2 . L`école : jeux de composition ou jeux de rôle ? - UFR Lettres

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Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008
2 . L'école : jeux de composition ou
jeux de rôle ?
Département STAPS de Tarbes
Université de Pau et des Pays de l’Adour
L’école française est parmi celle qui propose le plus d’heure de cours 22 dans un cadre
très institutionnalisé, sans pour autant obtenir des résultats supérieurs, ou tout au plus du
même niveau que ses voisins européens 23 . En effet, nous remarquerons les performances
faibles de notre système scolaire francophone et son haut taux de redoublement ; la France
détient le record absolu du redoublement avec, à l’âge de 15 ans, 38 % des jeunes Français
qui ont redoublé au moins une fois 24 . Ce système se retrouve en contraste avec le cadre
scolaire des pays scandinaves (Suède, Norvège, Finlande) qui est plus souple, où le
redoublement n’existe pas, et avec la mise en avant de l’adaptation de la pédagogie aux
capacités et au savoir-faire des individus. Au sein de ces systèmes scolaires, nous retrouvons
un échange où l’enseignant est préoccupé par le bien-être de ses élèves, et leur apporte une
aide individualisée grâce à des tâches à leur portée. A l’opposé, dans l’Ecole française, la
construction de l’échange Elève-Professeur est davantage basée sur les méthodes
d’enseignement frontal et en grand groupe dont l’enseignant hérite lors de sa formation. Force
est de constater que le cursus des enseignants, étant pauvre au niveau des interactions avec les
enfants (certains enseignants découvre le face à face pédagogique uniquement en dernière
d’IUFM !), il est difficile pour les jeunes professeurs, une fois en poste, de mettre en place
une pédagogie efficace auprès des élèves. Hormis les professeurs d’EPS, qui se voient offrir
la possibilité de stage en milieu scolaire à partir de leur 2e année d’étude, dans des écoles
primaires, puis en collège et lycée en 3e année, le problème de transmission de savoirs
apparaît flagrant. Au regard de nos années passées sur le banc de l’école, l’institution
française fonctionne sur un enseignement rigide où le professeur « réservoir » déverse son
savoir à un élève « récipient », alors que dans le même temps, l’état a pour volonté de créer
l’altérité 25 , c'est-à-dire la construction de l’autonomie pour l’élève, en centrant
l’apprentissage sur celui-ci. Cette opposition entre le cadre scolaire et les moyens utilisés,
amène l’absence de certaines méthodes telles que celles de l’école de Summerhill, jugées
inadaptées dans l’enseignement en raison du public. Parmi celles-ci, le jeu attire notre
attention par son utilisation en école maternelle et primaire, et son absence dès l’entrée dans le
secondaire, alors qu’« il améliore les facultés mentales et physiques, suscite le goût du risque,
22
Regards sur l'éducation 2006. OCDE
23 Eurydice : réseau d'information sur l'éducation en Europe
24 OCDE Ibid 2006
25 Develay M. Donner du sens à l’école. 1996
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encourage la persévérance, augmente la capacité de concentration et l’esprit de lutte » selon
Hans Fleuri 26 . De manière commune, le jeu est défini de manière simple pour les enfants
comme un loisir ou un moment récréatif. Une telle affirmation serait sous-estimer l’énorme
potentiel de développement qu’il offre et un vecteur inestimable d’apprentissage.
Roger Caillois a mis en évidence différentes formes de jeux 27 : les jeux basés sur la
compétition, dits « Agôn » ; les jeux basés sur la chance, « Aléa » ; les jeux avec la sensation
de vertige, « Ilinx » ; et enfin, les jeux de rôle et imaginaire, « Mimicry ». Nous allons nous
intéresser à ces derniers, et nous poser la question à savoir si le jeu de rôle, afin d’éduquer le
citoyen de demain, n’amènerait-il pas une plus forte implication en termes de respect pour
l’élève qu’un simple cours d’éducation civique d’une heure ? Ne vaut-il mieux pas mettre en
avant les rôles de chacun en fonction de leur qualité comme le propose le jeu de rôle, plutôt
qu’un investissement incertain des élèves dans un travail de groupe (maths, sciences,…) ?
