rappeler que Messine fut même résidence d`hiver

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Le port de Messine à l’époque romaine.
Lorsque Polybe écrivait qu’ en 264 av. J.-C. les Romains décidèrent l'intervention pour venir
en aide des Mamertins parce qui "ils pensaient qu’il était nécessaire de ne pas abandonner Messine
à son sort et de ne pas permettre que les Carthaginois créent un pont pour leur passage en Italie"
faisait recours à une métaphore très significative, au fond de laquelle il y avait l'idée d'une
substantielle unité entre les extrêmes ramifications de la région sicilienne et de celle de la Calabre,
d'un Détroit, qui, plus que diviser, unit. Dans une semblable perspectve, contrôler Messine, et
surtout son port, pouvait signifier avoir les portes de l'Italie ouvertes, mais, en renversant la
direction, celles aussi de la Sicile. Voilà ce qui rendait stratégiquement sa possession essentielle.
C’est pour cela qu’il est difficile, aussi pour l’époque romaine, parler du port de Messine sans le
faire en même temps de toute l'aire du Détroit, dont, avec Rhegium, il constituait le point de
référence principal.
Les Romains comprirent vite tout cela, même précédemment au conflit avec les
Carthaginois, qui marqua l'entrée de Messine dans le monde romain. Un moment de forte attention
des Romains pour la région du fretum fut, par exemple, ce qui, au début de la guerre contre Phyrre,
eut comme protagonistes Decius Vibellius et sa legio Campanienne, qui étant envoyés par le consul
à garnir Rhegium, s'en emparèrent, en employant une main très lourde avec ses habitants. Les
sources insistent beaucoup sur la collaboration qui serait venue à s'instaurer, au nom de la
communauté ethnique, entre les Italici de Rhegium, qui fondèrent dans la ville une sorte d'état
indépendant, et sa voisine d’en face Messana, où depuis quelque temps s’étaient installés les
Mamertins, mercenaires, eux-aussi d'origine osque, qui avaient combattu pour Agatocle. Licenciés
par les Syracusains, sur le chemin du retour, ils étaient passés de Messana, et, frappés par la beauté
de son endroit et de son parfait emplacement géographique, ils s’étaient emparés de la polis, en
fondant dans le centre un petit état, organisé selon les institutions ancestrales. La présence des
Campaniens à Rhegium et des Mamertins à Messana d'un côté ralluma les étroits contacts qui
historiquement unissaient les deux villes; de l'autre, il contribua à former, entre Romains d'un côté
et Siceliotes et Carthaginois de l'autre, un espace ‘coussinet’, qui présentait de forts caractères
d'unité si non du point de vue politique, sûrement du point de vue ethnique et culturel. Cependant,
la situation décrite eut une durée limitée. Le danger de Phyrre disparu, les Romains mirent fin avec
les armes à l'épisode de Vibellius (270 av. J.-C.), laissant ainsi sans appui les Mamertins. Hieron II
de Syracuse profita de l'occasion et, en recueillant les voix de protestation qui provenaient du
monde siceliote qui avait dû dans le passé subir les incursions des ex mercenaires, se dirigea contre
eux. Comme tout le monde le sait, ce fut à cause de cela qui se déclancha, en 264 av. J.-C., la
première guerre punique.
Les Mamertins, en effet, vaincus durant la bataille et mis aux pieds du mur, durent faire
recours à une aide étrangère. Ils s’adressèrent d'abord aux Carthaginois – très intéressés au port de
Messine pour son importance stratégique - et aussitôt, ayant changé d’avis, aux Romains, qui, après
de longues hésitations, décidèrent d'intervenir en Sicile malgré les dispositions contraires d'un traité
avec les Carthaginois (le traité de Philine), dispositions qui cependant ne furent pas observées. En
partant de Rhegium, qui, après avoir éliminé Decius, était solidement récupérée à leurs fides, les
Romains traversèrent le Détroit et s’installèrent à Messana, vite assiégés par les Carthaginois et les
Syracusains, désormais alliés entre eux. Le siège dura environ un an et depuis la ville fut libérée. La
guerre ainsi entamée devait bien durer 23 ans, pendant lesquels le contrôle du Détroit fut solidement
dans les mains des Romains, qui firent de Messine et de son port la principale base de leurs
opérations militaires en Sicile. De Rhegium et de ses alentours partaient les armées et les bateaux
pour traverser le Détroit, de là le bois de la Sila destiné aux chantiers navals de Messane. Ceux-ci
furent très utiles dans les opérations de préparation et de réparation des bateaux des flottes
romaines, continuellement endommagées par des batailles ou des tempêtes. Quelqu'un a écrit que
exactement dans l'arsenal de Messine auraient été construits les célèbres corvi employés par Caius
Duilius dans la bataille de Mylae, la première bataille navale gagnée par les Romains. On doit
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rappeler que Messine fut même résidence d'hiver des consuls engagés dans leurs campagnes
siciliennes.
