UNIVERSITE LYON 2 - Année Universitaire 2007-2008
Institut d'Etudes Politiques de Lyon -
L'art de communiquer sur l'art : quelle
place pour la critique dramatique ?
Estelle Limoge
Séminaire : Art, politique, management
soutenu le 4 septembre 2008
Sous la direction de Mme Papaefthymiou
Table des matières
Remerciements . . 4
I- L'adaptation de la production critique aux transformations politiques et médiatiques :
une réponse imposée par le système . . 9
A- Une politique culturelle inédite et ses répercussions dans l'espace médiatique : les
innovations du Théâtre National Populaire (TNP) . . 9
1- Communiquer avec le public : l'idéologie d'un créateur mise en pratique . . 10
2- Publicité, relations publiques : des productions structurantes de l'espace
médiatique . . 14
B- Pourquoi s'adapter : définition et enjeux de la production critique dans l'espace
médiatique . . 19
1- Les clefs de la diffusion : des paroles savantes aux feuilletons journalistiques . . 19
2- Les enjeux de la réception : le créateur et le public . . 23
C- Comment s'adapter : une production différenciée du texte critique . . 26
1- Presse spécialisée versus presse non spécialisée : les coûts de l'adaptation . . 27
2- Dépasser la différenciation : sur la voie de la distinction ? . . 31
II- L'art de communiquer avec les créateurs : une réponse garantie par les producteurs
critiques . . 36
A- Etre producteur : les enjeux de la distinction . . 36
1- A la recherche d'un statut : professionnalisation et outils symboliques . . 36
2- L'oeil d'expert : trouver sa place dans le débat public . . 40
B- Les ficelles du métier : travailler les outils de jugement . . 42
1- La critique normative : deux poids, deux mesures . . 43
2- Le Public, une entité vouée à l'arbitrage des juges . . 47
C- Producteurs critiques et créateurs : l'inévitable mariage de raison . . 50
1-Se reconnaître et croire en l'autre : les bases d'une relation durable . . 50
2- Les termes du contrat : garantir le dialogue et la valeur artistique de la création
. . 53
Bibliographie . . 59
Ouvrages . . 59
Articles . . 61
Littérature grise . . 61
Articles en ligne . . 61
Sitographie . . 61
Annexes . . 63
Résumé . . 64
Mots Clefs . . 64
L'art de communiquer sur l'art : quelle place pour la critique dramatique ?
4 LIMOGE Estelle_2008
Remerciements
Pour leur encadrement et leurs conseils, je souhaite tout d'abord remercier les professeurs de
l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon qui ont suivi l'élaboration de ce travail et ont aidé à son
aboutissement : Mme Papaefthymiou, qui a dirigé le séminaire Art, Politique Management et a
permis d'initier et d'orienter cette étude, M. Sanier, qui a contribué à donner des pistes de réflexion
utiles à la démarche.
Pour son accueil et sa disponibilité, je remercie le personnel de la Maison Jean Vilar, à
Avignon. En particulier Marie-Claude Billard, conservateur. La majeure partie des textes étudiés
provient en effet des archives de la Bibliothèque Nationale de France conservées à Avignon et
participe au processus fondateur de ce travail.
Je tiens particulièrement à remercier M. Daniel Limoge et Mlle Laurie Monziols pour leur
lecture attentionnée et leur qualité d'écoute. Ainsi que toutes les petites lueurs de l'ombre qui m'ont
encouragé, guidé, écouté : Etienne, Violaine, Solange...
« Entre le théâtre et sa critique, comme entre les spectacles et le public, il y a
place pour un dialogue prolongé et fécond, à condition, précisément, que, dans
ce dialogue, soit maintenue une certaine distance entre les uns et les autres, une
ouverture avec ce que ce mot sous-entend à la fois d'adhésion, d'attention et de
libre choix »1
Tranche de vie dans un Centre Dramatique National, structure théâtrale publique dirigée par un
metteur en scène, créateur connu et renommé, années 2000. Au service communication, le chargé
des relations presse, relations publiques prend contact avec les journalistes locaux ou nationaux
pour leur rappeler la prochaine création. Il leur notifie qu'il vient de leur envoyer un dossier de
presse ils peuvent trouver un résumé de la nouvelle création, une interview du metteur en scène,
des précisions biographiques sur les comédiens... Le jour de la représentation, le chargé de relations
presse s'empresse d'accueillir le journaliste, critique dramatique d'un instant. Ce dernier publie
le lendemain un encart plus ou moins long...rédigé avec des bribes du résumé envoyé, mélangé
avec quelques paroles du metteur en scène interviewé...Si les événements politico-économiques du
jour provoquent un déchaînement médiatique, une simple annonce suffit...« Ce n'est pas une vraie
critique » s'exclame alors le créateur lorsqu'est constituée la revue de presse, dans laquelle sont
cantonnés tous les articles pour justifier de l'activité du théâtre devant les tutelles. Quelques mois
plus tard, c'est l'effervescence dans la structure. Une des créations fait partie de la sélection pour
recevoir le Prix du Syndicat de la critique. Le prix est gagné. La réussite est diffusée dans tous les
supports de communication à disposition. Et toute l'équipe attend fébrilement l'année prochaine,
pour une nouvelle création, et qui sait, une nouvelle récompense...