N’est-il pas plus facile d’impliquer un maximum d’élèves dans un jeu de rôle plutôt qu’un
cours traditionnel ?
Selon nous, le jeu de rôle devrait être un outil au service de la pédagogie de
l’enseignant, par la mise en avant de rôle, la mise en avant de chacun et la responsabilisation
qu’il apporte. A la fois ludique et sérieux, mais aussi d’une grande flexibilité par rapport au
contenu, le jeu de rôle peut s’imposer facilement à l’école.
Une telle démarche nécessite la prise en compte du mode de fonctionnement de l’école
et des effets recherchés sur les élèves. De fait, nous étudierons dans un premier temps l’apport
du jeu sur trois approches : psychologique, sociologique et pédagogique ; dans un second
temps, nous verrons de quelle manière pouvons nous utiliser le jeu de rôle dans
l’enseignement secondaire ce qui passe par le cadre d’utilisation et ses apports possibles.
« Le jeu est un moyen d'employer l'énergie superflue, une sorte de soupape de la
jeunesse 28 . » Cette citation illustre la pensée commune que nous retrouvons souvent parmi les
éducateurs. De fait, nous verrons aux travers des différents aspects du jeu que celui-ci peut
être un outil de formation des plus utiles au système scolaire. Durant sa scolarité l’élève se
construit intellectuellement, psychologiquement ainsi que sur un plan social, ce qui nous
amène à l’étude du jeu et de ses formes.
Nous commencerons en traitant de la relation sujet-jeu au niveau psychologique. Pour
les psychologues, selon Marie-Madeleine Maillard 29 , « le jeu n'est plus considéré comme
temps perdu par l'enfant ». En effet, le jeu est reconnu de manière unanime comme un
élément de motivation. Il a un rôle de médiation entre l'enfant et le monde des adultes, permet
la simulation et développe l'imaginaire. En réalisant le parallèle entre les stades de l’enfance
de Piaget 30 et le milieu scolaire, nous pouvons observer que le jeu se divise en deux grandes
parties : une première se situe sur la période de la maternelle ; sans but utilitaire mais pour le
plaisir de la répétition, il s’agit d’une simple exploration d’une activité sensorimotrice et sont
appelés "jeux fonctionnels". La deuxième partie qui se construit dès l’entrée au primaire est
composé de deux types de jeu possible qui se succèdent : les "jeux symboliques", puis les
"jeux à règles". Les premiers sont une manière de compenser, de réaliser un désir, de réguler
un conflit, une façon pour l’enfant de se soustraire à la réalité. Par exemple, lorsque les
enfants jouent le rôle du docteur et du patient ou encore celui du gendarme et du voleur. Les
26 Fleury H. 1000 exercices et jeux de plein air. 1988
27 Caillois R. Les jeux et les hommes : le masque et le vertige. 1958
28
Spencer H. philosophe et sociologue anglais du XIXe siècle
29
Maillard M.M. Il ne fait rien, il joue. 1978
30
Piaget J. La naissance de l’intelligence chez l’enfant. 1936
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seconds supposent des interactions sociales ou au moins des relations internes individuelles.
La règle témoigne d’une organisation collective des activités ludiques. Le ballon prisonnier
ou le loup-glacé en font partis par exemple.
Ces jeux symboliques et de règles ont comme objectif pour l'enfant, de se construire et
d'exercer la conscience de soi et des autres, la représentation mentale. Nous retrouvons ces
objectifs dans les programmes du collège, plus exactement dans le socle commun qui
constitue l'ensemble des connaissances et attitudes nécessaires pour qu’un élève réussisse sa
scolarité, sa vie d'individu et de futur citoyen. En effet, il prévoit « l’ouverture aux autres, la
curiosité, la créativité, le respect de soi et d’autrui », valeurs qui s’accordent avec celle des
jeux. L’insertion du jeu dans le cadre scolaire doit répondre à la recherche d’un équilibre
affectif et intellectuel. Plusieurs formes de jeux sont possibles ; parmi elles, le jeu de rôle s’y
prête parfaitement. Selon Muchielli 31 nous passons notre vie à jouer 2 ou 3 rôles. La
différence de ces rôles se fait par la capacité intellectuelle à analyser les différentes situations
auxquelles nous faisons face, en fonction de nos connaissances. Cela est généralement traduit
dans les programmes 32 par la manifestation de la compréhension d’un récit ou d’un texte
documentaire lu par un tiers, ou encore prendre part à des échanges verbaux tout en sachant
écouter les autres, pour une matière telle que le français ; en mathématique, il sera demandé
de résoudre des problèmes de vie courante. Ces simples applications du jeu de rôle nous
permettent d’envisager le potentiel du jeu de rôle à l’école que nous développerons
ultérieurement.