Finie la guerre Messana se retrouva avec le privilège, très limité, d'être liée à un foedus avec
Rome, ce qui confirmait, au moins en théorie, son indépendance et faisait de la civitas italica du
Détroit, l’un des principaux interlocuteurs dans la province de Sicile des preteurs romains. Le bras
de mer qui séparait la péninsule italienne de celle qui serait devenue la première province romaine
fut, pour raisons de caractère religieux - juridique, la cause principale de la forte discrimination
institutionnelle avec la terra Italia, en constituant une précise frontière, mais une frontière sui
generis, de fait devenue toujours plus labile. Il n'est pas peut-être casuel, si l’on part d’une pareille
perspective, que, comme Livius nous informe, ses eaux assistent à ce spectacle, en 218, de la
rencontre entre Hièron II, maintenant très fidèle allié des Romains, avec les bateaux qui portait en
don, et le consul T. Sempronius Longus, auquel le Sénat avait confié les opérations dans le secteur
sicilien - africain. Nous sommes au commencement du deuxième conflit contre Carthage, pendant
lequel, même si nous n'avons pas des nouvelles précises par les sources, on peut toutefois également
affirmer que le rôle de tête de pont joué dans la première punique par le port de Messine se répéta
presque dans les mêmes termes. Les légions romaines qui allaient à combattre contre les
Syracusains et les autres villes siceliotes qui s’étaient rebellées, arrivées sur les rivages calabrais en
suivant la Capua-Rhegium, affrontaient les trois dangereux kilomètres du Détroit, en partant d'une
localité à six milles de Rhegium, appelée ad Fretum ad statuam ou ad Columnam. Débarqués en
localité ad Traiectum (environ 15 Km. au nord de la ville actuelle de Messine) les soldats romains
faisaient une étape dans la ville péloritaine, véritable caput viarum du système routier sicilien,
avant de rejoindre leur destination finale, suivant la via Valeria à l’ouest ou la via Pompeia au sud.
Même les annnées de la seconde guerre punique furent donc importants pour Messana. À
partir de la fin d’un tel conflit, la Sicile, maintenant totalement contrôlée par les Romains, apparaît
très sporadiquement dans les comptes rendus historiographiques, nous empêchant ainsi d'avoir des
nouvelles suffisantes. Le climat d’une paix substantielle, de tranquillité et de bien-être profitant à
l'île dans les soixante ans suivants la seconde guerre punique, dont parle Diodore, dut avoir ses
bénéfiques effets même pour la zone du Détroit, là comprise celle de Calabre, et cela surtout dans la
perspective des échanges de caractère commercial. Comme souvent, et justement, on a écrit,
Messine, qui avait un réduit territoire cultivable, placée comme elle était immédiatement si près des
monts Péloritains, fondait surtout sur le port son bien-être. Le commerce de la province avec l'Italie
faisait du port de la ville mamertine un intermédiaire utile, sinon indispensable, en lui procurant des
richesses considérables, augmentées du fait qu'elle contrôlait, par sa position stratégique, aussi les
voies commerciales qui de l'Afrique et de l'Orient arrivaient à Rome et en Italie. On peut dire la
même chose, en faisant les justes proportions, pour les autres petits centres, les villages et les
abordages de la côte sicilienne (comme le Peloro avec sa statio navalis et, s’il diffère de ce dernier,
l’ ad Traiectum au nord de Messine) et la côte calabraise.
