Université de Lyon Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Brun Benjamin Mémoire de séminaire Globalisation, commerce et développement ou apparences et réalités. Sous la direction de : Emmanuelle Ganne (Soutenu le : 3 septembre 2012) Membres du jury : Mustapha SADNI JALLAB Albane GESLIN Table des matières Remerciements . . Liste des abréviations et acronymes . . Introduction . . I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE . . A. Une intégration prometteuse aux buts multiples . . 1.Une intégration bénéfique pour les exploitations soumises au SCEQE . . 2.Une intégration bénéfique pour le MDP . . B. Le MDP, un mécanisme imparfait . . 1.De nombreux critères d’éligibilité… . . 2.… sujets à de nombreuses controverses . . C. La solution européenne pour lutter contre les imperfections du MDP : un usage restreint de REC . . 1.Les restrictions quantitatives prises par l’UE . . 2.Les restrictions qualitatives prises par l’UE . . Conclusion intermédiaire . . II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? . . A. Des dysfonctionnements économiques, comptables, réglementaires, pour une efficacité environnementale menacée . . 1.Un effort inégal selon le lieu d’implantation des installations . . 2.Des difficultés tous azimuts . . B. L’« EUA-sCER spread », le talon d’achille de la liaison . . 1.Quels prix pour les REC et les EUA ? . . 2.L’EUA-sCER spread, une aubaine financière pour les exploitations du SCEQE . . C. Etude de cas : l’entreprise Rhodia . . 1.Un investissement massif dans les projets MDP . . 2.Les REC, un nouveau levier de profit . . Conclusion intermédiaire . . III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? . . A. Une intégrité économique et environnementale renforcée en phase III (2013-2020) . . 1.De nouvelles règles sur le SCEQE en phase III . . 2.De nouvelles restrictions quantitatives prises par l'UE . . 3.De nouvelles restrictions qualitatives prises par l’UE . . B. Les incertitudes entourant le MDP et la REC, une menace pour l’efficacité économique et environnementale du SCEQE ? . . 1.Quel avenir pour le MDP ? . . 2.Quel avenir pour le cours des REC ? . . 5 6 7 14 14 14 16 17 17 19 23 23 26 29 31 31 31 34 37 37 43 46 46 47 49 51 51 51 53 55 60 60 62 C. Lier MDP et SCEQE : une nécessité pour s’orienter vers le « capitalisme climatique 221 ?».. 1.L’influence contrastée de l’UE sur le MDP . . 2.La position délicate de l’Union Européenne . . Conclusion générale . . 66 66 70 73 Bibliographie . . Ouvrages . . Articles . . Littérature grise . . Rapports . . Rapports de la Banque Mondiale . . Rapports étatiques . . Autres . . Textes juridiques . . Accords internationaux et décisions internationales . . Directives Européennes . . Décisions Européennes . . Règlements européens . . Communications de la Commission . . Autres textes européens . . Textes juridiques français . . Sites web . . Sites de l’Union Européenne . . Sites du Mécanisme pour un Développement Propre . . Autres . . Annexes . . Annexe 1 - Glossaire . . Annexe 2 - Marchés de REC et d’URE : des volumes d’échange très différents . . Annexe 3 - Passages essentiels de l’entretien avec la « marketer CO2 » d’Orbeo . . Annexe 4 - Directive 2004/101/CE liant le MDP au SCEQE . . Mots clés . . Résumé . . 78 78 78 79 80 80 81 81 82 82 82 83 83 83 84 84 85 85 86 86 88 88 90 93 95 101 101 Remerciements Remerciements Je tiens à remercier tout particulièrement ma directrice de mémoire, Madame Emmanuelle Ganne, pour m’avoir suivi et conseillé tout au long de mon travail, ainsi que Monsieur Mustapha Sadni Jallab et Madame Albane Geslin pour avoir accepté de participer à ma soutenance. J’adresse également tous mes remerciements à Madame Sophie Moisnard, pour sa disponibilité et sa gentillesse, qui m’a permis de réaliser un entretien avec une trader d’actifs carbone employée chez Orbeo, filiale de Rhodia Energy Services. Merci également à cette trader, qui a préféré rester anonyme, mais dont les explications m’ont été précieuses. Mes remerciements vont enfin à ma famille et à mes amis qui m’ont apporté soutien et conseils pendant la réalisation de ce mémoire. BRUN Benjamin 5 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Liste des abréviations et acronymes 6 ∙ AAU Assigned Amount Unit ∙ CCNUCC Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques ∙ CER Certified Emission Reduction (acronyme anglais de REC) ∙ pCER primary Certified Emission Reduction (acronyme anglais de RECp) ∙ sCERsecondary Certified Emission Reduction (acronyme anglais de RECs) ∙ CITL Community Independent Transaction Log (Journal des Transactions Communautaire Indépendant) ∙ CO 2 Dioxyde de Carbone ∙ ERPA Emission Reduction Purchase Agreement ∙ EU ETS European Union Emission Trading Scheme (acronyme anglais de SCEQE) ∙ EUA European Union Allowance ∙ GIECGroupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat ∙ ITL International Transaction Log (Journal des Transactions Internationales) ∙ LULUCF Land Use, Land-Use Change, and Forestry ∙ MDPMécanisme pour un Développement Propre ∙ MOCMise en Œuvre Conjointe ∙ MteCO 2 Million de tonnes équivalent CO2. ∙ PDDProject Design Document ∙ PMAPays Moins Avancés ∙ PNAQPlan National d’Allocation de Quotas ∙ SCEQESystème Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission ∙ RECRéduction d’Emissions Certifiées ∙ RECpRéduction primaire d’Emissions Certifiées ∙ RECsRéduction secondaire d’Emission Certifiées ∙ UREUnité de Réduction des Emissions BRUN Benjamin Introduction Introduction « Les preuves scientifiques sont désormais écrasantes : le changement climatique présente des risques très sérieux à l’échelle de la planète et exige une réponse mondiale de toute 1 urgence. » C’est par cette phrase que Nicholas Stern, économiste et vice-président senior de la Banque Mondiale entre 2000 et 2003, introduit le résumé de son rapport sur l’économie 2 du changement climatique . Dans ce rapport, commandé par le gouvernement britannique et publié en 2006, Stern dresse un constat alarmiste. Il estime qu’en 2006, la concentration 3 de gaz à effet de serre dans l’atmosphère s’élève déjà à environ 430 particules par million (ppm), contre 280 ppm à la fin de la période préindustrielle. Selon lui, entre 2035 et 2050, cette concentration devrait atteindre 550 ppm. A ce niveau, il est hautement probable qu’en 2100, la température moyenne à la surface de la terre soit supérieure de plus de deux 4 degrés à celle de 1850 . D’autres études confirment les conclusions du rapport Stern mais se montrent encore plus pessimistes quant à l’importance du réchauffement : en 2009, l’Institut de recherche sur les impacts du climat, basée à Potsdam, publie par exemple une synthèse des recherches scientifiques relatives au changement climatique réalisées depuis la parution du rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC) de 2007. Dans cette synthèse, l’Institut estime que les températures moyennes en 2100 5 seront entre deux et sept degrés supérieures à celles de 1850 . Une hausse moyenne de deux degrés aurait déjà d’importantes conséquences négatives. Mais une augmentation 6 supérieure à ce niveau aurait des « effets désastreux », favorisant pêle-mêle la fonte des glaciers, le déclin des récoltes, le développement de certaines maladies vectorielles comme la dengue ou le paludisme, ou encore la montée des eaux des mers et des océans qui entrainerait d’importants déplacements de population. Le changement climatique constitue donc une menace réelle à moyen terme. En outre, du fait de la vitesse à laquelle la température moyenne a augmenté ces dernières 7 années , la très grande majorité de la classe scientifique s’accorde aujourd’hui à dire que le réchauffement est d’origine humaine. Depuis quatre décennies, la communauté internationale a commencé à s’intéresser à cet enjeu majeur. Le sommet de la Terre, qui s’est tenu à Rio en juin 2012, s’inscrivait ainsi dans la lignée du premier sommet du genre, 1 STERN, Nicholas. Stern Review: The Economics of Climate Change - Executive Summary [en ligne]. Her Majesty’s Treasaury, 2006, p. 1. [page consultée le 24 juillet 2012]. <http://www.hm-treasury.gov.uk/d/Executive_Summary.pdf> 2 3 4 Ibid. Ibid. p. 3. D’après les modèles qu’il utilise, il évalue à 77% ou 99% la probabilité que la hausse des températures soit supérieure à 2°C d’ici 2100. 5 ALLISON, Ian et al. The Copenhagen diagnosis: Updating the World on the Latest Climate Change. Sydney : The University of New South Wales Climate Change Research Center (CCRC), 2009. p. 49. 6 STERN, Nicholas. Op. Cit. p. 6. 7 ALLISON, Ian et al. The Copenhagen diagnosis: Updating the World on the Latest Climate Change - Résumé exécutif [en ligne]. Sydney : The University of New South Wales Climate Change Research Center (CCRC), 2009. 1 p. [page consultée le 22 juillet 2012]. <http://www.copenhagendiagnosis.com/download/Copenhagen_Diagnosis_ES_French.pdf> BRUN Benjamin 7 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés organisé à Stockholm en 1972. Il a surtout été l’occasion de célébrer les vingt ans du sommet de la Terre de 1992, qui s’était déjà tenu à Rio. Le sommet de 1992 fut notamment à l’origine de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), Convention aujourd’hui ratifiée par 195 Etats. La CCNUCC enjoint les Etats développés parties au traité et mentionnés à l’Annexe I à ramener leurs émissions de gaz 8 à effet de serre à leur niveau de 1990 . Par ailleurs, les parties au traité se réunissent une fois par an pour définir des orientations et des modalités d’action communes afin de 9 limiter les rejets de gaz à effet de serre. En 1997, la troisième Conférence des Parties aboutit à la signature du protocole de Kyoto. Ce protocole se caractérise par des objectifs chiffrés de réduction d’émissions supérieurs à ceux évoqués dans la CCNUCC. Son article 3 paragraphe 1 dispose ainsi que les pays cités à l’annexe B du protocole, c’est-à-dire les pays développés ayant ratifié le protocole, devront réduire entre 2005 et 2012 d’au moins 10 5% leurs émissions de six gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990 . Ces six gaz sont le dioxyde de carbone, le méthane, l’hexafluorure de soufre, les oxydes nitreux, 11 les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluorés . Pour aider les pays développés à atteindre leurs objectifs de réduction à moindre coût, la Conférence des Parties intègre au protocole trois mécanismes dits « de flexibilité » : la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) et le marché international de droits d’émissions, respectivement définis par les articles 6, 12 et 17 du protocole. Ces trois mécanismes de flexibilité se veulent complémentaires et participent d’une même logique : il s’agit d’utiliser les mécanismes du marché pour réduire les émissions. La MOC et le MDP fonctionnent sur le même modèle ; ils permettent à un Etat de réduire les émissions de gaz à effet de serre en dehors de son propre territoire. Le Mécanisme pour un Développement Propre constitue l’application concrète du premier principe de l’article 3 de la CCNUCC. Cet article dispose que les parties doivent « préserver le système climatique […] en fonction de leurs responsabilités 12 communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. » Tous les Etats n’ont pas la même part de responsabilité dans le changement climatique, les pays développés ayant pollué davantage que les autres depuis la révolution industrielle. De même, tous n’ont pas les mêmes capacités d’adaptation et les mêmes moyens d’action pour préserver l’environnement. De fait, tous ne doivent pas fournir les mêmes efforts pour le protéger. La CCNUCC distingue ainsi entre les Etats de l’annexe I, de l’annexe II, et ceux non visés à l’annexe I. Le premier groupe (l’annexe I) rassemble les Etats membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) en 1992 et les pays en transition économique, notamment la Fédération de Russie, au moment de la conclusion de la Convention. Autrement dit, il s’agit des pays développés. L’annexe II regroupe seulement les membres de l’OCDE en 1992. Enfin, les Etats non visés à l’annexe I sont tous ceux restants. Pour la plupart, il s’agit de pays en développement. En vertu du principe de « responsabilité 8 Article 4, paragraphe 2, alinéa b) dans : Nations Unies. Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques [en ligne].1992, p. 5. [page consultée le 10 avril 2012].<http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/convfr.pdf> 9 10 C’est-à-dire la troisième réunion rassemblant l’ensemble des Etats parties à la CCNUCC. Nations Unies. Protocole de Kyoto à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques [en ligne]. 1998. [page consultée le 30 avril 2012]. <http://unfccc.int/resource/docs/convkp/kpfrench.pdf> 11 12 8 Ibid. Annexe A. Nations Unies. Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Op. Cit. p. 5. BRUN Benjamin Introduction commune mais différenciée » et des « capacités respectives » de chaque partie au traité, la CCNUCC établit que la majorité des efforts de réduction d’émissions doit être le fait des Etats (développés) de l’annexe I. Le protocole de Kyoto réaffirme cette distinction entre pays développés et en développement, ne contraignant que les Etats cités à l’annexe B à des objectifs chiffrés de réduction d’émissions. Cette annexe B compte environ les mêmes Etats que l’annexe I de la CCNUCC mais exclut ceux parties à la Convention qui n’ont pas ratifié le protocole. En application du principe de « responsabilité commune mais différenciée » et des « capacités respectives », le protocole de Kyoto crée aussi le MDP. Ce mécanisme autorise un Etat figurant à l’annexe I (donc un pays développé) ou une entreprise basée dans cet 13 Etat, à réaliser un « projet MDP » afin de réduire les émissions d’un pays partie à la CCNUCC et au protocole mais non soumis à une limitation concernant ses rejets de gaz à effet de serre (donc un pays en développement). Les règles précises de fonctionnement du Mécanisme pour un Développement Propre ont été fixées par les accords de Marrakech en 2001. Ces accords ont créé trois organes clés : le Conseil Exécutif, l’Autorité Nationale Désignée et les Entités Opérationnelles Désignées. En premier lieu, le développeur d’un projet MDP réalise un document, intitulé Project Design Document (PDD) dans lequel il présente de manière détaillée le projet qu’il souhaite mettre en œuvre. Le PDD est étudié par l’Entité Opérationnelle Désignée, et validé s’il est conforme aux exigences requises par cette institution. Ensuite, le Conseil Exécutif décide ou non d’enregistrer le projet. Lorsque le projet a franchi toutes ces étapes et devient fonctionnel, s’il permet effectivement de réduire les émissions du pays en développement, le développeur du projet reçoit des Réductions 14 d’Emissions Certifiées (REC) : une REC lui est délivrée pour chaque tonne équivalent 15 CO2 non émise. Le développeur de projet qui a obtenu ces REC peut les utiliser pour compenser ses propres émissions de gaz à effet de serre ou les revendre sur le marché international des droits à polluer. Second mécanisme de flexibilité créé par le protocole de Kyoto, la Mise en Œuvre Conjointe permet également à un développeur de projet d’obtenir des crédits carbone, appelés Unité de Réduction des Emissions (URE), en réduisant les émissions de gaz à effet de serre dans un pays tiers. La seule différence avec le MDP réside dans le lieu d’implantation des projets MOC : alors qu’ils sont mis en œuvre dans des pays en développement pour le MDP, ils sont réalisés dans des pays développés ou en transition dans le cas de la MOC. Troisième et dernier mécanisme de flexibilité mentionné dans le protocole, le marché international des droits d’émissions consiste en l’échange de quotas, appelés Assigned Amount Units (AAU), entre Etats ayant ratifié Kyoto. En fait, chacun de ces Etats reçoit un nombre d’AAU correspondant à son objectif d’émissions pour la période d’engagement 13 Nations Unies. Protocole de Kyoto à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Op. Cit. Article 12. 14 Les crédits MDP ont en fait plusieurs appellations. Le gouvernement français parle généralement « d’Unité de Réduction Certifiée des Emissions » (URCE) tandis que les institutions européennes utilisent dans les textes officiels l’expression « Réduction d’Emissions Certifiée » (REC), traduction littérale de l’anglais « Certified Emission Reduction » (CER). C’est cet acronyme REC qui sera utilisé tout au long du mémoire pour désigner les crédits MDP. 15 L’unité de compte en matière de gaz à effet de serre est le dioxyde de carbone ; les différents gaz n’ayant pas tous le même coefficient de réchauffement, certains ont un effet de serre plus important que d’autres. Le coefficient de réchauffement du dioxyde de carbone constitue l’unité de compte et tous les autres gaz sont « convertis » en dioxyde de carbone. Voilà pourquoi on parle d’une tonne de réduction « équivalent CO2 ». BRUN Benjamin 9 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés du protocole 2008-2012 (un quota étant égal à une tonne d’émissions équivalant CO2). Si l’objectif d’émissions d’un Etat est inférieur à ses émissions vérifiées, alors l’Etat ne possède pas un nombre d’AAU suffisant pour compenser l’intégralité de ses rejets de gaz à effet de serre. Il doit donc acheter des AAU à un autre Etat qui lui, n’a pas utilisé la totalité de ses quotas, n’ayant pas atteint le seuil d’émissions limite fixé par le protocole de Kyoto. Un tel système d’échange de droits d’émissions n’est pas totalement 16 novateur, ayant déjà été théorisé et même appliqué par le passé . En l’occurrence, ce mécanisme de flexibilité n’a pas pu voir pleinement le jour. L’ambition de la Conférence des Parties, à travers l’élaboration du protocole de Kyoto, était de créer un marché international rassemblant l’ensemble des Etats parties à la CCNUCC. Mais la non-ratification de Kyoto par certains Etats, notamment les Etats-Unis, a empêché la réalisation de ce système d’échange mondial. Néanmoins, le marché international des droits d’émissions a trouvé une application régionale au sein de l’Union Européenne qui a lancé par une directive de 2003 son propre marché des droits à polluer, appelé Système Communautaire d’Echange 17 de Quotas d’Emissions (SCEQE) . Le SCEQE est effectif depuis 2005. A l’inverse du marché international envisagé par Kyoto, le SCEQE ne concerne pas les 18 Etats. Dans la directive 2003/87/CE qui régit le fonctionnement du SCEQE, le Parlement 19 européen et le Conseil disposent que ce marché s’adresse aux « installations », définies 20 comme des « unités techniques » dans lesquelles ont lieu une ou plusieurs des activités mentionnées à l’Annexe I de la même directive. Il s’agit d’activités ayant trait au secteur de l’énergie, d’activités de production et de transformation de métaux ferreux, de production de pâte à papier ou de papier et carton et enfin d’industrie minérale. D’autres activités viendront s’ajouter à celles-ci à partir de janvier 2013. Pour être soumises au SCEQE, ces installations doivent rejeter au cours de leur processus productif l’un des six gaz à effet de serre indiqué à l’annexe II. Quatre d’entre eux, le dioxyde de carbone, le méthane, l’hexafluorure de soufre et les hydrocarbures perfluorés sont identiques à ceux pris en compte dans le protocole de Kyoto. Les deux autres, le protoxyde d’azote et les hydrocarbures fluorés ne sont intégrés que dans le système d’échange européen. Du fait du type de production stipulé par la 21 directive 2003/87/CE, les installations (ou exploitations ) soumises au marché européen sont essentiellement des entreprises. Néanmoins, certains gros pollueurs publics, comme les hôpitaux les plus importants, y participent également. Le SCEQE s’articule en plusieurs phases : la première a eu lieu entre 2005 et 2007, la seconde a commencé en janvier 2008 et s’achèvera en décembre 2012, la troisième devrait s’étendre de 2013 à 2020. Le SCEQE fonctionne sur le même principe que le système d’échange de droits à polluer évoqué dans le protocole de Kyoto. Les exploitations soumises au marché reçoivent une quantité de quotas, appelés European Union Allowances 16 17 Voir encadré p. 16. Les deux expressions « Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions » et « marché européen des droits à polluer » seront utilisées comme synonymes dans ce mémoire. 18 Union Européenne - Parlement Européen et Conseil. Directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 275 du 25 octobre 2003, p. 32-46. 19 20 21 Ibid. Article 3. Ibid. De même que pour le SCEQE et le marché européen des droits à polluer, les deux termes « exploitation » et « installation » seront utilisés comme synonymes dans ce mémoire. 10 BRUN Benjamin Introduction (EUA), correspondant à leur autorisation d’émissions de gaz à effet de serre. Chaque EUA leur permet de compenser une tonne d’émissions équivalent CO2. Si elles dépassent leur autorisation, elles doivent compenser leurs émissions supplémentaires en achetant des quotas à d’autres installations qui n’ont pas utilisé l’ensemble de ceux dont elles disposaient. Pour chacune des deux premières phases, les Etats membres établissaient, dans un document nommé Plan National d’Allocation de Quotas (PNAQ), la liste des installations soumises au SCEQE. Dans leur PNAQ, les Etats allouaient à chaque installation une quantité d’EUA équivalente au nombre de tonnes de gaz à effet de serre qu’elle pouvait émettre. Les PNAQ devaient ensuite être validés par la Commission. Pour la troisième phase, l’Union Européenne souhaite progressivement passer d’une allocation gratuite à une allocation par un système d’enchères, qui devraient être intégrales en 2027. Pour les deux premières phases, le marché européen des droits à polluer a concerné plus de 11 000 installations, responsables d’environ 50% des émissions européennes de dioxyde 22 de carboneet 40% des émissions de gaz à effet de serre . Ces ratios augmenteront probablement en phase III, du fait de l’intégration de nouvelles activités au marché. L’Union Européenne ne s’est pas contentée d’adapter le système international d’échange de droits d’émissions prévu par Kyoto à l’échelle européenne. Elle a transposé les deux autres mécanismes de flexibilités du protocole, à savoir la MOC et le MDP, au sein de son marché. L’intégration de ces deux mécanismes de projet a été actée par la 23 directive 2004/101/CE , communément appelée directive « liaison ». Cette directive prévoit que les exploitations soumises au SCEQE peuvent utiliser des REC ou des URE pour se conformer plus facilement à leurs obligations en matière d’émissions. Ainsi, si une entreprise ne dispose pas d’une quantité suffisante d’EUA pour compenser l’intégralité de ses rejets de gaz à effet de serre, elle est autorisée à acheter des REC ou des URE, ou à les générer elle-même en participant à un projet MDP ou MOC. Elle pourra ensuite utiliser ces crédits comme équivalent aux EUA. Si l’intégration concerne à la fois le MDP et la MOC, au sein du SCEQE, les crédits issus du Mécanisme pour un Développement Propre ont été beaucoup plus utilisés que ceux provenant de la Mise en Œuvre Conjointe. Les volumes de REC émis par des projets MDP sont beaucoup plus importants que ceux d’URE. La tendance est la même pour les volumes 24 de ces crédits échangés sur les bourses carbone . De fait, la part d’URE en circulation au sein du SCEQE est marginale par rapport à celle de REC. Ainsi, en 2008, alors que 3,9 % des crédits restitués par les installations européennes pour compenser leurs émissions provenaient de projets MDP, seulement 0,01% d’entre eux étaient issus de projets MOC. L’intégration des activités de projet au sein du SCEQE a eu des répercussions importantes sur le marché. Du fait de la prépondérance des REC sur les URE, l’étude réalisée dans ce mémoire se restreindra aux conséquences de l’intégration du MDP dans le SCEQE. L’intégration du MDP dans le SCEQE constitue un défi pour l’UE à plusieurs égards. Au niveau économique, du fait de la liaison, la quantité potentielle de crédits utilisables par les installations pour compenser leurs émissions est par exemple beaucoup plus importante que celle initialement prévue par la directive 2003/87/CE instaurant le marché 22 Union Européenne - Commission. Le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions (SCEQE). Bruxelles : Communautés Européennes, 2009. p. 13. 23 Union Européenne - Parlement Européen et Conseil. Directive 2004/101/CE du 27 octobre 2004 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 338 du 13 novembre 2004, p. 18-23. 24 Voir Annexe II pour plus de précisions sur les quantités de REC et d’URE émises et échangées au sein des bourses carbone. BRUN Benjamin 11 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés européen des droits à polluer. En matière de préservation de l’environnement et d’aide au développement, des problèmes se posent également. Le MDP est supposé favoriser le développement durable des pays du Sud, créant un incitatif au transfert technologique et à la dé-carbonisation de leur économie. Mais tous les projets MDP ne sont pas exemplaires. Certains sont largement mis en doute pour un intérêt environnemental peu évident, d’autres sont critiqués pour leur incapacité à fournir une aide au développement réellement bénéfique pour les pays du Sud et leurs populations. L’Union Européenne doit composer avec ces difficultés, pour certaines inhérentes au MDP, pour d’autres induites par le processus de liaison lui-même. Elle a par conséquent pris plusieurs décisions pour limiter les impacts négatifs de l’intégration. Mais ces décisions ont-elles été suffisantes ? Une question centrale semble donc se poser : dans quelle mesure l’intégration du MDP au sein du SCEQE, intégration censée avoir des conséquences positives en matière de développement, limite-t-elle l’efficacité économique et environnementale du marché européen ? Pour lier le mécanisme de flexibilité de Kyoto à son SCEQE, l’UE s’est montrée précautionneuse (I). En phase I, elle a en effet adopté une série de restrictions qualitatives et quantitatives qu’elle a ensuite reconduites en phase II. Ces restrictions visaient à limiter les possibilités d’usage de REC au sein du SCEQE, afin de maximiser les avantages d’une intégration prometteuse et d’en réduire les risques. Malgré tout, des dérives se sont produites et la liaison, pensée comme un moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du SCEQE, a surtout été perçue par les installations du marché comme une opportunité financière, leur donnant la possibilité de spéculer sur le différentiel de prix entre EUA et REC (II). Finalement, les règles de l’intégration ont été révisées en 2009 pour restreindre encore davantage les possibilités d’utiliser des REC au cours de la troisième phase du marché (III). Mais alors que ces nouvelles restrictions permettront peut être de répondre aux difficultés induites par la liaison lors des deux premières périodes, elles pourraient constituer une menace pour le MDP et même pour l’ensemble de la finance carbone. Encadré 1 - Petite histoire des droits à polluer Le système d’échange de droits a été théorisé par l’économiste britannique Ronald Coase en 1960. Pour Coase, lorsque des externalités ne sont pas prises en compte dans le marché, les parties concernées par cette externalité peuvent toujours négocier entre elles pour trouver une solution efficiente pour tous. Par exemple, lorsqu’il existe un pollueur et un pollué, la solution optimale pour les deux acteurs peut consister à négocier pour que le pollueur paie un dédommagement au pollué et puisse continuer son activité plutôt que de devoir la stopper. Pour que la négociation ait lieu et pour que les externalités soient internalisées, le théorème de Coase stipule que l’Etat doit distribuer des droits de propriété échangeables entre les acteurs économiques. Il s’agit d’un système de cap and trade :l’Etat détermine une quantité totale de droits échangeables (fixation du cap) et la distribue aux agents économiques concernés par l’externalité qui peuvent ensuite s’échanger librement ces droits (mise en place du trade). Cette vision s’oppose à celle de Pigou, autre économiste britannique, qui considère que l’Etat doit imposer une taxe permettant d’internaliser les externalités chaque fois que le coût de production est inférieur au coût réel (c’est à dire que les coûts environnementaux et sociaux ne sont pas inclus dans le coût de production). Le marché international et le marché européen de droits à polluer constituent une application directe du théorème de Coase. Un pollueur ayant dépassé son seuil d’émissions autorisées achète des crédits à un autre acteur du marché, qui a moins pollué que ne lui permettait son seuil. Si pour le pollueur, l’achat de ces crédits est moins onéreux que 12 BRUN Benjamin Introduction la dé-carbonisation de son système productif, alors cette solution est rationnelle pour les deux acteurs. Pour le marché européen et le marché international de droits d’émissions, la quantité totale de crédits en circulation sur le marché est censée être suffisamment faible pour in fine réduire le volume global d’émissions de gaz à effet de serre et inciter Etats et installations à adopter un processus productif moins consommateur de carbone. Pour le MDP, on peut considérer que la même entreprise est à la fois pollueuse (dans les pays de l’Annexe I) et en excédent de crédits (dans les pays de l’Annexe II). En quelque sorte, l’entreprise s’achète elle-même les droits à polluer générés par son activité de projet. Le système d’échange de droits à polluer a d’abord été mis en place aux Etats-Unis. Dès 1963, les Etats-Unis lancent le Clean Air Act pour contrôler la pollution de l’air au niveau national et ainsi lutter contre les pollutions atmosphériques. Ce Clean Air Act fait l’objet d’un amendement en 1990, baptisé Acid Rain, pour intégrer le problème des pluies acides, provoquées par le dioxyde de soufre lui-même issu de la combustion du charbon dans les centrales thermiques et électriques. L’Acid Rain consiste à créer un marché des droits pour le dioxyde de soufre : l’Etat attribue des droits d’émissions aux industriels pour une période donnée et à la fin de cette période, chaque industrie doit restituer un nombre de droits égal à la quantité de dioxyde de souffre produite. Pour ce faire, elle peut échanger les droits qui lui ont été alloués avec d’autres industries, elles-aussi soumises au marché. Une entreprise en déficit de droits d’émissions peut donc acheter les crédits dont elle a besoin pour compenser ses rejets de dioxyde de souffre à une entreprise excédentaire. Le système étasunien d’échange de droits d’émissions a précédé celui évoqué dans le protocole de Kyoto et celui réalisé au sein de l’Union Européenne pour limiter les rejets de gaz à effet de serre des principaux pollueurs de la communauté. BRUN Benjamin 13 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE A. Une intégration prometteuse aux buts multiples 1.Une intégration bénéfique pour les exploitations soumises au SCEQE La liaison du MDP au marché européen des droits à polluer est censée provoquer un certain nombre d’effets bénéfiques. Pour les exploitations limitées dans leurs émissions de gaz à effet de serre par le SCEQE, la possibilité de participer à des projets MDP et d’en utiliser les crédits présente des avantages économiques. a. Limiter le coût de mise en conformité En premier lieu, cela donne plusieurs options aux installations pour limiter leur coût de mise en conformité au SCEQE. 