Les finalités scolaires (vu précédemment) visant à développer l’élève doivent prendre en
considération, les éléments extérieurs, c'est-à-dire la vie de tous les jours mais aussi les
personnes qui lui font face. De fait, il est possible d’assimiler cette formation à une
préparation à la gestion de sa vie par rapport aux autres, mais aussi parmi eux. Cette relation
est caractéristique d’études réalisées dans les sciences sociologiques qui cherchent à
comprendre et à expliquer l'impact du social sur les représentations (façons de penser) et
comportements (façons d'agir) humains. Les sciences sociales ont étudié l’école mais aussi le
jeu pour y voir un aspect commun, celui d’une reproduction plus ou moins importante de la
vie courante. Ainsi, la démarche d’association du jeu et du domaine scolaire peut amener à
une opposition telle que celle évoquée par Mauriras Bousquet « Enseigner (les connaissances
ou les bonnes manières), c’est former, mettre dans un moule ; cela est indiscutablement
nécessaire à la vie sociale, mais c’est à l’opposé de l’esprit ludique » 33 . En effet, le jeu est
basé sur l’aventure, la créativité sans raison et sans but. Cette capacité de liberté semble ne
pas être compatible avec l’enseignement. Dans la même logique, selon Roger Caillois « le jeu
place l'individu dans une situation qui suppose un rapport avec le monde différent de celui qui
est habituel dans la vie sociale normale » ce qui se traduit par une volonté de s’évader dans un
univers artificiel d'égalité pure ou alors pour notre sujet doit « se transformer dans son rapport
avec le monde, soit en se créant un autre personnage, soit en provoquant un certain trouble
intérieur… ». Tout cela suppose des connaissances du monde qui l’entoure mais surtout une
qualité d’adaptation, de réflexion en rapport aux prises de décision, à l'éveil de la
responsabilité, ainsi que l'initiative demandée dans le socle commun permettant à l’élève « de
se donner les moyens de réussir sa scolarité et son orientation, de s’adapter aux évolutions de
sa vie personnelle, sociale et professionnelle » 34 .
Le jeu de rôle correspond parfaitement à cela, alliant enseignement et jeu ludique. Il
exerce une fonction d'adaptation au groupe, aux situations variées et d'acceptation des
31
Muchielli R. Les jeux de rôle. 1983
Bulletin Officiel hors série n° 3 du 19 juin 2008
33
Bousquet M. Théorie et pratique ludique. 1985
34
Socle commun : Autonomie et initiative.
32
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conditions sociales, tout en se révélant être un instrument pour engendrer la réflexion. De
plus, il apparaît finalement comme une manière de prendre quelque distance à l’égard des
déterminations qui, dans la vie sociale courante, fixent l’individu à sa place et le situant dans
le monde qui l’entoure. Cela offre une liberté d’action sans restriction quant aux savoirs et
aux possibilités rencontrées par l’enfant, et toujours en accord avec les moyens et la politique
de l’école.
Le jeu fait partie intégrante de la construction de l’enfant (jouets, jeux…), alors il
semblerait plausible de construire l’éducation autour de celui-ci, ou au moins de l’utiliser de
manière régulière dans les apprentissages. Son utilisation comme instrument d’éducation a vu
son introduction répétée de manière régulière au cours des derniers siècles (Dewey à NewYork en 1896, Decroly en Belgique en1901, Montessori en Italie en1907, Piaget à Genève
en1911), sans pour autant s’imposer de façon définitive. Pourtant, à l'heure actuelle, les jeux
éducatifs sont bien souvent encore controversés. Le jeu est rarement considéré comme
sérieux, seul le travail est sérieux. Malgré tout, nous pouvons apprendre en jouant, tout en
intégrant mieux les connaissances. Britt-Mari Barth 35 , écrit : « Le cerveau fonctionne mieux
quand il s'attend à une activité complexe et agréable comme le jeu, il se met en éveil, prêt à
enregistrer. La monotonie l'endort, l'ennui l'empêche de rester actif. Le cerveau aime
"jouer" ».
