Chapitre 6. Mécanismes d'action deslymphocytes T 107
au chapitre 2 . Les voies de migration des cellules T naïves et
des effectrices diffèrent nettement, en raison de l'expression
sélective de différentes molécules d'adhérence et de récep-
teurs de chimiokines sur les lymphocytes T naïfs par rapport
aux cellules T effectrices, conjointement avec l'expression
sélective des molécules d'adhérence endothéliales et des
chimiokines dans les tissus lymphoïdes ou les foyers inflam-
matoires ( fig.6.2 ).
Les lymphocytes T naïfs expriment la molécule d'adhé-
rence L-sélectine (CD62 L) et le récepteur de chimiokine
CCR7 , qui assurent leur migration sélective dans les gan-
glions lymphatiques à travers les vaisseaux spécialisés
dénommés veinules à endothélium élevé (HEV) ( fig.6.2 ).
Ces vaisseaux sont situés dans les zones des lymphocytes T
des tissus lymphoïdes et sont bordés par des cellules endo-
théliales spécialisées, porteuses de ligands glucidiques qui
se lient à la L-sélectine. Les HEV expriment également des
chimiokines propres aux tissus lymphoïdes et spécifiques
de CCR7. Les lymphocytes T naïfs du sang, en interagissant
avec la L-sélectine, roulent sur l'endothélium de l'HEV, ce
qui permet ensuite à leur CCR7 de se lier aux chimiokines.
CCR7 transmet des signaux intracellulaires qui activent l'in-
tégrine LFA-1 ( leukocyte function-associated antigen 1 ) des
cellules T naïves. LAF-1 activée s'attache alors fermement
à son ligand, ICAM-1 ( intercellular adhesion molecule 1 ),
présent sur l'HEV, et arrête ainsi le roulement des cellules T.
Ensuite, celles-ci sortent du vaisseau à travers les jonctions
endothéliales et restent dans la zone des cellules T du gan-
glion lymphatique en raison des chimiokines présentes. En
conséquence, un bon nombre des cellules T naïves amenées
par le sang dans une HEV atteignent la zone des cellules T
dans le stroma du ganglion. Ceci se déroule en permanence
dans tous les ganglions et tissus lymphoïdes des muqueuses.
Les lymphocytes T effecteurs n'expriment pas CCR7 ou la
L-sélectine et ne sont donc pas attirés dans les ganglions.
Le phospholipide sphingosine-1-phosphate (S1P) joue
un rôle clé dans l'entrée et la sortie des cellules T dans les
ganglions lymphatiques. Les taux de S1P sont plus élevés
dans le sang et la lymphe que dans les ganglions lympha-
tiques. S1P se lie à son récepteur et réduit ainsi l'expression
de celui-ci, avec en conséquence une densité faible du récep-
teur de S1P sur les cellules T naïves circulantes. Quand une
cellule T naïve entre dans le ganglion, elle est exposée à une
plus faible concentration de S1P et l'expression du récepteur
commence à augmenter. Si la cellule T ne reconnaît aucun
antigène, elle quitte le ganglion par les vaisseaux lympha-
tiques efférents en suivant le gradient de S1P du ganglion
jusque dans la lymphe . Si la cellule T rencontre un antigène
spécifique et est activée, l'expression en surface du récepteur
S1P est supprimée pendant plusieursjours. Par conséquent,
les cellules T récemment activées restent dans le ganglion
lymphatique assez longtemps pour subir une expansion
clonale et une différenciation. Lorsque ce processus est ter-
miné, le récepteur de S1P est exprimé à nouveau à la sur-
face des cellules, qui entre-temps ont perdu l'expression de
la L-sélectine et CCR7, qui les avaient attirées dans les gan-
glions lymphatiques. En conséquence, les cellules activées
sont entraînées en dehors des ganglions dans le lymphatique
de drainage, qui transporte ensuite les cellules dans la circu-
lation. Le résultat net de ces changements est que les cellules
T effectrices différenciées quittent les ganglions lympha-
tiques et gagnent la circulation. L'importance de la voie de
S1P a été révélée par le développement d'un médicament,
le fingolimod, qui se lie au récepteur S1P et bloque la sortie
des cellules T des ganglions lymphatiques. Ce médicament
est approuvé pour le traitement d'une maladie inflamma-
toire, la sclérose en plaques .
Les lymphocytes T effecteurs migrent dans les foyers
infectieux, car ces cellules expriment des molécules d'ad-
hérence et des récepteurs de chimiokines qui se lient à des
ligands exprimés ou présentés sur l'endothélium vasculaire
à la suite des réactions de l'immunité innée aux microbes.
Le processus de différenciation des lymphocytes T naïfs
en effecteurs, décrit au chapitre 5 , s'accompagne de chan-
gements dans les collections de molécules d'adhérence et
de récepteurs de chimiokines sur ces cellules ( fig.6.2 ). La
migration des cellules T activées dans les tissus périphé-
riques est contrôlée par les mêmes interactions que celles
qui dirigent la diapédèse des autres leucocytes dans les tissus
(voir chapitre 2, fig.2.16 ), dont voici un rappel des points
principaux. Les cellules T activées expriment en forte den-
sité des ligands glycoprotéiques pour les sélectines E et P,
et les formes à haute affinité des intégrines LFA-1 et VLA-4
( very late antigen 4 ), qui apparaît plus tard que LFA-1 lors
de l'activation des lymphocytes T. Dans le foyer infectieux,
l'endothélium est exposé à des cytokines comme le TNF
( tumor necrosis factor ) et l'interleukine 1 (IL-1 ), qui font
exprimer davantage par les cellules endothéliales les sélec-
tines E et P ainsi que les ligands des intégrines , en parti-
culier ICAM-1 ( intercellular adhesion molecule 1 , le ligand
de LFA-1 ) et VCAM-1 ( vascular cell adhesion molecule 1 , le
ligand de l'intégrine VLA-4). Les lymphocytes T effecteurs
qui traversent les vaisseaux sanguins dans le site de l'infec-
tion se lient d'abord aux sélectines et roulent sur la surface
endothéliale. Les cellules T effectrices expriment aussi des
récepteurs pour les chimiokines qui sont produites par les
macrophages et les cellules endothéliales dans ces foyers
infectieux et qui sont présentes à la surface de l'endothélium.
Les lymphocytes T roulant sur cette surface reconnaissent
ces chimiokines, qui induisent une augmentation de l'affi-
nité de liaison des intégrines pour leurs ligands et ainsi une
adhérence ferme des cellules T à l'endothélium. Après s'être
arrêtés sur l'endothélium, les lymphocytes T effecteurs inte-
ragissent avec d'autres molécules d'adhérence situées aux
jonctions entre les cellules endothéliales et s'insinuent à
travers ces jonctions jusque dans le tissu. Les chimiokines
qui ont été produites par les macrophages et d'autres cel-
lules dans les tissus stimulent la motilité des leucocytes en
train de migrer. Le résultat net de ces interactions molécu-
laires entre les cellules T et les cellules endothéliales est la
migration des cellules T hors des vaisseaux sanguins dans
le foyer infectieux. Les lymphocytes T naïfs n'expriment pas
de ligands pour les sélectines E ou P, pas plus qu'ils n'expri-
ment de récepteurs pour les chimiokines produites dans des
sites inflammatoires. Par conséquent, les cellules T naïves ne
migrent pas dans les sites d'infection ou de lésion tissulaire.
Cette migration , ou « homing », des lymphocytes
effecteurs dans le site d'infection est indépendante de la
reconnaissance des antigènes, mais les lymphocytes qui
reconnaissent les antigènes microbiens sont retenus et
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