Avec les impressionnistes et Van Gogh, la couleur prend son autonomie. Elle possède son propre langage Claude Monet (1840-1926) La Rue Montorgueil, 1878 Huile sur toile, 81x 50 cm Paris, Musée d’Orsay Vincent Van Gogh (1853-1890) La Nuit Etoilée Huile sur toile, 73 x 92 cm New York, MoMA Paul Gauguin (1848-1903) Il ouvre la voie au primitivisme : ses figures sont inspirées des figures polynésiennes = découvertes des cultures extra-européennes Les volumes sont simplifiés et rendus par la couleur Paul Gauguin Arearea (Joyeuseté), 1892 Huile sur toile, 500 x 398 cm Paris, Musée d’Orsay Paul Cézanne (1839-1906) : « notre père à tous » dira Picasso - Il simplifie les formes à leur géométrie simple : « tout à la sphère, au cône, au cylindre » (Cézanne) - La juxtaposition des couleurs évoque la profondeur - Il multiplie les points de vue ce qui crée des effets d’instabilité – ce que fera Picasso dans sa période rose. Paul Cézanne Pommes et oranges, 1895-1900 Huile sur toile, 93 x 74 cm Paris, Musée d’Orsay Dès la fin du XIXe siècle - l’artiste rejette la perspective classique à trois dimensions - Il abolit la peinture descriptive et narrative, préférant le motif au sujet - Il construit une vérité et non une réalité : pour cela la perspective n’est plus utile b. Définition du cubisme A l’origine, le cubisme est une suite d’expériences plastiques menées par Georges Braque (1882-1963) et Pablo Picasso (1881-1973) • De 1907 à 1914, ils conçoivent un nouveau langage qui veut donner une image plus objective que la réalité • Leur démarche est confidentielle • Ils peignent des objets ordinaires : la peinture fait vivre le sujet • Le mot « cube » est prononcé par Matisse devant les paysages que peint Braque en 1908. Louis Vauxcelles (critique d’art) parle de « bizarreries cubistes ». Georges Braque (1882-1963) Le Viaduc à l’Estaque, 1908 Huile sur toile, 72,5 x 59 cm Paris, Musée National d’Art Moderne • 1910 : quelques artistes (Delaunay, Léger, Gleizes) se constituent en groupe sous l’appellation cubiste • 1911 : Exposition des œuvres cubistes au Indépendants, en l’absence de Picasso et de Braque Salon des • 1911 : à Puteaux, se forme la « Section d’or » avec Picabia et Duchamp qui recherchent le parfait équilibre • Le cubisme, véritable phénomène de mode, donne lieu à une série de variations en peinture et en sculpture « Le cubisme dégénèrera à son tour en un exercice académique de construction de l’espace ». Anton Ehrenzweig, L’ordre caché de l’art c. Picasso et le cubisme papier collé fut au centre de la découverte, même si esthétiquement, on peut préférer les toiles cubistes. Un des points fondamentaux du cubisme visait à déplacer la réalité ; la réalité n’était plus dans l’objet, elle était dans la peinture. Quand le peintre pensait : "je veux peindre un compotier", il se mettait au travail, sachant qu’un compotier n’avait rien en commun avec un compotier dans la vie. Nous étions réalistes, mais dans le sens du dicton chinois : "Je n’imite pas la nature, je travaille comme elle" ». Pablo Picasso « Le Il y a 3 phases dans la mise en place du cubisme de Picasso 1. le pré-cubisme (jusqu’en 1907) : périodes rose et bleue Picasso va simplifier les volumes et dissoudre l’espace 2. le cubisme analytique Picasso va fragmenter l’objet et en montrer toutes les facettes 3. le cubisme synthétique : à partir de 1912 Picasso va synthétiser 2.2. Arnold Schönberg et le dodécaphonisme sériel a. Arnold Schönberg (1874 à Vienne - 1951 à Los Angeles) : son héritage musical et sa vie Autoportrait, 1910 Gouache sur papier, 21 x 15 cm Vienne, Arnold Schoenberg Center • Schönberg est compositeur, peintre, théoricien, professeur, chef d’orchestre et instrumentiste (violon, violoncelle, piano) • Il est l’initiateur d’une révolution « atonale » qui a bouleversée la musique du XXe siècle • Il se dit héritier de la musique romantique allemande : il est fasciné par la musique de Richard Wagner (1813-1883) et par Johannes Brahms (1833-1897) Ecoutons par exemple la filiation Wagner / Schönberg Ecoute : Richard Wagner La mort d’Isolde, extrait de Tristan und Isolde, opéra de 1857-1859 (Jessye Norman) Ecoute : Arnold Schönberg 1899 : Verkläre Nacht – Nuit transfigurée – d’après un poème de Richard Dehmel. Cette œuvre est écrite pour un sextuor à cordes : 2 violons, 2 altos, 2 violoncelles. Deuxième partie Schönberg reprend chez Wagner l’émancipation de la dissonance et dissout peu à peu le système tonal Système tonal (≠ atonalité) : système musical traditionnel construit à partir d’une gamme et dont les notes les plus importantes sont la tonique (I), la dominante (V) et la sous-dominante (IV) Do Ré Mi Fa Sol La Si Do Dissonances (≠ consonances) : rencontre discordante de sons. Comme nous l’avons déjà dit, la tolérance à la dissonance dépend de l’éducation musicale de l’oreille. On en trouve