Mais jouer ne signifie pas pour autant l’absence de règles, qui peuvent même être
fondamentales. En ce qui concerne la pratique de jeux à règles, Piaget (1972) pense qu'à
chaque étape du jeu, l'enfant est confronté à un conflit entre la règle du jeu et ce qu'il aurait
fait s'il pouvait agir spontanément. Le jeu de règles est un univers structuré où l'activité du
sujet se déroule selon des contraintes, s'ordonne autour de celles-ci. Aussi l'enfant apprend à
ordonner ses activités par rapport à une structure. Comme le demande le socle commun par
l’énoncé suivant : « il s’agit de maîtriser, comme individu et comme citoyen, les règles
élémentaires de la vie en société et de les mettre en œuvre dans le cadre scolaire » 36 . Les
règles sont arbitraires et l'obligent à se conformer à un type de conduite. L’enfant est alors
soumis au processus "d'assimilation" par lequel l’individu se fond dans un nouveau cadre
social, plus large, souvent le groupe plus important, car il ne peut participer au jeu que s'il
adopte les règles. Lorsque le sujet maîtrise, contrôle le jeu, en saisit le principe, lorsqu'il est
capable de conduire la partie en y apportant conformément aux règles, sa marque personnelle,
alors il y a "accommodation". L’assimilation comme l’accommodation sont la preuve de la
pertinence que peut apporter le jeu à l’élève. Cependant, lorsque les règles deviennent
arbitraires, se manifeste en grande partie le potentiel du jeu. Il est possible dans ce cadre de
voir des actions pertinentes des élèves, tant sur le plan comportemental que social, avec la
prise en compte de l’avis de l’autre. La naissance d’objectifs communs amène la coopération,
qui selon Piaget, est un point d'appui des structures cognitives. Cela renforce son hypothèse
que la pratique du jeu de règles peut favoriser le développement cognitif donc l'acquisition de
structures cognitives.
Les différents éléments cités précédemment nous amènent à considérer le jeu comme un
outil utile dans les cours de la structure scolaire. Cependant, il est nécessaire de réfléchir sur
sa mise en place.
Pour notre étude, il est important de situer le cadre dans lequel évolue notre élève. Le
déterminer s’apparente à évaluer les matières prises en compte ainsi que les élèves auxquels le
jeu de rôle s’adresse. Nous considérons que le jeu de rôle est bénéfique pour tous les élèves,
qu’ils soient bons ou en difficulté. Derrière ces notions de « bons » ou « en difficulté », peut
35
36
Barth B.M. L'apprentissage de l'abstraction.1987
Socle commun : les compétences sociales et civiques.
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se cacher un certain nombre de paramètres en rapport direct avec le domaine de l’école
(compréhension, attention,…) mais aussi extrascolaire. Une fois identifiées les difficultés, il
nous est possible de résoudre celles-ci. Le jeu de rôle possède la spécificité de pouvoir agir
sur ces deux facettes. Cependant, dire que le jeu de rôle est l’unique solution, voire celle qui
résoudra tous les problèmes rencontrés, n’est pas notre objectif. La mise en lumière de celuici a pour but de prendre conscience de ses apports dans un objectif d’intégration dans le
milieu scolaire.
Sur le modèle de l’académie d’Amiens 37 , le changement ne peut s’organiser qu’autour
de modification de structure. Il est ici préconisé « l’assouplissement du caractère obligatoire
des programmes » et des actions « de soutien intégrées à l’horaire de la classe, aux dispositifs
d'aide et de soutien » ainsi qu’un engagement personnel dans le travail de la part des élèves
sous l’œil, d’un tuteur. Une fois établi le changement de cadre, il est impératif que celui-ci
reste en accord avec les difficultés observées chez l’élève ; un manque d’attention ou de
concentration doit se traiter par l’attractivité d’une tâche et non par la répétition. Il est
important de définir l’élève en difficulté et la solution qui lui est adaptée.