25 Tout d’abord, la directive dite « liaison »de 2004 offre plus de flexibilité. Une entreprise « courte », c’est-à-dire ne disposant pas d’un nombre de quotas suffisant pour couvrir l’ensemble de ses émissions de CO2, dispose d’autres solutions que celle consistant à acheter sur le marché la quantité d’EUA qui lui manque pour s’acquitter de ses obligations européennes. Elle peut également acheter une quantité équivalente de REC ou s’engager elle-même dans un projet MDP pour recevoir des REC et augmenter ainsi le total de quotas à sa disposition. En fonction du coût d’opportunité de chaque solution, l’entreprise peut arbitrer pour choisir la plus rentable économiquement. En outre, l’acceptation des crédits REC au sein du SCEQE se traduit logiquement par une hausse du nombre de quotas en circulation sur le marché européen. Conformément à la doctrine orthodoxe, l’offre étant plus abondante, le cours des EUA et des REC se situe à un niveau plus bas qu’en l’absence d’intégration du MDP dans le SCEQE. Enfin, les réductions d’émission de gaz à effet de serre sont généralement atteignables à moindre coût dans les pays en développement et moins avancés. Cela s’explique par le fait que les pays développés ont un coût salarial unitaire élevé et utilisent déjà des technologies relativement performantes pour limiter les pollutions. A l’inverse, les pays plus pauvres ont encore des productions polluantes et une main d’œuvre très bon marché. De ce fait, en Europe, réduire d’une tonne ses émissions de dioxyde de carbone coûterait en moyenne 80 Euros pour une entreprise. Ce coût est ramené à trois Euros en Chine, premier hôte des 25 14 Directive 2004/101/CE. Op. Cit. BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE 26 projets MDP . Pour une installation soumise au SCEQE, investir dans des projets MDP lui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un pays en développement plutôt que dans sa propre chaîne de production implantée en Europe. Cela représente donc une réelle opportunité pour réduire de manière importante son coût de mise en conformité. b. Autres avantages La réduction du coût de mise en conformité ne constitue pas le seul avantage économique attendu par les exploitations. La liaison permet également d’améliorer la liquidité du marché ; les REC pouvant s’échanger sur le SCEQE au même titre que les EUA, le volume d’actifs en circulation augmente. Cette meilleure liquidité peut contribuer à limiter les fluctuations du cours de la 27 tonne carbone, donc réduire les risques pour les acheteurs et les vendeurs de crédits . De plus, la liaison favorise le développement de nouveaux marchés à moindre coût. En effet, les projets MDP sont l’occasion pour les entreprises qui les réalisent d’exporter leurs technologies – voire d’en développer de nouvelles – à coûts réduits grâce aux REC reçues en échange. Si le projet mis en œuvre est une réussite, d’autres installations peuvent souhaiter bénéficier de la même technologie. Un nouveau marché naît alors pour 28 l’entreprise . Enfin, participer à des projets MDP peut constituer un puissant instrument de communication pour les entreprises, dans le pays hôte comme au sein de l’Europe. L’entreprise prouve, par son implication dans ses projets, qu’elle mène une politique de responsabilité sociale et environnementale, participant au développement durable des pays les plus pauvres tout en protégeant l’environnement mondial. Le groupe Rhodia Energy Services présente ainsi son implication dans le Mécanisme pour un Développement Propre comme un témoignage de son engagement pour la protection de l’environnement. En marge de la création de la fondation Rhodia au Brésil en 2007, Philippe Rosier, directeur général du groupe, déclarait par exemple : Les projets de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre développés au Brésil et en Corée du Sud dans le cadre des MDP, tout comme la première unité démarrée en France (Chalampé) avant la signature du Protocole de Kyoto sont 29 autant de preuves de l’engagement de Rhodia dans le développement durable. Améliorer son image de marque, ici via le MDP, peut permettre à une entreprise de développer ses ventes. En ce sens, la liaison entre MDP et SCEQE revêt également un intérêt économique. 26 27 VALLEE, Annie. Economie de l’environnement. Paris : Ed. du Seuil, 2011. p. 247. QUENAULT, Béatrice. La stratégie communautaire de lutte contre les changements climatiques et les négociations sur l'après-2012, Géoéconomie, 2008/1, n° 44,p. 67. 28 France - Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, Mission interministérielle de l’effet de serre, Fonds français pour l’environnement mondial. Changement climatique : guide des mécanismes de projet prévus par le protocole de Kyoto. Tome B : le mécanisme pour un développement propre (MDP) [en ligne]. Paris : Agence française de publication, 2008. [page consultée le 3 juillet 2012]. < http://wbcarbonfinance.org/docs/b_fr_guide_mdp_bd.pdf> 29 Création de la fondation Rhodia au Brésil à l’occasion de l’inauguration de l’unité de réduction des émissions gaz à effet de serre de Rhodia au Brésil [en ligne]. Paris : Rhodia, 2007. [page consultée le 4 avril 2012]. <http://www.rhodia.com/ fr/news_center/news_releases/rhodia_foundation_in_brazil_090707.tcm> BRUN Benjamin 15 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 2.Une intégration bénéfique pour le MDP La liaison entre les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto et le SCEQE ne bénéficie pas uniquement aux exploitants soumis au SCEQE ; elle favorise également le développement de projets MDP. Le SCEQE constitue de très loin le premier demandeur de crédits issus des 30 mécanismes de projet (REC et URE). Dès 2005, année du lancement du SCEQE, 56% des 31 acheteurs de ces crédits étaient européens . Ce chiffre augmente avec le développement du marché européen des droits à polluer. Ainsi, depuis 2006, la demande européenne de REC et d’URE représente chaque année plus de 80% de la demande mondiale. En 2007 par exemple, la Banque Mondiale indique que la part de la demande européenne de REC et 32 d’URE dans le total de la demande mondiale atteint environ 90% . Si une faible proportion 33 de cette demande est le fait des Etats européens , entre 2005 et 2012, plus de 88% provient 34 directement des entreprises soumises au SCEQE . Ainsi, les participants au SCEQE ont acheté au total environ 1,9 milliard des quelques 2,6 milliards de REC et d’URE émises sur 35 cette période . Ensuite, la forte demande européenne permet de développer l’offre de REC. De nombreux investisseurs, étant assurés de trouver des acheteurs au niveau européen pour les crédits générés par leurs projets, s’engagent dans des projets MDP. La Banque Mondiale estime que, si tous les projets MDP soumis à l’agrément du Conseil Exécutif pour émettre 36 des crédits pré-2013 sont mis en place, 130 milliards de dollars d’investissement auront été réalisés dans les pays en développement via le MDP, depuis son lancement jusqu’à la fin 37 2012 . La demande européenne est le premier déterminant de l’offre de REC. De fait, parmi ces 130 milliards, une partie conséquente est le fait des entreprises soumises au SCEQE qui investissent elles-mêmes dans les projets MDP pour réduire leur coût de mise en 30 Les crédits issus des « mécanismes de projet » regroupent à la fois les URE et les REC. Cependant, le marché des URE est très restreint par rapport à celui des REC (voir Annexe 2). Les tendances expliquées ci-après concernent donc essentiellement celles observées sur le marché des REC. 31 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2006 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, mai 2006. p. 27. [page consultée le 15 juin 2012]. <http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/ WDSP/IB/2006/09/29/000310607_20060929120548/Rendered/PDF/375790State0of1Market0200601PUBLIC1.pdf> 32 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2008 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, mai 2008. p. 24. [page consultée le 15 juin 2012]. <http://siteresources.worldbank.org/NEWS/Resources/ State&Trendsformatted06May10pm.pdf> 33 Les Etats européens ne sont pas soumis au SCEQE. Néanmoins, ils achètent également des crédits issus des mécanismes de projet afin de ne pas dépasser leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre tel que fixés par l’article 3 paragraphe 1 du protocole de Kyoto. 34 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. State and trends of the carbon market 2012 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, mai 2012. p. 71. [page consultée le 15 juin 2012]. <http://siteresources.worldbank.org/INTCARBONFINANCE/Resources/ State_and_Trends_2012_Web_Optimized_19035_Cvr&Txt_LR.pdf> 35 36 Ibid. On distingue généralement « REC pré-2013 » et « REC post-2012. » Les REC pré-2013 sont vendues et délivrées avant le 31 décembre 2012. Les REC post-2012 peuvent être vendues avant 2013, mais elles ne seront pas délivrées avant cette date. En 2010, 2011 et 2012, des REC post-2012 ont ainsi déjà été vendues sur le marché à terme, mais elles ne seront pas délivrées à leur titulaire avant 2013. 37 16 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit.p 11. BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE 38 conformité . Mais d’autres organisations, non soumises au SCEQE, se lancent également dans la réalisation de projets MDP pour vendre des crédits, notamment aux entreprises européennes « courtes ». Directement ou indirectement, les importants besoins en REC des entreprises soumises au SCEQE sont donc le moteur de la plupart des investissements dans les pays en développement pour réaliser des projets MDP. Par définition, chaque crédit accordé par le Conseil Exécutif correspond à une tonne équivalent CO2 non émise dans l’atmosphère par rapport à un scénario business as 39 usual . Grâce à la demande des entreprises soumises au SCEQE, demande favorisant l’élaboration de projets MDP, les émissions de dioxyde de carbone ou équivalent en provenance des pays en développement ou des pays moins avancés ont donc été réduites d’environ 1,9 milliard de tonnes. La liaison entre le marché des droits à polluer et le MDP doit donc permettre d’accroître l’efficacité environnementale de ce dernier. L’Union Européenne, pour avoir lié le SCEQE aux mécanismes de projet, peut donc être considérée comme la garante du bon fonctionnement du MDP. Le Mécanisme pour un Développement Propre a deux objectifs principaux : réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale et favoriser le transfert technologique des pays développés vers les pays en développement. En encourageant la demande de REC, le SCEQE contribue à l’atteinte de ces deux buts. B. Le MDP, un mécanisme imparfait 1.De nombreux critères d’éligibilité… Pour être validés par l’entité opérationnelle désignée puis enregistrés par le Conseil Exécutif, les projets MDP doivent répondre à une série de critères. Ils sont d’abord soumis à des contraintes environnementales. Ainsi, seuls six gaz sont considérés comme « gaz à effet de serre », et peuvent faire l’objet de réductions d’émissions via un projet MDP : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbures (PFC) et l’hexafluorocarbure de souffre (SF6). De plus, toutes les technologies permettant de limiter les émissions de ces six gaz ne peuvent pas permettre la réalisation d’un projet MDP. Si le protocole de Kyoto ne liste pas l’ensemble des catégories possibles de projets, des décisions de la Conférence des 40 Parties sont ensuite venues en interdire certains. Ainsi, conformément à la décision 16/ 41 CP.7 de la Conférence, un projet MDP ne peut pas consister à utiliser le nucléaire comme substitut à des combustibles riches en gaz à effet de serre pour produire de l’énergie. De 38 39 40 Voir infra. p. 42 Voir infra. p. 24. La Conférence des Parties est l’organe suprême de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) rassemblant l’ensemble des Etats parties au traité. 41 Nations Unies - Conférence des Parties. Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de sa septième session, tenue à Marrakech du 29 octobre au 10 novembre 2001. Additif. Deuxième partie : mesures prises par la conférence des parties [en ligne]. 2001. p. 5. [page consultée le 5 juillet 2012]. <http://unfccc.int/resource/docs/cop7/13a02.pdf> BRUN Benjamin 17 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés même, les projets « d’utilisation des terres, de changement d’affectation et de foresterie » sont interdits, sauf à des fins de boisement et de reboisement. Le développeur ne peut pas non plus réaliser un projet portant une atteinte significative à l’environnement. En cas de doute, le développeur doit mener une Etude d’Impact 42 Environnemental dont il fera mention dans son Project Design Document (PDD) . Le pays hôte peut exiger que cette étude soit conduite systématiquement. Surtout, tous les projets enregistrés par le Conseil Exécutif doivent respecter le critère d’additionnalité. L’additionnalité est définie par l’article 12 paragraphe 5 alinéa 3) du protocole de Kyoto. Cet alinéa dispose que les « réductions d’émissions [s’ajoutent] à 43 celles qui auraient lieu en l’absence de l’activité certifiée. » Cette mesure vise à limiter le nombre de projets enregistrés par le Conseil Exécutif. Ainsi, ceux qui seraient lancés même sans l’incitation que représentent les REC, soit parce qu’ils sont rentables économiquement, soit parce qu’ils répondent à de nouvelles exigences induites par un changement de réglementation, soit parce qu’une aide publique les subventionne déjà, ne peuvent pas recevoir l’appellation MDP. Pour prouver qu’il respecte bien l’additionnalité, le développeur de projet doit procéder en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il estime dans son PDDle volume probable d’émissions de gaz à effet de serre rejeté dans la sphère d’activité du projet MDP si celui-ci est réalisé. Il évalue ensuite le niveau d’émissions de gaz à effet de serre dans deux autres scénarios : un scénario de référence (ou scénario business 44 as usual ) pour lequel le niveau correspond aux émissions qui auraient eu lieu sans la réalisation d’un projet MDP, un scénario dans lequel le développeur de projet effectue d’autres investissements aboutissant à la production du même bien ou du même service. Pour être accepté, le projet MDP doit permettre de réduire les émissions par rapport à ces deux scénarii. Dans un second temps, le demandeur doit prouver que l’activité de projet ne peut être réalisée sans l’incitatif économique que sont les REC, du fait d’une rentabilité économique insuffisante ou inférieure à celle obtenue par des investissements alternatifs. Si ces deux conditions sont remplies, alors le projet remplit le critère de l’additionnalité. Les critères environnementaux s’accompagnent d’autres critères d’éligibilité, notamment concernant la participation des acteurs locaux. Le pays hôte est libre d’accepter ou de refuser la mise en œuvre d’un projet MDP sur son territoire. Pour ce faire, il crée un organisme ad hoc appelé Autorité Nationale Désignée. Cette autorité établit les objectifs de développement durable propres au pays. Tout projet MDP doit contribuer à l’atteinte de ces objectifs. L’Autorité Nationale Désignée dresse également une liste dans laquelle elle indique les types d’activités de projet que le pays souhaite héberger, et ceux qui sont au contraire refusés. Parallèlement, le développeur doit inviter les parties prenantes locales à donner leur avis sur le futur projet. Dans son PDD, le développeur recense les remarques, explique les modalités par lesquelles les entreprises, les populations et les collectivités locales ont été enjointes à se prononcer, et indique comment il a pris en compte ces remarques. La participation des acteurs locaux vise à empêcher le développement de projets « impérialistes », ne tenant pas compte des intérêts spécifiques du pays hôte et ayant pour seul but la création de REC utilisables par les entreprises des pays développés. 42 43 44 Formulaire soumis au Conseil Exécutif par le développeur de projet pour agrément. Nations Unies. Protocole de Kyoto à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Op. Cit. France - Sénat. Rapport d’information [en ligne]. [page consultée le 5 juillet 2012]. <http://www.senat.fr/rap/r98-346/ r98-34639.html> 18 BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE Enfin, il existe un critère plus large, qui restreint quantitativement l’usage de REC au niveau national. Il s’agit du critère de supplémentarité, mentionné dans l’article 6 paragraphe 1 alinéa d) du protocole de Kyoto. En vertu de cet alinéa, « l’acquisition d’unités de réduction des émissions [vient] en complément des mesures prises au niveau national dans le but 45 de remplir les engagements prévus à l’article 3 ». Autrement dit, l’usage des REC ne peut constituer le seul moyen utilisé par un Etat pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Cette précaution est prise pour garantir l’intégrité environnementale du MDP : le Mécanisme pour un Développement Propre autorisant les pays développés à « exporter » leurs réductions d’émissions, il peut les désinciter à tout mettre en œuvre pour limiter la pollution en leur sein (notamment si le coût de dépollution est plus faible dans un pays en développement que sur leur propre territoire). Or, le MDP a été pensé comme un outil parmi d’autres pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il ne saurait constituer le seul moyen utilisé par les pays développés pour atteindre leurs objectifs de réductions d’émissions dans le sens où l’effort de dépollution doit avant tout provenir de ces pays, premiers responsables du changement climatique. L’obligation de supplémentarité doit donc les contraindre à limiter leurs émissions internes, même s’ils utilisent par ailleurs des crédits MDP. 2.… sujets à de nombreuses controverses a.Des critères problématiques La multitude de conditions à remplir pour mettre en œuvre un projet ne suffit pas à assurer le bon fonctionnement du MDP. Les critères évoqués ci-dessus comportent en effet de nombreuses lacunes. Tout d’abord, la supplémentarité n’est pas définie clairement dans le protocole. Le principe est consacré mais il n’est pas fait mention d’un seuil maximum limitant quantitativement l’utilisation des REC ou des URE. L’imprécision laissée sur ce point résulte de divergences de vues entre les différents signataires (notamment les EtatsUnis et l’Union Européenne) au moment de la conclusion du protocole. A l’occasion des accords de Marrakech de 2001, la Conférence des Parties aborde à nouveau la question de la supplémentarité. Elle ne se montre pas plus explicite pour autant. Elle reprend une 46 formulation qu’elle a déjà utilisée quelques mois plus tôt dans sa décision 5/CP.6 et dispose que les actions nationales doivent constituer une « partie significative » de l’effort 47 de réduction de chaque pays de l’annexe I . Par ce manque de précision, la Conférence des Parties limite la portée du critère de supplémentarité. Profitant de ce flou juridique, les pays développés (cités dans l’annexe B) semblent effectivement en mesure d’utiliser un très grand nombre de REC pour se conformer à leurs obligations telles que prescrites par l’article 3 paragraphe 1 du protocole de Kyoto. 45 46 Nations Unies. Protocole de Kyoto à la convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques. Op. cit. Nations Unies - Conférence des Parties. Décision 5/CP.6 [en ligne]. 2001. p. 7. [page consultée le 10 juin 2012]. <http:// unfccc.int/resource/docs/cop6secpart/05.pdf#page=36> 47 « Each Party included in Annex I shall provide information on how its use of the mechanisms is supplemental to domestic action, and how its domestic action thus constitutes a significant element of the effort made to meet its quantified limitation and reduction commitments under Article 3, paragraph 1, in accordance with the provisions of decision 5/CP.6. » dans : Nations Unies - Conférence des Parties, The Marrakesh Accords & the Marrakesh Declaration [en ligne]. 2001. p. 163. [page consultée le 10 juin 2012].<http:// unfccc.int/cop7/documents/accords_draft.pdf> BRUN Benjamin 19 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Les critères que l’on pourrait appeler « de développement durable », c’est-à-dire les critères environnementaux et sociaux, sont également défaillants. La principale limite à l’efficacité environnementale du MDP vient de problèmes liés à l’additionnalité. Les développeurs souhaitant mettre en œuvre un projet MDP revendiquent tous l’additionnalité de leur projet. La difficulté réside dans l’incapacité du Conseil Exécutif du MDP à vérifier s’ils le sont réellement. Le scénario business as usual est en effet évalué sur la 48 base de projections invérifiables . Surtout, le Conseil Exécutif du MDP ne dispose pas d’un personnel suffisant pour contrôler l’additionnalité de chaque projet. Cette tâche est confiée à des tiers, qui sont payés par le développeur lui-même. Il existe donc un conflit d’intérêt majeur ; les contrôleurs ont intérêt à approuver l’additionnalité des projets qu’ils évaluent. Ceci est d’autant plus vrai qu’ils ne sont pas supervisés et ne peuvent être 49 fichés pour collusion . Par ailleurs, le Conseil Exécutif du MDP dispose d’une durée très limitée pour accepter ou refuser un projet. En 2008, il enregistrait environ un projet par 50 jour . Depuis, il a été contraint d’accélérer son rythme pour faire face à une demande de plus en plus forte : en 2011, 859 projets ont été enregistrés. Près de 3500 autres sont 51 aujourd’hui en cours de validation . Le Conseil Exécutif du MDP manque donc de temps et d’informations fiables pour étudier l’additionnalité réelle des projets. S’ajoute à cela la pression exercée conjointement par les développeurs et des hébergeurs pour que leurs projets soient enregistrés. De nombreux projets à l’additionnalité « douteuse » sont de fait acceptés. La définition de développement durable établie par l’Autorité Nationale Désignée de chaque pays pose également problème. D’abord, cette définition est subjective et ne garantit pas la même performance environnementale selon le pays hôte, certains imposant des critères plus stricts que d’autres pour recevoir un projet MDP. Souvent, les conditions sont d’ailleurs relativement simples à remplir car les pays en développement se font concurrence pour attirer le maximum de projets – donc de fonds – possibles. En outre, les objectifs de développement durable demeurent généralement flous. Par conséquent, l’Entité Opérationnelle Désignée du MDP, chargée de valider les projets, étudie les objectifs environnementaux et sociaux que le développeur souhaite atteindre mais ne peut vérifier leur conformité aux critères de développement durable fixés par l’Autorité Nationale Désignée que si ceux-ci sont clairs. Autrement dit, des critères flous limitent la capacité de contrôle des évaluateurs et permettent aux développeurs de se conformer aisément aux exigences du pays hôte. Pour ces deux raisons, aucun projet n’a jamais été débouté au motif 52 qu’il ne respectait pas les conditions de développement durable fixées par le pays hôte . Les développeurs de projet voient dans le MDP un moyen d’exporter leurs technologies 48 effet de TABAU, serre, Anne-Sophie. instrument du Le système leadership de communautaire la communauté d’échange européenne de quotas dans la d’émission lutte globale de gaz contre à les changements climatiques [en ligne]. 2008, p. 25. [page consultée le 10 juin 2012]. <http://cmsdata.iucn.org/downloads/ a_s_tabau__le_sceqe__instrument_du_leardership_de_la_communaute_europeenne_dans_la_lu.pdf> 49 WARA, Michael W & VICTOR, David G. A realistic policy on international carbon offsets [en ligne]. Working Paper n°74. Program on Energy and Sustainable Development. Université de Standford. Avril 2008. p. 14. [page consultée le 5 juillet 2012]. < http://iis-db.stanford.edu/pubs/22157/WP74_final_final.pdf> 50 51 52 Ibid. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 55. DU MONCEAU, Tanguy & BROHE, Arnaud. Sustainable development and social equity : study on the Integrity of the Clean Development Mechanism [en ligne]. AEA Technology, Décembre 2011. p. 10. [page consultée le 5 juin 2012]. <http://ec.europa.eu/ clima/policies/ets/linking/docs/sustainable_development_en.pdf> 20 BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE tout en récoltant des REC. Souvent, les considérations sociales et environnementales ne constituent pas le moteur de leur investissement. Si les critères de développement durable imposés par les pays hôtes ne sont pas suffisamment contraignants, la qualité environnementale et sociale du projet peut donc être affectée. Le respect des conditions de développement durable n’est en plus pas soumis à un réel contrôle a posteriori. En effet, l’Entité Opérationnelle Désignée et l’Autorité Nationale Désignée ne sont ni l’une ni l’autre compétentes pour contrôler si l’élaborateur du projet respecte ses engagements. Une fois son projet enregistré, le développeur peut donc sans risque ne pas atteindre ses objectifs sociaux et environnementaux annoncés dans son PDD. Enfin, le bon fonctionnement du MDP est limité par la faiblesse des acteurs locaux. L’avis que donnent les parties prenantes locales sur le futur projet n’a ainsi que très peu de poids. Aucun texte international ne prescrit la manière dont les consultations locales doivent être conduites. De fait, le protocole d’enquête suivi est très souvent rudimentaire et le développeur peut choisir quels acteurs interroger, comment les contacter, comment leur présenter le projet ou encore par quels moyens les faire s’exprimer. Dans un rapport de 2009 commandé par le ministère fédéral allemand pour l’environnement, la conservation de la nature et la sûreté nucléaire, Wolfgang et les auteurs qu’il coordonne ont mené une étude pour mesurer en quoi ces libertés laissées aux développeurs limitaient le pouvoir d’influence des parties prenantes locales. Sur l’ensemble des projets qu’ils ont observé, ils constatent 53 qu’aucune activité n’a été modifiée du fait des acteurs locaux . b.L’exemple des projets hydroélectriques La production d’énergie à partir de centrales hydroélectriques fait partie des activités pouvant être enregistrées comme projet MDP. Fin 2007, 25% des projets MDP étaient déjà des projets hydroélectriques. Ces projets ont augmenté rapidement puisqu’entre janvier 54 2004 et juin 2007 leur nombre a doublé tous les six mois . En 2012, ils représentent toujours 26% du total des projets MDP, constituant ainsi le second type de projet le plus important, 55 derrière les éoliens . Les centrales hydroélectriques enregistrées par le Conseil Exécutif symbolisent pour beaucoup les lacunes véhiculées par les conditions d’éligibilité du MDP. D’abord, elles ne respectent pas le critère d’additionnalité selon plusieurs observateurs. Ainsi, pour la Commission mondiale des barrages, des centrales hydroélectriques sont réalisées partout où cela est possible et leur développement est fortement appuyé par gouvernements 56 et entreprises, même si des investissements alternatifs moins onéreux existent . Des centrales ayant été réalisées avant la création du MDP, de nouvelles devraient logiquement pouvoir être créées sans l’incitatif que constitue le MDP. Mais alors que le nombre global de centrales en construction n’a pas sensiblement augmenté, beaucoup de celles en 53 WOLFGANG, Sterk et al. Further Development of the Project-based Mechanisms in a Post-2012 Regime [en ligne]. Berlin : Federal Ministry for the Environment, Nature Conservation and Nuclear Safety, 2009. p. 198. [page consultée le 5 juin 2012]. <http:// www.wupperinst.org/uploads/tx_wiprojekt/CDM_Post_2012_Study.pdf> 54 HAYA, Barbara. Failed Mechanism: how the CDM is subsidizing hydro developers and harming the Kyoto Protocol [en ligne]. International Rivers, Novembre 2007. p. 4. [page consultée le 20 juin 2012]. <http://www.internationalrivers.org/files/attached-files/ failed_mechanism_3.pdf> 55 CDM projects grouped in types[en ligne]. UNEP Risoe Centre, 2012. [page consultée le 2 juillet 2012]. <http://www.cdmpipeline.org/ cdm-projects-type.htm> 56 Commission mondiale des barrages. Barrages et développement : un nouveau cadre pour la prise de décisions – Tour d’horizon. Londres : Eurthscan Publications Ltd, 2000. p. 10. BRUN Benjamin 21 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés chantier tentent d’être enregistrées comme des projets MDP. La Chine par exemple, premier constructeur mondial de barrages, a augmenté sa capacité à produire de l’énergie 57 hydraulique de 7,7 Gigawatts par an entre 1998 et 2006 . Pendant les premières années de cette période, aucune des centrales en construction n’a eu la possibilité d’obtenir l’appellation MDP et les fonds qui en découlent. Mais en 2007, sur les 9 Gigawatts supplémentaires fournis par les nouvelles centrales hydroélectriques, 5,1 seraient le fait 58 de centrales tentant d’être enregistrées comme projet MDP , c’est-à-dire de centrales qui n’auraient pas pu voir le jour sans l’avantage économique fourni par le MDP. Si la production d’hydroélectricité totale reste relativement stable (9 Gigawatts en 2007 contre 7,7 de moyenne entre 1998 et 2006), en 2007, la majorité de cette production ne serait donc viable que grâce au MDP alors qu’elle était entièrement rentable dix ans auparavant. Pour International Rivers, aucun changement de contexte ne peut expliquer cette évolution. Selon cette ONG, le critère d’additionnnalité, nécessaire pour obtenir l’enregistrement d’un projet MDP, n’est donc pas respecté. La rapidité du délai entre le moment où un projet est enregistré et celui où il commence à émettre des REC traduit aussi ce non-respect du critère d’additionnalité. Pour reprendre er le cas de la Chine, au 1 novembre 2007, 402 projets hydroélectriques étaient en attente de validation ou d’enregistrement. Parmi eux, 77% commencent à émettre des 59 REC dans l’année suivant leur enregistrement, 96% dans les deux ans . Or, International Rivers estime que la construction des projets hydroélectriques de grande échelle (les plus nombreux et les plus générateurs de REC) nécessite entre 4 et 8 ans. Cela signifie que de nombreux développeurs ont tenté d’obtenir l’agrément du Conseil Exécutif après avoir commencé à construire leur centrale hydroélectrique, qui était donc viable économiquement sans être estampillée projet MDP. Parmi les développeurs, certains avancent qu’ils avaient anticipé l’enregistrement de leur centrale hydroélectrique comme projet MDP, donc prévu qu’ils obtiendraient des REC leur permettant de la financer. Mais compte tenu du fait que seulement 30% des projets demandant à être enregistrés comme projets MDP franchissent 60 toutes les étapes et émettent finalement des REC , cet argument ne semble pas recevable. Outre les problèmes d’additionnalité, les centrales hydroélectriques, notamment celles de grosse taille, ont souvent un coût social et environnemental important. La Commission mondiale des barrages considère que « dans l’ensemble, les impacts [des barrages] sur les 61 écosystèmes sont plus négatifs que positifs ». Cela s’explique entre autres par les pertes de biodiversité et d’écosystèmes, par des problèmes de qualité de l’eau ou encore par de nouvelles émissions de gaz à effet de serre liées au pourrissement de la végétation inondée. Dans le domaine social, la réalisation d’un barrage implique la disparition de moyens de subsistance pour les populations locales, voire le déplacement de ces populations. Pour inciter les constructeurs de barrages à prendre en charge ces coûts sociaux et environnementaux, la Commission mondiale des barrages a formulé en 2000 une série de 57 58 59 60 HAYA, Barbara. Op. Cit. p. 5. Ibid. Ibid. CORMIER, Alain & BELLASSEN, Valentin. The risks of CDM projects: how did only 30% of expected credits come through ?[en ligne]. CDC Climat Research, janvier 2012, n°2012-11, p. 1. ISSN 2101-4663. [page consultée le 3 juillet 2012]. <http:// www.cdcclimat.com/IMG//pdf/12-01_cdc_climat_r_wp12-11_cdm_risks_analysis-2.pdf> 61 22 Commission mondiale des barrages. Op. Cit. p. 17. BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE 62 conditions que les constructeurs de centrales devraient remplir . Mais le Conseil Exécutif MDP ne les prend pas en considération et accepte d’enregistrer des projets qui ne les respectent pas. De fait, de nombreux projets MDP hydroélectriques sont controversés pour leur impact social et environnemental. Des chercheurs de l’ONG NESPON ont par exemple étudié le projet hydroélectrique de Jorethang (Inde), projet enregistré par le Conseil Exécutif du MDP en février 2008. Ils ont constaté que ce projet ne suivait pas les recommandations de la Commission mondiale des barrages. Les parties prenantes locales ont certes été consultées conformément aux règles régissant le MDP, mais selon l’ONG, elles ont été mal informées, méconnaissant les caractéristiques essentielles du projet et ses impacts, et leurs avis n’ont pas été pris en 63 considération . En résumé, pour être enregistrés par le Conseil Exécutif, les projets MDP doivent répondre à une série de critères d’éligibilité. Cependant, ces critères ne sont pas toujours suivis par les développeurs et portent en eux-mêmes de nombreuses lacunes. De ce fait, bon nombre de projets sont réalisés malgré des coûts sociaux et environnementaux importants, comme en témoignent les activités de projet hydroélectriques. Lorsque l’Union Européenne décide en 2004 de lier le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission au Mécanisme pour un Développement Propre, elle a conscience de ces travers et souhaite s’en prémunir. Elle décide donc de restreindre, à la fois quantitativement et qualitativement, l’usage des crédits issus du MDP dans le SCEQE. C. La solution européenne pour lutter contre les imperfections du MDP : un usage restreint de REC 1.Les restrictions quantitatives prises par l’UE a.Une définition plus stricte de la supplémentarité Via la directive 2004/101/CE et surtout via plusieurs décisions ultérieures, l’UE a limité la quantité potentielle totale de REC en circulation au sein du SCEQE. La directive dispose qu’en phase II (2008-2012), chaque Etat doit définir dans son Plan National d’Allocation de Quotas (PNAQ) la proportion maximale de crédits issue des activités de projet (URE et REC) que les entreprises peuvent utiliser pour se mettre en conformité avec leurs obligations européennes. Pour l’ensemble des pays soumis au SCEQE, cette proportion 64 est en moyenne de 13,4% . Cela signifie que le 30 avril de chaque année, sur le total de quotas que les exploitants doivent restituer, 13,4% peuvent être des REC ou des URE (la part restante étant constituée d’EUA). En vertu de la directive 2004/101/CE, il incombe aux Etats membres d’établir un seuil qui permette de respecter le critère de supplémentarité du protocole de Kyoto. Si la condition de supplémentarité de Kyoto concerne les Etats, l’Union 62 63 64 Voir infra. p. 30. HAYA, Barbara. Op. Cit. p. 9. MANSANET-BATALLER, Maria et al. The EUA-sCER spread : Compliance Strategies and Arbitrage in the European Carbon Market[en ligne]. Mission Climat Working Paper, janvier 2010, n°2010-6, p. 4. [page consultée le 5 juillet 2012]. <http:// basepub.dauphine.fr/bitstream/handle/123456789/5109/mansanet-bataller.PDF?sequence=1> BRUN Benjamin 23 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Européenne impose en effet qu’elle se répercute au niveau des exploitations soumises au SCEQE, afin que « l’utilisation totale des URE et des REC [soit] compatible avec les obligations de supplémentarité pertinentes découlant du protocole de Kyoto et de 65 66 la CCNUCC. » Comme évoqué précédemment , le critère de supplémentarité tel que défini par le protocole de Kyoto puis par les accords de Marrakech reste trop vague pour avoir une portée coercitive. Pour limiter les comportements opportunistes permis par cette imprécision, l’UE ne se contente pas de rappeler le principe de supplémentarité ; elle en donne une définition plus explicite et impose de facto une limite quantitative réelle sur les possibilités d’usage de REC. Cette définition a vu le jour progressivement : dans la directive 2004/101/CE, la 67 supplémentarité est évoquée à deux reprises , mais sans indication sur la manière dont elle doit être interprétée. Pourtant, la Commission, dans sa proposition de directive, s’était montrée plus audacieuse. Elle souhaitait un examen automatique du respect du critère de supplémentarité dès lors que la quantité de REC et d’URE en circulation au sein du SCEQE dépassait 6% de l’allocation totale de quotas attribuée par l’ensemble des Etats membres. A l’issue de l’examen, si elle l’estimait nécessaire, la Commission aurait pu fixer un plafond restreignant l’usage des crédits provenant des mécanismes de projet sur le 68 reste de la période . Cette proposition n’a pas été reprise dans la directive 2004/101/ CE puisque finalement, ce sont les Etats qui ont été chargés de fixer individuellement le seuil maximum d’URE et de REC que pouvaient utiliser leurs installations. Mais à cause de l’absence de restriction sur la quantité maximale de crédits MDP/MOC pouvant être échangée dans le SCEQE, les Etats restaient libres d’autoriser un usage massif de crédits issus de mécanismes de projet. Fin 2005, la Commission a confirmé dans une communication qu’en vertu du protocole de Kyoto, de la CCNUCC et des décisions européennes relatives au SCEQE, il n’existait pas de définition quantitative du critère de 69 supplémentarité . Finalement, c’est en 2006 que la Commission impose une restriction 70 quantitative sur l’usage de REC. Dans une communication , elle se déclare en effet compétente pour évaluer la compatibilité des Plans Nationaux d’Allocations de Quotas avec le critère de supplémentarité. Ainsi les Etats ne sont plus libres de fixer au niveau qu’ils désirent le seuil maximum d’URE et de REC que leurs installations peuvent restituer. 