité. Pour ce
satellite du CNES construit en
coopération internationale avec six pays
partenaires, nos voisins brésiliens ont
développé une station de réception des
données scientifiques à Natal.
Corot est donc une mission de
photométrie stellaire de grande précision,
dont les résultats seront déterminants
pour mieux comprendre la formation et
l'évolution des systèmes planétaires.
Attendu par toute la communauté en
astronomie, Corot pourrait bien marquer
l'histoire de l'humanité avec la découverte
du premier système planétaire comportant
une planète semblable à notre Terre.
Corot,
© Arianespace/Starsem, 2006
24 / LATITUDE 5 / N°76 / AVRIL 2007
Sur le pas de tir de Baïkonour
Mais comment détecter
les exo-planètes ?
Ce n'est évidemment pas aussi facile
que de regarder les étoiles, et pour
cause. Tout d'abord une planète ne
produit pas de lumière, elle ne fait que
refléter celle qu'elle reçoit de son
étoile. De plus, la distance qui nous
sépare de l'étoile est infiniment plus
grande que celle qui la sépare d'une
exo-planète : l'observateur est donc
ébloui par l'étoile et des techniques
complexes doivent être mises en
œuvre pour éliminer la lumière de
l'étoile voisine.
Avec la mission Corot, grâce à la
grande précision photométrique de
l'instrument et à la longue durée des
observations (jusqu'à 150 jours), il
devient possible de détecter des
planètes plus petites et peut-être
telluriques comme Mercure, Vénus, la
Terre et Mars. Pour les détecter,
Corot étudie l'intensité lumineuse des
étoiles. La présence d'une planète est
révélée par une très faible diminution
de l'intensité lumineuse d'une étoile
de manière périodique, c'est à dire à
chaque fois que la planète passe
devant elle.
Corot pourra déceler de "petites"
planètes, jusqu'à deux à trois fois plus
grosses que la Terre, dans un domaine
de distance à l'étoile s'étendant jusqu'à
la zone dite "habitable", zone où la
température de la surface de la planète
est compatible avec la présence d'eau
liquide. Il pourra aussi détecter des
planètes géantes gazeuses, complétant
les connaissances actuelles.
La méthode photométrique mise en
œuvre, dite "méthode des transits",
permet de déterminer certaines
caractéristiques des planètes, comme
leur diamètre, qui ne peuvent être
obtenues par la méthode des "vitesses
radiales", jusqu'ici utilisée par les
télescopes terrestres.
LATITUDE 5 / N°76 / AVRIL 2007 / 25
plus près des étoiles
© CNES Illustration Ducros 2006
© CNES Illustration Ducros 2006
26 / LATITUDE 5 / N°76 / AVRIL 2007
Espace
Et regarder l'intérieur des étoiles ?
Depuis les années 30 où elle a commencé, l'étude physique des
étoiles a connu un succès considérable et a permis d'approfondir
nos connaissances sur leur structure et leur évolution. Le Soleil,
étoile la plus proche de nous, a notamment livré ses secrets
depuis seulement deux décennies, et cela très parcimonieusement.
Le Soleil étant une étoile ordinaire de notre Galaxie, il est naturel
de généraliser l'étude aux autres étoiles et de chercher à détecter
leurs oscillations et à mesurer leurs fréquences. La physique de
l'intérieur des étoiles est encore très mal connue. Le cœur de la
modélisation s'appuie sur des hypothèses concernant entre autres
les processus de transport de chaleur, et en particulier la
convection, mais aussi la circulation méridienne induite par la
rotation. Moyen quasi unique pour sonder l'intérieur des étoiles, la
sismologie consiste à observer leurs modes propres d'oscillation
qui permet d'accéder à l'état physique interne.
Concrètement, le programme central de la mission Corot
consiste en l'observation successive de cinq champs de ciel,
pendant 150 jours chacun, permettant d'observer au total
50 étoiles pour la sismologie et 60 000 pour la recherche
d'exo-planètes. Plusieurs dizaines de détection de planètes sont
attendues, dont des transits de planètes telluriques. 4
4
A la Direction de la Stratégie et des Programmes du CNES à Paris,
Jean-Louis Counil est Responsable des programmes en
astrophysique, et à ce titre est en relation quotidienne avec les
scientifiques qui traitent les données de Corot. Trois mois après
son lancement, le satellite a déjà identifié des phénomènes
d'occultation. Le Comité Scientifique Corot prépare les
publications officielles pendant qu'ingénieurs du CNES et
scientifiques valident les premières données.