Les marqueurs des difficultés scolaires sont nombreux : l’absentéisme, le retard et
parfois même l’insolence. Dès lors, il reste à distinguer la difficulté d'apprentissage de la
difficulté comportementale, afin d’éviter de laisser certains élèves moins visibles mais
pourtant en difficulté de côté. Ici le jeu de rôle possède un caractère universel permettant de
traiter chaque élève quelque soit ses qualités, et sans aucune distinction. Nous verrons au
travers de l’étude de matières telles que les langues et les mathématiques, que le jeu de rôle a
pour vocation de développer l’élève sur le plan comportemental (apprentissages sociaux),
culturel mais aussi le savoir marqué par le sceau du sens.
La lecture sur le rapport de l’élève en difficulté nous apprend que l’enfant ne maîtrise
pas les compétences fondamentales (français, mathématiques). Ici plus qu’ailleurs, le jeu de
rôle peut s’imposer par la capacité de verbalisation de l’élève, généralement plus apprécié que
l’écrit. Notre jeu de rôle à pour vocation de rendre l’élève capable de mettre des mots sur des
actions et des sentiments qui l’amèneront à développer ses écrits. L’activité orale donne au
jeune le pouvoir de s'exprimer, communiquer avec les autres camarades en tant qu’orateur
principal. Pour une situation donnée, il lui faudra expliquer ses actions, ses suppositions,
indiquer la direction qu'il choisit, poser des questions si nécessaire. Ce fonctionnement met en
avant la réactivité de l’élève ainsi que la participation et l’interaction avec ses camarades. Il
devra aussi dialoguer avec les autres afin d'établir une stratégie commune et s'y tenir, ou au
contraire modifier celle-ci en fonction des situations. La maîtrise complète de la langue passe
par la compréhension de son utilisation par l’élève dans le jeu. Si celui-ci n’est pas capable de
se faire comprendre, alors sa réussite est impossible. La volonté de s’améliorer va s’acquérir
dans un but d’enrichissement personnel. Les progrès seront donc visibles par la richesse et
l'originalité du vocabulaire qu'il choisit. La mise en avant de l’oral pour rentrer dans la
matière ne doit pas occulter le travail de l’écrit pour autant. La gestion de la lecture, de la
compréhension (générale) doivent être toujours réalisés de concert avec les écrits. Ainsi les
exercices de lecture seront basés sur l’intonation, le dynamisme et la capacité de l’élève à
transmettre sa propre compréhension du texte. Vivre le texte en le lisant ou en le jouant si le
cas est possible est une réponse envisageable aux problèmes d’interprétation et de vocabulaire
pauvres.
Dans la continuité, l’écrit pourra s’imposer par la mise en place de création de textes, de
scénarios à jouer, qui seront construits de manière individuelle ou en groupe. Ce travail
requiert de l’imagination, de l’originalité mais aussi une inspiration possible à travers des
œuvres que l’élève s’appropriera de lui-même. La création d'un scénario ne peut donc se faire
37
Académie d’Amiens : « Les élèves en grande difficulté au collège : les conditions de la réussite dès la classe
de sixième. »
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sans préparation et sans l’avoir préalablement joué. Un même scénario peut être joué par
différents groupes et apporter d’autres visions selon la compréhension et la sensibilité de
chacun. Tout cela nous permet de dire que travailler avec le jeu de rôle aura pour objectif
d’amener l’élève à savoir prendre la parole en groupe, organiser son propos, utiliser un
questionnement personnel mais aussi argumenter ou expliciter ses choix en choisissant
judicieusement son vocabulaire.
La démarche réalisée en français, a été construite sur la volonté de déclencher de
manière personnelle l’effort et la réalisation des apprentissages de l’élève. Cet effort aurait pu
être le fruit d’un travail sur le sens de la tâche car celui ci influe sur la motivation et la
perception de l’élève dans le domaine scolaire. En son absence les élèves ne perçoivent guère
le « pourquoi » de l’école et « les activités scolaires sont davantage des « rituels » que des
moyens pour s’approprier des savoirs » 38 . Une matière telle que les mathématiques illustre
ces propos par les difficultés rencontrées en général par les élèves français comme nous le
montre F. Boule par l’annonce qu’« il est moins rare d’éprouver et d’annoncer une aversion
pour les mathématiques que, par exemple, pour la lecture ou la langue maternelle » 39 . Le
terme « aversion » montre un problème sur l’ensemble de la matière (contenu et forme) et
nécessite un traitement qui peut aider à reconstruire l’estime possible de l’élève envers elle.