chez Mozart et bien avant Exemple : Premier mouvement du Quatuor à cordes K465 en ut majeur dit « Les dissonances » de W A Mozart (1756-1791) Avant : les dissonances étaient résolues (par des consonances) Avec Schönberg : les dissonances sont d’égale importance aux consonances Schönberg dissout le système tonal = il refuse la hiérarchie entre les sons (I-V-IV) • Le tournant décisif vers l’atonalité est franchi en 1907-1908 : comme la couleur en peinture, le son prend son indépendance Atonalité : tous les degrés de la gamme sont équivalents. Il n’y a plus de note-référent. Il emploie de manière indifférenciée toutes les notes de la gamme chromatique (12 notes à l’intervalle d’un demi-ton) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Do Do# Ré Ré# Mi Fa Fa# Sol Sol# La La# Si Les douze notes de la gamme chromatique • De même que Picasso fragment l’objet, fragmente le système tonal en le décomposant Schönberg • Dans les années vingt, Schönberg met au point le dodécaphonisme sériel ou la « méthode de composition avec douze sons n’ayant de rapport qu’entre eux » (Schönberg) • De confession juive, Schönberg doit émigrer aux Etats-Unis dès 1933. Il contribue à la lutte contre l’antisémitisme avec sa musique et soutient la création de l’Etat d’Israël • Il meurt le 13 juillet 1951 à Los Angeles « Ma musique n’est pas moderne, elle est mal jouée » Arnold Schönberg b. Définition du dodécaphonisme sériel • « Dodéka » en grec signifie 12 et la série consiste à mettre les sons dans un certain ordre décidé par le compositeur • Le dodécaphonisme sériel est donc un système marqué par l’utilisation des douze sons de la gamme dans un ordre défini par le compositeur • Chaque son ne peut être énoncé qu’une fois par série • La série originelle est appelée série-mère. Elle va subir des transformations au cours de l’œuvre. Dans l’exemple ci-dessous, la série-mère comporte un hommage à J-S Bach s’achevant par les quatre notes qui découlent de son nom. Exemple de série-mère : série-mère de la Suite opus 25 QuickTime™ et un décompresseur TIFF (non compressé) sont requis pour visionner cette image. 1 mi 2 fa 3 sol 4 rb 5 solb 6 7 8 mib lab r 9 si 10 do 11 la 12 sib H C A B Il y a 3 phases dans la mise en place du dodécaphonisme sériel de Schönberg – comme pour le cubisme de Picasso 1. Période post-romantique (jusqu’en 1908) Schönberg va dissoudre le système tonal et la dissonance va s’émanciper 2. L’atonalité libre (1908) Schönberg va fragmenter la gamme tonale 3. le dodécaphonisme sériel : à partir de 1920 Schönberg va synthétiser ses recherches en une méthode de composition 3. Points communs d’ordre structurel entre les phases du cubisme et du dodécaphonisme sériel 3.1. La dissolution de l’espace : Première phase (pré-cubiste / postromantique) • Les périodes de jeunesse de Picasso et de Schönberg se caractérisent par un effondrement de l’espace objectif : - Picasso ne fait plus appel aux lois de la perspective - Schönberg désagrègent le système tonal jusque-là vecteur de forme Phase pré-cubiste (période rose) Phase post-romantique La Nuit transfigurée opus 4, 1899. Première partie Sehr Langsam (très lent). Texte de Richard Dehmel Weib und Welt (La Femme et le monde) La famille des Saltimbanques (les bateleurs), 1905 Huile sur toile, 212,8 x 229,6 cm Washington (DC), National Gallery of Art Chester Dale Collection a. Chez Picasso : La famille de Saltimbanques (1905) Dissolution de l’espace par : 1. Déséquilibre spatial : partie gauche occupant les 2/3 du tableau ≠ partie droite (jeune femme solitaire) 2. La dissolution est rendue par la couleur. Rouge et bleu sont utilisés pour leur luminosité. Le jaune est utilisé pour sa valeur spatiale – il est associé au sol dont le caractère formel est indéfini 3. Tio Pepe, le personnage central en rouge, n’a pas de jambe droite 4. Il n’y a pas de point de fuite unique : chaque zone possède sa propre perspective Conclusion : Les personnages représentés, en tant qu’acrobates défient les lois de la pesanteur b. Chez Schönberg : La Nuit transfigurée (1899) 1. La dissolution de l’espace est rendue principalement par la désagrégation du système tonal malgré la tonalité principale de ré mineur « Lorsque, au début de l’œuvre, la tonalité s’éloigne de ré mineur, elle a tendance "à flotter" au lieu d’établir des alternances claires ». Arnold Schönberg 2. L’espace dissolu reste cohérent grâce : au texte symbolique sousjacent de Richard Dehmel qui donne une structure à l’œuvre et au timbre homogène des instruments (sextuor à cordes) Conclusion : chez Schönberg et Picasso, la mise en espace est rendue par le timbre et la couleur c. Transition Transition vers l’atonalité libre Quatuor à cordes n°2 opus 10 (1908) Premier mouvement : Massig Troisième mouvement : Litanei Quatrième mouvement : Entrückung Transition vers le cubisme analytique