L5 - CCOROT aa éé llancé lle 227 ddécembre ddernier. OOù een eest-oon ddu
traitement ddes ddonnées ??
Jean-LLouis CCounil - Depuis le lancement, de nombreuses étapes
ont été franchies : le 17 janvier, dès l'ouverture de l'obturateur du
télescope, la première image a été acquise, et le mode de
pointage fin qui utilise les données du télescope pour pointer le
satellite a été activé fin janvier. Les premières images en pointage
fin ont été enregistrées début février et ont aussitôt fait l'objet
d'un communiqué de presse. Les niveaux de bruits sont
conformes aux prévisions, tout cela est très prometteur.
L5 - QQuand ppassera-tt-oon ddes ppromesses aaux ddécouvertes ??!
JLC - Nous sommes actuellement dans cette phase ! Je peux
vous assurer que les courbes d'évolution de l'intensité lumineuse
de certains objets, comme par exemple celle des étoiles doubles
qui varie selon la période de rotation du système, sont
impressionnantes et laissent peu de place au doute : la mission
Corot sera un grand succès. Cependant, il est du devoir des
ingénieurs du CNES et des scientifiques de ne pas faire d'annonce
prématurée qui pourrait discréditer la mission. Aussi, avant
d'annoncer officiellement la découverte par Corot de la première
exo-planète, s'agit-il de tout bien vérifier ! Ainsi, les scientifiques
ont dès à présent identifié dans les données Corot plusieurs
phénomènes d'occultation (un corps qui passe devant un autre) et
ils sont actuellement en train d'acquérir des mesures à partir de
télescopes sol pour s'assurer que pour certains d'entre eux, nous
sommes bien en présence d'exo-planètes.
L5 - LLes ppublications sscientifiques ssont ddonc ppour bbientôt ??
JLC - Je suis convaincu que les données Corot n'ont pas fini de
faire parler d'elles, ce qui va être tout à l'honneur du CNES qui
n'avait pas développé de mission spatiale en astronomie depuis
les années 70. Dans cette phase où les données ne sont pas
encore traitées en routine, les articles doivent être, avant
soumission dans les revues scientifiques, approuvés par le
Comité Scientifique Corot. Dès sa prochaine réunion fin avril, il
pourrait autoriser les premières soumissions et l'on pourrait ainsi
voir les premières publications scientifiques dès cet été. Sans
attendre ces publications, nous allons cependant émettre vers la
fin avril un communiqué de presse qui décrira toutes les
premières observations remarquables de Corot et démontrera la
qualité exceptionnelle des données.
L5 - CCe sseront ddonc lles "" ppremières sscientifiques "" ddont oon pparle
pour CCOROT ??
JLC - Il faut garder en tête que Corot va observer pendant 150
jours consécutifs la même zone du ciel. Compte tenu du
lancement en décembre, la première période de ce type ne peut
commencer qu'après l'équinoxe de printemps, après le premier
retournement du satellite. Ce n'est que vers la fin de cette
période, soit vers le mois d'octobre, que les données Corot
permettront de mettre en évidence des exo-planètes avec des
périodes d'une cinquantaine de jours, dont on espère bien que
certaines d'entre elles seront des planètes telluriques. Corot
devrait alors nous amener un nouveau lot de découvertes. Je vous
donne donc rendez-vous dans quelques mois avec de
magnifiques images !
Chronique d'un succès annoncé
La charge utile de Corot
Corot est un satellite d'astronomie utilisant la plate-forme
Protéus, Plateforme Reconfigurable pour l'Observation, pour les
Télécommunications et les Usages Scientifiques. Développée
conjointement par le CNES et Alcatel Alenia Space pour de petits
satellites, elle leur fournit toutes les ressources utiles pour le bon
déroulement de leur mission, comme le contrôle de la trajectoire
et de l'altitude, l'apport d'énergie ou la communication avec la
Terre.
La charge utile de Corot, d'une masse de 300 kg, comprend :
un télescope à deux miroirs équipé d'un baffle cylindrique de
grande dimension qui permet de minimiser la lumière
parasite terrestre ;
une caméra composée d'un objectif dioptrique et d'un bloc
focal équipé de quatre détecteurs CCD à transfert de trame
(2048 x 4096) avec, sur la voie " exo-planètes ", un bi-prisme
disperseur permettant l'acquisition de courbes de lumière en
trois couleurs ;
une case à équipements abritant l'électronique d'acquisition
et de prétraitement de l'information photométrique à bord.
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