Cette reconstruction peut s’appuyer sur le jeu de rôle et doit se faire sur la base de
principes qui s’assurent que l’élève assimile l’apprentissage. L’objectif sera ainsi d’éviter « la
gratuité scolastique de l’enseignement devenu pur exercice ou auto satisfaction des
enseignants dans une école coupée de ses relations vivantes avec le monde ambiant 40 »,
engendrant le désintérêt. Dans un second temps mettre en place une participation active des
élèves qui augmentent leur satisfaction et leur compréhension selon R. Mucchielli.
La notion de contexte sera essentielle à l’apprentissage des mathématiques, puisque trop
souvent l’élève est confronté à un exercice où il applique de façon quasi mécanique une
formule ou un processus opératoire. Un tel exercice constitue une tâche, fortement routinière,
et sécurisante pour l'élève, pas un problème. « Le problème existe au sens strict du terme, que
si l’élève est obligé de travailler l'énoncé de la question qui lui est posée, de structurer la
situation qui lui est proposée » 41 . Cette définition suppose que l'activité mathématique n'est
donc pas simplement la recherche de la réponse correcte. Elle est aussi élaboration
d'hypothèses, de conjectures, qui sont confrontées à celles des autres et testées dans la
résolution du problème. Une telle démarche introduit l’erreur sous un angle nouveau ; celle ci
pourrait être constructive pour les apprentissages voire considérés comme une étape vers la
réussite.
Faire de la participation, la démarche mathématique et l’intégration de l’erreur un
« tout » est réalisable au travers du jeu de rôle qui par l’aspect ludique de l'activité va
entraîner la motivation de l’élève et son adhésion. Il sera ainsi dans de meilleures dispositions
psychologiques pour aborder des séances scolaires plus traditionnelles. La prise en compte de
l’échec, élément indissociable du jeu existe, mais celui-ci est relatif et peut même se
transformer en une source de motivation. L'intérêt ici est d'adopter une attitude constructive
vis à vis de l'échec en utilisant celui ci pour progresser. La pratique du jeu de rôle pourra
enfin être une mise en situation qui donnera du sens à leurs activités scolaires car dans cette
situation, l'enseignant, au lieu de présenter des contenus mathématiques, en partant du
problème, introduit les concepts comme instruments pour résoudre les problèmes.
Le jeu de rôle sera sous forme de projet individuel ou collectif où un objectif devra être
atteint. L’exemple de la mise en place d’une fête de quartier pour financer un voyage est posé.
38
Amiens
Difficultés en mathématiques
40
Mucchielli R. Communication et réseau de communications.
41
Faire des mathématiques : le plaisir du sens Rudolph Bkouche, Bernard Charlot et Nicolas Rouche
39
Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008
La gestion des stocks, des achats de l’espace seront autant de donné prise en compte en
support de l’apprentissage des mathématiques. La notion d’erreur dans le cas présent n’aura
plus valeur de sanction mais d’obstacle à franchir pour atteindre l’objectif fixé. Pour chaque
problème, l’élève réalisera une démarche pour émettre des hypothèses, les vérifier, envisager
plusieurs solutions, raisonner, anticiper, afin de déduire ses actions.
L’ensemble du travail fournit en mathématiques sous forme de jeux de rôle peut toucher
l’élève de manière plus personnelle. Chaque apprentissage apparaît comme la solution vers
une progression voulue. Une comparaison avec le jeu vidéo est réalisable au niveau de l’envie
et la nécessité éprouvée quant à l’obtention de la maîtrise du concept enseigné. L’envie est
déterminante et le jeu de rôle joue en grande partie sur ce fait, par la capacité d’immersion
qu’elle propose à l’élève. Un apport tel que celui-ci n’est pas négligeable et se doit d’être pris
en considération par les domaines scolaires.
