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Avant-propos
Mes recherches sur l’histoire des chemins de fer chinois de 1860 à 1914 m’ont amené
à consulter des milliers de pages d’archives du Quai d’Orsay et du Foreign Office où sont
conservés tous les rapports adressés par les ministres de France et d’Angleterre à Pékin
ou par les Consuls en Chine. Au fil de ces lectures, certains textes m’ont particulièrement
intéressé bien que sans lien direct avec mon travail. Ils reflétaient une situation, un
problème, un état d’esprit ; je les ai transcrits sans intention particulière. Les années
passant, il me semble que ces documents peuvent être intéressants pour d’autres que pour
moi : notamment pour de jeunes historiens n’ayant pas un accès direct aux Archives
françaises et anglaises. mais aussi pour tous ceux qui, s’ils veulent réellement comprendre
la Chine d’aujourd’hui, ont l’impératif besoin d’un minimum de connaissances sur la
Chine d’hier. Après les avoir relus, j’ai décidé de retenir un certain nombre de textes qui
me semblent significatifs, marquant l’évolution de la pensée de diplomates en poste en
Chine, les rivalités des puissances se disputant ou se partageant le marché chinois,
anticipant même un temps le partage de la Chine, prenant conscience de la montée du
sentiment national.
Ces documents illustrent parfaitement la politique des gouvernements anglais,
français, allemand, russe, belge de l’époque, imbus de leur supériorité économique et
militaire. Avec bientôt l’intrusion du Japon.Tantôt ils collaborent pour plus d’efficacité,
tantôt ils s’opposent parfois âprement. Après les deux guerres de l’opium, ils règlent par
l’emploi de la force et notamment des canonnières les conflits locaux nés notamment de
l’activité de certains missionnaires. Puis, conseillant vivement au gouvernement chinois
une série de réformes – le mot réforme revenant comme un leitmotiv dans beaucoup de
dépêches – ils tentent d’imposer la pénétration économique de la Chine dans laquelle ils
voient un vaste débouché pour leurs industries en même temps qu’un immense réservoir
de matières premières (charbon, minerais) A partir de 1895, ils évoquent crûment un
partage de la Chine similaire à ce qui a été fait en Afrique. La lecture des textes de cette
époque est sans ambiguïté ainsi Paul Claudel écrit-il « La Chine n’est pas comme la Turquie
un homme malade. C’est un cadavre prêt à être dépecé et qui s’offre de lui-même au
couteau ».
Mais ce que les puissances avaient toujours sous-estimé c’était la résistance de tout un
peuple révolté, résistance qui se traduisit par le raz de marée des Boxers. Après quoi, la
politique des puissances fut obligée de changer de visage : la pénétration se fit plus
insidieuse.
Ces documents sont répartis en deux séries, l’une plus générale, comprend les
documents français et anglais (ces derniers sur fond grisé) l’autre (pages 52 à 82) qui
montre de manière très concrète la mise en oeuvre de la politique par les diplomates
concerne la principale entreprise française en Chine : le chemin de fer Pékin – à
Hankou1.
Joseph Marchisio
1 Ces deux séries de documents peuvent être lues séparément, quelques textes particulièrement importants se
retrouvent dans chacune d’elles.