Le 27 décembre 2006, en guise de dernier test avant sa mise en œuvre opérationnelle depuis la base de Kourou en 2008, le lanceur Soyouz 1-B quittait le cosmodrome de Baïkonour au Kasahkstan, avec à son bord le satellite COROT. Chasseur d'exo-planètes, ces planètes tournant autour d'autres étoiles que notre Soleil, et en particulier, de planètes telluriques, semblables à la Terre et indétectables aujourd'hui par les méthodes au sol, Corot sera également capable de "voir" l'intérieur des étoiles en analysant leurs variations de luminosité. Pour ce satellite du CNES construit en coopération internationale avec six pays partenaires, nos voisins brésiliens ont développé une station de réception des données scientifiques à Natal. Corot est donc une mission de photométrie stellaire de grande précision, dont les résultats seront déterminants pour mieux comprendre la formation et l'évolution des systèmes planétaires. Attendu par toute la communauté en astronomie, Corot pourrait bien marquer l'histoire de l'humanité avec la découverte du premier système planétaire comportant une planète semblable à notre Terre. © Arianespace/Starsem, 2006 Regarder vers l’Espace Explorer Sur le pas de tir de Baïkonour 24 / LATITUDE 5 / N°76 / AVRIL 2007 Corot, Corot est bien parti, il a livré sa première image le 17 janvier. A présent pleinement opérationnel, le chasseur entame sa traque d'exo-planètes telluriques. L'objectif de la mission tout comme ses procédés répondent aux récentes observations astronomiques, qui ont bouleversé toutes nos considérations de l'Univers. Explications et point sur l'actualité du satellite avec Jean-Louis Counil de la Direction de la Stratégie et des Programmes du CNES. Par Karol Barthelemy et Jean-Louis Counil L es découvertes astronomiques depuis dix ans ont complètement remis en cause notre conception de l'Univers, preuve en est la récente perte de son statut de planète par Pluton. La première exo-planète n'a été découverte qu'en 1995, à environ quarante années lumière de la Terre, par Michel Mayor et Didier Queloz depuis l'Observatoire de Haute-Provence. Douze ans plus tard, deux cent exo-planètes ont été détectées, pour la plupart des géantes gazeuses. La NASA a par exemple annoncé en octobre 2006 la découverte simultanée de seize exo-planètes par le télescope Hubble ! A ce jour, l'Homme a identifié plus de vingt systèmes planétaires comportant deux planètes ou plus, et nous découvrons régulièrement de nouveaux types de planètes, absents de notre système solaire. Détectée en septembre 2006, l'une d'elle se trouve être deux fois plus volumineuse que Jupiter mais deux fois moins lourde. Moins dense que le liège… Toutes ces observations, balbutiements manifestes de nombreuses découvertes à venir, ont imposé aux astronomes une révision complète de leurs modèles de formation des systèmes stellaires et d'introduire de nouveaux concepts comme celui de migration des planètes au sein d'un système planétaire. Mais comment détecter les exo-planètes ? Ce n'est évidemment pas aussi facile que de regarder les étoiles, et pour cause. Tout d'abord une planète ne produit pas de lumière, elle ne fait que refléter celle qu'elle reçoit de son étoile. De plus, la distance qui nous sépare de l'étoile est infiniment plus grande que celle qui la sépare d'une exo-planète : l'observateur est donc ébloui par l'étoile et des techniques complexes doivent être mises en œuvre pour éliminer la lumière de l'étoile voisine. © CNES Illustration Ducros 2006 plus près des étoiles Corot pourra déceler de "petites" planètes, jusqu'à deux à trois fois plus grosses que la Terre, dans un domaine de distance à l'étoile s'étendant jusqu'à la zone dite "habitable", zone où la température de la surface de la planète est compatible avec la présence d'eau liquide. Il pourra aussi détecter des planètes géantes gazeuses, complétant les connaissances actuelles. La méthode photométrique mise en œuvre, dite "méthode des transits", permet de déterminer certaines caractéristiques des planètes, comme leur diamètre, qui ne peuvent être obtenues par la méthode des "vitesses radiales", jusqu'ici utilisée par les télescopes terrestres. © CNES Illustration Ducros 2006 Avec la mission Corot, grâce à la grande précision photométrique de l'instrument et à la longue durée des observations (jusqu'à 150 jours), il devient possible de détecter des planètes plus petites et peut-être telluriques comme Mercure, Vénus, la Terre et Mars. Pour les détecter, Corot étudie l'intensité lumineuse des étoiles. La présence d'une planète est révélée par une très faible diminution de l'intensité lumineuse d'une étoile de manière périodique, c'est à dire à chaque fois que la planète passe devant elle. LATITUDE 5 / N°76 / AVRIL 2007 / 25 Espace La charge utile de Corot Corot est un satellite d'astronomie utilisant la plate-forme Protéus, Plateforme Reconfigurable pour l'Observation, pour les Télécommunications et les Usages Scientifiques. Développée conjointement par le CNES et Alcatel Alenia Space pour de petits satellites, elle leur fournit toutes les ressources utiles pour le bon déroulement de leur mission, comme le contrôle de la trajectoire et de l'altitude, l'apport d'énergie ou la communication avec la Terre. La charge utile de Corot, d'une masse de 300 kg, comprend : un télescope à deux miroirs équipé d'un baffle cylindrique de grande dimension qui permet de minimiser la lumière parasite terrestre ; une caméra composée