L’étude que nous avons réalisée traite des matières importantes de l’éducation. Le jeu de
rôle, comme outil d’enseignement, semble possible et efficace. La restriction à ces seules
matières n’est pas envisageable. Le jeu de rôle pourrait s’introduire de manière efficace dans
une matière telle que l’éducation civique ou l’éducation physique, par la possibilité des rôles à
vivre qu’elle offre.
Le milieu scolaire est en perpétuelle évolution tant sur les stratégies mises en place que
sur les programmes qui la constitue. Ces changements sont toujours basés sur des volontés
d’amélioration de la pédagogie, prenant en compte les différents aspects de l’élève, qu’ils
soient psychologiques, sociologiques et pédagogiques. Ces aspects sont essentiels car ils
déterminent la réussite de l’élève dans son approche de sa scolarité. La volonté
institutionnelle est de placer l’élève au centre de la pédagogie pour qu’il soit le maître de ses
apprentissages. Chaque élève se différencie les uns des autres par ses connaissances, son
rapport au savoir, son rapport à la loi,… Cependant, des éléments restent communs à la
réussite de chacun, la capacité à s’impliquer dans leur apprentissage, la recherche du sens. Le
jeu de rôle remplit les critères associés à la réussite évoqués précédemment, en associant
diversité sociale des élèves, hétérogénéité de niveau, dans un ensemble où ces distinctions
disparaissent, à l’image de l’école laïque prônée par l’Etat.
L’étude des aspects du jeu de rôle nous permet de dire que celui-ci peut intégrer l’espace
scolaire comme outil d’apprentissage. Cependant, son introduction nécessite une réflexion sur
sa réelle utilité et les résultats qu’il pourrait obtenir. Notre étude s’est appuyée sur des
recherches sur les deux matières importantes de l’école élémentaire et secondaire, français et
mathématiques, montrant que celles-ci souffraient dans leur capacité à intéresser les élèves.
L’intérêt est source de motivation et déclenche l’engagement à l’apprentissage personnel.
Lutter contre cette absence d’investissement est l’objectif prioritaire de la mise en place du
jeu de rôle, sans pour autant en oublier le rôle premier de l’école, former le citoyen de
demain. Par son aspect ludique et sérieux, le jeu de rôle permettra une plus grande liberté
quant au contenu, mais aussi une flexibilité quant à la réalisation des apprentissages. Le
professeur pourra l’utiliser comme outil facilitant l’implication de l’élève dans les
apprentissages. Bien qu’appartenant à la classe des jeux, le jeu de rôle sera source
d’apprentissage par l’utilisation de la verbalisation générale qu’il mettra en place. Mettre des
mots sur ses connaissances sera la première étape de l’apprentissage qui constituera le point
de départ de l’implication de l’élève. Mathématiques, français, seront autant de matières où le
jeu de rôle placera l’élève en situation de problèmes immédiats à résoudre lui permettant de
s’approprier une compétence de manière signifiante. L’organisation de l’apprentissage se
révèle primordiale et le jeu de rôle, dans cette optique, offre la possibilité d’impliquer chaque
élève dans un travail de groupe qui se fait naturellement. Ce travail de groupe est avantageux
du fait que les interactions amènent les élèves à la solution par échanges mutuels. Au regard
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de la communication, des recherches documentaires, des questionnements de chacun, le jeu de
rôle apporte un développement intellectuel tout en développant la sociabilité des élèves. Le
développement social de l’activité sera indissociable des apprentissages et contribueront à
construire le chemin menant de l’enfant à l’adulte.
Nous venons de voir deux facettes du jeu de rôle : l’apprentissage « de base » et social,
qui pourrait lui permettre de devenir un élément « fort » de l’enseignement. Cet outil prend en
compte la diversité des publics, mais pour devenir incontestable, ne devra-t-il pas passer par
sa capacité à s’adapter aux segmentations de l’apprentissage (maths, français, histoire, LV1) ?
En effet, chaque professeur pourra réaliser son cours comme il le souhaite, tout en réalisant
des liens avec d’autres matières. La mise en avant de rôle, la mise en avant de chacun et la
responsabilisation sont autant d’atouts qui permettent au jeu de rôle de trouver une place
possible dans le cadre scolaire, mais aussi de donner une vraie crédibilité au domaine du jeu à
l’école.
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