65 66 Cette communication datant de 2006, elle n’a pas d’incidence sur la phase I du marché. La Commission l’utilise pour développer la procédure précise qu’elle instaure pour déterminer si les PNAQ de la phase II respectent la condition de supplémentarité. La Directive 2004/101/CE. Op. Cit. Article 21bis, paragraphe 8, alinéa c). Voir supra. p. 25. 67 68 Directive 2004/101/CE. Op. Cit. Article 21bis, paragraphe 8, alinéa c). et Annexe III, critère 12. Union Européenne - Commission. Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la Directive établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto [en ligne]. COM (2003) 403 final, 27 juillet 2003, p. 7. [page consultée le 5 juillet 2012]. <http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2003:0403:FIN:FR:PDF> 69 Union Européenne - Commission. Communication de la Commission : « orientations complémentaires relatives aux plans d’allocation de la période 2008-2012 du système d’échange de quotas d’émission » [en ligne]. COM (2005)703 final, 22 Décembre 2005,p. 8. [page consultée le 4 juillet 2012]. <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2005:0703:FIN:fr:PDF> 70 Union Européenne - Commission. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen concernant l’évaluation des plans nationaux d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la deuxième période du SCEQE [en ligne]. COM (2006) 725 final, 29 novembre 2006, p. 10. [page consultée le 4 juillet 2012]. < http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/ LexUriServ.do?uri=COM:2006:0725:FIN:FR:PDF> 24 BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE Commission calcule de combien de millions de tonnes équivalent CO2 chaque pays doit diminuer ses rejets de gaz à effet de serre par rapport aux émissions de l’année de référence 71 du protocole de Kyoto , aux émissions de 2004 et aux émissions estimées de 2010. Elle compare les trois résultats, choisit ensuite celui représentant l’effort le plus important et le divise par deux. Le nombre obtenu (en millions de tonnes équivalent CO2) correspond à la quantité maximale d’URE et de REC que peuvent utiliser conjointement un Etat et les 72 installations basées dans cet Etat pour respecter l’obligation de supplémentarité . La limite est donc fixée à 50% du degré d’effort le plus important : au maximum 50% des réductions d’émissions d’un Etat peuvent provenir des crédits issus des activités de projet, que ces crédits aient été achetés par des exploitants soumis au SCEQE ou par l’Etat lui-même. La Commission n’est pas compétente pour évaluer si l’achat d’URE et de REC par l’Etat est compatible avec le critère de supplémentarité. Elle évalue uniquement l’utilisation de ces crédits par le secteur privé. De fait, elle distingue les installations basées dans un pays qui n’a pas recours aux crédits générés par les activités de projet de celles situées dans un Etat lui-même acheteur d’URE et de REC. Dans le premier cas, les installations peuvent utiliser les crédits MDP/MOC jusqu’à la limite de 50%. Dans le second, elles ne peuvent utiliser que la différence entre le seuil maximum de 50% et la quantité moyenne d’URE et REC achetées par l’Etat. Cette communication de 2006 a eu une importance décisive dans l’évaluation des PNAQ rédigés par les Etats pour la phase II. Elle est en effet intervenue au moment où les pays membres de l’UE finissaient de les élaborer ou les soumettaient à la Commission. La Commission évalue la conformité des PNAQ en fonction de douze critères, mentionnés à l’Annexe III de la directive 87/2003/CE. Le dernier d’entre eux dispose que le PNAQ doit définir la quantité maximale autorisée de REC et d’URE que les installations soumises au marché communautaire peuvent utiliser, quantité qui doit respecter l’obligation de supplémentarité. Dans sa communication de 2006, la Commission considère même le respect de la supplémentarité comme l’une des quelques conditions déterminantes pour 73 obtenir la validation de son PNAQ . C’est notamment à cause du non respect de cette condition qu’un certain nombre de PNAQ, comme ceux de l’Irlande, de Malte ou de la Suède, ont été retoqués. Additionnés, les PNAQ de l’ensemble des Etats membres autorisaient au total l’entrée de 374 millions de crédits REC et URE par an. Après révision des PNAQ par 74 la Commission, ce nombre a été abaissé à 274 millions . b.Des précautions particulières contre le double comptage Outre les dispositions prises pour assurer le respect de l’obligation de supplémentarité, l’UE a adopté des restrictions quantitatives pour lutter contre les problèmes de « double 71 72 En général, l’année de référence est 1990. C’est la somme des crédits MDP/MOC des installations implantées dans un Etat et de l’Etat lui-même qui est limitée car au sein de l’UE, l’obligation de supplémentarité est valable aussi bien pour les Etats membres que pour les exploitants soumis au SCEQE. voir infra. p. 33. 73 74 COM (2006) 725 final. Op. Cit. p. 4. VENMANS, Franck. L’efficacité environnementale et économique du marché du carbone européen, Courrier hebdomadaire du CRISP, 2011/14-15, n°2099-2100, p. 14. ISSN 0008-9664 BRUN Benjamin 25 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 75 comptage. » En Europe, le phénomène de double comptage intervient lorsqu’une installation génératrice d’URE ou de REC est elle-même soumise au SCEQE. Prenons un exemple : admettons qu’une entreprise A participe à une activité de projet et obtient à ce titre des REC. Le projet permet à une entreprise B de réduire ses émissions. Si cette entreprise B est elle-même soumise au SCEQE, elle pollue moins mais dispose toujours des EUA qui lui ont été alloués pour compenser ses émissions, tandis que A a reçu la quantité de REC correspondant à la réduction d’émissions. Dans ce cas, il existe bien un problème de double comptage. Pour le MDP, cette situation peut se produire à Chypre et Malte. Les deux îles sont considérées comme des pays en développement par le protocole de Kyoto et peuvent donc héberger des projets MDP. Mais simultanément, certains exploitants chypriotes et maltais sont soumis au SCEQE. Pour faire face au problème, la directive 101/2004/CE dispose qu’une quantité de REC ne peut être accordée au développeur de projet que si une quantité équivalente d’EUA est annulée pour l’installation ayant profité de la réduction 76 d’émissions. Dans une décision de 2006 , la Commission précise ensuite les modalités par lesquelles s’opèrent l’annulation d’EUA et la délivrance de REC. L’UE limite donc le nombre de REC en circulation sur le marché européen. Ces restrictions quantitatives ont plusieurs finalités ; il serait simplificateur d’affirmer qu’elles visent uniquement à limiter la transposition dans le SCEQE des problèmes inhérents au MDP. Ainsi, restreindre le nombre de crédits MDP revêt également un intérêt économique : cela doit permettre de maintenir le cours de la tonne carbone (qu’il s’agisse d’une REC ou d’un EUA) à un niveau suffisamment haut pour créer un incitatif économique à la dépollution. Une entrée massive de crédits issus de mécanismes de projet sur le SCEQE créerait en effet un surplus d’offre qui se traduirait nécessairement par une chute des prix des actifs carbone. Néanmoins, il semble évident que les mesures prises par l’UE pour limiter l’utilisation de REC symbolisent sa volonté d’atténuer les carences du MDP. L’obligation de supplémentarité est mieux garantie par l’UE que par les institutions du MDP. Ces institutions n’ont pas non plus prévu de précautions pour lutter contre le double comptage, à l’inverse de l’Europe. Pour autant, la limitation quantitative ne suffit pas à garantir l’intégrité environnementale et sociale du mécanisme. L’établissement d’un seuil restreint certes le nombre total de crédits Kyoto pénétrant le marché européen, mais ne laisse pas entrer uniquement les crédits provenant de projets réellement « propres » et performant socialement. Ceux émanant d’activités nuisibles pour les écosystèmes et les parties prenantes locales sont aussi échangeables au sein du SCEQE. Afin de filtrer au mieux les REC, l’UE a donc décidé de doubler ses restrictions quantitatives d’astreintes qualitatives. 2.Les restrictions qualitatives prises par l’UE a.Interdiction concernant les crédits émanant de projets nucléaire ou 77 LULUCF 75 Union Européenne - Commission. Décision de la Commission en vue d’éviter le double comptage des réductions des émissions de gaz à effet de serre au titre du SCEQE pour les activités de projet relevant du protocole de Kyoto conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement Européen et du Conseil. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 316 du 16 novembre 2006, p. 12-17. 76 77 26 Ibid. Acronyme anglais désignant les projets d’utilisation de terres, de changement d’affectation de terres et de foresterie. BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE Pour l’UE, l’acceptation de crédits MDP est la norme, leur exclusion l’exception. Ainsi, l’article 11 bis paragraphe 3 de la directive 2003/87/CE telle que modifiée par la directive 2004/101/CE dispose : « Toutes les REC et les URE qui sont délivrées et qui peuvent être utilisées conformément à la CCNUCC, au protocole de Kyoto et aux décisions ultérieures 78 adoptées à ce titre peuvent être utilisées dans le système communautaire. » Dans le même article, deux exceptions sont cependant faites à l’acceptation : les crédits issus de projets nucléaires et ceux provenant d’activités d’utilisation des terres, de changement d’affectation des terres et de foresterie (dits « LULUCF »), y compris les projets de boisement et de reboisement, sont interdits. Concernant les projets nucléaires, il ne s’agit en fait pas d’une exclusion propre à l’UE. A l’occasion de la septième session de la Conférence des Parties, les Etats ayant ratifié la 79 CCNUCC ont tous accepté de se passer des crédits générés par des centrales nucléaires . A l’inverse, le refus d’utiliser les crédits issus de projets de boisement ou reboisement est une spécificité européenne. Ces projets consistent à absorber les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère grâce aux « puits » de carbone que sont les forêts. Dans sa décision 17/CP.7, la Conférence des Parties souligne que les projets de boisement et de 80 reboisement sont les seules activités LULUCF acceptées pour générer des crédits MDP . Elle précise également via ses décisions 15/CP.7 et 19/CP.7 que l’opportunité de mettre en œuvre de tels projets dépend entre autres de leur impact social et environnemental et de 81 leur respect du critère d’additionnalité . Malgré ces précautions, l’UE estime qu’intégrer les 82 crédits issus de telles activités pourrait « saper l’intégrité environnementale du SCEQE » et refuse de les accepter sur le marché communautaire. La Commission s’en explique en indiquant qu’un projet LULUCF ne permet qu’une réduction temporaire des émissions, celles-ci étant dépendantes du cycle de vie de la forêt. Dans l’hypothèse où le stock de carbone séquestré disparaît (par exemple à cause d’un incendie brûlant tout ou partie de la forêt), l’exploitant du projet ne peut obtenir la quantité de REC que devait lui permettre son investissement. Pour la Commission, il risquerait alors de se tourner vers son Etat, lui demandant de compenser son manque à gagner. Les activités LULUCF créeraient donc un problème de responsabilité. En outre, la Commission considère que la qualité de surveillance et de déclaration des projets d’utilisation, de changement d’affectation des terres et de foresterie est inférieure à celle observée pour les autres projets MDP autorisés, ce qui rend impossible l’acceptation des crédits LULUCF. Elle estime enfin que l’entrée potentielle d’une telle quantité de crédits complexifierait le SCEQE et menacerait de faire chuter les cours européens de la tonne carbone. Le refus de l’UE d’accepter les crédits MDP issus de la LULUCF prouve sa volonté d’imposer des barrières qualitatives sur son marché des droits à polluer. Pourtant, elle a fait 78 Directive 2004/101/CE. Op. Cit. Article 11 bis paragraphe 3. 79 Nations Unies - Conférence des Parties. Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de sa septième session, tenue à Marrakech du 29 octobre au 10 novembre 2001. Additif. Deuxième partie : mesures prises par la conférence des parties. Op. Cit. p. 6 & 20. 80 81 Ibid.p. 22. Ibid. p. 2 & p. 57. 82 système 23 Union Européenne communautaire janvier 2008. p. - d’échange 10. [page Commission. de quotas consultée Questions d’émission le 5 et réponses présentée juillet 2012]. par la sur la proposition Commission [en de ligne]. révision du MEMO/08/35, <http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do? reference=MEMO/08/35&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en> BRUN Benjamin 27 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés l’objet de pressions externes comme internes l’enjoignant à revenir sur son interdiction. La Banque Mondiale a par exemple organisé un atelier de réflexion en 2006 pour déterminer si les mesures prudentielles prises par l’Union envers les crédits LULUCF étaient justifiées. Dans son rapport final, elle estime que les conditions ayant poussé l’UE à refuser ces crédits ne sont plus valables en 2006 puisqu’un régime d’émission temporaire de crédits 83 a été instauré pour s’adapter au caractère temporaire des réductions d’émissions . Elle ajoute que les activités LULUCF ont des bienfaits certains pour l’environnement (constituant notamment un moyen efficace de lutte contre la déforestation) et pour les parties prenantes locales (créant immédiatement de nouveaux emplois et des sources stables de revenus). En interne, plusieurs Etats membres, dont la France et les Pays-Bas, réclament aussi que 84 les crédits LULUCF puissent être utilisés dans le SCEQE . En France, c’est notamment le cas de la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur les marchés de quotas de gaz à effet de serre : Si elle peut admettre les obstacles pratiques à l’inclusion de la forêt dans le mécanisme de surveillance du système européen, la mission d’information ne comprend pas l’objection de principe. L’objectif premier demeure la protection de l’environnement et la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Le marché d’échanges de quotas n’est que le moyen de cette ambition. Si des projets sylvicoles foisonnants venaient à reconstituer le poumon vert de la planète, en quoi serait-il gênant que le prix des crédits carbone s’effondre ? Cette intégration ne pourrait-elle pas être opérée progressivement de façon à préserver 85 les fondamentaux du marché ? Pour l’heure, ces appels à un changement de position se sont révélés inefficaces. Pour la période 2008-2012 du marché, la Commission a ainsi maintenu l’interdiction, considérant que les nouvelles mesures prises au niveau international n’étaient pas suffisantes pour garantir l’intégrité socio-environnementale des crédits MDP provenant des activités LULUCF. b.Restriction concernant les crédits émanant de projets hydroélectriques L’interdiction d’utiliser dans le SCEQE des crédits nucléaires et de boisement ou reboisement s’accompagne d’astreintes spécifiques concernant les grands projets hydroélectriques. L’UE reconnait les problèmes d’additionnalité ainsi que les coûts sociaux 86 et environnementaux que peuvent induire de tels projets . Elle préconise donc un usage raisonné des crédits qui en découlent, en contraignant les installations soumises au marché à n’accepter que les REC provenant de projets répondant à des exigences strictes. Dans l’article 11 terparagraphe 6 de la directive 2003/87/CE telle que modifiée par la directive 2004/101/CE, l’UE impose notamment que les projets de plus de 20 Mégawatts respectent 83 Using Forest Carbon Credits in the Carbon Market: Focus on the European Emission Trading Scheme [en ligne]. Bruxelles : Banque Mondiale, 2006. p. 2. [page consultée le 6 juillet 2012]. < http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/ WDSP/IB/2007/08/13/000020953_20070813140459/Rendered/PDF/404270Forest0c1shopSummary01PUBLIC1.pdf> 84 85 WEMAËRE, Matthieu. Etat des lieux et enjeux de la révision du système EU ETS. Iddrii – Idées pour le débat, n°9/2008, p. 11. France - Assemblée Nationale : Mission d’information sur les marchés de quotas de gaz à effet de serre. Rapport d’information [en ligne]. 2010. p 59-60. [page consultée le 5 Juin 2012]. <http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/ i2638.pdf> 86 28 Voir supra. p. 28. BRUN Benjamin I. Une intégration précautionneuse du MDP dans le SCEQE 87 les critères mentionnés dans le rapport de 2000 de la Commission mondiale des barrages . La Commission considère que les conséquences sociales et environnementales de la 88 construction d’un barrage ont trop souvent été ignorées . Pour y remédier, elle établit une série de conditions que les développeurs de projets hydroélectriques doivent remplir pour pouvoir construire un barrage. Au niveau social, ils sont notamment tenus de laisser la possibilité aux populations vulnérables de donner leur avis sur le projet, de constituer un forum regroupant l’ensemble des parties prenantes pour les consulter à chaque décision les concernant et d’élaborer en accord avec les populations les plus affectées (par exemple les groupes déplacés) des mesures d’atténuation. Sur le plan environnemental, les impacts 89 inévitables sur les écosystèmes doivent être compensés, les impacts irréversibles évités . Les critères de la Commission mondiale des barrages n’ont pas un caractère contraignant. Mais alors qu’ils ne sont pas repris par le Conseil Exécutif du MDP, l’UE refuse les REC en provenance de projets ne les respectant pas. Dans un premier temps, les Etats membres n’ont cependant pas tous interprété de façon identique l’article 11 ter paragraphe 6 de la directive « liaison ». La Commission et les Etats membres se sont ensuite accordés sur une interprétation harmonieuse de cet article, 90 rédigeant conjointement un guide de « compréhension commune. » Dans ce guide, les Etats membres et la Commission indiquent que les projets MDP hydroélectriques générant des REC acceptées au sein du SCEQE doivent respecter une liste de critères énumérés à l’annexe I du même guide, annexe intitulé « Compliance Report Assessing Application of Article 11b(6) of Emissions Trading Directive to Hydroelectric Project Activities Exceeding 91 20 MW ». Les critères de cette annexe sont pour la plupart identiques à ceux mentionnés par la Commission mondiale des barrages. Par conséquent, pour les projets hydroélectriques comme pour ceux ayant trait au boisement et au reboisement, l’Europe adopte des mesures prudentielles vis-à-vis des crédits MDP controversés. Conclusion intermédiaire L’Union Européenne adopte donc une position précautionneuse par rapport à l’usage de crédits MDP. Elle a décidé en 2004 d’intégrer ces crédits à son Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission, réalisant ainsi un mariage prometteur. La liaison doit avoir des vertus économiques, environnementales et même en matière de développement. Au niveau économique, elle permet aux installations soumises au marché de réduire leur coût de mise en conformité et de développer leur activité. Sur le plan environnemental comme en termes de développement, la liaison aspire à améliorer le fonctionnement 87 88 89 Commission mondiale des barrages. Op. Cit. Ibid. p. 36. Ibid. p. 35. 90 Union Européenne. Guidelines on a common understanding of Article 11b (6) of Directive 2003/87/EC as amended by Directive 2004/101/EC [en ligne]. novembre 2008, 9 p. [page consultée le 21 juillet 2012]. <http://ec.europa.eu/clima/policies/ets/ linking/ji-cdm/docs/art11b6_guide_en.pdf> 91 Ibid. p. 2 et Annexe 1. BRUN Benjamin 29 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés du Mécanisme pour un Développement Propre, en faisant de l’Europe le pilier du bon fonctionnement du mécanisme : l’importante demande européenne de REC renforce l’offre, donc les investissements dans les pays en développement, ce qui permet à ces pays de profiter d’un transfert technologique et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à un scénario business as usual. Le mariage est cependant rendu complexe par les lacunes inhérentes au MDP. Les développeurs sont tenus de remplir une série de conditions pour faire enregistrer leur activité comme projet MDP. Dans le domaine environnemental, ils sont contraints de prouver l’additionnalité de leur projet et de veiller à ce que celui-ci ne porte pas d’atteinte significative à l’environnement. Au niveau social, ils ne peuvent se dispenser de l’accord des parties prenantes locales. Enfin, critère environnemental comme de développement, la somme des REC utilisés chaque année par un Etat et les installations basées sur son territoire doit répondre à l’obligation de supplémentarité. Ces critères sont nombreux, mais souvent définis de façon très générale et donc difficile à évaluer. Par conséquent, l’intégrité sociale et environnementale de bons nombre de projets MDP est remise en cause : leur additionnalité est considérée « douteuse », leur coût pour l’environnement réel, leur prise en compte des populations locales très insuffisante. Tout l’enjeu pour l’Union Européenne consiste donc à laisser entrer le MDP dans le SCEQE sans ouvrir la porte à ses défauts. Pour y parvenir, l’UE a élaboré une protection à deux niveaux. Elle a d’abord restreint quantitativement les possibilités d’utilisation de REC sur le marché communautaire, à la fois pour que ses Etats membres respectent l’obligation de supplémentarité évoquée mais non définie par la Conférence des Parties et pour réduire le risque d’une chute des cours des crédits carbone sur le marché. Cette restriction quantitative a donc une finalité économique mais aussi un intérêt en matière de développement : elle empêche que l’intégralité de l’effort soit supporté par les pays les plus pauvres. Cependant, elle ne garantit pas que les crédits entrants soient uniquement issus de projets à l’intégrité sociale et environnementale non contestable. Par conséquent, l’UE a également introduit une astreinte qualitative, touchant notamment les activités hydroélectriques, de boisement et de reboisement. L’UE justifie ses exigences de qualité, supérieures à celles que requièrent les institutions du MDP pour valider et enregistrer un projet, dans le considérant 15 de la directive 2004/101/CE. Elle y indique : « dans la mesure où la participation aux projets MOC et MDP est volontaire, il convient de renforcer 92 la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ». Malgré tout ces garde-fous adoptés par l’Union Européenne afin d’assurer une liaison MDP/SCEQE qui ne nuise pas à la performance économique, environnementale et sociale du marché européen des droits à polluer, le mariage demeure imparfait. Les installations n’ont pas toutes les mêmes possibilités d’utilisation des REC selon l’Etat membre dans lequel elles sont situées. La liaison pose également des problèmes par rapport à la comptabilisation des crédits et à la fixation du volume total de crédits utilisables dans le marché. Surtout, l’intégration des REC dans le marché communautaire offre aux entreprises une opportunité financière pour réduire leur coût de mise en conformité dans des proportions qui remettent en cause l’intérêt environnemental du SCEQE. 92 30 Directive 2004/101/CE. Op. Cit. Considérant (15). BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? L’intégration du MDP dans le SCEQE, malgré les précautions prises par l’UE, pose de nombreux problèmes. Si la plupart d’entre eux sont d’origine économique, beaucoup nuisent à l’efficacité environnementale du marché. A. Des dysfonctionnements économiques, comptables, réglementaires, pour une efficacité environnementale menacée 1.Un effort inégal selon le lieu d’implantation des installations L’intégration du MDP dans le SCEQE a des incidences négatives sur le bon fonctionnement économique du marché, contribuant à rendre imparfaite la concurrence entre les exploitations. Du fait de la liaison, pour la phase II, chaque Etat doit déterminer dans son PNAQ le niveau maximum de REC que peuvent utiliser les installations soumises au SCEQE. Les Etats sont seulement contraints de fixer une limite compatible avec l’obligation de supplémentarité. La liberté dont ils disposent pose problème car les seuils établis sont très variables d’un Etat à l’autre. Ces différences aboutissent à des distorsions de concurrence entre les exploitations, selon l’Etat membre dans lequel elles sont implantées. Ainsi, en France, 13,5% des crédits restitués chaque année par une entreprise pour se conformer à ses obligations peuvent être des REC. En Allemagne et en Espagne, ce ratio monte à environ 20%. A l’inverse, l’Estonie interdit totalement l’usage des REC aux exploitations 93 basées sur son sol , ceci en dépit de la recommandation de la Commission de ne pas fixer 94 de limite inférieure à 10% . Concrètement, cela signifie que si une entreprise allemande doit restituer 100 crédits chaque année, une vingtaine d’entre eux peuvent être des REC. Si la même entreprise est basée en France, sur les 100 crédits qu’elle devra restituer, seulement 13 à 14 pourront être issus du MDP. 93 Echange de quotas d’émission : après évaluation des plans nationaux d’allocation de la Bulgarie, le plafond pour l’Union Européenne est fixé à 2,08 milliards de quotas pour la période 2008-2012 [en ligne]. Bruxelles : Europa, 2007. [page consultée le 7 juillet 2012]. <http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/07/1614#fn5> 94 COM (2006) 725 final. Op. Cit. p. 11. BRUN Benjamin 31 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Ces différences de réglementation nationale rendent la concurrence inégale dans la 95 mesure où, pour les raisons avancées dans la partie I. , l’usage de REC permet à une entreprise de limiter son coût de mise en conformité au marché européen des droits à polluer. Dans les faits, la réduction du coût de mise en conformité a en plus été accrue par un autre facteur, non évoqué précédemment car ne faisant pas partie des conséquences attendues de la liaison du MDP au SCEQE. Il s’agit du différentiel de cours entre les EUA et les REC. Depuis le lancement du SCEQE en 2005, les premiers s’échangent en effet à un prix supérieur aux seconds sur les bourses carbone. Or, un quota EUA, au même titre qu’un crédit REC, autorise son acheteur à émettre l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Pour tout opérateur du SCEQE, restituer des REC plutôt que des EUA lui permet donc de se mettre en conformité à moindre coût. Pour la phase II (2008-2012), les estimations établissent que le différentiel de prix entre REC et EUA permet au total 96 une réduction de 20% du coût annuel de mise en conformité . Si l’on revient à l’exemple précédent, il est considérablement moins onéreux pour l’entreprise allemande que pour la française (ou à fortiori l’estonienne) de restituer le nombre de crédits correspondant à son niveau de pollution. Par ailleurs, les distorsions de concurrence au sein de l’UE s’expliquent aussi par le fait que la répartition du droit d’usage de REC entre les Etats membres n’est pas proportionnelle au partage des quotas d’émission (EUA). Le graphique ci-après illustre ce problème. Figure : Comparaison entre la répartition des EUA et des REC entre les Etats membres 97 Source : Implementing CDM Limits in the EU ETS : a Law and Economics Approach 95 96 97 voir supra. p. 18. France - Assemblée Nationale. Op. Cit. p. 58. VASA, Alexander. Implementing CDM Limits in the EU ETS : a Law and Economics Approach [en ligne]. German Institute for Economic Research, janvier 2011, n°1032, 27 p. ISSN 1619-4535 [page consultée le 7 juillet 2012]. < http://www.diw.de/documents/ publikationen/73/diw_01.c.358462.de/dp1032.pdf> 32 BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? Sur ce graphique, les pourcentages associés à chaque pays correspondent à la limite de crédits REC que les installations de ces Etats peuvent restituer. Les colonnes grises indiquent la part de REC que les opérateurs de chaque pays peuvent utiliser, comparativement à ceux des autres Etats membres. Pour prendre un exemple, sur la quantité totale de REC autorisés à pénétrer le SCEQE, 34% peuvent être utilisés par les installations allemandes. Les bâtons en pointillés présentent pour leur part la répartition des EUA entre les Etats membres. Lorsque pour un pays donné, les colonnes grises sont plus hautes que celles en pointillés, cela signifie que comparativement aux autres Etats membres, la quantité de REC utilisables par les installations de ce pays est plus que proportionnelle à leur dotation en EUA. En d’autres termes, certains pays ont fixé un seuil d’utilisation maximum de REC trop haut par rapport à leur poids dans le SCEQE (Allemagne, Espagne, Italie). Ainsi, seulement 7 à 8% du nombre total des EUA ont été alloués aux installations espagnoles. Pourtant, elles peuvent utiliser plus de 10% des REC en circulation sur le SCEQE. Les installations participantes au SCEQE basées dans ces pays s’en trouvent favorisées, du fait d’un moindre coût de mise en conformité. Les différences dans les transpositions nationales de la directive 2004/101/CE ne se bornent pas à la fixation de la limite de REC utilisables par les opérateurs du SCEQE. D’autres inégalités influent sur leur compétitivité. Le gouvernement danois est par exemple 98 le seul à taxer l’usage de REC . En revanche, tous les Etats membres imposent que les installations souhaitant participer à un projet MDP remplissent une série de conditions. Outre la validation et l’enregistrement par les institutions du MDP, les développeurs de projet doivent en effet obtenir l’agrément de leur Etat puisque les crédits REC sont d’abord enregistrés sur son compte. Dès lors, il « délivre et restitue immédiatement un quota en 99 échange d’une REC » sur le compte de l’exploitant. L’approbation de l’Etat est plus ou moins aisée à obtenir selon les pays. Ainsi, le gouvernement espagnol exige une déclaration sur l’honneur du développeur, l’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie ou encore le Danemark veulent des garanties financières, les Pays-Bas refusent les candidats ayant déjà échoué 100 dans la bonne conduite d’un projet MDP par le passé . De plus, le Danemark, l’Allemagne et la Finlande taxent l’approbation du projet, en se basant respectivement sur le type de projet, sur la quantité de crédits qu’il émettra, sur le temps nécessaire aux fonctionnaires nationaux pour l’évaluer. Les Pays-Bas utilisent une taxe similaire, mais son montant est fixe quel que soit le projet. La plupart des pays taxent également l’inscription sur le registre 101 national des émissions , soit sur la base d’un forfait fixe, soit en proportion de la taille du 102 portefeuille de l’installation . En combinant toutes ces différences nationales, ce sont les opérateurs danois qui semblent supporter le coût d’utilisation de REC le plus élevé, donc la plus grosse perte de compétitivité par rapport à leurs concurrents européens. Enfin, les problèmes de concurrence n’existent pas seulement à l’échelle communautaire. Ils se retrouvent également au niveau national. La quantité de REC utilisable par une installation correspond à une proportion du volume de quotas européens 98 Danemark - Agence de la Protection de l’Environnement Danoise. Final Report [en ligne]. p. 7. [page consultée le 7 juillet 2012]. < http://www.ens.dk/da-DK/KlimaOgCO2/forside/for_virksomheder/Designated%20National%20Authority/Documents/ Final%20report_NIRAS_200208.pdf> 99 100 101 Directive 2004/101/CE. Op. Cit. Article 11 bis, paragraphe 1. Danemark - Agence de la Protection de l’Environnement Danoise. Op. Cit. p. 19. Le registre national des émissions comporte un compte pour toutes les personnes, physiques ou morales, qui détiennent des quotas. 