d'un objectif dioptrique et d'un bloc focal équipé de quatre détecteurs CCD à transfert de trame (2048 x 4096) avec, sur la voie " exo-planètes ", un bi-prisme disperseur permettant l'acquisition de courbes de lumière en trois couleurs ; une case à équipements abritant l'électronique d'acquisition et de prétraitement de l'information photométrique à bord. Et regarder l'intérieur des étoiles ? Depuis les années 30 où elle a commencé, l'étude physique des étoiles a connu un succès considérable et a permis d'approfondir nos connaissances sur leur structure et leur évolution. Le Soleil, étoile la plus proche de nous, a notamment livré ses secrets depuis seulement deux décennies, et cela très parcimonieusement. Le Soleil étant une étoile ordinaire de notre Galaxie, il est naturel de généraliser l'étude aux autres étoiles et de chercher à détecter leurs oscillations et à mesurer leurs fréquences. La physique de l'intérieur des étoiles est encore très mal connue. Le cœur de la modélisation s'appuie sur des hypothèses concernant entre autres les processus de transport de chaleur, et en particulier la convection, mais aussi la circulation méridienne induite par la rotation. Moyen quasi unique pour sonder l'intérieur des étoiles, la sismologie consiste à observer leurs modes propres d'oscillation qui permet d'accéder à l'état physique interne. Concrètement, le programme central de la mission Corot consiste en l'observation successive de cinq champs de ciel, pendant 150 jours chacun, permettant d'observer au total 50 étoiles pour la sismologie et 60 000 pour la recherche d'exo-planètes. Plusieurs dizaines de détection de planètes sont attendues, dont des transits de planètes telluriques. 4 Chronique d'un succès annoncé A la Direction de la Stratégie et des Programmes du CNES à Paris, Jean-Louis Counil est Responsable des programmes en astrophysique, et à ce titre est en relation quotidienne avec les scientifiques qui traitent les données de Corot. Trois mois après son lancement, le satellite a déjà identifié des phénomènes d'occultation. Le Comité Scientifique Corot prépare les publications officielles pendant qu'ingénieurs du CNES et scientifiques valident les premières données. L5 - COROT a été lancé le 27 décembre dernier. Où en est-oon du traitement des données ? Jean-LLouis Counil - Depuis le lancement, de nombreuses étapes ont été franchies : le 17 janvier, dès l'ouverture de l'obturateur du télescope, la première image a été acquise, et le mode de pointage fin qui utilise les données du télescope pour pointer le satellite a été activé fin janvier. Les premières images en pointage fin ont été enregistrées début février et ont aussitôt fait l'objet d'un communiqué de presse. Les niveaux de bruits sont conformes aux prévisions, tout cela est très prometteur. L5 - Quand passera-tt-oon des promesses aux découvertes ?! JLC - Nous sommes actuellement dans cette phase ! Je peux vous assurer que les courbes d'évolution de l'intensité lumineuse de certains objets, comme par exemple celle des étoiles doubles qui varie selon la période de rotation du système, sont impressionnantes et laissent peu de place au doute : la mission Corot sera un grand succès. Cependant, il est du devoir des ingénieurs du CNES et des scientifiques de ne pas faire d'annonce prématurée qui pourrait discréditer la mission. Aussi, avant d'annoncer officiellement la découverte par Corot de la première exo-planète, s'agit-il de tout bien vérifier ! Ainsi, les scientifiques ont dès à présent identifié dans les données Corot plusieurs phénomènes d'occultation (un corps qui passe devant un autre) et 26 / LATITUDE 5 / N°76 / AVRIL 2007 ils sont actuellement en train d'acquérir des mesures à partir de télescopes sol pour s'assurer que pour certains d'entre eux, nous sommes bien en présence d'exo-planètes. L5 - Les publications scientifiques sont donc pour bientôt ? JLC - Je suis convaincu que les données Corot n'ont pas fini de faire parler d'elles, ce qui va être tout à l'honneur du CNES qui n'avait pas développé de mission spatiale en astronomie depuis les années 70. Dans cette phase où les données ne sont pas encore traitées en routine, les articles doivent être, avant soumission dans les revues scientifiques, approuvés par le Comité Scientifique Corot. Dès sa prochaine réunion fin avril, il pourrait autoriser les premières soumissions et l'on pourrait ainsi voir les premières publications scientifiques dès cet été. Sans attendre ces publications, nous allons cependant émettre vers la fin avril un communiqué de presse qui décrira toutes les premières observations remarquables de Corot et démontrera la qualité exceptionnelle des données. L5 - Ce seront donc les " premières scientifiques " dont on parle pour COROT ? JLC - Il faut garder en tête que Corot va observer pendant 150 jours consécutifs la même zone du ciel. Compte tenu du lancement en décembre, la première période de ce type ne peut commencer qu'après l'équinoxe de printemps, après le premier retournement du satellite. Ce n'est que vers la fin de cette période, soit vers le mois d'octobre, que les données Corot permettront de mettre en évidence des exo-planètes avec des périodes d'une cinquantaine de jours, dont on espère bien que certaines d'entre elles seront des planètes telluriques. Corot devrait alors nous amener un nouveau lot de découvertes. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques mois avec de magnifiques images !