Ainsi s'expriment les paradoxes qui entourent la communication artistique. Esprit critique,
encart informatif, la frontière est devenue floue et le rôle de chacun peine à être défini.
Intermédiaires entre le public et la création, les chargés de communication et de relations publiques
cultivent l'art de la diffusion. Discours rodés, rencontres avec le public, relations soignées avec
les relais médiatiques, la diversité des moyens est bien réelle. L'art de communiquer sur l'art est
devenue une véritable profession qui semble, de fait, écarter la figure du critique dramatique,
personnage de l'ombre à la plume acerbe, jadis capable de faire et défaire les réputations. Pourtant,
le syndicat des professionnels de la critique l'affiche publiquement : « La critique professionnelle de
1 Bernard Dort, Théâtre Public, Essais critiques, p 23
Remerciements
LIMOGE Estelle_2008 5
théâtre, musique et danse est clairement vivante. Elle continue à se battre pour être mieux lue, vue
et entendue. » 2 Être lue par qui , être entendue par qui, la lutte symbolique de la profession souligne
un mal de reconnaissance. Reste à savoir quels biais sont utilisés pour confirmer la légitimité d'un
corps de professionnels en voie de disparition dans l'espace médiatique. Pour mieux comprendre les
paradoxes contemporains, nous proposons dès lors un retour dans la France des années cinquante,
période clef où la critique dramatique s'est vue confrontée aux enjeux de la diffusion.
Le syndicat de la critique dramatique s'est constitué dans les années cinquante, avatar de
l'association des critiques professionnels. Maîtres du discours, les travaux de ces professionnels
restent amplement divulgués dans la presse écrite. Cependant, un tournant structurel s'amorce alors
dans la vie théâtrale française, imposant un nouveau rapport avec « le public » envisagé comme une
entité consacrée de l'art théâtral. L'heure du théâtre « service public » est arrivée et il convient de
déployer les moyens nécessaires pour diffuser les oeuvres du créateur, en passant notamment par
des techniques similaires à celles déjà employées par des structures privées telles que la publicité ou
les relations publiques. Dans ce contexte, décentralisation et démocratisation sont les deux notions
clefs qui dynamisent les actions menées par une frange engagée du secteur théâtral, bénéficiant
du soutien d'acteurs politiques tels que Jeanne Laurent sous la IVe République ou encore André
Malraux sous la Ve République. Il s'agit de partir à la conquête des masses populaires, privées
jusqu'alors d'un art devenu élitiste et trop souvent réservé à une classe bourgeoise parisienne. Pour
se faire, des structures théâtrales publiques sont installées en « province » grâce à la politique de
décentralisation commencée de 1947 à 1952 et poursuivie sous le ministère Malraux de 1959 à
1969.
Associée à une véritable idéologie qui consiste à prôner l'accès aux grandes oeuvres culturelles
pour tous et par tous, le phénomène de démocratisation s'illustre également à travers des initiatives
parisiennes telles que la création du Théâtre National Populaire au Palais de Chaillot en 1951.
Nous ne souhaitons pas refaire ici le procès d'une politique qui a depuis été dénoncée par
nombre de détracteurs. Action de prosélytisme, missionnaire ou pastorale, les qualificatifs sont
nombreux pour décrier une conception universaliste de la culture qui, à l'arrivée, ne prêche qu'à
des convertis. En revanche, nous essaierons de comprendre comment, dans cette configuration,
le corps professionnel des critiques dramatiques a pu se distinguer de cette nouvelle manière de
communiquer sur l'art et ce que révèle alors cette distinction de la véritable fonction occupée par
ces derniers.
En effet, le tournant initié dans les années cinquante introduit des techniques de
communication dont les services de presse et de relations publiques présents dans le secteur
théâtral contemporain peuvent en revendiquer l'héritage. Certes, dans les années cinquante, la
professionnalisation des métiers de la communication n'est pas autant développée, le contexte
socio-politique est tout autre et l'espace médiatique est lui aussi complètement différent. Pourtant
les enjeux sont déjà soulevés de manière similaire : comment diffuser au plus grand nombre,
comment mener une politique culturelle en gardant un équilibre financier, quels genres artistiques
se prêtent le mieux à ces nouvelles techniques, quel discours tenir dans l'espace médiatique... Des
interrogations qui se sont notamment concrétisées de manière emblématique dans une institution
publique désormais célèbre à l'intérieur du secteur théâtral : le Théâtre National Populaire, installé
au Palais de Chaillot à Paris. Jean Vilar, homme de terrain et metteur en scène reconnu, prend la
direction du TNP de 1951 à 1963 et fait ainsi revivre une institution tombée en désuétude depuis les
2 www.syndicat-critique-tmd.fr/1.html
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