102 Danemark - Agence de la Protection de l’Environnement Danoise. Op. Cit. p. 7. BRUN Benjamin 33 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés (EUA) qui lui ont été alloués, non à ses émissions vérifiées. Par conséquent, si un Etat a mal estimé les émissions réelles d’une entreprise dans son PNAQ et lui a délivré un trop grand nombre de quotas, l’entreprise pourra utiliser une plus grande quantité de REC pour se conformer à ses obligations. Au sein d’un même pays, les avantages comparatifs dont jouissent les installations bénéficiant d’une sur-allocation d’EUA sont donc amplifiés par le MDP. 2.Des difficultés tous azimuts a.Des problèmes comptables Les difficultés liées à l’intégration du MDP dans le SCEQE ne se limitent pas aux distorsions de concurrence. La comptabilité des crédits pose également problème. Tout d’abord, l’intégration effective des crédits MDP dans le système communautaire s’est avérée délicate. La directive 2004/101/CE a autorisé l’usage des REC dans le SCEQE 103 dès 2005 et la première phase du marché . Mais dans les faits, aucune REC n’a été utilisée par les entreprises pour se conformer à leurs obligations avant 2008. Ce paradoxe est le fruit de difficultés comptables : alors que la liaison entre MDP et SCEQE date de 2005, la liaison entre le Journal des Transactions Communautaire Indépendant (CITL) et le Journal des Transactions Internationales (ITL) n’est pas intervenue avant 2008. Ces deux registres assurent respectivement le suivi des EUA s’échangeant sur le SCEQE et des REC/URE en circulation entre pays ou installations basées dans des pays ayant ratifiés le protocole de Kyoto. Sans connexion entre eux, les installations européennes générant des REC ne pouvaient pas les faire créditer sur leur compte inscrit dans le Registre National de leur Etat 104 membre . Par ailleurs, l’UE a dû faire face à la double vente de certains crédits MDP. Les REC peuvent être échangées indéfiniment au sein du SCEQE. Mais lorsqu’une installation restitue une REC, cette REC ne peut plus être restituée par une autre exploitation du marché. Si tel était le cas, la même REC permettrait de restituer plus d’une tonne d’émissions de gaz à effet de serre. Cela traduirait donc une déconnexion entre le crédit et la réduction d’émissions qu’il représente. Pourtant, le 11 mars 2010, le gouvernement hongrois annonce la vente d’1,74 million de REC qui avaient déjà été restituées par l’entreprise 105 Energy Power Kft . Selon lui, l’accord de vente précisait que ces crédits ne pouvaient pas et ne seraient pas réutilisés au sein du marché européen. Mais après avoir fait l’objet de divers échanges sur les bourses carbone, ils ont à nouveau pénétré le SCEQE et ont été achetés par des participants au marché. Ceux-ci ignoraient qu’ils ne pourraient pas utiliser ces REC recyclés pour se conformer à leurs obligations annuelles. Lorsque les acteurs du SCEQE ont appris que de tels crédits étaient en circulation, le marché spot sur lequel ils 103 104 Directive 2004/101/CE. Op. Cit. Considérant (5). Echange de droits d’émission : la Commission s’apprête à relier l’UE au registre de crédit carbone des Nations Unies avant le mois de décembre [en ligne]. Bruxelles : Europa, 2008. [page consultée le 7 juillet 2012]. <http://europa.eu/rapid/ pressReleasesAction.do?reference=IP/08/1246&format=HTML&aged=1&language=FR&guiLanguage=en> 105 AMBROSI, Philippe & KOSSOY, Alexandre. State and trends of the carbon market 2010 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, mai 2010. p. 19. [page consultée le 7 juillet 2012]. <http://siteresources.worldbank.org/INTCARBONFINANCE/ Resources/State_and_Trends_of_the_Carbon_Market_2010_low_res.pdf> 34 BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? avaient été achetés s’est effondré et les acheteurs ont été contraints de vendre leurs actifs 106 à un prix extrêmement faible (1,5 Euro la REC) . Dans le même temps, l’Espagne, la Lituanie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie, la République Tchèque, la Slovaquie, le Luxembourg et encore la Hongrie ont conservé 61,8 millions de tonnes des 84,2 millions totaux de REC restituées par les exploitations dans leur(s) compte(s) de dépôt, au sein du registre national, au lieu de le 107 placer sur leur(s) compte(s) de retrait . Ainsi, ces crédits pouvaient toujours être revendus par l’Etat. Pour empêcher l’usage de REC recyclées, l’UE a adopté une réglementation plus ferme. La Commission a notamment adopté le règlement n°920/2010 dans lequel elle 108 annonce deux nouvelles mesures . D’une part, les REC déjà restituées ne peuvent pas l’être une seconde fois. Elles ne peuvent pas non plus être créditées sur le compte de dépôt d’un opérateur du SCEQE. D’autre part, toute REC restituée est transférée sur le compte de retrait d’un Etat et ne peut donc être conservée sur son compte de dépôt. Ce règlement n’a été adopté qu’en octobre 2010 et jusqu’à cette date, le vide juridique a limité l’efficacité environnementale du SCEQE, la même REC ayant pu être vendue deux fois. b.Un trop-plein de quotas ? Autre problème, la liaison a également rendu possible une surabondance de crédits lors de la phase II, surabondance menaçant l’efficacité environnementale du SCEQE. Lors de la première phase du marché, les Etats s’étaient montrés trop généreux dans leur allocation initiale de quotas aux exploitations : elles avaient reçu l’équivalent en quotas de 6 247 Millions de tonnes équivalent CO2 (MteCO2) et n’ont émis entre 2005 et 2007 que 6 109 091 MteCO2. Sur la période, cela représente une sur-allocation de 2,5% . Pour la seconde période du marché, les autorités européennes ont décidé de baisser significativement le cap, c’est-à-dire le nombre total de quotas alloué aux installations, afin que celles-ci réalisent un réel effort de réduction d’émissions. La quantité totale d’EUA distribuée est ainsi réduite 110 de 6% par rapport aux émissions vérifiées de 2005, de 7,1% par rapport à celles de 2007 . 111 En termes d’allocation, cela correspond à une baisse de 10% du nombre de quotas alloué aux exploitations par rapport à la première phase du marché. Cependant, l’effort demandé est largement amoindri par la possibilité accordée aux exploitants de compenser une partie de leurs émissions en restituant des REC à la place des EUA. Dans la mesure où, du fait des problèmes de liaison entre le Journal des Transactions 106 107 108 Ibid. Ibid. Article 78, paragraphe 12), alinéa a) et b) dans : Union Européenne - Commission. Règlement n°920/2010 du 7 octobre 2010 concernant un système de registres normalisé et sécurisé conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et à la décision n°280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 270 du 14 octobre 2010, p. 29. 109 TROTIGNON, Raphaël & DELBOSC, Anaïs. Echange de quotas en période d’essai du marché européen du CO2 [en ligne]. Etude Climat, juin 2008, n°13,35 p. [page consultée le 7 juillet 2012]. <http://www.caissedesdepots.fr/fileadmin/PDF/finance_carbone/ etudes_climat/note13_echanges_de_quotas.pdf> 110 111 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2008. Op. Cit. p. 9. MANSANET-BATALLER, Maria et al. Op. Cit. p. 22. BRUN Benjamin 35 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Communautaire Indépendant (CITL) et le Journal des Transactions Internationales (ITL), aucune REC n’a été restituée par les entreprises pour se conformer à leurs obligations avant 2008, la possibilité d’en utiliser pour la seconde phase est une nouveauté. En moyenne, d’après les PNAQ des différents Etats membres, le volume de REC que peuvent restituer les exploitations ne doit pas excéder 13,4% de leur allocation en EUA. Par rapport à l’allocation de quotas « traditionnels » (EUA) pour la seconde phase, l’UE autorise donc une hausse de 13,4% du nombre total de crédits en circulation sur le marché. Ainsi, la réduction de 10% du montant total d’EUA pour la phase II est plus que compensée par cette hausse de 13,4%. Autrement dit, le nombre de crédits échangeables et restituables sur le marché est potentiellement plus élevé pour la seconde phase qu’il ne l’était pour la première. Cette situation entre totalement en contradiction avec la volonté de l’UE de pousser les installations à accroitre leur effort de réduction d’émissions ; elle nuit à l’intégrité environnementale du SCEQE. Néanmoins, dans les faits, le surplus de la seconde phase n’a pas été utilisé par les installations. Entre 2008 et juin 2010, elles n’avaient ainsi consommé qu’environ 12% des 112 1,4 milliard de REC autorisées pour se conformer à leurs obligations . Plus révélateur encore, entre 2008 et début 2011, 84% d’entre elles n’ont pas utilisé plus de 5% du volume 113 de REC qu’elles peuvent restituer . Pourquoi les exploitations soumises au SCEQE n’ont-elles pas profité davantage de l’opportunité que constituait ce surplus de crédits ? Elles n’en ont en fait pas eu besoin à cause de la crise économique. La crise a en effet contraint les industriels participants au SCEQE à réduire leur production, donc leurs émissions de gaz à effet de serre. De fait, malgré un volume de quotas plus faible qu’en phase I, nombre d’entre eux se sont retrouvés « longs », c’est-à-dire en excédant de crédits, sur le marché des droits à polluer. Au lieu d’acheter des REC pour se conformer à leurs obligations, ils ont alors vendu leur surplus d’EUA afin d’obtenir les liquidités recherchées en période de crise. Mais si la période 2008-2012 avait été synonyme de prospérité économique pour l’Europe, il est probable que le volume de REC acheté par les installations participant au SCEQE aurait été beaucoup plus important et aurait pu compromettre l’efficacité environnementale du marché. En dépit des précautions prises par l’UE, la liaison entre MDP et SCEQE ne s’est pas faite sans difficultés. Cependant, les problèmes rencontrés par l’UE mentionnés cidessus ne sont pas liés aux astreintes prises pour empêcher de transposer au sein du système communautaire les lacunes inhérentes au MDP. Au contraire, leur origine est de la responsabilité même de l’Europe. Ainsi, les distorsions de concurrence résultent essentiellement de variations nationales dans la transposition de la directive 2004/101/CE, notamment concernant la limite imposée aux installations dans leur usage de REC. Les difficultés comptables sont la conséquence d’un manque d’anticipation et d’une forme de laxisme juridique. La surabondance potentielle de crédits en phase II est exclusivement liée à une allocation de quotas généreuse, qui ne tient pas compte de la possibilité pour les exploitations d’utiliser des REC pour compenser leurs émissions. L’intégrité environnementale du marché et son bon fonctionnement économique, que l’UE voulait préserver en appliquant une série de restrictions qualitatives et quantitatives sur les possibilités d’usage des REC, se retrouvent menacés par ces dysfonctionnements. Un autre problème, dont la responsabilité n’incombe pas à l’UE ou à ses Etats membres, les compromet encore davantage. Il s’agit du différentiel de prix entre les REC et les EUA. 112 113 36 France - Assemblée Nationale. Op. Cit. p. 60. VASA, Alexander. Op. Cit. p. 18. BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? B. L’« EUA-sCER spread », le talon d’achille de la liaison 1.Quels prix pour les REC et les EUA ? a.Les déterminants du prix Les déterminants du prix des REC et des EUA sont sensiblement différents. Le prix des EUA dépend essentiellement de la quantité de gaz à effet de serre émis par les installations participant au marché communautaire. Si le nombre total de quotas disponible sur le marché est inférieur au volume d’émissions des exploitations, le prix de l’EUA monte. A l’inverse, si l’offre en EUA excède les besoins des entreprises courtes, le prix baisse. C’est donc principalement l’équilibre entre l’offre et la demande d’EUA qui détermine le prix du quota. D’autres facteurs plus secondaires, comme les conditions climatiques ou le prix des énergies primaires, qui influent sur la consommation d’énergie et de facto sur le volume des émissions, entrent cependant aussi en ligne de compte. Les fondements du prix de l’EUA sont de plus quelque peu différents selon le marché sur lequel ces quotas s’échangent. Les exploitations peuvent en effet acheter des EUA sur deux types de marchés : le marché au comptant et le marché à terme. Sur le marché au comptant, ou « spot », l’achat entraîne la livraison immédiate du quota et le changement instantané du porteur du risque. Le vendeur ferme sa position, prenant ses pertes ou ses gains, et l’acquéreur verra la valeur de son quota croître ou décroître en fonction de l’évolution du cours de l’EUA. Pour le marché à terme, la livraison du quota est programmée à une date ultérieure à la vente. L’acheteur supporte donc l’intégralité du risque, le prix de son titre évoluant entre le moment de l’achat et le moment de la réception effective de l’EUA. Le marché spot est nettement plus volatile que le marché à terme : le prix de l’EUA est très largement déterminé par l’offre et la demande à court terme et tout choc à court terme a une incidence forte sur les cours de ce marché. Pour le marché à terme, les prix sont déterminés 114 par les prévisions des cours à moyen terme et sont donc plus stables. Pour leur part, les déterminants du prix d’une REC sont un peu différents selon qu’il s’agisse d’une REC primaire (RECp), vendue sur le marché primaire, ou d’une REC secondaire (RECs), échangée sur le marché secondaire. Le marché primaire n’existe pas pour les EUA : pour les phases I et II du marché, les quotas européens ont été alloués gratuitement aux installations par leurs Etats, et non pas vendus. Les seuls échanges d’EUA ont donc eu lieu entre les exploitations sur le marché secondaire. Pour les REC en revanche, si un développeur d’un projet veut vendre les crédits MDP qui lui sont distribués, il le fait sur le marché primaire. Sur ce marché, les prix sont déterminés par deux facteurs : le coût de production d’une REC, correspondant au quotient entre le coût total du projet MDP et le nombre de REC qu’il génère, et le risque inhérent à l’actif. Les risques d’une REC correspondent à ceux du projet MDP qui la génère. De nombreux facteurs peuvent mettre en péril le bon développement d’un projet MDP, de l’élaboration du PDD à l’émission effective de REC. Premièrement, l’élaboration du PDD peut s’avérer trop compliquée et le projet être abandonné. Ensuite, l’Entité Opérationnelle Désignée et le Conseil Exécutif sont respectivement susceptibles de ne pas valider et de ne pas enregistrer le projet. Ils peuvent également le valider ou l’enregistrer après un délai 114 Prévisions basées notamment sur les estimations du volume futur (généralement à un ou deux ans) d’émissions, du futur prix d’équilibre entre l’offre et la demande d’EUA ou encore du coût futur de l’énergie. BRUN Benjamin 37 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés important et non prévu par le développeur. Enfin, une fois le projet réalisé, une autre Entité Opérationnelle Désignée que celle validant le PDD vérifie que les réductions d’émissions permises par le projet sont équivalentes à celles prévues initialement. Si tel n’est pas le cas, moins de REC sont restituées au développeur que le nombre initialement prévu. Du fait de tous ces risques, au premier avril 2011, sur les 1,8 milliard de REC qui auraient dues être émises par des projets MDP, seulement 576 millions ont été délivrées conformément 115 aux attentes, soit seulement 32% d’entre elles . Pour 29% des ces 1,8 milliard de REC attendues, la non-émission s’explique par le fait que les projets MDP n’ont eux-mêmes jamais vu le jour. Pour un autre pourcent, la sous-performance des projets est en cause, la réduction d’émissions réelle étant inférieure à celle espérée. 27% n’ont pas été émis dans les temps du fait de retard dans la procédure de validation et d’enregistrement. Enfin, pour 12% supplémentaires, c’est la procédure de délivrance elle-même qui s’est avérée plus 116 longue que prévue . Du fait du risque, il n’existe pas un seul prix global pour les crédits MDP. Au contraire, à chaque projet correspond un prix de REC différent. Pour que le risque soit correctement pris en compte, la Banque Mondiale détermine ce qui lui semble être le prix adéquat de chaque REC sur le marché primaire. Elle explicite dans le document 117 « The World Bank Carbon Market Pricing Policy » les risques qu’elle examine. Parmi eux, on retrouve ceux liés à la validation, à l’enregistrement, à la capacité du projet à rester opérationnel pendant la durée prévue ou à émettre réellement des crédits. Bien souvent, le développeur de projet vend ses crédits avant la finalisation et la mise en fonctionnement du projet MDP. Pour ce faire, l’acheteur et le vendeur signent un contrat d’achat de réduction d’émissions (ERPA), dans lequel ils s’accordent ou non sur le prix des REC pour la future 118 vente (logique fixed price ou variable price ). L’intervention de la Banque Mondiale permet donc aux deux parties d’avoir une base pour s’accorder sur le prix. Sur le marché secondaire, les REC échangées ont déjà été délivrées. Le risque, déterminant essentiel du prix des REC primaires (RECp), n’entre donc pas directement en compte dans la fixation du prix des REC secondaires (RECs). L’équilibre entre l’offre et la demande ne joue pas non plus un rôle aussi prépondérant dans la détermination du prix des RECs que dans celle des EUA. En effet, l’offre et la demande sont beaucoup plus clairement identifiées pour les quotas européens que pour les RECs. L’offre d’EUA correspond au nombre total de quotas alloués. L’offre de RECs est difficilement estimable, dépendant à la fois de la proportion de projets MDP qui émettent finalement des crédits (en ce sens, le risque joue un rôle indirect dans la détermination du prix des REC) et de la quantité de RECp qui seront convertis en RECs. De même, la demande d’EUA provient très largement des exploitations soumises au SCEQE alors que la demande de RECs est le fait de fonds d’investissement, d’Etats de l’Annexe B comme d’industriels participant au SCEQE. En fait, comme les RECs peuvent être utilisées à la place des EUA par les exploitations européennes pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre et 115 116 117 MANSANET-BATALLER, Maria et al. Op. Cit. p. 1. Ibid. Banque Mondiale. Questions and Answers: the World Bank Carbon Market Pricing Policy [en ligne]. 6 p. [page consultée le 7 juillet 2012]. <http://www.docstoc.com/docs/42518101/Q-_-A-on-ERPA-Pricing> 118 LINACRE, Nicholas, KOSSOY, Alexandre & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2011 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, juin 2011. p. 51. [page consultée le 7 juillet 2012]. <http://siteresources.worldbank.org/ INTCARBONFINANCE/Resources/StateAndTrend_LowRes.pdf> 38 BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? 119 comme elles sont très majoritairement achetées par ces exploitations déterminé par le cours de l’EUA. , leur prix est surtout Dans la suite de cette partie, c’est l’évolution du prix des RECs par rapport à celui des EUA qui va nous intéresser car les exploitations soumises au SCEQE arbitrent essentiellement entre ces deux actifs lorsqu’elles achètent des crédits carbone. En effet, le marché des RECs est beaucoup plus important que celui des RECp. En 2010 et en 2011, le 120 volume de RECs échangés est ainsi six à sept fois supérieur à celui des RECp . De plus, le prix des RECp étant déterminé principalement par le risque inhérent à l’actif et par son coût de production, le marché de RECp est peu volatile. Au contraire, les cours des RECs et des EUA varient de manière assez proche depuis 2008. b.Une évolution différenciée puis similaire des cours Une étude comparée des cours des EUA et des RECs montre que les deux actifs n’ont d’abord pas suivi la même évolution. Dans la première période du marché européen, les prix des EUA ont été extrêmement volatiles. Leur évolution a connu trois phases distinctes. Dans un premier temps, entre le 24 juin 2005, premier jour de cotation de l’EUA, et mi-avril 2006, le prix de l’actif sur le marché comptant est élevé, oscillant environ entre 20 Euros et 25 Euros en 2005 avant de monter progressivement début 2006 pour atteindre le pic de 121 29,75 Euros le 18 avril (figure 2). Le marché à terme connaît la même évolution. Les cours sont élevés car les installations soumises au SCEQE souhaitent acheter dès le lancement du marché les crédits nécessaires à leur mise en conformité, manquant d’informations pour estimer l’évolution future du prix de l’EUA. Puis, mi-avril 2006, la commission publie les premiers résultats du marché et révèle une sur-allocation de quotas pour la première phase. Les exploitants apprennent ainsi qu’ils n’auront aucune difficulté à acheter des quotas en fin de période si nécessaire. Le signal prix est totalement transformé et immédiatement, les cours chutent sur le marché spot. Ainsi, le 2 mai, les EUA ont déjà perdu deux tiers de leur valeur et début 2007, leur prix avoisine un 122 Euro (figure 3). Le marché à terme ne connaît pas la même évolution. Il subit également un repli dans les premiers mois, mais ensuite, le cours des actifs se stabilise aux alentours de 15 Euros (figure 3). La troisième période de la phase I du marché se caractérise donc par une déconnexion entre le prix des EUA sur les marchés comptant et à terme. Ce décalage s’explique par la sur-allocation mais aussi par l’interdiction pour les entreprises de stocker leurs EUA non utilisés en phase I pour la phase II : les exploitations longues vendent toutes leurs EUA. Comme elles sont très nombreuses et possèdent beaucoup de quotas, en fin de phase I, le prix de l’EUA sur le marché spot correspond environ au coût de transaction de la vente. Sur le marché à terme en revanche, le cours des quotas reste à un niveau élevé car les exploitants et les investisseurs anticipent la réduction du nombre d’EUA en circulation en phase II, réduction qui devrait se traduire par une hausse des prix. 119 120 Voir supra p. 20. Pour 2010, 1260 Mt équivalant CO2 de RECs ont été échangés, contre 224 MteCO2 de RECp. En 2011, ce sont respectivement 1734 MteCO2 et 264 MteCO2 qui ont été échangés. Dans GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 10. 121 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2008. Op. Cit. p. 14. 122 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2007 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, mai 2007. p. 12. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://wbcarbonfinance.org/docs/Carbon_Trends_2007-_FINAL__May_2.pdf> BRUN Benjamin 39 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Figure : Prix de l’EUA sur les marchés spot entre novembre 2005 et avril 2006 Source : Powernext 123 40 123 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2006. Op. Cit. p. 15. BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? Figure : Prix de l’EUA sur les marchés spot et à terme (décembre 2008) entre janvier 2006 et mars 2007 source : Powernext, ECX 124 Alors que le marché européen est très volatile, le cours des REC reste beaucoup plus stable entre 2005 et 2007. Le prix moyen des RECs pour l’année 2005 s’élevait à 5,52 Euros. Comme pour les EUA, il a connu une hausse rapide au premier trimestre de l’année 2006. Sur ces trois premiers mois, les RECs s’échangeaient en moyenne à 8,50 Euros. Mais à la différence des EUA, leur cours n’a pas chuté ensuite : le prix moyen des RECs 125 sur l’année 2006 s’est stabilisé à 8,40 Euros , un chiffre pratiquement identique à celui du premier semestre. Pour 2007, la tendance est la même : le prix moyen du RECs continue progressivement à monter, s’établissant à 9,90 Euros sur l’année, et la volatilité de l’actif demeure faible, la grande majorité des transactions s’étant effectuées entre 8 Euros et 13 126 Euros . La différence de comportement entre le cours des EUA et celui des RECs entre 2005 et 2007 peut paraître étonnante dans la mesure où l’Europe constituait déjà largement le premier demandeur de RECs. Mais entre 2005 et 2007, les RECs n’ont pas servi de substitut aux EUA. La « banquabilité » des crédits est en cause : si les EUA n’ont pas pu être stockés par les exploitations européennes en fin de phase I, il n’en va pas de même pour les REC. Celles-ci ont été stockées pour être utilisées comme équivalent aux quotas européens en phase II. De fait, beaucoup d’installations ont restitué en fin de phase I des EUA très peu chers pour se conformer à leurs obligations et ont en parallèle acheté des REC qu’elles ont conservées pour les utiliser en phase II, lorsque le cours de l’EUA 127 devait remonter . Les exploitations étant déjà largement dotées en EUA, elles n’avaient en plus pas besoin de puiser dans leurs réserves de RECs pour se conformer à leurs obligations. Elles ne pouvaient dans tous les cas par le faire du fait des problèmes de liaison entre le Journal des Transactions Communautaire Indépendant (CITL) et le Journal des Transactions Internationales (ITL). Pour la phase II du marché en revanche, les installations achètent et restituent des REC en lieu et place des EUA pour se conformer à leurs obligations (dans la limite de leur droit d’usage de REC). Les deux actifs étant substituables, l’évolution du cours des RECs suit celle des EUA (voir figure 4). 124 125 126 127 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2007. Op. Cit. p. 12. Ibid. p. 21. CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2008. Op. Cit. p. 31. CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2007. Op. Cit. p. 12. BRUN Benjamin 41 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Figure : Evolution des prix et volumes des EUA, RECs (et URE) entre 2008 et 2011 Source : Banque Mondiale. 128 On constate cependant que sur la période, le prix des RECs est systématiquement inférieur à celui des EUA, dans des proportions plus ou moins importantes. En début de 129 période, lorsque le cours de l’EUA augmente jusqu’à un prix maximum de 28,73 Euros 130 en juillet 2008, la valeur du différentielatteint neuf Euros . Ensuite, le EUA-sCER spread est ramené à moins d’un Euro fin 2008 pour finalement disparaître presque complètement début 2009. Cette réduction s’explique quasi exclusivement par l’effondrement du prix de 131 l’EUA, qui tombe à 7,96 Euros en février 2009 . La crise économique est responsable de cette chute du cours des quotas européens : la demande d’EUA se réduit fortement du fait d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre, donc des besoins des exploitants. Dans le même temps, l’offre augmente, ces exploitants comme les autres acteurs du marché vendant leurs crédits pour obtenir des liquidités. La chute du prix des EUA est un peu plus importante que pour les RECs qui sont très demandées malgré la crise (les volumes de crédits MDP échangés en 2008 sont 3,5 fois plus importants qu’en 2007, notamment à cause 132 de l’ouverture potentielle de nouveaux débouchés au Japon ). A la suite de la publication par la Commission Européenne des émissions vérifiées de 2008, les analystes financiers 128 129 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 18. CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2009 [en ligne]. Washington, D.C. : Banque Mondiale, mai 2008. p. 5. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://siteresources.worldbank.org/EXTCARBONFINANCE/Resources/ State_and_Trends_of_the_Carbon_Market_2009-FINALb.pdf> 130 BANCAL, Jean-Charles, KALFON, Julia & LIU, Yang. Droit et pratique du mécanisme pour un développement propre du protocole de Kyoto. Bruxelles : Bruylant, 2010. p. 153. 131 132 42 CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2009. Op. Cit. p. 5. Ibid. p. 31. BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? 133 constatent que le marché européen est court pour 2008 . De fait, les prix de l’EUA repartent à la hausse et le spread s’accroit à nouveau. Le différentiel reste alors environ stable jusqu’à la fin 2010. En 2011, il augmente à nouveau, à cause d’une baisse beaucoup plus rapide du cours des RECs que des EUA. Le prix des crédits MDP passe ainsi d’environ 13 Euros en 134 avril 2011 à moins de quatre Euros à la fin de l’année . Le différentiel continue à s’accroitre dans les premiers mois de 2012 et pour la première fois, un EUA devient plus de deux fois 135 plus cher qu’une RECs . Sur la fin de la période, la hausse de l’EUA-sCER spread se justifie par l’incertitude croissante concernant les possibilités d’utilisation de RECs lors de 136 la troisième phase du marché . 2.L’EUA-sCER spread, une aubaine financière pour les exploitations du SCEQE a.Les fondements du spread Durant la seconde phase du marché européen, les RECs sont fongibles en EUA. Comment expliquer alors que le cours de la REC soit structurellement inférieur à celui de l’EUA ? 137 Le différentiel de prix se justifie par trois facteurs . Premièrement, les EUA et les RECs ne sont parfaitement fongibles que pour les exploitations soumises au SCEQE. Or, le marché des crédits carbone ne se limite pas aux entreprises européennes. Le marché financier du carbone s’est très vite développé depuis sa création, doublant sa 138 taille chaque année . Son expansion rapide s’est accompagnée de la création de nombreuses bourses environnementales. Certaines, comme le Chicago Climate Exchange (CCX) ou le Marché Climatique de Montréal permettent aux entreprises qui le souhaitent de compenser volontairement leurs émissions. D’autres, notamment les européennes BlueNext, premier marché spot au monde pour les transactions de ces deux actifs, et European Climate Exchange, intermédiaire spécialisé dans les contrats à terme, rassemblent des investisseurs aux profils très variés. Outre les entreprises européennes et les Etats parties au protocole de Kyoto qui, dès l’origine, ont utilisées ces bourses pour se conformer à leurs obligations en matière de réduction d’émissions, des fonds d’investissement en actifs carbone, des banques, des compagnies d’assurance, des entreprises (n’étant pas soumises au marché européen des droits à polluer) ou des ONG développeurs de projet MDP, ou encore d’autres institutions privées participent également à des transactions sur ces deux bourses européennes. Pour tous ces acteurs, le carbone est un actif financier comme un autre. N’étant pas soumis au SCEQE, ils ne peuvent utiliser la fongibilité des REC en EUA. Pour eux, ces deux crédits sont deux actifs distincts, dont le cours peut évoluer différemment et à un niveau différent. La non-substituabilité des REC en EUA pour une partie de leurs acheteurs contribue à la détermination d’un prix différent pour les deux crédits. 133 134 135 136 137 138 Ibid. p. 7. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 37. Ibid. Voir infra. p 72-89. MANSANET-BATALLER, Maria et al. Op. Cit. p. 34. BANCAL, Jean-Charles, KALFON, Julia & LIU, Yang. Op. Cit. p. 144. BRUN Benjamin 43 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Si la différence de prix est favorable aux EUA, cela s’explique en partie par les restrictions quantitatives imposées par l’UE dans l’usage des REC. Les RECs ne sont en effet substituables aux EUA que dans la limite déterminée par les Etats membres, limite en 139 moyenne fixée à 13,4 % en phase II . Utiliser des EUA est donc moins contraignant que de restituer des REC pour les exploitants soumis au SCEQE. Second élément favorisant la fixation d’un prix plus haut pour les EUA que pour les REC, il existe une forte incertitude autour des possibilités d’usage des REC en phase III du SCEQE. Le niveau auquel sera portée la restriction quantitative est conditionné à la signature d’un accord international pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, et les exigences qualitatives seront encore renforcées par rapport aux deux premières 140 phases . L’avenir du MDP est lui-même en débat. En fait, les exploitants du SCEQE n’ont pour l’heure qu’une seule certitude : compenser leurs émissions en restituant des REC sera forcément plus difficile pour la période 2013-2020 que pour la précédente, même si le degré d’effort supplémentaire à fournir reste partiellement méconnu. L’incertitude liée à l’avenir du MDP et aux possibilités futures d’utilisation des REC fait baisser les cours de ce crédit comparativement à l’EUA, considéré comme un actif plus sûr. Un changement réglementaire vient en plus accroitre cette tendance. Entre les phases I et II du marché, seuls les REC pouvaient être « banquées ». Mais pour passer en phase III, les installations peuvent conserver leurs REC et leurs EUA. Du fait des incertitudes entourant les REC, les installations préfèrent conserver des EUA pour la prochaine période et utiliser aujourd’hui 141 leur REC . Ce comportement explique l’accroissement de l’EUA-sCER spread à partir de début 2011. Par ailleurs, la non-fongibilité des REC en EUA pour l’ensemble des détenteurs de crédits carbone, les restrictions limitant l’usage des REC et les incertitudes liées à l’avenir des crédits MDP, c’est-à-dire les trois moteurs du différentiel de prix, contribuent également à accroitre l’EUA-sCER spread de manière indirecte. En effet, ils limitent les possibilités d’arbitrage pour que les acteurs financiers exploitent au maximum le spread. Or, comme 142 l’indiquent Mansanet-Bataller et al. , c’est paradoxalement en utilisant au maximum l’opportunité financière que constitue l’EUA-sCER spread que ce dernier se réduirait. Si tous les exploitants du marché européen profitaient du prix moindre des REC pour acheter ces crédits, plutôt que des EUA, afin de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre, la hausse de la demande de REC induite par ce comportement opportuniste se traduirait par une hausse des cours. A l’inverse, le prix des EUA moins demandés devrait baisser. Ex post, dans une perspective libérale, les deux cours convergeraient vers le même prix. b.L’intérêt financier du spread Pour une installation soumise au SCEQE, le spread lui permet donc de vendre ses EUA sur le marché et d’acheter des REC, moins chers, pour compenser ses émissions. Le coût marginal de réduction de ses émissions est ainsi réduit. Si le différentiel de prix est conséquent, il peut même constituer une source de profit pour l’exploitation. Selon l’importance de l’écart de prix, les exploitations adoptent des stratégies différentes. D’après Mansanet-Bataller et al., il doit atteindre au minimum six Euros pour 139 140 141 142 44 Voir supra. p. 31. Voir infra. p. 72 & 83. CAPOOR, Karan & AMBROSI, Philippe. State and trends of the carbon market 2009. Op. Cit. p. 60. MANSANET-BATALLER, Maria et al. Op. Cit. p. 36. BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? 143 que les entrepreneurs procèdent à une opération swap . Autrement dit, si le spread est supérieur à six Euros, l’incitatif économique est suffisant pour enjoindre les exploitants à vendre leur EUA pour acheter des REC. S’il est inférieur, les entrepreneurs s’abstiennent de procéder à la transaction. Ce seuil de six Euros peut sembler élevé. En effet, un entrepreneur qui effectuerait une opération swap avec un spread seulement égal à un Euro réduirait également son coût de mise en conformité. Pourquoi attendre cet écart de six Euros ? L’explication est double. D’abord, si l’exploitant achète des REC dans une stratégie de moyen terme (c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin de ces crédits immédiatement mais anticipe une position courte dans le futur), le différentiel de prix doit compenser le coût de l’incertitude lié à l’avenir des REC. Surtout, les installations étant limitées quantitativement dans leurs possibilités de restitution de crédits MDP, leur stratégie consiste à attendre le moment où le spread est le plus fort afin de se procurer leur quantité de REC autorisée au coût le plus faible possible et ainsi maximiser leurs gains. L’EUA-sCER spread ne peut être supérieur ou égal à six Euros que si le cours de l’EUA est élevé ; lorsque les quotas européens s’échangent à moins de dix Euros, comme c’était le cas début 2009, l’écart de prix ne peut être très conséquent. A l’inverse, un prix très bas pour les REC peut favoriser des opérations swap s’il est combiné à un EUA-sCER spread important, mais il empêche le lancement de nouveaux projets MDP, pas suffisamment rentables. La « marketer CO2 » d’Orbeo (filiale de Rhodia), interviewée dans le cadre de ce mémoire et qui préférait rester anonyme explique ainsi : Il faut comprendre quelque chose. Quand le marché a commencé, le prix de la REC était au dessus de 15 Euros. Aujourd’hui, on est à trois Euros. Mettre en place des projets, c’est vraiment amener une technologie, c’est vraiment des projets qui coûtent beaucoup d’argent. [...] Vous comprenez bien qu’à trois Euros… Aujourd’hui, mettre en place des projets MDP c’est très compliqué, le marché est trop bas en termes de valorisation. Vous ne pouvez pas injecter 40 144 millions pour récupérer 100 000 Euros. C’est un arbitrage . Par conséquent, les effets les plus négatifs du spread sont constatés lorsque les cours de REC sont très bas : les opérations de swap peuvent avoir lieu, mais en plus, peu de nouveaux crédits pénètrent le marché, l’incitatif à mettre en œuvre de nouveaux projets MDP étant trop faible. Lorsque les cours des REC sont relativement élevés, même si le différentiel de prix avec les EUA est important, la demande de crédits MDP permet au moins de lancer de nouveaux projets. L’EUA-sCER spread constituedonc une menace majeure pour l’intégrité économique et environnementale du MDP. Economiquement, il permet aux exploitants participant au SCEQE de réduire leur coût de mise en conformité dans des proportions qui n’étaient pas prévues par l’Union Européenne. Au niveau environnemental, cette mise en conformité à bas coût réduit fortement l’incitatif économique à la dépollution. Pour la phase II, le spread aurait même pu pousser les exploitations à adopter des comportements anti-écologiques. En phase I et II, la quantité d’EUA allouée gratuitement à une entreprise est fonction de 145 ses émissions vérifiées durant la première phase . Si le différentiel de prix en phase I avait été important, certaines entreprises auraient pu accroître sciemment leurs émissions 143 Une opération swap consiste à vendre un actif pour en acheter un autre. Dans le cas présent, les exploitations, pour profiter du spread, vendent des EUA pour acheter des REC. 144 Voir annexe 3. 145 Union Européenne - Commission. Le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions (SCEQE). Op. Cit. p. 8. BRUN Benjamin 45 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés uniquement pour profiter au maximum de l’opportunité financière du spread : une hausse de leurs émissions leur aurait permis de recevoir davantage de quotas en phase II, donc de pouvoir réaliser davantage d’opérations swap entre EUA et REC.Si les bénéfices générés par cette opérationsont supérieurs au coût de la sur-pollution, la stratégie est rentable. De fait, au lieu de tenter de réduire leurs émissions, des entreprises auraient paradoxalement pu réduire leur coût de mise en conformité au SCEQE en polluant davantage. Ce travers ne s’est pas produit car la volatilité des cours de l’EUA et leur effondrement en fin de période n’ont pas incité les entrepreneurs à prendre un tel risque. L’allocation de quotas par un système d’enchères progressives devrait également enrayer cet effet pervers pour la troisième phase. Mais même si le SCEQE a pu éviter cette vicissitude, l’opportunité financière que constitue le spread demeure majeure pour les entreprises du marché souhaitant en tirer les bénéfices maximums. Rhodia en est un parfait exemple. C. Etude de cas : l’entreprise Rhodia 1.Un investissement massif dans les projets MDP Rhodia, membre du groupe Solvay, constitue l’une des plus importantes industries chimiques françaises. Elle est divisée en 11 entreprises, réparties en France et à l’étranger. De par leur taille et leur domaine d’activité, les installations françaises font pour la plupart partie des exploitations visées par le marché européen des droits à polluer à partir de 2005. L’Etat français détermine donc dans son PNAQ le nombre de quotas qu’elles peuvent utiliser pour se conformer à leurs nouvelles obligations. Pour la phase I, elles se voient attribuer 146 gratuitement le montant total de 3 228 678 EUA . En phase II, ce chiffre est porté à 6 147 573 420 (certaines installations non soumises au SCEQE en phase I étant intégrées au marché en phase II). Pour se conformer à ses obligations à moindre coût, l’entreprise Rhodia décide de participer à des projets MDP. Elle lance ainsi deux projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans ses propres usines de Paulinia au Brésil et d’Onsan en Corée du Sud. Les deux usines produisent de l’acide adipique, une molécule notamment utilisée dans la 148 fabrication du nylon et de certains lubrifiants synthétiques . La production d’acide adipique est émettrice de protoxyde d’azote (N2O), un gaz à effet de serre dont le coefficient de 146 France - Ministère de l’écologie et du développement durable. Arrêté du 25 février 2005 fixant la liste des exploitants auxquels sont affectés des quotas d’émission de gaz à effet de serre et le montant des quotas affectés [en ligne]. Journal Officiel de la République Française, 26 février 2005, p.204-205. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/ecologie/ pdf/arrete250205listeexploitants.pdf> 147 France - Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Plan national d’affectation de quotas d’émissions de gaz à effet de serre pour la période 2008-2012 approuvé par décret n°2007-979 du 15 mai 2007. Journal Officiel de la République Française, 16 mai 2008. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/ecologie/pdf/annexe-listedes-installationsPNAQII.pdf> 148 consultée Project le 8 Design juillet Document 2012]. form (Korea) [en ligne]. CDM - Executive Board, 2005. [page <http://cdm.unfccc.int/filestorage/S/6/J/S6JQEXCZWAB7V1YI7ERBJH2YB7P2N2/PDD_N2O %20Onsan_v8_2005-09-01.pdf?t=ck18bTgwemxxfDDsaBUTn-5buAf45xaIIUo1> & Project Design Document form (Brazil)[en ligne]. CDM - Executive Board, 2005. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://cdm.unfccc.int/filestorage/6/B/ F/6BFJTXZKEHBA6PZBGX9QUOKEK6CKAQ/CDM_PDD%20PLA_v4.pdf?t=RWh8bTgwcnVvfDDrHPZW150uQWwLzBvUxSEA> 46 BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? 149 réchauffement est 310 fois supérieur à celui du CO2 . Les deux projets ont été enregistrés par le Conseil Exécutif du MDP fin 2005 et doivent permettre de réduire, entre 2007 et 2013, 150 151 de respectivement 41,7 MteCO2 et 64,5 MteCO2 les émissions de gaz à effet de serre des sites de Paulinia et d’Onsan. Le coût d’investissement total pour les deux projets s’élève 152 à 14 millions d’Euros . Bien que cet investissement soit effectué en interne, le Conseil Exécutif du MDP considère que les deux projets sont bien additionnels. Il donne trois motifs de justification : selon lui, ils ne sont pas réalisés pour se conformer à un changement dans les législations brésilienne ou coréenne, ils ne constituent une pratique commune ni dans ce secteur d’activité ni dans cette région et ils n’auraient pu être réalisés sans la compensation 153 financière que sont les REC . Via ses deux projets MDP, ajoutés à deux autres projets MOC réalisés en France sur les sites de Salindres et Chalampé, Rhodia annonce en 2010 avoir réduit de 80% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005. Surtout, grâce aux projets de Paulinia et d’Osan, 154 l’entreprise obtient chaque année entre 11 et 13 millions de REC . 2.Les REC, un nouveau levier de profit Avec une telle quantité de REC, Rhodia peut tirer un bénéfice économique énorme de son investissement dans ses deux sites. Comme indiqué précédemment, l’entreprise a reçu 3 228 678 EUA pour la première phase et 6 573 420 pour la seconde, soit un total d’environ 9,8 millions de quotas. En se voyant distribuer entre 11 et 13 millions de REC par an, le nombre de crédits MDP gagnés par l’entreprise chaque année est donc supérieur à son allocation totale de quotas pour les deux premières phases. Rhodia peut d’abord utiliser une partie de cette manne de REC pour compenser ses émissions de gaz à effet de serre, dans la limite du seuil de 13,5% fixé par l’Etat français pour la seconde phase. Pour la marketer CO 2 , Rhodia a « évidemment un fort intérêt à utiliser 100% de sa capacité d’import puisque le prix de la REC est inférieur au prix de l’EUA. » Rhodia peut également utiliser ses crédits MDP pour réaliser des opérations de marché. La première d’entre elle consiste à vendre son surplus de REC, c’est-à-dire les REC qu’elle ne peut restituer. Cette simple opération lui a permis de récolter 158 millions d’Euros pour 155 la seule année 2008 , ce qui représente près d’un quart du résultat d’exploitation de la 149 150 151 152 153 BANCAL, Jean-Charles, KALFON, Julia & LIU, Yang. Op. Cit. p. 156. Project Design Document form (Brazil). Op. Cit. Project Design Document form (Korea). Op. Cit. BANCAL, Jean-Charles, KALFON, Julia & LIU, Yang. Op. Cit. p. 156. Validation Report : N2O Emission Reduction in Onsan, Republic of Korea [en ligne]. Det Norske Veritas, 2005. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://cdm.unfccc.int/filestorage/F/L/0/FL0LP2B4X1JIRGDOW8ELJJYIVX0S9K/ Validation%20Report_Rhodia%20Paulinia_v03_2005-10-21.pdf?t=Y2p8bTgwcndwfDDHGJ94hmgNXs7y1JV7KCah> & Validation Report : N2O Emission Reduction in Paulinia, SP, Brazil [en ligne]. Det Norske Veritas, 2005. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://cdm.unfccc.int/filestorage/F/E/H/FEHV03VNSM6VQD30MZL6KX7X4MSY00/Validation%20Report_N2O %20Onsan_v02_2005-09-28.pdf?t=dzh8bTgwenNpfDALOsuMRAEvqlXFmZf0ZNKM> 154 Développement Durable 2010[en ligne].Rhodia, 2010, p. 64. [page consultée le 8 juillet 2012]. <http://www.rhodia.com/fr/ about_us/profile/index.tcm> 155 BANCAL, Jean-Charles, KALFON, Julia & LIU, Yang. Op. Cit. p. 156. BRUN Benjamin 47 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés société. Comparativement à ce profit, le montant initial de l’investissement, qui s’élevait à 14 millions d’Euros, est négligeable. D’ailleurs, le montant réel du profit permis par les crédits MDP de Rhodia est plus important que le total des recettes issues de leur vente. Il est d’abord accru par la hausse des cours de l’action « Rhodia » en bourse. Les profits réalisés via la vente de REC donnent en effet confiance aux spéculateurs qui achètent massivement les actions de l’entreprise. Dans l’heure qui suit l’annonce de la participation aux deux projets MDP, le prix de l’action 156 Rhodia a par exemple été majoré de 14% . Cependant, les cours de Rhodia deviennent très dépendants de ceux des marchés carbone. Lorsque les cours des EUA et des REC chutent en 2008, l’action Rhodia suit le même chemin. Les actifs carbone et l’action de l’entreprise française atteignent ainsi leur niveau le plus bas en même temps à quelques 157 semaines près (respectivement le 12 février et la première semaine de mars ), avant de repartir tous les deux à la hausse. Ensuite, le profit induit par les crédits MDP de Rhodia dépasse le montant total des recettes issues de leur vente dans le sens où posséder une grande quantité de REC permet également à Rhodia de profiter de l’EUA-sCER spread, que le différentiel de prix soit élevé ou faible. Dans le cas où l’écart de prix est important, Rhodia peut, comme n’importe quelle autre installation du SCEQE, vendre une partie de ses EUA pour acquérir des REC qu’elle restituera pour se conformer à ses obligations ou qu’elle revendra ultérieurement, lorsque le cours des crédits MDP sera plus haut. En revanche, dans le cas d’un spread faible, si les cours des deux actifs sont faibles, elle peut décider d’échanger ses REC contre des EUA, relativement moins chers qu’en temps normal. Si les deux cours sont élevés, Rhodia étant en mesure de vendre à un instant t une quantité très importante de REC, elle peut réaliser un profit conséquent. Afin de maximiser ses gains sur les bourses carbone et de profiter pleinement des crédits REC qu’elle reçoit chaque année pour spéculer au mieux, Rhodia avait besoin de se spécialiser dans la finance carbone. En juillet 2006, le groupe français et la Société Générale ont donc créé conjointement Orbeo, une entreprise en charge de la gestion du portefeuille de crédits REC et EUA de Rhodia. En quelques années, Orbeo est devenu l’un des acteurs mondiaux les plus actifs dans les transactions de REC comme d’EUA. En résumé, en dépit des discours officiels, la participation à des projets MDP répond davantage à une stratégie économique qu’à une volonté de Rhodia de réduire son empreinte écologique et de contribuer à la propagation de technologies propres à travers le monde. La marketer CO 2 , bien qu’elle n’ait pas souhaité « entrer dans la stratégie de [sa] société », a d’ailleurs confirmé que la mise en œuvre de projets MDP visait essentiellement à accroitre les profits de l’entreprise : Il faut un petit peu sortir de l’image parfaite où on est tous dans un monde « écolo ». Ce n’est pas vrai. Un marché financier, on fait de l’argent dessus. Les industriels essaient de diminuer le plus possible leurs pertes et d’optimiser leurs 158 gains, de se couvrir le plus possible par rapport au risque carbone. 156 BERNIER Aurélien. Le climat otage de la finance, ou comment le marché boursicote avec les « droits à polluer. » Paris : Mille et une nuits, 2008. p. 57. 157 Boursorama [en ligne]. [page consultée le 9 juillet 2012]. <http://www.boursorama.com/bourse/cours/graphiques/ historique.phtml?mo=0&form=OUI&code=FR0010479956&symbole=1rPRHA&choix_bourse_graf=country %3A33&tc=line&duree=60&pe=1&grap=1&is=0&mm1=50&mm2=&mm3=&comp=0&indiceComp=1rPCAC&codeComp=&choix_bourseComp=countr %3A33&i1=4&i2=no&i3=no> 158 48 Voir annexe 3. BRUN Benjamin II. Lier MDP et SCEQE : opportunité financière pour les exploitants ou moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du marché ? Conclusion intermédiaire Au final, une question se pose : l’intégration du MDP au SCEQE a-t-elle été pensée pour favoriser la spéculation des exploitants soumis au marché européen, les autorisant par là même à réduire grandement leurs coûts de mise en conformité ? Au vu de l’étude menée jusqu’à ce stade, la réponse semble négative. En effet, la liaison s’est accompagnée de nombreuses précautions, supérieures à celles requises par le protocole de Kyoto et les décisions ultérieures de la CCNUCC, afin de restreindre quantitativement et qualitativement l’usage des REC. Grâce à ces précautions, la liaison devait pouvoir s’opérer sans mettre en péril l’intégrité économique et environnementale du marché. Malgré tout, l’intégration a souffert de nombreuses difficultés, non pas parce que les astreintes quantitatives et qualitatives se sont avérées dysfonctionnelles, mais parce que l’Europe a manqué de rigueur dans d’autres domaines. Ainsi, au niveau économique, une harmonisation insuffisante entre les Etats membres, notamment par rapport aux limitations d’usage des REC, a créé des distorsions de concurrence. Au niveau comptable, la connexion tardive entre le Journal des Transactions Communautaire Indépendant (CITL) et le Journal des Transactions Internationales (ITL) a retardé l’intégration des REC au sein du SCEQE et une réglementation trop laxiste a permis à certaines exploitations de vendre deux fois leurs crédits. Une allocation généreuse de quotas en phase II, ne tenant pas compte des possibilités nouvelles pour les installations de restituer des REC, est également venue menacer l’intégrité environnementale du marché. Mais surtout, la liaison a donc créé les conditions pour que les exploitants puissent réduire drastiquement leur coût de mise en conformité au SCEQE via la spéculation. Même si le manque d’anticipation de l’UE peut être critiqué, c’est essentiellement l’opportunisme des acteurs du marché, qui ont profité de l’EUA-sCER spread pour spéculer à leur avantage, qui est en cause. La réduction du coût de mise en conformité pour les installations 159 participant au SCEQE constituait l’un des avantages de la liaison . Néanmoins, cette réduction devait avoir lieu dans de faibles proportions. Surtout, elle ne nuisait pas à l’intégrité environnementale du SCEQE dans la mesure où elle était la conséquence du bon fonctionnement du MDP : grâce aux investissements dans de nouveaux projets situés dans les pays en développement ou moins avancés, de nouvelles REC étaient générées et pénétraient le marché communautaire. Cela signifie que la baisse du coût de mise en conformité, qui peut conduire les entreprises à polluer davantage, était compensée par des réductions d’émissions dans les pays du Sud. Ce n’est pas le cas avec les opérations spéculatives sur les actifs carbone. Autrement dit, les restrictions quantitatives prises pour limiter la quantité de crédits MDP en circulation au sein du marché, donc pour empêcher le cours des EUA de s’effondrer, n’ont pas suffit à protéger son efficacité économique. Alors que la soumission au SCEQE devait constituer une contrainte, obligeant les installations européennes à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ou à payer pour les maintenir au même niveau, certains exploitants, comme Rhodia, ont vu dans la possibilité d’utiliser des REC le moyen de détourner le marché de sa finalité pour en faire une source de profit, profitant du différentiel de prix entre les EUA et les REC. Cependant, l’Union Européenne a limité encore davantage les possibilités d’usage de REC pour la troisième phase du marché, qui va s’ouvrir en 2013. Grâce à ces nouvelles limitations, les difficultés liées à l’intégration du MDP au sein du SCEQE pourraient se trouver atténuées. La liaison pourrait ainsi devenir compatible avec les objectifs 159 Voir supra. p. 18. BRUN Benjamin 49 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés environnementaux du marché, ne pas nuire à son bon fonctionnement économique, et même favoriser réellement le développement des pays les moins avancés. 50 BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? A. Une intégrité économique et environnementale renforcée en phase III (2013-2020) 1.De nouvelles règles sur le SCEQE en phase III a.Davantage d’installations concernées Pour la phase III, l’UE modifie les secteurs concernés par le SCEQE. Elle révise d’abord les conditions régissant l’intégration des activités de production d’énergie. Elle détaille, dans 160 l’Annexe 1 de la directive 2009/29/CE déterminant le fonctionnement du marché pour la troisième phase, comment la puissance calorifique totale de combustion d’une installation doit être calculée, afin d’établir si cette installation doit être soumise ou non au SCEQE. Dans la même directive, elle dresse la liste de nouveaux secteurs intégrés au marché. Le processus d’intégration a en fait commencé dès 2012 avec l’intégration des activités aériennes. Le transport aérien international jouit d’un traitement particulier en ce qui concerne la comptabilisation de ses émissions de gaz à effet de serre. Les Etats parties à la CCNUCC n’ont en fait pas réussi à s’accorder sur la manière de les comptabiliser. De fait, seules les émissions générées par des vols nationaux sont incluses dans le total des émissions de gaz à effet de serre des Etats. Celles provenant des vols internationaux ne 161 sont supportées par aucun Etat, elles sont simplement comptabilisées « pour mémoire ». Or, les activités aériennes constituent l’une des sources majeures d’émissions de CO2 aujourd’hui. En 2005, la Commission Européenne souligne ainsi que la hausse du trafic 162 international a entrainé une augmentation des émissions de 73% depuis 2004 . Elle estime 163 que ce chiffre pourrait être porté à 150% fin 2012 . Une telle hausse compenserait de plus de 25% les réductions d’émissions menées par l’UE pour atteindre son objectif de réduire 160 Union Européenne - Parlement Européen et Conseil. Directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 140 du 5 juin 2009, p. 63-87. 161 Union Européenne - Commission. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement Européen, au Comité Economique et Social Européen et au Comité des Régions concernant l’évaluation des plans nationaux d’allocation de quotas d’émission : réduction de l’impact de l’aviation sur le changement climatique [en ligne]. COM (2005) 459 final, 27 septembre 2005, p. 4. [page consultée le 4 juillet 2012]. <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2005/com2005_0459fr01.pdf> 162 163 Ibid. p. 2. Ibid. BRUN Benjamin 51 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés de 20% ses émissions d’ici 2020 par rapport à 1990. Pour que la pollution issue des activités aériennes soit prise en compte comme celle de nombreux autres secteurs, l’UE décide dans 164 sa directive 2008/101/CE d’intégrer les « exploitants d’aéronef » dans le SCEQE. Plus précisément, elle considère que l’ensemble des vols qui atterrissent ou décollent depuis un Etat membre, quelle que soit la nationalité de leur compagnie d’exploitation, sont soumis au SCEQE. Le secteur aérien représente, à partir de 2012, le second domaine d’activité le 165 plus important couvert par le SCEQE . Les autres secteurs intégrés au système communautaire sont également mentionnés à l’Annexe I de la directive 2009/29/CE. Parmi eux, on compte entre autres la production d’aluminium primaire, d’ammoniac, de soude, de bicarbonate de sodium ou encore d’hydrogène. Les activités de capture, de transport et de stockage géologique des six gaz à effet de serre pris en compte dans le SCEQE seront également soumises au marché communautaire. Enfin, les exploitations de trois nouveaux pays participeront au SCEQE. La Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, bien que ne faisant pas partie de l’Union Européenne, se joignent ainsi à la Communauté pour contraindre leurs installations les plus émettrices à participer à un marché de droits à polluer. b.Des EUA vendus aux enchères Alors que pour les deux premières phases du marché, l’allocation gratuite de quotas était 166 la règle, la réglementation change pour la troisième période. L’article 10 de la directive 2003/87/CE tel que modifié par la directive 2009/29/CE dispose que la majorité des EUA seront mis aux enchères à partir de 2013. Les conditions de mise aux enchères sont fonction des secteurs. Ainsi, les enchères sont normalement intégrales dès 2013 pour les activités de production d’électricité. Cependant, pour certaines d’entre elles, des quotas resteront alloués gratuitement. L’électricité produite à partir de gaz résiduaires, celle visant au chauffage urbain, ou encore celle générée par des exploitations implantées dans des Etats membres où les infrastructures d’électricité connaissent un retard de développement sont par exemple concernées par ces exceptions. Pour ces installations spécifiques, 80% de leurs quotas leur seront alloués gratuitement en 2013, contre 20% en 2020 et 0% en 2027. D’autres secteurs, présentant un risque important de fuite carbone, pourront également recevoir gratuitement l’intégralité de leurs EUA jusqu’en 2020. Contrairement aux deux premières phases, ce ne sont plus les Etats membres qui déterminent le montant de quotas utilisables par leurs installations. La Commission fixe un plafond correspondant au nombre total d’EUA restituables par l’ensemble des exploitations européennes. Ensuite, elle accorde à chaque Etat membre le droit de mettre aux enchères une partie de cette quantité totale de quotas. En vertu de la procédure définie à l’article 10 de la directive 2009/29/CE, chaque Etat reçoit une quantité d’EUA égale à ses émissions vérifiées de 2005, ou à la moyenne de ses émissions vérifiées entre 2005 et 2007. 19 Etats membres sont autorisés à mettre aux enchères des quotas supplémentaires, au nom de 164 Considérant (15) dans : Union Européenne - Parlement Européen et Conseil. Directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 8 du janvier 2009, p. 5. 165 166 52 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 18. Ibid. p. 71 BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? 167 « la solidarité et de la croissance dans la Communauté ». Enfin, les Etats membres dont les émissions de gaz à effet de serre en 2005 étaient au moins 20% inférieures à celles de l’année de référence établie pour eux dans le protocole de Kyoto (en général 1990), reçoivent encore quelques EUA de plus à mettre aux enchères. Enfin, la mise aux enchères s’effectuera concrètement sur une plateforme européenne à partir de janvier 2013. Cependant, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne ont informé l’Union qu’ils mettraient chacun en place leur propre système de mise aux enchères. La mise aux enchères des quotas contraint les installations européennes à accroitre leur effort économique pour se conformer aux règles du marché. En effet, ce mode d’allocation, présenté comme « le plus simple et le plus efficace du point de vue 168 économique » oblige les installations à payer pour avoir le droit de polluer, et ce dès la première tonne de CO2 émise dans l’atmosphère. En outre, l’UE veut également accroitre l’efficacité environnementale de son marché pour la troisième phase. De ce fait, à partir de 2013, la quantité totale d’EUA délivrée par l’UE aux Etats (pour que ceux-ci les mettent aux enchères auprès de leurs exploitations) diminuera chaque année d’un facteur de 1,74%. Cette réduction progressive et linéaire doit permettre à l’Union d’atteindre son objectif de réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 par rapport à 1990. En intégrant de nouveaux secteurs au marché et en réduisant progressivement le nombre total d’EUA en circulation, l’UE ambitionne donc d’augmenter la pression sur les exploitations pour accroitre l’efficacité environnementale et économique de son marché des droits à polluer. Cependant, en phase II, la réduction du nombre de quotas alloués avait été plus que compensée par la possibilité donnée aux exploitations de restituer des REC. Ce risque devrait être limité en phase III car de nouvelles astreintes quantitatives et qualitatives viennent limiter le nombre maximum de REC utilisables par les exploitants européens. 2.De nouvelles restrictions quantitatives prises par l'UE a.Un plafond de REC utilisables dans le SCEQE abaissé Tout d’abord, il convient de rappeler que la directive 2009/29/CE qui régit le fonctionnement du SCEQE pour la troisième phase complète les directives 2003/87/CE et suivantes qui le réglementaient précédemment. Par conséquent, la plupart des dispositions déjà prises dans ces directives sont maintenues par la nouvelle directive de 2009. Les restrictions quantitatives contraignant les installations et les Etats à respecter l’obligation de supplémentarité sont ainsi conservées. Les autres restrictions quantitatives sont rendues nécessaires par les évolutions de la troisième phase. En effet, comme le nombretotal de quotas allouables est déterminé par l’Union Européenne, les Etats membres ne peuvent plus fixer dans leur PNAQ la limite d’utilisation de REC pour chaque exploitation. De même, cette limite ne peut plus correspondre à une proportion du volume d’EUA distribués gratuitement à une installation puisque l’allocation d’EUA se fera par un système d’enchères à partir de 2013. L’Union est donc tenue de modifier sa réglementation. Celle qu’elle adopte pour la troisième phase est pensée pour répondre à un objectif : ne pas créer de distorsions de concurrence entre les exploitations selon l’Etat membre dans lequel elles sont implantées, contrairement à ce qui 167 168 Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Article 10, paragraphe 2, alinéa b). Ibid. Considérant (15). BRUN Benjamin 53 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 169 est advenu en phase II . Elle déclare ainsi que les possibilités d’utilisation de REC doivent 170 être harmonisées entre toutes les installations de la Communauté . Par conséquent, ce ne sont plus les Etats membres mais l’UE elle-même qui détermine le plafond de REC restituables par les installations. L’harmonisation est cependant conditionnée à la signature d’un accord international sur le changement climatique. En fait, l’Union Européenne élabore deux scénarii distincts ; la réalisation de l’un ou de l’autre de ces scénarii n’entraine pas les mêmes restrictions concernant l’usage de REC. Si la communauté internationale s’accorde sur un traité global visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’UE élargira la proportion de REC pouvant être restituées, mais n’autorisera que celles issues des pays signataires de l’accord. Pour que la hausse du volume de REC échangées au sein du SCEQE ne nuise pas à son intégrité environnementale, elle serait compensée par une augmentation de la cible de 171 réduction d’émissions à atteindre via le marché communautaire . Aujourd’hui, cette cible est fixée à 20% d’ici à 2020 (par rapport aux émissions vérifiées de 1990). Elle serait peut 172 être portée à 30% . Quelle que soit la hausse de la cible, les REC pourraient être utilisées 173 pour permettre d’atteindre jusqu’à 50% des objectifs de réduction supplémentaires . 174 Dans le cas où la réalisation d’un accord international « serait retardée », l’Union Européenne considère qu’autoriser la poursuite de l’utilisation des REC menacerait l’intégrité environnementale du SCEQE et « compliquerait la réalisation des objectifs de la 175 Communauté en matière d’utilisation accrue des sources d’énergie renouvelables ». Pour autant, elle n’interdit pas totalement leur usage, mais elle la soumet à une double contrainte. D’abord, l’UE souhaite que 20% de son énergie soit issue de sources renouvelables en 176 2020 . L’usage de REC ne doit pas être incompatible avec cet objectif. Surtout, les installations ne peuvent utiliser des REC qu’à concurrence de leur limitation pour la phase 177 178 II . Le volume de REC pouvant pénétrer le marché entre 2008 et 2012 devient ainsi le volume de REC pouvant pénétrer le marché entre 2008 et 2020. Prenons l’exemple d’une entreprise française. En vertu de la décision de l’Etat, la quantité de REC qu’elle restitue pour compenser ses émissions de gaz à effet de serre ne peut dépasser 13,4% de son allocation totale d’EUA. Si entre 2008 et 2012 elle a utilisé la moitié de la quantité totale de REC à laquelle elle a droit, elle ne pourra pas restituer plus des 50% restants entre 2013 et 2020. 169 170 171 172 Voir supra. p. 42. Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Considérant (28). Ibid. DELBOSC, Anaïs et al. Estimation de l’équilibre offre-demande de crédits Kyoto (CER et ERU) d’ici 2020 [en ligne]. CDC Climat Research, juin 2011, n°2011-10, p. 6. [page consultée le 12 juillet 2012]. <http://gaiapresse.ca/images/nouvelles/30890.pdf> 173 174 175 176 177 Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Considérant (32). Ibid. Considérant (30). Ibid. Considérant (28). Ibid. Sauf si cette limitation est inférieure à 11% de leur allocation en EUA. Auquel cas, sur la période 2008-2020, les entreprises peuvent utiliser des REC à concurrence d’au moins 11% de leur dotation en EUA pour 2008-2012 pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. 178 54 Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Article 11 bis, paragraphe 8. BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? Par ailleurs, les nouveaux entrants en 2013, où ceux entrés entre 2008 et 2012 qui n’ont pas bénéficié d’une allocation gratuite d’EUA ni d’un droit d’usage de REC, peuvent également utiliser des crédits MDP, à concurrence d’une proportion au moins égale à 4,5% de leurs émissions vérifiées pendant la troisième phase. Les exploitants d’aéronefs font cependant exception. Pour eux, la limitation minimale est fixée non pas à 4,5% mais à 1,5%. b.Des conditions particulières pour les REC datées d’avant 2013 La dernière restriction quantitative concerne les possibilités de report de REC entre la seconde et la troisième période. Entre les deux premières, tous les crédits MDP achetés entre 2005 et 2007 pouvaient être stockés puis réutilisés entre 2008 et 2012. Pour la phase III, le considérant 29 de la directive 2009/29/CE dispose que tous les crédits émis avant le 31 décembre 2012, ou découlant de projets enregistrés avant cette date, sont utilisables par les exploitants pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre, à condition que 179 les projets MDP respectent les critères d’éligibilité de la seconde phase . Pour pouvoir utiliser ces REC, les exploitants sont obligés de les échanger contre des quotas valables pendant la troisième phase auprès de leur Etat, ils ne peuvent plus les restituer directement comme précédemment. Cette disposition permet à l’UE de contrôler les crédits REC entrant dans le système communautaire, en écartant ceux non conformes aux conditions d’éligibilité qu’elle a déterminées et en empêchant certains opérateurs de marché d’échanger leur REC contre des quotas. En effet, pour la troisième phase, seules les installations soumises au SCEQE sont autorisées à demander la substitution de leurs REC en EUA. Les acheteurs spéculant sur les cours de la tonne carbone pour profiter du différentiel de prix entre REC et EUA, au premier rang desquels figurent les banques, ne peuvent ainsi pas demander à l’Etat qu’il leur fournisse des EUA en échange de leurs REC. Pour les exploitants du marché, l’échange REC/EUA est également contraint. La substitution REC/EUA ne pourra pas être effectuée après le 31 mars 2015, du fait des 180 incertitudes planant sur l’avenir du MDP au delà de cette date . Les Etats ne peuvent en effet être obligés d’accepter des crédits qu’ils ne pourront peut-être pas utiliser pour se conformer à leurs propres obligations en matière de réduction d’émissions. En l’état, du fait de la non réalisation d’un accord international, les restrictions quantitatives de REC sont plus importantes en phase III qu’elles ne l’étaient pour les deux premières. Ces restrictions s’accompagnent en outre de nombreuses astreintes qualitatives. 3.De nouvelles restrictions qualitatives prises par l’UE A deux reprises, la directive 2009/29/CE mentionne que les nouveaux crédits autorisés à 181 entrer dans le SCEQE ne pourront être issus que de projets « de grande qualité ». Cette notion de « grande qualité » n’est pas définie explicitement par l’UE. Mais à l’inverse, l’Union précise que certains projets acceptés durant les deux premières phases ne peuvent plus émettre des crédits éligibles au sein du SCEQE. Ainsi, sans donner une définition claire des critères de « grande qualité », elle énonce les projets qui n’y répondent pas. a.L’interdiction des REC issus de projets HFC-23 ou N2O 179 Exception faite des crédits HFC-23 et N2O, voir infra. p. 76. 180 181 Voir infra. p. 81. Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Considérants (30) et (32). BRUN Benjamin 55 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés La première restriction concerne l’interdiction d’utiliser des crédits provenant de projets réduisant les émissions de deux gaz à effet de serre : le trifluorométhane (HFC-23) et le protoxyde d’azote (N2O). Le HFC-23 est surtout généré par la fabrication d’un autre gaz, le chlorodifluorométhane (HCFC-22), lui-même utilisé pour produire des climatiseurs et 182 certains plastiques. Comme indiqué précédemment , le protoxyde d’azote est rejeté lors de l’élaboration d’acide adipique. Les coefficients de réchauffement du trifluorométhane et du protoxyde d’azote sont respectivement 11 700 et 310 fois supérieurs à celui du dioxyde de carbone. De nombreux projets MDP visant à réduire les émissions de HFC-23 et N2O ont été mis en œuvre durant les premières années du fonctionnement du SCEQE, car ils présentent de multiples avantages. Premièrement, ces projets sont beaucoup plus « sûrs » que la moyenne pour leurs développeurs, n’étant que très rarement retoqués. Il est en effet très facile de démontrer l’additionnalité de ces projets dans la mesure où réduire les émissions de HFC-23 et de N2O n’a aucun intérêt en soi et se justifie donc uniquement par l’intérêt de 183 recevoir des crédits MDP en échange . Par conséquent, le taux de validation atteint 100% 184 pour ces projets contre à peine 50% pour les projets d’efficience énergétique par exemple . Par ailleurs, parmi tous les types de projet, les délais de validation et d’enregistrement pour les projets HFC-23 et les N2O sont les plus rapides. Les développeurs sont en outre quasiment certains d’accomplir les réductions d’émissions prévues, donc d’obtenir la quantité de REC escomptée. Les projets HFC-23 et N2O sont réalisés dans des industries de taille importante et fiables. La probabilité que les deux gaz à effet de serre soient rejetés par ces industries dans leur processus productif est forte car la production n’est ni menacée d’un soudain arrêt, ni altérée par les conditions climatiques (contrairement à des projets éoliens par exemple). De ce fait, en moyenne, les projets HFC-23 et N2O génèrent 185 respectivement 103,5% et 127,2% des crédits prévus par les PDD, alors que le taux 186 moyen d’émission de REC n’est que de 97% . Autrement dit, ils réduisent davantage que programmé les émissions de gaz à effet de serre, donc produisent plus de REC qu’escompté. Les projets HFC-23 et N2O ne sont pas très nombreux. Néanmoins, s’agissant d’activités MDP de très grande échelle limitant les émissions de deux gaz à très fort effet de serre, ils génèrent un volume considérable de REC. En 2007 par exemple, les projets HFC-23 et N2O représentaient respectivement 2% et moins de 1% des projets mis en œuvre à cette date. Pourtant, ils étaient responsables de 46% et 5% du total de REC émises. L’importance de ces projets de réduction d’émissions de gaz industriels a décru après 2007, 187 la majorité de ceux pouvant être réalisés l’ayant déjà été avant cette date . Mais en 2012, sur l’ensemble des crédits Kyoto (REC et URE) contractés par les participants du SCEQE 182 Voir supra. p. 63. 183 184 185 CORMIER, Alain & BELLASSEN, Valentin. Op. Cit. p. 21. Ibid. p. 16. TROTIGNON, Raphaël & LEGUET, Benoît. How many CERs by 2013 ? [en ligne]. Mission climat Working Paper, août 2009, n°2009-5, p. 27. [page consultée le 10 juillet 2012]. <http://www.cdcclimat.com/IMG// pdf/5_Working_Paper_EN_CDM_Credits_Supply.pdf> 186 187 56 Ibid. p. 18. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit.p. 54. BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? depuis son lancement en 2005, 25% proviennent de projets HFC-23 et N2O. Le poids de ces crédits dans le marché européen reste donc conséquent. La Commission Européenne a décidé d’en interdire l’usage à partir de 2013. Elle en 188 fait mention à l’article premier de son règlement 550/2011 qui dispose que l’utilisation de REC provenant de ces deux types de projet est interdite pour l’ensemble de la phase III. Les installations peuvent seulement les restituer jusqu’au 30 avril 2013, pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre de l’année 2012. Ainsi, même le report des crédits entre les phases II et III est interdit pour les crédits HFC-23 et N2O. L’UE justifie cette interdiction de plusieurs manières. Premièrement, elle considère qu’autoriser les crédits issus de projets HFC-23 peut aboutir à favoriser le développement 189 d’entreprises produisant du chlorodifluorométhane (HCFC-22) . L’incitatif serait alors antiécologique puisque les entreprises développeraient une activité très polluante (la production de chlorodifluorométhane) pour dans un second temps mettre en œuvre un projet MDP afin de réduire la quantité de HFC-23 émise durant cette production. Par ailleurs, la Commission juge que les projets HFC-23 ne répondent pas réellement au critère d’additionnalité. Elle concède que ces projets n’auraient certainement pas pu être mis en œuvre sans la compensation financière offerte par l’octroi de crédits MDP. Mais ces derniers ont été délivrés dans des proportions beaucoup trop importantes. Elle évalue ainsi que pour un exploitant du SCEQE qui a développé un projet HFC-23, les recettes résultant de la vente des REC qu’il a obtenues grâce à ce projet peuvent lui rapporter jusqu’à 78 190 fois plus que son investissement initial . Du fait de cette sur-distribution de REC, d’autres investissements alternatifs auraient pu permettre de réduire les émissions de HFC-23 à moindre coût. La troisième raison invoquée par la Commission pour justifier son refus des crédits HFC-23 et N2O se situe sur un registre un peu différent. Elle n’invoque pas le mauvais fonctionnement du MDP dans le cas des activités HFC-23 et N2O mais de façon plus générale, indique que selon elle, les réductions d’émissions qui peuvent être effectuées à relativement bas coût, comme c’est le cas pour ces deux gaz à effet de serre, ne devraient pas pouvoir faire l’objet d’un projet MDP. Pour la Commission, il serait plutôt de la 191 responsabilité des pays en développement de réduire eux-mêmes ces émissions . Cela constituerait leur part de l’effort commun pour limiter au niveau global les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Enfin, l’UE refuse les crédits HFC-23 et N2O pour la phase III parce que ceux-ci sont issus d’un petit nombre de projets, quasiment exclusivement situés dans les pays en développement les plus avancés. Par conséquent, ces projets nuisent à l’objectif du MDP de permettre à tous les pays, y compris aux moins avancés, d’héberger des activités de 188 Union Européenne - Commission. Règlement n°550/2011 du 7 juin 2011 établissant, conformément à la directive 2003/87/ CE du Parlement européen et du Conseil, certaines restrictions applicables à l’utilisation de crédits internationaux résultant de projets relatifs aux gaz industriels. Journal Officiel de l’Union Européenne, L 149 du 8 juin 2011, p. 3. 189 Echange de droits d’émission : la Commission se félicite du vote en faveur de certains crédits liés aux gaz industriels [en ligne]. Bruxelles : Europa, 2011. [page consultée le 10 juillet 2012]. <http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do? reference=IP/11/56&format=HTML&aged=1&language=FR&guiLanguage=en> 190 191 Ibid. Ibid. BRUN Benjamin 57 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 192 projet . Favoriser le développement de projets MDP dans les Pays les Moins Avancés (PMA) constitue précisément l’une des autres ambitions de l’UE, qui oblige notamment les participants au SCEQE à n’utiliser que des REC en provenance de ces pays. b.L’obligation d’utiliser des REC provenant des PMA L’objectif du MDP de favoriser le transfert technologique et les réductions d’émissions dans les pays les plus pauvres a été biaisé. Dans les faits, tous les Etats non mentionnés dans 193 l’annexe B du protocole de Kyoto sont susceptibles d’héberger des projets MDP. Or, cette annexe B ne compte que 39 Etats développés, ce qui permet à de nombreux autres Etats, ayant déjà atteint un stade relativement avancé de leur développement de recevoir des activités de projet. Ces pays, parmi lesquels on compte notamment la Chine, l’Inde ou le Brésil, offrent un cadre très favorable à la réalisation de projets MDP ; ils jouissent d’une forte croissance économique, d’une relative stabilité politique (comparativement à certains pays africains par exemple) et sont déjà dotés d’infrastructures importantes. Par conséquent, ils accaparent une part très importante des projets MDP, au détriment des Pays les Moins Avancés. Ainsi, entre 2005 et mi-2012, les projets chinois ont permis de délivrer 1,6 milliard de REC, soit 71% des 2,3 milliards de REC émises par l’ensemble des activités MDP dans 194 le monde entier . Si les autres pays asiatiques comme l’Inde où l’Indonésie comptent également parmi les premiers hébergeurs de projets, l’Afrique où se concentre l’essentiel des PMA est largement oubliée. Le diagramme ci-dessous présente la mauvaise répartition géographique des projets MDP développés entre 2002 et 2011. 192 193 Ibid. Soit l’ensemble des Etats qui ne sont pas tenus d’atteindre des objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. 194 58 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 53. BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? Figure : Volumes de RECp pré-2013 Source : Banque Mondiale 195 vendus par pays hébergeur de projet 196 . Pour parer à ces inégalités géographiques, l’UE a pris des mesures afin que la réalisation de projets MDP constitue réellement une aide au développement pour les PMA, et non pour les pays les plus avancés économiquement parmi ceux pouvant accueillir des activités MDP. Ainsi, la directive 2009/29/CE dispose que même en l’absence d’un accord international sur le changement climatique, les REC provenant de projets MDP enregistrés dans les PMA avant mais aussi après 2012 pourront être utilisés jusqu’en 2020 au sein du 197 SCEQE . Ainsi, les garanties offertes pour les REC issus de PMA sont bien supérieures à celles apportées pour les crédits MDP provenant d’autres pays : pour les premiers, l’UE s’engage jusqu’en 2020 et accepte la réalisation de nouveaux projets à partir de 2013 tandis que pour les seconds, seuls les crédits émanant de projets enregistrés avant le 31 décembre 2012 sont utilisables, et uniquement avant le 31 mars 2015. Ces dispositions sont 198 confirmées dans la décision 406/2009/CE qui accompagne la directive 2009/29/CE. Pour déterminer clairement quels pays sont considérés comme PMA, l’UE se réfère à la liste dressée par le Comité pour le Développement Economique, un organisme indépendant 195 196 197 198 Voir note 7 p. 21. Ibid. Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Considérant (31). Union Européenne - Parlement Européen et Conseil. Décision du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les Etats membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020.Journal Officiel de l’Union Européenne, L 140 du 5 juin 2009, p. 136-148. BRUN Benjamin 59 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 199 appuyé par le Conseil Economique et Social des Nations Unies . La liste pouvant être modifiée au fil des ans, la date retenue par l’UE est celle de l’enregistrement du projet : le projet doit être enregistré à un moment où le pays hôte est inscrit sur la liste des PMA. Au final, les astreintes quantitatives et qualitatives limitant les possibilités d’usage de REC se sont accrues en phase III par rapport aux deux premières périodes. Ces précautions semblent pouvoir améliorer l’efficacité économique et environnementale de l’intégration du MDP dans le SCEQE. Au niveau économique, les restrictions quantitatives, associées à un nouveau système d’allocation de quotas moins généreux, devraient empêcher une surabondance de crédits. Cette surabondance avait fait s’écrouler les cours de l’EUA en phase I. En phase II, le même phénomène se serait probablement répété sans la crise économique qui a provoqué une baisse de la demande de REC et d’EUA de la part des installations participant au SCEQE. Dans la mesure où l’effort demandé aux exploitants est plus important, l’intégrité environnementale du marché communautaire est également améliorée : les externalités négatives que constituent les émissions de gaz à effet de serre sont mieux internalisées, le coût de production se rapprochant du coût réel. L’efficacité environnementale du marché communautaire devrait également être améliorée par l’interdiction d’utiliser des crédits provenant de projets HFC-23 et N2O, projets trop lucratifs qui peuvent dans les faits conduire à une hausse des émissions. Ces projets sont en outre essentiellement réalisés dans des pays en développement déjà relativement avancés économiquement, comme la Chine ou l’Inde. Or, l’UE annonce vouloir corriger les inégalités géographiques dans la répartition des projets MDP pour le réorienter vers sa vocation première, à savoir constituer un réel outil d’aide au développement pour les Etats les plus défavorisés. Par l’interdiction des crédits HFC-23 et N2O et par le refus d’accepter des REC issues d’autres pays que ceux listés comme appartenant aux PMA, elle semble instaurer le cadre législatif lui permettant d’atteindre ses objectifs. Ces mesures, reflets d’une politique volontariste de l’UE pour que l’intégration du MDP dans le SCEQE ne nuise pas à l’intégrité environnementale et économique du marché et permette de soutenir le développement des PMA, doivent cependant faire face aux nombreuses incertitudes entourant l’avenir du MDP. B. Les incertitudes entourant le MDP et la REC, une menace pour l’efficacité économique et environnementale du SCEQE ? 1.Quel avenir pour le MDP ? Le futur du Mécanisme pour un Développement Propre reste sujet à de nombreuses interrogations. Ayant été créé par le protocole de Kyoto, son évolution est intimement liée à celle du protocole. La période d’engagement des Etats parties au protocole ne s’étalait que 199 Definition of Least Developed Countries in the context of Article 11a(4) of Directive 2009/29/EC of the European Parliament and of the Council of 23 April 2009, amending Directive 2003/87/EC so as to improve and extend the greenhouse gas emission allowance trading scheme of the Community(O.J. L 140, 5.6.2009, p.77) [en ligne]. [page consultée le 19 juillet 2012]. <http:// ec.europa.eu/clima/policies/ets/linking/docs/def_ldc_en.pdf> 60 BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? de 2008 à 2012. La possibilité de réaliser des projets MDP au-delà de cette date a donc longtemps été incertaine. La première clarification a eu lieu en marge du sommet de Copenhague, en décembre 2009. Ce sommet concluait un processus de négociation entamé à Bali en 2007 pour s’accorder sur un traité international de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l’après 2012. Durant le sommet, un sous-groupe de 28 Etats a négocié un autre traité, intitulé « accord de Copenhague » dans lequel il indiquait que le Mécanisme pour un Développement Propre resterait opérationnel même sans traité international sur l’après 200 2012 . Seule une décision de la Conférence des Parties actant son arrêt pourrait le supprimer. La CCNUCC a pris acte de cet accord et en janvier 2010, 120 des 192 pays membres de la CCNUCC ont manifesté leur souhait de le signer. L’année suivante, à l’occasion de la Conférence de Cancun sur le changement climatique qui s’est déroulée fin 2010, la Conférence des Parties dresse la liste d’une série de réformes structurelles à conduire pour améliorer le fonctionnement du Mécanisme pour 201 un Développement Propre . La première d’entre elles consiste à rationaliser l’ensemble des procédures administratives, pour réduire les coûts et les délais de fonctionnement. La seconde a trait davantage à la qualité des projets acceptés. Il s’agit de standardiser les pratiques pour limiter les marges d’interprétation laissées aux institutions du MDP. Des formulaires sont créés avec une liste de critères précis auxquels doivent répondre les projets pour être validés et enregistrés, et les décisions sont prises en fonction de ces critères. La Conférence des Parties indique par exemple qu’il faut « définir plus clairement les critères auxquels les activités de projet doivent satisfaire pour pouvoir être inscrites dans un 202 programme d’activité. » Ces projets de réforme, d’une ampleur relativement importante, interviennent à peine deux ans avant la fin de la période d’engagement du protocole de Kyoto. Ils tendent à prouver que le MDP devrait continuer d’exister après 2012. L’avenir du MDP s’éclaircit un peu plus en décembre 2011, à l’occasion du sommet de Durban. La Conférence des Parties entérine la possibilité de reconduire le protocole de Kyoto pour une seconde période, entre 2012 et 2017 ou 2020. La mise en œuvre du protocole pour cette nouvelle période est cependant conditionnée à la ratification par un nombre suffisant d’Etats de la clause de reconduction. Dans l’attente, une disposition 203 transitoire a été prévue pour permettre aux Etats le souhaitant de continuer à se conformer au protocole de Kyoto dès le premier janvier 2013. La clause de reconduction comme la disposition transitoire devraient permettre au MDP de ne pas disparaître et aux REC de pouvoir être utilisées sans discontinuité entre la fin de la première période d’engagement et le début de la seconde. La conférence de Durban fait également référence aux améliorations souhaitées par la Conférence des Parties à l’occasion du sommet de Cancun, indiquant que des progrès ont été réalisés en matière de rationalisation et de standardisation des 200 201 ALBEROLA, Emilie & STEPHAN, Nicolas. Op. Cit.p. 34. Nations Unies - Conférence des Parties. Rapport de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto sur la sixième session, tenue à Cancun du 29 novembre au 10 décembre 2010. Additif. Deuxième partie : mesures prises par la Conférence des Parties agissant comme réunion des parties au Protocole de Kyoto à sa sixième session [en ligne]. 2011. 31 p. [page consultée le 20 juillet 2012]. <http://unfccc.int/resource/docs/2010/cmp6/fre/12a02f.pdf> 202 203 Ibid. p. 3. Vraisemblablement l’ensemble des Etats européens auxquels s’ajoutent l’Islande et la Norvège qui participent également au SCEQE, ainsi que l’Australie, la Suisse et la Nouvelle-Zélande. BRUN Benjamin 61 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés procédures en 2011 et que de nouvelles réformes dans ces domaines devraient suivre en 204 2012 . Même si la Conférence de Rio n’a pas abordé le thème du MDP, son avenir semble donc assuré, au moins jusqu’en 2017. Toutes les incertitudes entourant le MDP ne sont pas levées pour autant. La date jusqu’à laquelle le mécanisme restera fonctionnel, les possibilités réelles d’usage de REC au sein du SCEQE ou le niveau de la demande de REC à partir de 2013 constituent autant d’interrogations qui restent en suspens. Elles pourraient avoir des conséquences importantes sur le cours des crédits MDP. 2.Quel avenir pour le cours des REC ? a.De multiples incertitudes entourant les REC… Tout d’abord, certaines incertitudes persistent quant à l’avenir du MDP lui-même. En effet, la reconduction du protocole de Kyoto n’est pas arrêtée avec précision dans le temps, puisqu’elle peut s’opérer soit jusqu’en 2017, soit jusqu’en 2020. Par conséquent, les garanties relatives au futur du Mécanisme pour un Développement Propre ne sont que de court terme ; les acteurs du marché financier du carbone ne savent pas jusqu’à quand ils pourront utiliser leurs REC. Ensuite, il reste des incertitudes quant aux possibilités réelles pour les exploitants du SCEQE d’utiliser des REC en phase III. L’UE a certes pris un ensemble de mesures pour limiter cette incertitude, indiquant notamment que les REC éligibles en phase II pourraient être utilisées jusqu’au 31 mars 2015 (exceptées celles issues de projet HFC-23 et N2O) et 205 que l’ensemble des nouveaux REC devraient émaner des PMA . Cependant, la conclusion d’un accord international sur les gaz à effet de serre viendrait complètement changer les possibilités actuelles d’usage de REC, autorisant les exploitants à recourir bien davantage à ces crédits. Certains acteurs de marché ont soutenu que la reconduction du protocole de Kyoto pour une seconde période d’engagement constituait un accord international et que de fait, 206 les restrictions européennes relatives à l’usage des REC devaient être annulées . La 207 Commission a réfuté cette interprétation dans un document de janvier 2012 . Pour elle, la reconduction n’équivaut pas à la signature d’un accord international au sens de l’article 11a(7) de la directive 2009/29/CE pour deux raisons. D’abord, cet article fait référence à un accord « futur », valable pour l’après 2012, qui aurait dû faire suite à la quinzième réunion de la Conférence des Parties, tenue à Copenhague. La référence est donc faite à un nouveau traité, pas au maintien d’un accord passé. Surtout, seuls certains Etats volontaires continueront à se conformer aux obligations du protocole de Kyoto après 2012. En effet, l’adoption d’une seconde période d’engagement ne contraint ni les pays développés à réduire leurs rejets de gaz à effet de serre, ni les pays en développement les plus avancés 204 205 206 207 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 47. Voir supra. p. 75. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 25. Union Européenne - Commission. Questions and answers on the use of international credits in the third trading phase on the EU ETS. Additionnal questions and answers [en ligne]. janvier 2012, 1 p. [page consultée le 20 juillet 2012]. <http://ec.europa.eu/ clima/news/docs/additional_qa_06_01_2011_en.pdf> 62 BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? économiquement à contribuer adéquatement, à hauteur de leurs responsabilités et dans la limite de leurs capacités, à la réduction des émissions. En plus de refuser que la reconduction du protocole de Kyoto soit assimilée à un accord 208 international, la Commission a annoncé dans le même document que la signature d’un tel accord ne suspendrait pas toutes les restrictions qualitatives. Ainsi, pour les projets enregistrés à partir de 2013, ceux basés dans des PMA continueraient à être les seuls générant des REC acceptées au sein du SCEQE. De même, les crédits émis par des projets enregistrés avant 2012 ne pourraient pas non plus être utilisés au delà de la date butoir du 31 mars 2015 si les pays d’où ils proviennent ne ratifient pas l’accord international. Enfin, la Commission souligne que de nouvelles restrictions pourraient venir s’ajouter pour la troisième phase dans les années à venir, l’objectif de l’UE étant de limiter plutôt que d’élargir les possibilités d’utilisation de REC dans le SCEQE. Par conséquent, les détenteurs de REC n’ont aucune certitude sur leur capacité à les utiliser pour se conformer à leurs obligations européennes : ils ne peuvent ni anticiper la quantité précise de REC qu’ils pourront restituer pour compenser leurs émissions, ni savoir au préalable si les crédits qu’ils possèdent resteront utilisables après 2015. Les besoins réels des exploitations du SCEQE en REC pour la troisième phase constituent une autre source d’interrogation. Le premier facteur d’incertitude reste évidemment lié à la conclusion d’un accord international sur le changement climatique. Sans cet accord, Delbosc et al., dans le cadre d’une recherche menée pour la Caisse des Dépôts et Consignations, estiment que la demande effective de REC en provenance des exploitants 209 participant au SCEQE s’établirait aux alentours de 1330 millions de tonnes . Dans le cas 210 d’un accord, elle se porterait à plus de 1774 millions de tonnes . Par ailleurs, la demande réelle en phase III est incertaine du fait de la grande quantité de REC que les exploitations ont pu stocker en phase II, « profitant » des réductions d’émissions induites par la crise économique. Les termes des contrats d’achat de REC (ERPA) traduisent l’incertitude entourant ces crédits. En l’état, les installations du SCEQE devraient demeurer la principale source 211 de demande pour les crédits MDP en phase III . Les acheteurs de crédits MDP, sont en position de force dans la transaction, du fait des doutes relatifs au niveau futur de la demande européenne. Ils peuvent donc insérer de nombreuses clauses dans le contrat 212 pour se couvrir . Ainsi, ils font souvent en sorte d’être autorisés à annuler la vente si les REC qu’ils ont achetés ne sont plus utilisables pour eux, par exemple du fait de nouvelles 213 restrictions qualitatives au sein du SCEQE . Toutes ces incertitudes cumulées font de la REC un actif carbone beaucoup plus risqué que l’EUA. La REC étant en plus l’objet de restrictions quantitatives et qualitatives imposées par l’UE, il est plus sûr pour un exploitant européen de compenser ses émissions de gaz à 208 209 210 211 Ibid. DELBOSC, Anaïs et al. Op. Cit. p. 6. Ibid. BELLASSEN, Valentin, STEPHAN Nicolas & LEGUET Benoît. Y aura-t-il un prix de marché pour les CER et ERU dans deux ans ? [en ligne]. Point Climat, mai 2012, n°13, p. 1. [page consultée le 20 juillet 2012]. <http://www.cdcclimat.com/IMG// pdf/12-05_point_climat_no13_-_offre_demande_pour_cer_eru_dans_eu_ets.pdf> 212 213 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 49. Ibid. BRUN Benjamin 63 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés effet de serre par des EUA que par des crédits MDP. Le prix de l’actif REC, plus risqué et plus contraignant, est de fait moindre que celui de l’EUA. b.…qui se traduisent par une chute des cours Si les estimations du niveau de la demande européenne de REC pour la troisième phase sont difficiles, l’offre à court et moyen terme est plus facilement mesurable puisqu’elle correspond principalement aux délivrances de crédits issus de projets déjà enregistrés par le Conseil Exécutif du MDP. Au vu de l’offre estimée de REC, il est probable que la demande de ce crédit soit rapidement saturée. Selon la Caisse des Dépôts et Consignations, l’offre de 214 REC devrait ainsi atteindre 1600 millions de tonnes équivalent CO2 dès 2013 ou 2014 , puis continuer à croître de 300 millions de tonnes chaque année. Or, le chiffre de 1600 millions correspond déjà à la demande totale de REC estimée jusqu’en 2015 ; si aucun accord international n’est conclu, au maximum 1300 millions de tonnes équivalent CO2 de REC pourront être consommées par les installations européennes jusqu’en 2015, et les acheteurs de crédits MDP du reste du monde ne devraient pas contracter plus de 300 215 millions de tonnes supplémentaires jusqu’à cette date. L’offre est donc trop importante par rapport à la demande. A moyen terme, cette abondance d’offre devrait mettre une pression baissière sur le cours des crédits MDP, aboutissant in fine à une déconnexion des cours de l’EUA et de la REC puisque beaucoup d’entre elles ne pourront plus être utilisées par les participants du SCEQE. Pour l’année 2013, les projections n’indiquent pourtant pas une baisse des prix des REC. Ce paradoxe s’explique aussi par les restrictions imposées par l’UE sur les possibilités d’usage de crédits MDP : bien que l’offre soit importante, les prix pourraient monter du fait d’une forte demande en début de période, les installations souhaitant restituer des REC à concurrence de leur limitation tant qu’elles y sont encore autorisées. Le risque porté par les REC pourrait également ne pas être encore parfaitement intégré par certains entrepreneurs, 216 qui continueraient à les considérer comme un substitut aux EUA . Mais progressivement, les exploitants atteignant le seuil maximum de REC qu’ils peuvent utiliser et prenant conscience de la non-fongibilité prochaine des REC en EUA, la déconnexion entre les cours des deux actifs devrait se produire. Elle traduirait l’inutilité nouvelle de la REC pour les participants au SCEQE. Plusieurs indices tendent à prouver qu’elle a déjà commencé. D’abord, le différentiel de prix entre et les EUA et les REC a déjà triplé entre le printemps 2010 et la fin d’année 2011. Ensuite, sur la bourse ECX, le volume de REC vendu via des contrats à terme qui doivent être délivrés en décembre 2013 est deux 217 fois et demie moindre que celui de décembre 2012 . Troisièmement, pour les contrats à terme de crédits MDP, les acheteurs contraignent les vendeurs à céder leurs REC à coût 218 flottant . Ainsi, lorsque la délivrance des crédits est différée par rapport à la date de vente, le prix de vente correspond à celui des marchés au moment de la délivrance. Le choix des acheteurs de privilégier des prix flottants plutôt que des prix fixes reflète les projections pessimistes pour le cours futur de ces actifs. 214 215 BELLASSEN, Valentin, STEPHAN Nicolas & LEGUET Benoît. Op. Cit. p. 2. Ibid. p. 1. 216 217 218 64 Ibid. p. 3. Ibid. p. 4. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 51. BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? La déconnexion progressive entre les cours de l’EUA et de la REC constitue aujourd’hui une opportunité pour les exploitants du SCEQE qui peuvent réduire leur coût de mise en conformité au marché en spéculant sur un EUA-sCER spread croissant. Néanmoins, la possibilité de profiter du spread ne devrait être que temporaire. En effet, la dé-corrélation des prix de la REC et de l’EUA s’accompagne d’une déconnexion entre le cours des REC compatibles avec le SCEQE et ceux qui ne peuvent plus être utilisés par les installations pour compenser leurs émissions. Ainsi, le différentiel de prix entre les REC compatibles et non-compatibles avec le SCEQE a plus que quadruplé entre janvier 2011 et avril 2012 comme en témoigne le graphique ci-dessous (figure 6). Sur ce graphique, la courbe verte « spread green standard CER » représente le différentiel de prix croissant entre REC compatibles et non-compatibles au SCEQE. Figure : Evolution du différentiel de prix entre REC compatibles et non-compatibles avec le SCEQE Source : Banque Mondiale 219 Les astreintes qualitatives imposées par l’UE pour la phase III sont responsables du différentiel de prix entre ces deux types de REC. En limitant les REC pouvant être utilisées au sein du SCEQE, l’UE a modifié les déterminants du prix des deux types de REC : le prix des REC fongibles en EUA durant la troisième phase est pratiquement exclusivement lié au cours du quota européen, tandis que le prix des REC non-compatibles, probablement de moins en moins demandées par les installations du marché européen, devrait être de plus en plus déconnecté de celui des EUA. 219 Ibid. p. 38. BRUN Benjamin 65 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Par conséquent, la fixation de restrictions qualitatives plus strictes concernant les crédits MDP utilisables dans le SCEQE semble avoir un corollaire très intéressant pour l’efficacité économique et environnementale du marché. Elle permet d’empêcher les exploitants d’adopter des comportements opportunistes pour profiter de l’EUA-sCER spread. La phase III est pour l’instant sujette à de nombreuses incertitudes, concernant l’avenir du MDP, la quantité et le type de REC que les installations européennes pourront utiliser pour se conformer à leurs obligations européennes ou encore le niveau de la demande effective de crédits MDP par les participants au SCEQE. A cause de ces incertitudes, le cours de la REC devrait chuter plus ou moins rapidement à partir de 2013. Dans le même temps, une allocation moins généreuse d’EUA pourrait induire une hausse des cours du quota européen. Ainsi, l’EUA-sCER spread devrait s’accroître. Mais à l’inverse, le différentiel de prix entre EUA et REC compatibles avec le SCEQE de troisième période devrait se réduire progressivement jusqu’à disparaître presque complètement. Ainsi, les REC que les exploitants pourront utiliser comme substituts aux EUA auraient une valeur équivalente en matière de réduction d’émissions, mais aussi en termes de prix, ce qui n’était pas le cas précédemment. Si cette tendance se vérifie, un des vices principaux de l’intégration serait corrigé, la spéculation sur le spread n’étant plus possible. Ce bénéfice, permis par les restrictions qualitatives, s’ajouterait à ceux déjà évoqués 220 en matière économique, environnementale et de développement . Ainsi, les nouvelles mesures prises par l’UE pour restreindre qualitativement et quantitativement les REC en circulation au sein du SCEQE sont porteuses d’espoir. Mais en limitant toujours plus les possibilités d’usage de REC, elles ont un impact direct sur le MDP lui-même. Si dans une certaine mesure, elles lui ouvrent la voie pour qu’il s’améliore, elles peuvent également menacer son intégrité, voire son existence. Ici réside tout le problème de la liaison : alors qu’une intégration très parcimonieuse du MDP dans le SCEQE est nécessaire pour ne pas nuire à l’intégrité économique et environnementale du marché, une intégration trop limitée affecte le bon fonctionnement du MDP et plus largement, l’ensemble des marchés de droit à polluer. C. Lier MDP et SCEQE : une nécessité pour s’orienter vers le « capitalisme climatique ? » 221 1.L’influence contrastée de l’UE sur le MDP a.L’UE, un moteur de transformation pour le MDP En imposant une série de restrictions qualitatives et quantitatives concernant les possibilités d’usage de REC dans le SCEQE, l’Union Européenne montre son insatisfaction face au fonctionnement du mécanisme de flexibilité. Elle l’exprime d’ailleurs à plusieurs reprises. Sur son site internet, la Commission plaide par exemple en faveur d’une réforme considérable 220 221 Voir supra p. 80. NEWELL, Peter & PATERSON, Matthew. Climat et capitalisme, réchauffement climatique et transformation de l’économie mondiale. Bruxelles : De Boeck, 2011. 224 p. 66 BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? 222 du MDP au niveau de la CCNUCC, afin d’améliorer son intégrité environnementale . Dans 223 une communication préparatoire au sommet de Copenhague , elle souhaite que le MDP suive le chemin tracé par l’UE, en adoptant les mêmes restrictions. Elle indique ainsi : Le mécanisme pour un développement propre (MDP) continuera à être appliqué après 2012, mais devra être modifié pour que son intégrité environnementale, son efficacité, son efficience et sa gouvernance puissent être améliorées. Au fil du 224 temps, il devrait être de plus en plus centré sur les pays les moins avancés . Dans une certaine mesure, ces appels européens ont été entendus par les parties à la CCNUCC. Le MDP a commencé à prendre des mesures allant dans le sens de celles inscrites dans la directive 2009/29/CE. Ainsi, une clause de la décision 3/CMP.6, prise à l’occasion de la réunion de la Conférence des Parties fin 2010 à Cancun, favorise la réalisation de projets MDP dans les PMA. Un développeur de projet peut demander un prêt pour financer une nouvelle activité. Le prêt n’est attribué qu’à certaines conditions, 225 listées dans l’appendice I de la décision 3/CMP.6 . Parmi ces conditions, la Conférence des Parties indique que le pays dans lequel le projet doit être mis en place ne peut pas 226 déjà accueillir plus de dix autres projets enregistrés par le Conseil Exécutif . Or, la plupart des pays « oubliés » par les développeurs de projet comptent parmi les plus pauvres de la planète et sont donc recensés comme PMA. Une autre condition fixée par la Conférence des Parties concerne le niveau de réduction d’émissions que doit permettre le projet pour obtenir un prêt : s’il est réalisé dans un pays non enregistré comme PMA (bien que ce pays compte moins de dix projets MDP sur son territoire), il doit permettre de réduire les émissions d’au moins 15 000 tonnes équivalent CO2 chaque année. S’il est mis en œuvre 227 dans un PMA, ce seuil est divisé par deux . Le plan de prêt visant à favoriser la création de projets dans les PMA, évoqué à Cancun, a ensuite été élaboré précisément à l’occasion 228 du forum africain du carbone d’Addis-Abeba en avril 2012 . En revanche, les institutions du MDP n’ont imposé aucune restriction relative aux possibilités d’usage de REC issus de projets HFC-23, N2O, hydroélectriques, de boisement ou de reboisement. Mais indirectement, les restrictions européennes impactent quand même la structure des projets réalisés. 222 La Banque Mondiale constate par exemple que le volume de crédits forestiers a baissé à partir du milieu des années 2000. Elle attribue cette baisse à une demande moindre Union Européenne - Commission. Linking the EU ETS to other Emissions Trading Systems and use of international credits [en ligne]. Bruxelles, Europa, 2010. [page consultée le 21 juillet 2012]. <http://ec.europa.eu/clima/policies/ets/linking/index_en.htm> 223 Union Européenne - Commission. Communication de la commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Economique et Social Européen et au Comité des Régions ; politique internationale en matière de climat après copenhague : agir maintenant pour redynamiser l'action mondiale contre le changement climatique [en ligne]. COM (2010) 86 final, 9 mars 2003, 14 p. [page consultée le 21 juillet 2012]. <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0086:FIN:FR:PDF> 224 225 Ibid. p. 14. Nations Unies - Conférence des Parties. Rapport de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto sur la sixième session, tenue à Cancun du 29 novembre au 10 décembre 2010. Additif. Deuxième partie : mesures prises par la Conférence des Parties agissant comme réunion des parties au Protocole de Kyoto à sa sixième session. Op. Cit. p. 20. 226 227 228 Ibid. Ibid. Nations Unies - Secrétariat sur les changements climatiques. Press Release: New loan scheme launched to boost CDM projects in least developed countries [en ligne]. 2012, 2 p. [page consultée le 21 juillet 2012]. <http://cdm.unfccc.int/press/releases/2012_08.pdf> BRUN Benjamin 67 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés des installations européennes, qui ne peuvent utiliser ces crédits pour compenser leurs émissions (ce dès la première phase du marché), mais aussi à une diminution de la 229 demande provenant des autres acteurs du marché carbone . Ceux-ci sont plus prudents à l’égard des crédits forestiers, sachant qu’ils ne pourront ensuite pas les revendre aux exploitants du SCEQE. Dans la même veine, la proportion de REC issues de projets HFC-23 ou N2O a largement diminué depuis la directive 2009/29/CE interdisant aux exploitants européens d’utiliser ces crédits. Ces projets se sont surtout développés entre 2005 et 2008. Entre 2005 et 2007, les projets HFC-23 avaient déjà permis de réduire de 400 MteCO2 les émissions 230 de gaz à effet de serre . Entre 2005 et mai 2008, les projets N2O étaient pour leur part 231 responsables de 200 MteCO2 de réduction d’émissions . Le nombre de projets visant à réduire le volume de ces deux gaz rejeté dans l’atmosphère a ensuite diminué après 2008. Cette diminution s’explique en bonne partie par le fait qu’entre 2005 et 2008, la plupart des entreprises produisant de l’acide adipique ou du chlorodifluorométhane s’étaient déjà constituées hôte d’un projet MDP pour réduire leurs émissions de N2O et d’HFC-23. De fait, les possibilités d’en lancer de nouveaux sont plus réduites après 2008. Mais la baisse du nombre de projets réalisés pourrait également être la conséquence de la baisse de la demande de REC en émanant, les exploitants européens ne pouvant plus les utiliser pour compenser leurs émissions. Indirectement, les restrictions européennes limitent donc la réalisation de projets à l’intégrité environnementale très controversée. De même, les nouvelles dispositions prises par l’UE semblent déjà avoir eu une incidence sur la répartition géographique des projets MDP. La Chine reste le principal pays hébergeur de projet, puisque 43% des RECp vendus en 2011 pour l’après 2012 sur le marché en sont issues. Les autres pays asiatiques conservent également leur position, émettant pour leur part 25% du volume total de RECp en 2011. Néanmoins, l’Afrique connaît 232 une forte progression puisqu’elle est à l’origine de 21% des RECp post-2012 . Du fait de l’importance de la demande européenne dans le total de la demande mondiale de REC, la hausse du nombre de crédits MDP provenant d’Afrique est notamment liée au fait que seules les REC émanant de PMA seront éligibles en phase III. Par certains aspects, l’UE constitue donc un moteur direct ou indirect de transformation pour le MDP, l’incitant à accroitre son efficacité environnementale et à se tourner davantage vers les PMA. Mais elle peut simultanément menacer son avenir. b.L’UE, une menace pour l’avenir du MDP ? La menace pour le MDP provient essentiellement de la baisse programmée du prix des REC non-compatibles avec le SCEQE sur les marchés carbone, baisse intimement liée aux restrictions quantitatives et qualitatives imposées par l’UE. Comme l’explique la marketer CO2 d’Orbeo, investir dans un projet MDP n’est intéressant pour un développeur que s’il peut en tirer des revenus substantiels 229 230 231 232 233 68 233 . Ceci est généralement vrai lorsque le cours des Using Forest Carbon Credits in the Carbon Market: Focus on the European Emission Trading Scheme. Op. Cit. p. 1. ALBEROLA, Emilie & STEPHAN, Nicolas. Op. Cit. p. 33. Ibid. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 53. Voir supra. p. 61. BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? REC oscille autour de 15 Euros la tonne, pas lorsqu’il est inférieur à 3 Euros comme 234 c’est le cas aujourd’hui . De fait, le marché des RECp s’est beaucoup contracté. Fin 2010, les échanges de REC primaires constituaient moins d’1% du total des transactions 235 d’actifs carbone alors qu’elles en représentaient près du quart en 2005 . Les restrictions qualitatives imposées par l’Union Européenne aboutissent donc à une diminution du nombre de nouveaux projets MDP lancés. Au niveau des contrats d’achat de réduction d’émissions (ERPA), les quelques développeurs de projets qui détiennent les REC primaires les plus convoités, c’est-à-dire ceux issus de PMA et résultant de projets autorisés par l’UE, obtiennent des prix et des conditions de vente avantageux ; ils sont dominants dans la transaction qu’ils effectuent 236 avec un acheteur de REC compatibles au SCEQE . Mais à l’inverse, la baisse du cours des REC non-compatibles désavantage le développeur de projet qui est souvent contraint d’accepter des prix flottants et des contrats incluant des clauses spéciales, lui faisant supporter le risque lié aux REC au profit de l’acheteur. Cette position défavorable décourage encore davantage un investisseur à se lancer dans un projet MDP. La logique est la même pour le développement de projets dans les PMA. Les restrictions européennes sont à double tranchant. Elles poussent certains développeurs à investir dans ces pays. Mais dans beaucoup d’autres cas, les acheteurs de REC qui ne sont pas soumis au SCEQE privilégient l’achat de REC émanant de projets déjà existants, donc plus sûrs car émettant déjà des REC. Les acheteurs ont en plus déjà construit de bonnes relations commerciales avec le développeur dans les années précédentes et peuvent ainsi plus facilement négocier des contrats de vente de REC sur-mesure. Dans ce cas, si suffisamment de REC sont disponibles sur le marché, les restrictions européennes peuvent freiner le développement de nouveaux projets dans les PMA. En outre, l’interdiction européenne d’utiliser des REC venant de pays autres que les PMA pourrait avoir un effet pervers. Cette interdiction, applicable à partir de 2013, est connue par les acteurs du marché depuis la publication de la directive 2009/29/CE, le 5 juin 2009. Or, durant la troisième phase du SCEQE, les exploitants seront également autorisés à compenser leurs émissions avec des REC contractés avant 2013 et non utilisés en phase II, ces REC pouvant provenir de pays non listés comme PMA. Au moment où ils apprennent les nouvelles conditions d’usage des crédits MDP pour la phase III, les exploitants ont donc presque trois ans pour acheter l’intégralité des REC qu’ils pourront utiliser avant 2015, aux conditions avantageuses de la phase II. La hausse des volumes de REC post-2012 237 échangés depuis 2010 pourrait en partie refléter ce nouveau comportement opportuniste des installations. Bellassen, Stephan et Leguet estiment ainsi que la demande de REC des exploitants européens pour la troisième phase sera largement couverte d’ici 2013, et que par 238 conséquent, la restriction concernant les PMA n’aura qu’un très faible impact . Pire, elle pourrait même avoir un effet contraire à son objectif et nuire au développement de projets dans ces pays moins avancés. En effet, si la demande de REC compatibles au SCEQE est très faible après 2013, les développeurs de projet n’auront aucun intérêt à s’implanter dans 234 Ce mercredi 8 août, le cours des REC sur le marché spot à la clôture s’établit en moyenne à 2,87€ sur la bourse BlueNext. BlueNext [en ligne]. [page consultée le 9 août 2012]. <http://www.bluenext.eu/> 235 LINACRE, Nicholas, KOSSOY, Alexandre & AMBROSI, Philippe. Op. Cit.p. 48. 236 237 238 Ibid. p. 49. GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. p. 49. BELLASSEN, Valentin, STEPHAN, Nicolas & LEGUET, Benoît. Op. Cit. p. 5. BRUN Benjamin 69 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 239 des PMA. La hausse du nombre de projets enregistrés dans les PMA constatée en 2011 n’est donc peut être que temporaire. 2.La position délicate de l’Union Européenne a.Efficacité économique VS efficacité environnementale ? Les mesures prises par l’UE l’ont placée dans une position délicate par rapport au MDP. L’ambition première du SCEQE était de faire payer aux installations européennes leurs émissions de gaz à effet de serre. Sur le plan économique, intégrer le MDP au SCEQE devait entrainer une hausse de la liquidité sur le marché et permettre aux entreprises de réduire leur coût de mise en conformité sans pour autant abaisser le niveau de réduction d’émissions total, celles-ci étant effectuées dans d’autres pays en dehors de l’Europe. L’intégration devait en outre favoriser le transfert technologique et la « dé-carbonisation » des économies des pays du Sud. Dans une perspective libérale, pour que l’intégration soit efficiente, aucune barrière n’aurait dû être instaurée pour restreindre les possibilités d’usage de REC. Mais pour des raisons environnementales et de développement, l’UE a décidé de restreindre quantitativement et qualitativement les REC utilisables au sein de son marché. Il s’en est ensuivi d’importantes difficultés économiques. La réglementation européenne augmente le risque pesant sur les REC, REC et EUA n’étant pas parfaitement fongibles. De fait, durant les deux premières phases, elle a entrainé le développement de l’EUA-sCER spread et donc offert la possibilité aux installations soumises au SCEQE de spéculer sur le différentiel de prix. En phase III, la tendance pourrait s’inverser, les restrictions devenant tellement contraignantes qu’elles aboutissent à une déconnexion des cours entre REC compatibles et non-compatibles avec le SCEQE. Mais pour chacune des trois périodes, le marché ne fonctionne pas comme un marché traditionnel : les cours des actifs ne sont pas la conséquence de l’équilibre entre l’offre et la demande ; ils sont fonction de la réglementation en vigueur comme le déplore la marketer CO2 d’Orbeo. C’est tout le problème de ce marché. C’est un marché réglementaire, contrairement à tous les autres marchés. Dans un marché pétrole, dans un marché acier, or, c’est l’offre et la demande qui font le prix. Là, c’est la réglementation qui fait le prix, donc c’est très différent [...]. Dès qu’une réglementation nous concerne, le marché bouge. Or, les marchés carbone ont besoin de stabilité. Des signaux-prix de long terme sont indispensables pour déployer des technologies propres, non-viables sans incitatif économique, et pour en développer de nouvelles afin de s’orienter vers une société 240 faiblement consommatrice en carbone . La Phase III du SCEQE a notamment pour but d’offrir un signal prix plus fort et plus stable aux participants du marché, du fait de la durée du cycle et de la mise aux enchères progressive des quotas. Mais les doutes concernant les possibilités d’usage de REC en phase III (doutes à la fois liés à la conclusion potentielle d’un accord international sur le changement climatique et à la possibilité annoncée par l’UE de mettre en place de nouvelles restrictions qualitatives venant compléter celles déjà existantes) créent de l’incertitude pour les installations soumises au SCEQE comme pour l’ensemble des acteurs des marchés carbone. 239 240 70 Voir supra. p. 94. LINACRE, Nicholas, KOSSOY, Alexandre & AMBROSI, Philippe. Op. Cit.p. 57. BRUN Benjamin III. Quel avenir pour le MDP au sein du SCEQE ? Par conséquent, dans l’approche internationale actuelle où la dé-carbonisation de 241 l’économie mondiale passerait par un « capitalisme climatique », c’est-à-dire par l’utilisation des instruments du capitalisme, notamment le marché, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’Union Européenne se retrouve face à un dilemme : comment prendre des mesures pour que les projets MDP autorisés au sein du SCEQE soient réellement efficaces en matière environnementale et de développement, sans pour autant créer de l’incertitude sur les marchés et ex post menacer la survie du MDP, un mécanisme qui, même s’il souffre de nombreuses lacunes, reste novateur et prometteur pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale ? La solution pourrait résider dans la séparation du MDP et du SCEQE ; l’UE interdirait totalement l’usage de REC sur son marché et de facto, n’influerait plus sur les cours du crédit. Mais une telle mesure, potentiellement bénéfique au niveau économique, aurait de graves conséquences environnementales dans le sens où elle désolidariserait l’Europe du reste du monde dans les moyens mis en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. b.Le MDP, l’avenir du SCEQE ? Les problèmes induits par les émissions de gaz à effet de serres étant systémiques, la réponse apportée par la communauté internationale sera d’autant plus efficace qu’elle sera globale et liera un maximum d’acteurs. Le protocole de Kyoto prévoyait la création de trois mécanismes de flexibilité pour réduire les émissions : la Mise en Œuvre Conjointe, le Mécanisme pour un Développement Propre, mais aussi un marché international 242 « d’échange de droits d’émission », mentionné à l’article 17 , qui ambitionnait précisément de lier l’ensemble des pays développés dans leurs objectifs de réductions d’émissions. Ce marché international n’a jamais pu voir le jour, faute d’accord entre l’ensemble des pays parties au protocole. Il n’a connu que des applications régionales. Le SCEQE en est une émanation, mais d’autres marchés de droits de ce type ont été créés au Japon, en NouvelleZélande, ou encore en Californie. Aujourd’hui, il paraît très peu probable qu’un marché international d’échange de droits d’émission soit créé prochainement, certains des plus gros pollueurs de la planète refusant 243 toujours de s’engager sur des objectifs de réduction chiffrés . Mais des projets pour lier les différents marchés de droits à polluer existants sont à l’étude. Une telle liaison n’aboutirait certes pas à la création d’un système d’échange global, mais créerait tout de même un marché international entre les différents Etats ayant mis en place ce type de marché. Cette liaison permettrait d’accroitre la liquidité sur les marchés carbone, de réduire considérablement le coût de fonctionnement de chaque marché et de rendre solidaires 244 les différents Etats participant au système d’échange international de droits d’émissions . Un tel marché international est supposé offrir une efficacité environnementale supérieure à celle de la somme des marchés régionaux et nationaux, le plafond d’émission pouvant être harmonisé à plus grande échelle et ainsi permettre la fixation d’objectifs de réductions 245 d’émissions davantage compatibles avec l’ambition de limiter à +2°C la hausse des températures d’ici à 2100. 241 242 NEWELL, Peter & PATERSON, Matthew. Op Cit. p. 115. Nations Unies. Protocole de Kyoto à la convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques. Op. Cit. p. 17. 243 244 245 Les Etats-Unis n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto, le Canada s’en est retiré en 2011. LINACRE, Nicholas, KOSSOY, Alexandre & AMBROSI, Philippe. Op. Cit.p. 37. L’objectif de limiter à +2°C d’ici 2100 la hausse moyenne des températures de la Terre a été entériné lors de la Conférence de Copenhague de 2009. BRUN Benjamin 71 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés La liaison s’opérerait par l’acceptation d’un même quota dans les différents marchés 246 nationaux ou régionaux. Dans les considérants 40 et 42 de la directive 2009/29/CE , l’Union Européenne prévoit la mise en place de ce type de mécanisme pour lier son SCEQE avec d’autres systèmes d’échange de droits d’émissions. Cependant, la reconnaissance de quotas peut être différente selon que la liaison entre les marchés est directe ou 247 indirecte . Dans une liaison directe, chaque marché reconnaîtrait l’ensemble des crédits échangés sur les autres marchés. Ce mode de liaison nécessiterait une réforme profonde de chaque système d’échange de droits d’émissions puisque de multiples actifs carbones différents pourraient circuler au sein d’un même marché. En outre, les cours de ces actifs pourraient évoluer différemment, créant ainsi d’importantes possibilités d’arbitrage pour les exploitations. Une autre solution consisterait à ne pas rendre utilisable l’ensemble des crédits dans chaque système, mais à créer une « monnaie commune », c’est-à-dire à rendre utilisable un seul crédit commun dans tous les marchés. La meilleure monnaie commune serait alors certainement la REC car il s’agit du crédit international le plus liquide sur les bourses 248 carbone aujourd’hui. En outre, si la Californie interdit pour l’instant son usage , elle est déjà acceptée (au moins partiellement) dans le système d’échange de droits d’émissions japonais, néo-zélandais et européen. Rendre son usage possible dans tous les systèmes d’échange pourrait donc se faire à un coût bien moindre que d’autoriser l’échange de l’ensemble des crédits sur l’ensemble des marchés. Si elle souhaite s’orienter vers un système international d’échange de droits d’émission, l’Union Européenne ne peut donc pas se permettre d’interdire totalement l’utilisation de la REC. Mais dans le même temps, utiliser une « monnaie commune » n’est envisageable que si elle est parfaitement fongible dans les différents marchés nationaux et régionaux et présente un prix stable sensiblement équivalent à celui des crédits échangés dans les différents systèmes d’échange. Se repose donc ici le dilemme auquel doit faire face l’Union Européenne. Si elle laisse pénétrer sur son marché, l’ensemble des REC émis, elle nuit à l’efficacité économique et environnementale du SCEQE. A l’inverse, si elle interdit l’usage des REC à l’efficacité environnementale incertaine ou à l’intérêt limité en matière de développement, elle favorise la chute des cours de la REC et la déconnexion entre prix des REC et prix des EUA. Dans ce second cas, utiliser la REC comme monnaie commune ne contribuerait qu’à ajouter de l’incertitude sur l’ensemble des systèmes d’échange et à faire baisser le cours des différents autres actifs carbone en circulation en leur sein. Cela empêcherait donc la fixation d’un signal prix de long terme indispensable pour inciter les participants aux marchés à investir dans des technologies propres. La rigueur européenne pourrait donc avoir des conséquences encore plus négatives qu’une politique laxiste. Pour autant, peut-elle renoncer à son ambition de préserver l’intégrité environnementale et économique du SCEQE ? 246 247 248 72 Directive 2009/29/CE. Op. Cit. Considérants (40) et (42). LINACRE, Nicholas, KOSSOY, Alexandre & AMBROSI, Philippe. Op. Cit . p. 36. Ibid. p. 31. BRUN Benjamin Conclusion générale Conclusion générale L’intégration du MDP dans le SCEQE procède d’un processus complexe. A l’origine, les conséquences espérées sont prometteuses. La liaison doit d’abord permettre aux installations du marché d’amoindrir leur coût de mise en conformité sans pour autant augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre, une partie de leurs réductions d’émissions étant effectuées dans les pays en développement. Ainsi, l’efficacité économique du marché serait améliorée et l’efficacité environnementale ne serait pas compromise. De plus, autoriser les exploitations européennes à restituer des REC en complément des EUA doit entrainer une forte hausse de la demande de crédits MDP et in fine une augmentationdu nombre de projets MDP réalisés. Or, ces projets sont conçus pour favoriser le transfert technologique vers les pays en développement ou les pays les moins avancés, et la dé-carbonisation de leur économie afin qu’ils s’engagent au plus vite sur la voie d’un développement durable. Dans les faits, les promesses de la liaison cèdent le pas aux difficultés de l’intégration. Une partie de ces difficultés provient des lacunes inhérentes au MDP. Pour mettre en œuvre un projet MDP, les développeurs doivent remplir de nombreuses conditions. Au niveau environnemental, ils sont notamment contraints de démontrer l’additionnalité de leur projet, c’est-à-dire de prouver que celui-ci aboutit à des réductions d’émissions qui n’auraient pas eu lieu sans sa réalisation. Au niveau social, ils sont tenus de consulter les parties prenantes locales et de prendre en compte leurs remarques. Mais les conditions imposées par les institutions du MDP présentent des failles et font l’objet d’un contrôle insuffisant, tant sur le plan environnemental que social, pour garantir la qualité des REC qu’ils génèrent. L’Union Européenne, consciente de ces faiblesses, a imposé des gardefous pour se prévaloir des problèmes du mécanisme de flexibilité. Elle a ainsi assorti la liaison d’astreintes quantitatives, notamment pour contraindre les Etats membres et par extension les installations implantées sur leur territoire à respecter l’obligation de supplémentarité. L’Union Européenne a également imposé des restrictions qualitatives, interdisant la pénétration sur son marché des REC issues de projets de boisement et de reboisement (projets LULUCF) comme de celles émanant de projets hydroélectriques ne respectant pas les conditions qu’elle a édictées. Ces restrictions sont censées préserver le SCEQE des crédits provenant de projets nuisibles pour l’environnement ou les populations locales, tout en limitant suffisamment la quantité de REC en circulation pour qu’elle n’entraine pas une chute des cours de l’EUA. En d’autres termes, les restrictions prises par l’UE doivent d’une part permettre de garantir l’efficacité environnementale et économique du SCEQE, d’autre part prémunir le marché des crédits qui résultent de projets n’apportant pas une aide au développement réellement bénéfique. Si les astreintes quantitatives et qualitatives ont été relativement efficaces pour parer aux failles du MDP, d’autres difficultés sont nées du processus d’intégration lui-même. Le manque d’harmonisation entre les Etats membres pour transposer au niveau national les 249 directives européennes a ainsi créé des distorsions de concurrence entre les installations européennes. Les problèmes relatifs à la comptabilisation des REC ont d’abord empêché leur usage au sein du SCEQE avant 2008, puis après cette date des manipulations 249 Notamment les directives 2003/87/CE et 2004/101/CE. BRUN Benjamin 73 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés comptables ont conduit au double usage d’une seule REC (une seule REC a été utilisée pour compenser plusieurs tonnes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre). Par ailleurs, en phase II, l’autorisation accordée aux exploitations de restituer des REC en complément ou en lieu et place des EUA a nui à la fixation d’un cap suffisamment faible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En effet, si le montant d’EUA alloué a diminué par rapport à la phase I, le nombre total de crédits restituable (c’est-à-dire le cumul de la quantité maximale de REC et d’EUA restituables) par les installations en phase II est supérieur à celui de la phase I. Ce dernier point constitue une menace majeure pour l’intégrité économique et par extension environnementale du SCEQE. La responsabilité de ces difficultés incombe à l’Union Européenne elle-même, qui dans un premier temps n’a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour parer aux difficultés induites par l’intégration. Mais après un période d’adaptation, des mesures spécifiques ont été adoptées et certains problèmes résolus. En matière comptable, l’UE a par exemple lié son Journal des Transaction Communautaire Indépendant (CITL) au Journal International des Transactions Internationales (ITL). De même, à partir de la phase III, le seuil d’usage maximum de REC pour les installations ne sera plus fixé par chaque Etat membre mais déterminé au niveau supranational par la Commission Européenne. Le principal point noir de l’intégration n’est cependant pas à mettre à l’actif de l’Union Européenne. Il résulte plutôt de l’opportunisme dont ont fait preuve les exploitants, qui ont vu dans la possibilité de restituer des REC le moyen de réduire considérablement leur coût de mise en conformité au SCEQE, en spéculant sur le différentiel de prix entre EUA et REC. Les premiers étant structurellement échangés à un prix plus élevé que les secondes, beaucoup d’exploitants ont en effet vendus leurs EUA pour acheter des REC, moins chères mais d’une valeur égale en matière de réduction d’émissions (un EUA et une REC permettant tous les deux de compenser une tonne d’équivalent CO2 rejetée dans l’atmosphère). Pour profiter pleinement de l’EUA-sCER spread, certaines entreprises ont même investi massivement dans des projets MDP et en ont tiré des profits substantiels. L’intégration du MDP au SCEQE permet donc aux exploitants de détourner le marché européen de sa finalité première. Le SCEQE est pensé comme un moyen d’internaliser le coût environnemental des productions émettrices de gaz à effet de serre en faisant payer les installations pollueuses qui doivent acheter des quotas. En outre, la quantité d’EUA distribuée doit être suffisamment faible pour que le cours de l’actif s’établisse à un niveau élevé et incite les entreprises à adopter un mode de production moins polluant, pour réduire leur coût de mise en conformité au marché. Mais grâce à la possibilité accordée aux exploitations d’utiliser des REC, la contrainte que le marché fait peser sur elles devient une opportunité financière ; au lieu de devoir faire face à un coût supplémentaire –important –, elles peuvent réduire dans des proportions très conséquentes ce coût, voire même générer un profit en participant à des projets MDP. En phase III, l’Union Européenne pourrait parvenir à annihiler la spéculation sur le différentiel de prix entre EUA et REC, grâce aux nouvelles restrictions quantitatives et qualitatives qu’elle a prises. Au niveau quantitatif, l’UE décide que pour la troisième phase, les installations ne pourront utiliser des REC qu’à concurrence de leur limitation de la seconde phase. Autrement dit, aucune REC supplémentaire ne pourra pénétrer le marché ; seuls les crédits MDP que les exploitations auraient pu utiliser en phase II mais qu’elles n’ont pas restitués pourront encore leur permettre de compenser leurs émissions en phase III. L’UE se réserve cependant le droit de rehausser le seuil de REC utilisables par les exploitants en cas de conclusion d’un accord international global sur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Mais en l’état, les restrictions quantitatives supplémentaires reflètent le souhait 74 BRUN Benjamin Conclusion générale européen d’éviter une nouvelle sur-allocation potentielle de crédits au sein du marché. Il s’agit donc de prendre de nouvelles mesures pour que l’intégration ne nuise pas à l’efficacité économique du SCEQE. Concernant les restrictions qualitatives, en plus de maintenir celles établies pour les deux premières phases, l’UE interdit l’usage des REC issues de projets HFC-23 et N2O et ceux provenant de projets réalisés dans des pays n’étant pas recensés comme PMA. Pour les projets HFC-23 et N2O, l’UE estime que leur intérêt pour l’environnement n’est pas démontré. Par ailleurs, comme beaucoup d’autres types de projets, ils sont pratiquement exclusivement réalisés dans les pays en développement à l’économie dynamique alors que le MDP devrait surtout bénéficier aux Pays les Moins Avancés, qui ont le plus besoin d’héberger des investissements étrangers et de profiter de transferts technologiques. L’interdiction d’utiliser des REC n’étant pas issues de PMA répond donc à un enjeu de développement, tandis que l’interdiction d’utiliser des crédits HFC-23 et N2O traduit surtout la volonté européenne de continuer à améliorer la liaison du MDP au SCEQE, pour qu’elle ne menace pas l’intégrité environnementale du marché. Indirectement, ces nouvelles restrictions quantitatives et qualitatives devraient empêcher les exploitants de spéculer sur l’EUA-sCER spread. En effet, la part de REC utilisable au sein du SCEQE devient tellement faible que le cours de ces crédits compatibles se déconnecte de celui des autres crédits MDP non compatibles avec le marché européen et donc moins demandés. Ex post, les analystes financiers prévoient donc un prix quasiment identique pour les EUA et les REC compatibles, tandis que les autres REC (non compatibles), dont l’avenir est très incertain puisque le futur du MDP lui-même reste flou, devraient connaître une chute de leur cours. Les restrictions quantitatives et qualitatives de la phase III sont assorties de nouvelles règles de fonctionnement pour le marché. Ainsi, de nouvelles exploitations participeront au SCEQE et toutes seront progressivement soumises à un système de mise aux enchères des EUA : au lieu de recevoir gratuitement un certain montant de quotas, les exploitants seront contraints d’acheter la totalité de ceux qu’ils devront restituer pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces nouvelles règles, comme les restrictions supplémentaires, traduisent la volonté de l’UE de faire progresser le SCEQE, le rendant plus contraignant pour améliorer son efficacité environnementale. Au final, il semble que durant les deux premières phases (2005-2007 et 2008-2012), l’efficacité économique et environnementale du marché a été altérée par la liaison du MDP au SCEQE. En outre, cette liaison n’a pas apporté tous les bénéfices espérés en matière d’aide au développement. Mais les nouvelles restrictions quantitatives et qualitatives adoptées en phase III, restrictions venant s’ajouter à celles déjà prises pour les deux premières périodes, semblent en mesure d’inverser la tendance. Ainsi, les astreintes qualitatives devraient empêcher la grande majorité des crédits n’apportant pas les garanties environnementales nécessaires, ou n’émanant pas des pays ayant le plus besoin d’une aide au développement, de pénétrer le marché. La portée des nouvelles limitations quantitatives demeure plus incertaine. La crise économique a permis aux installations de réaliser d’importants stocks d’EUA et de REC qui pourraient être responsables d’une nouvelle sur-allocation de crédits en phase III. Néanmoins, les nouvelles restrictions quantitatives, associées à la mise aux enchères progressive des quotas, traduisent la volonté de l’Union Européenne de réduire la quantité de crédits en circulation sur le SCEQE (donc de réduire le cap), afin d’en améliorer l’efficacité économique et environnementale et d’en faire un BRUN Benjamin 75 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés mécanisme réellement contraignant pour les entreprises. En résumé, pour la troisième phase, l’intégration du MDP dans le SCEQE est redevenue prometteuse. Mais un nouveau dilemme semble guetter l’Union Européenne. Les problèmes induits par l’intégration ont été résolus en réduisant drastiquement les possibilités d’usage de REC au sein du marché européen. De ce fait, la demande mondiale de REC devrait grandement décroitre, entrainant une chute des cours de l’actif comme du nombre de nouveaux projets réalisés. L’amélioration de l’intégration en Europe se fait donc au détriment de la pérennité du MDP dans le reste du monde. Certes, à lui-seul, le MDP ne constitue de toute façon pas une solution suffisante pour résoudre le problème du changement climatique, n’entrainant pas forcément une réduction des émissions au niveau global. Le MDP induit en effet des réductions d’émissions dans des pays en développement ou moins avancés qui ne sont pas soumis à une limitation dans leur rejet de gaz à effet de serre. Par conséquent, le volume d’émissions de pays (en développement) hébergeur(s) de projets peut tout à fait augmenter ; la réalisation de projets MDP permet simplement que ce volume augmente moins vite. Cependant, si les Etats parties à la CCNUCC continuent de voir dans l’avènement d’un 250 « capitalisme climatique » la solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le MDP semble avoir un rôle important à jouer, pour deux raisons essentielles. Il favorise d’abord la coopération entre pays développés et pays moins avancés, un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique. Il pourrait également permettre de lier les différents systèmes d’échange de quotas régionaux, aboutissant par extension à la réalisation d’un marché international de droits proche de celui envisagé par le protocole de Kyoto. L’Union Européenne peut donc difficilement sacrifier un des seuls mécanismes favorisant une approche mondiale pour faire face au problème systémique que pose le changement climatique. Mais elle peut tout aussi difficilement faire machine arrière ; la solution consistant à accepter au sein du SCEQE les REC générés par l’ensemble des projets MDP implique de renoncer à l’intégrité environnementale, économique et sociale du marché. Après les efforts fournis par l’UE pour réduire au maximum les difficultés produites par la liaison, cette hypothèse constitue un recul qui ne paraît pas plus envisageable pour l’UE. Le dilemme posé aujourd’hui par l’intégration du MDP dans le SCEQE est symptomatique. Il symbolise l’incapacité de la communauté internationale à s’accorder sur le degré d’effort à fournir pour s’engager efficacement dans la lutte contre le changement climatique. Face à l’impossibilité de mettre en place un marché de droits à polluer global, l’Union Européenne a décidé de créer son propre système d’échange de droits d’émissions. Comme le constate la mission d’information sur les marchés de quotas de gaz à effet de serre dans son rapport d’information en 2010 : « un marché de permis demeure 251 un mécanisme économique commandé par des intérêts financiers. » Les nouvelles réglementations adoptées pour la troisième phase du SCEQE montrent que l’Union a pris conscience de cette réalité et tente de ne pas faire rimer marché des droits à polluer avec faillite environnementale. Mais la Conférence des Parties n’a pas pris les mesures strictes réclamées par l’Europe pour restreindre les critères d’éligibilité des projets MDP. Pour préserver l’intégrité économique et environnementale de son marché, l’UE a donc été contrainte de renforcer les restrictions quantitatives et qualitatives sur les possibilités d’utilisation des REC au sein du SCEQE. 250 251 76 Voir supra. p. 103. France - Assemblée Nationale. Op. Cit. p. 62. BRUN Benjamin Conclusion générale L’Union Européenne est donc plus encline que la Conférence des Parties à restreindre les types de projets MDP réalisables. De ce manque d’harmonisation, toutes les parties impliquées semblent sortir perdantes. Le MDP est perdant, son existence étant menacée. Le SCEQE est perdant puisqu’en imposant toutes ces restrictions quantitatives et qualitatives sur les possibilités d’usage de REC, l’Europe renonce partiellement à son ambition d’intégrer le MDP au sein de son marché. L’hypothétique marché international des droits à polluer est perdant, la possibilité d’utiliser la REC comme « monnaie commune » étant limitée par les restrictions européennes. Les installations européennes sont perdantes, dans le sens où elles risquent de subir un désavantage concurrentiel par rapport à leurs homologues américaines ou asiatiques, qui pour beaucoup ne sont pas tenues de compenser leurs émissions où peuvent le faire à moindre coût, en utilisant des REC non compatibles. Enfin, l’environnement est perdant, la communauté internationale présentant une position divisée pour faire face à un problème systémique et global, le changement climatique. Mais le dilemme européen n’est pas insoluble. L’Union Européenne n’a simplement pas la capacité de le résoudre seule. Pour mettre fin au manque d’harmonisation, la solution pourrait consister à réformer le MDP au niveau mondial. La communauté européenne 252 a appelé de ses vœux cette révision à plusieurs reprises . La Conférence des Parties a d’ailleurs apporté quelques modifications mineures au mécanisme, par exemple pour encourager la réalisation de projets dans les PMA. Si pour l’heure, peu de signes permettent d’espérer une refonte profonde du MDP, l’Union Européenne fait subsister un espoir. De manière indirecte, elle a déjà favorisé plusieurs modifications dans la structure des projets : le volume de crédits forestiers, HFC-23 et N2O émis a ainsi diminué avec les restrictions européennes. A l’inverse, le nombre de projets enregistrés dans les PMA a augmenté depuis 2011. Par conséquent, l’Union Européenne, du fait de son poids sur le marché des REC, est peut être en train d’imposer de manière tacite ses critères d’éligibilité aux acteurs impliqués dans le MDP. Les Etats européens étant moins nombreux et défendant des positions moins antagonistes que ceux parties à la CCNUCC, l’Union Européenne semble de toute façon être davantage en mesure que la communauté internationale de prendre des réglementations contraignantes, à l’efficacité environnementale réelle. De fait, l’UE a certainement un rôle de meneur à jouer ; même si le laxisme international la place dans une situation délicate et nuit à la portée de ses propres mesures, elle peut être à l’origine de l’effet d’entrainement nécessaire pour forcer la communauté internationale à agir au plus vite. Dans cette perspective, l’UE n’a pas le choix pour résoudre son dilemme. Entre faire machine arrière ou maintenir ses nombreuses restrictions, au risque d’entrainer la disparition du MDP, seule la seconde option parait envisageable : mettre le MDP en péril est peut être le seul moyen d’impulser sa révision au niveau international. Le pari est certes risqué, mais il constitue probablement la seule solution pour que la communauté internationale use de ce mécanisme d’une manière plus raisonnée et réellement bénéfique pour l’environnement. 252 Voir supra. p. 90. 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En vertu de l’article 3 paragraphe 1 du protocole, les Etats mentionnés à l’Annexe B sont tenus de réduire d’au moins 5% leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 au cours de la période d’engagement 2008-2012. Autorité Nationale Désignée : institution du MDP mise en place par le pays hébergeur de projet. Elle a pour but de déterminer les critères de développement durable propre au pays. Elle exerce également un contrôle sur le processus d’approbation du projet. Conférence des Parties : Organe suprême de la CCNUCC. La Conférence se réunit une fois par an pour faire évoluer la Convention. Conseil Exécutif du MDP : Institution du MDP. Il supervise la mise en place des projets et est responsable de leur enregistrement. Il délivre également les REC générées par un projet à son développeur. Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) : accord international conclu en 1992 à l’occasion du sommet de la Terre de Rio pour lutter contre le changement climatique. Certified Emission Reduction (CER) : acronyme anglais de REC. Voir définition à « Réduction d’Emissions Certifiées » primary Certified Emission Reduction (pCER) : acronyme anglais de RECp. Secondary Certified Emission Reduction (sCER) : acronyme anglais de RECs. Emission Reduction Purchase Agreement (ERPA) : contrat conclu entre un acheteur et un vendeur de crédits carbone (EUA, URE, REC, etc.). Entités Opérationnelles Désignées : Institutions du MDP, notamment en charge de valider les projets MDP. European Union Emission Trading Scheme (EU ETS) : acronyme anglais de SCEQE. Voir définition à « Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission ». European Union Allowance (EUA) : quota alloué aux exploitations soumises au SCEQE pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. Une EUA permet de compenser l’émission d’une tonne équivalent CO2. Journal des Transactions Communautaire Indépendant (CITL) : Registre central de suivi des EUA au sein du SCEQE. Par extension, il contrôle également les REC et URE achetées ou vendues par une installation du marché européen. 88 BRUN Benjamin Annexes Journal des Transactions Internationales (ITL) : Registre central de suivi des différents crédits carbone créé par le protocole de Kyoto. Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) : ce mécanisme est créé par l’article 12 du protocole de Kyoto. Il permet à un Etat ou une exploitation d’un pays développé, listé dans l’Annexe I de la CCNUCC, de réaliser un projet dans un pays en développement afin que ce dernier réduise ses émissions de gaz à effet de serre. En échange de la réduction d’émissions permise par le projet, le développeur de projet obtient des REC qu’il peut vendre sur les bourses carbone. Si le développeur est une exploitation européenne soumise au SCEQE, elle peut également restituer ses REC pour compenser ses émissions de carbone. Mécanismes de flexibilité : Le protocole de Kyoto prévoyait la création de trois mécanismes de flexibilité pour que les pays industrialisés mentionnés à l’annexe B puissent se conformer à moindre coût à leurs obligations en matière de réduction d’émissions. Ces trois mécanismes sont la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) et le système international d’échange de droits d’émissions, respectivement définis par les articles 6, 12 et 17 du protocole. Mise en Œuvre Conjointe (MOC) : L’un des trois mécanismes de flexibilité créé par le protocole de Kyoto (article 6). Il fonctionne comme le MDP, mais au sein des pays développés. Project Design Document (PDD) : Documentrédigé par un développeur et présenté à l’Entité Opérationnelle Désignée et au Conseil Exécutif, afin d’obtenir respectivement la validation et l’enregistrement d’un projet MDP. Plan National d’Allocation de Quotas (PNAQ) : Document au sein duquel chaque Etat européen liste les installations soumises au SCEQE et le montant de quotas (EUA) alloué à chacune d’entres elles pour la première ou la seconde phase du SCEQE (2005-2007 ou 2008-2012). Protocole de Kyoto : Le protocole a été adopté à l’occasion de la troisième session de la Conférence des Parties, en décembre 1997. Le protocole est entré en vigueur en février 2005. Il contraint notamment les pays développés, mentionnés à l’annexe B, à réduire entre 2008 et 2012 leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5% par rapport à leur niveau d’émissions de 1990. Les pays en développement ne sont soumis à aucune restriction en matière d’émissions. Néanmoins, ils peuvent héberger des projets MDP pour les réduire. Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission (SCEQE) : Le SCEQE a été lancé le premier janvier 2005. Il constitue l’un des piliers de la politique européenne de lutte contre le changement climatique. Il s’agit pour les Etats de faire participer les principaux pollueurs nationaux (essentiellement les entreprises) à l’effort national de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, chaque Etat soumet une partie de ses exploitations domestiques au SCEQE ; il leur attribue un montant de quotas, correspondant à la quantité maximale de gaz à effet de serre que ces exploitations peuvent émettre. Si les exploitations dépassent ce seuil, elles doivent acheter des quotas supplémentaires, à concurrence de leur niveau d’émissions, à d’autres exploitations qui n’ont pas utilisé l’intégralité de leurs quotas. Pour compenser leurs émissions, les installations soumises au SCEQE peuvent utiliser des EUA (les quotas européens), mais aussi des REC. Le marché se décompose en trois phases : 2005-2007, 2008-2012 et 2013-2020. BRUN Benjamin 89 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Réduction d’Emissions Certifiées (REC) : crédits carbone distribués aux développeurs de projets MDP en échange des réductions d’émissions induites par ces projets. Une REC permet de compenser l’émission d’une tonne équivalent CO2. Réduction primaire d’Emissions Certifiées (RECp) :nom donné aux REC échangés sur le marché primaire. RECs : Réduction secondaire d’Emission Certifiées (RECs) : nom donné aux REC échangés en bourse sur le marché secondaire. Transaction primaire (de REC) : Il s’agit de la vente de tout ou partie de ses REC par un développeur de projet. La vente peut par exemple être effectuée à destination d’une installation soumise au SCEQE. Transaction secondaire (de REC) : Dans le cas d’une transaction secondaire, ni l’acheteur ni le vendeur ne sont à l’origine de l’émission des REC. Un développeur de projet a préalablement vendu ses REC à un acheteur (transaction primaire). Dans le cadre d’une transaction secondaire, cet acheteur devient vendeur et échange ses REC contractées au préalable à un nouvel acheteur. Unité de Réduction des Emissions (URE) : crédits carbone distribués aux développeurs de projets MOC en échange des réductions d’émissions induites par ces projets. Annexe 2 - Marchés de REC et d’URE : des volumes d’échange très différents La quantité de REC émise est supérieure à celle d’URE. La tendance est la même pour les volumes de REC et d’URE échangés sur les marchés. Les deux premières figures présentent respectivement le volume de REC émis par l’ensemble des projets MDP et le volume d’URE engendré par les projets MOC. Pour la REC, entre 2008 et 2011, ce volume oscille entre 120 et 140 millions de tonnes, avec un pic à plus de 300 millions de tonnes pour l’année 2011. Pour l’URE en revanche, ce volume est extrêmement faible jusqu’à mi-2011, puis connaît une croissance forte. Il reste cependant plus de deux fois et demi inférieur au volume de REC émis. Figure : Volume de REC émis depuis 2005 par l'ensemble des projets MDP 90 BRUN Benjamin Annexes Source : Banque Mondiale 253 Figure : volume d'URE émis depuis 2009 par l’ensemble des projets MOC 253 GUIGON, Pierre & KOSSOY, Alexandre. Op. Cit. 2011. BRUN Benjamin 91 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés Source : Banque Mondiale 254 . La tendance est la même concernant les volumes d’échange : le nombre de REC échangé est bien supérieur à celui d’URE. Le graphique ci-dessous indique, respectivement avec les courbes pleines bleues et en vertes, ces deux volumes. Figure : volumes (d'EUA,) de REC et d'ERU échangés sur les marchés 254 92 Ibid. p. 60. BRUN Benjamin Annexes source : Banque mondiale 255 Annexe 3 - Passages essentiels de l’entretien avec la « marketer CO2 » d’Orbeo Entretien réalisé par téléphone le 20 juin 2012 : Question : Comment la réalisation de projets MDP permet-elle à l'entreprise de se mettre en conformité avec les exigences européennes de restriction de gaz à effet de serre ? Réponse de la marketer CO 2 : Alors il faut noter que ce sont des grands projets, par exemple au Brésil et un autre en Corée. C’est des projets qui ont commencé au tout début de la période de l’EU ETS. La finalité de ces projets est la réduction des gaz adipiques. C’est une méthodologie qui a été validée par l’ONU, puisqu’on est dépendant de l’ONU pour ces projets, et qui a été appliquée. Tout simplement. Donc, quand vous constituez un dossier, vous faites un énorme dossier qu’on appelle PDD qui est validé par l’ONU et l’ONU va bien vérifier qu’il y ait eu réduction du gaz concerné. Ca donnera le droit chaque année à un certain volume qui est défini en amont dans le PDD, de CER qui en sont issus. […] Les 2 projets principaux de Rhodia en Corée et au Brésil sont des projets qui en phase 3 ne vont plus permettre de générer de crédits ? Exactement. L’ONU est okay. On aura toujours cette manne de CER. Mais on ne pourra plus l’utiliser dans l’EU ETS. Mais on pourra en vendre à d’autres acteurs, comme le Japon par exemple, qui a ratifié le protocole de Kyoto. Mais on ne pourra plus s’en servir pour la « compliance » EU ETS. On ne pourra plus s’en servir car ce sont des projets HFC et N2O. Pour l’ensemble de L’UE, ces projets représentaient 70% des crédits. Allez-vous mettre en œuvre de nouveaux projets pour compenser ce manque à gagner de crédits ? Ecoutez, alors je ne vais pas entrer dans la stratégie de notre société, bien évidemment, c’est des choses dont on ne parle pas. Mais il y a un marché, Orbeo c’est une filiale à 100% de Rhodia Energy. On est dédié au CO2, donc on a un portefeuille propre avec un certain nombre de CER. Donc voilà. On a ces CER qui en effet ne sont plus éligibles, mais on a Orbeo qui ne travaille pas que sur le CO2. Donc évidemment, on a d’autres sources. Quel lien y a-t-il entre les CER et les EUA ? Une conversion est-elle opérée entre les deux actifs ? Il n’y a pas de conversion. Ce sont deux monnaies qui vivent. Il n’y a pas de conversion, pas d’annulation. C’est vraiment deux types de monnaie. Avec une monnaie EUA qui est autour de – combien ? on a bien monté - on est autour de 7,55€ disons, et une monnaie CER qui est autour de 3,80€. C’est juste qu’il y a un différentiel de prix puisqu’évidemment les CER sont plus risqués car dépendent de projets alors que les EUA sont générés. Si vous voulez, ce n’est pas parce que vous avez des CER que ça annule vos EUA. Ca n’a rien à voir. Ce sont deux monnaies qui vivent ensemble, avec pour chaque industriel soumis au PNAQ une possibilité chaque année de restituer le montant pollué – vous êtes d’accord ? – 255 Ibid. p. 18. BRUN Benjamin 93 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés et sur ce montant total, il a un certain droit d’import de CER, une certaine capacité à restituer des CER. Ce qui signifie que par exemple pour la France, les industriels peuvent restituer jusqu’à 13% de leur allocation en CER, puisque ça coute moins cher. Donc il n’y a pas de conversion directe qui est opérée ? Aucune conversion directe. Ce sont deux monnaies dont on peut se servir avec évidemment un fort intérêt à utiliser à 100% de sa capacité d’import puisque le prix du CER est inférieur au prix de l’EUA. Comme ce sont deux marchés différents, pouvez-vous profiter du différentiel de prix pour vendre des EUA et acheter des CER ? Evidemment, ça fait partie des opérations de marché. Ca s’appelle des swap = échanger les 2 monnaies. Vente des EUA et achat de CER. En effet. […] Pour vous, quels seront les conséquences des changements de réglementation de la phase III ? C’est déjà dans les textes, il y aura beaucoup moins de possibilités d’import de CER. Ce qui s’explique aussi par le fait que les règles d’éligibilités pour le MDP vont être assez strictes maintenant. Un certain nombre de pays ne pourront plus recevoir de projets MDP. Alors à noter qu’il y a quand même beaucoup de volume des projets des années précédentes qui vont continuer à émettre. Mais aujourd’hui, pour monter un projet, c’est plus difficile car seulement un certain nombre de pays et un certain type de projets restent éligibles. Donc on réduit le stock de possibilités de projets MDP. Malgré la capacité d’import diminuant, on n’arrive pas à faire un short dans le marché, il y aura toujours assez de CER. Malgré les incertitudes sur l’avenir du MDP ? Tout à fait. Ca veut dire que le MDP pour l’instant, est viable… En fait, si vous voulez, ce sont deux schémas qui se substituent. D’un côté EU ETS, c’est-à-dire le marché européen avec les crédits qu’on a mis en place, les EUA. De l’autre côté, les projets MDP. Les projets MDP dépendent de Kyoto. Kyoto n’a pas été ratifié par l’ensemble des pays, notamment les Etats-Unis. Et il faut bien comprendre que Kyoto se termine en 2015. Nous, on va jusqu’en 2020 avec l’EU ETS, mais l’EU ETS se sert d’un mécanisme de Kyoto donc il y a des incertitudes. De toute façon on est dans un marché réglementaire. C’est le problème de ce marché. C’est un marché réglementaire, contrairement à tous les autres marchés. Dans un marché pétrole, dans un marché acier, or, c’est l’offre et la demande qui font le prix. Là, c’est la réglementation qui fait le prix, donc c’est très différent. On vient d’avoir un saut dans le marché puisque Bruxelles a annoncé qu’il y aurait des mises aux enchères pour la phase III. Bruxelles a annoncé qu’un certain nombre de volumes d’enchères serait annulé en début de phase III et remis en fin de phase de III. Donc vous comprenez bien qu’il y aura moins d’EUA injectés dans le marché dans les premières années. Donc ça a permis un rebond de l’EUA, et du CER d’ailleurs. On était à 6,50 Euros on est passé à 7,50 Euros à peu près. Mais c’est vrai que dès qu’une réglementation nous concerne, le marché bouge. Maintenant, on est sur des prix très très faibles. On est en pleine crise, les industriels polluent moins. Aujourd’hui, on est sur un marché qui a peu de liquidités et qui marche difficilement. […] Est-ce qu’il y a une politique de Rhodia qui vise à lancer des projets dans les PMA ? Il faut comprendre quelque chose. Quand le marché a commencé, le prix du CER était au dessus de quinze Euros. Aujourd’hui, on est à trois Euros. Mettre en place des projets, 94 BRUN Benjamin Annexes c’est vraiment amener une technologie, c’est vraiment des projets qui coûtent beaucoup d’argent. En général, c’est un consortium d’industriels qui y va et ensuite on réparti. Vous comprenez bien qu’à 3 Euros… Ajourd’hui, mettre en place des projets MDP est très compliqué, le marché est trop bas en termes de valorisation. Vous ne pouvez pas injecter 40 millions pour récupérer 100 000 Euros. C’est un arbitrage. […] Est-ce que l’EU ETS a créé un réel incitatif a changé le mode de production de Rhodia ? Non Non Non Non (rires). On est dans un monde merveilleux ou tout le monde… mais non. L’EU ETS c’était contre les industriels pour qu’ils polluent moins. On les a contraint en mettant des allocations qui n’étaient pas si short que ça, donc ce n’était pas si catastrophique que ça. En aucun cas c’est pour changer leur processus industriel, c’est pour les faire payer. C’est-à-dire que le choix était entre une taxe et un marché. Au lieu de faire une taxe, on a choisi le marché car il y a la flexibilité. On aurait mis une taxe à 20 Euros… à un moment le marché était au dessus de l’EUA : c’était à 30 Euros aujourd’hui c’est à 7 Euros. Donc on leur a permis ce système de flexibilité. En aucun cas c’est pour transformer le processus industriel, en aucun cas. Oui en effet, certains industriels ont beaucoup profité de ces mannes de CER qu’ils venaient gratuitement valoriser. Vous imaginez bien que quand on est à 20 Euros la tonne et que vous recevez 10 millions de CER par an, ça peut être intéressant à la revente. Mais il faut un petit peu sortir de l’image parfaite où on est tous dans un monde écolo. Ce n’est pas vrai. Un marché financier, on fait de l’argent dessus. Les industriels essaient de diminuer le plus possible leurs pertes et d’optimiser leurs gains, de se couvrir le plus possible par rapport au risque carbone. Alors après évidemment, on a quand même des projets HFC et adipiques, ce sont des beaux projets qui ont été mis en place. Mais le but de l’EU ETS ce n’était pas du tout de changer le process industriel. Annexe 4 - Directive 2004/101/CE liant le MDP au SCEQE BRUN Benjamin 95 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 96 BRUN Benjamin Annexes BRUN Benjamin 97 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 98 BRUN Benjamin Annexes BRUN Benjamin 99 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés 100 BRUN Benjamin Annexes Mots clés CCNUCC, changement climatique, crédits carbone, droits à polluer, environnement, Kyoto, marché, marché européen des droits à polluer, Mécanisme pour un Développement Propre (MDP), Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission (SCEQE). Résumé Le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP), mécanisme de flexibilité créé par le protocole de Kyoto, a été intégré au marché européen des droits à polluer (SCEQE) BRUN Benjamin 101 L’intégration du Mécanisme pour un Développement Propre dans le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission : entre promesses et difficultés en 2004. Pour que l’intégration ne nuise pas à l’intégrité économique et environnementale du SCEQE, l’UE s’est montrée précautionneuse. En phase I, elle a adopté une série de restrictions qualitatives et quantitatives qu’elle a ensuite reconduites en phase II. Ces restrictions visaient à limiter les possibilités d’usage de crédits MDP au sein du SCEQE, afin de maximiser les avantages d’une intégration prometteuse et d’en réduire les risques. Malgré tout, des dérives se sont produites et la liaison, pensée comme un moyen d’améliorer l’efficacité économique et environnementale du SCEQE, a surtout été perçue par les installations du marché comme une opportunité financière, leur donnant la possibilité de spéculer sur le différentiel de prix entre crédits MDP et quotas européens. Finalement, les règles de l’intégration ont été révisées en 2009 pour restreindre encore davantage les possibilités d’utiliser des crédits MDP au cours de la troisième phase du marché. Mais alors que ces nouvelles restrictions permettront peut être de répondre aux difficultés induites par la liaison lors des deux premières périodes, elles pourraient constituer une menace pour le MDP et même pour l’ensemble de la finance carbone. 102 BRUN Benjamin