Ni la troisième guerre punique, ni les célèbres guerres des esclaves de la fin du IIe siècle
intéressèrent de manière significative l'aire du Détroit, qui cependant dut être à cette occasion
solidement contrôlé par les Romains pour permettre l'habituel passage de troupes qu'on devait
ammener à combattre en Afrique ou dans la Sicile même contre les esclaves rebelles d'Eunus ou
d'Atenion ou pour empêcher que des foules d'esclaves fugitivi passent à ravager l'Italie. Comme du
reste le contrôle militaire de l'aire du fretum était important on constata une cinquantaine d'années
après, aux temps de la révolte de Spartacus. Dans la tentative d'échapper aux armées romaines, le
chef des gladiateurs tenta de se rendre dans l'île, où il entendait peut-être répéter l’exploit des
esclaves rebelles, mais il en fut empêché par la trahison des pirates qu’il avait contactés pour le
transport. Même le tristement célèbre Verres dans l'occasion se serait montré à la hauteur de la
situation, en mettant en acte à Messine des actions de force de dissuasion qui contribuèrent à
détourner le gladiateur thrace de son intention de nuire à la province. Il est licite de suspecter qu'à
stimuler le gouverneur, au-delà des intérêts de politique générale, aient été ses étroits liens avec
cette ville, qui, au moins dans l'immédiat, aurait pu subir les dommages les plus grands de l'invasion
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de Spartacus, Messine, cité par lui toujours privilégiée durant ses trois ans de gouvernement de
l'île, jusqu'au point de l'exempter de la fourniture d'un bateau pour la flottille qui devait défendre les
côtes siciliennes des pirates, à laquelle les Mamertins auraient été tenus sur la base de leur vieux
foedus. Il est même vrai qu’il prétendit en échange une oneraria, certainement construite dans les
chantiers de Messine, avec laquelle transporter en Italie le fruit de ses vols, qu’il amassait dans la
ville, peut-être avec le but de ne pas payer le portorium, c'est-à-dire les taxes douanières, dont elle
était probablement exempte, puisque elle ètait civitas foederata.
Le port de Messana et le Détroit revinrent fortement au centre de l'attention dans la guerre
qui vit comme protagonistes Octavien et Sextus Pompeius et qui se termina avec la victoire du
premier dans la fameuse bataille de Naulocus, localité dont l’emplacement est incertain, entre
Messine et Milazzo, en 36 av. J.-C. Dans une telle conjoncture il fut encore une fois évident aux
yeux de tout le monde l’importance stratégique du Détroit et surtout de Messana. Sextus Pompeius le Neptunius dux, comme il fut défini à cause de son choix de se mettre sous l'aile protectrice du
dieu de la mer, le temple duquel existait ab antiquo à Messine – s’installa avec ses bateaux dans la
ville péloritaine, faisant d’elle son repère, et, après s’être emparé de toute la Sicile, il affama Rome,
en interceptant avec sa flotte les ravitaillements en grains qui pouvaient arriver de l'Afrique ou de
l'Orient, et en forçant Octavien à une guerre difficile et dangereuse.
La victoire d'Octavien dans le bellum Siculum contre Sextus causa de grandes
transformations même en Sicile, y compris l'aire du Détroit. Les Italici qui s’étaient installés à
Messana et qui s’étaient ouverts à l’hellénisation, étaient même restés solidement ancrés à leur
spécificité ethnique. En faisant levier sur leur amitié avec les Romains et surtout sur le thème de
l'affinité, depuis longtemps ils aspiraient à obtenir la citoyenneté pleno iure, celle même qui avait
été concédée aux voisins Rhegini, comme à tous les autres socii italici, après le bellum sociale. Ce
fut Octavien Auguste qui finalement vint l’encontre aux attentes des Mamertins et Messana eut le
titre de municipium. Au même empereur on doit la création de cinq colonies de citoyens romains,
c'est-à-dire Thermae, Tyndaris, Tauromenium, Catina et Syracusae, toutes placées pour faire un
cercle protecteur de la cuspide nord orientale de la Sicile, dont le contrôle stratégique, ainsi garanti,
était essentiel aussi bien pour la tranquillité des trafics maritimes, que pour la possession sûre de
toute la provincia Sicilia.
Le manque d'informations sur le Détroit et le port de Messine en époque impérial est
désolant. Parmi les nouvelles de quelque importance il faut rappeler celle qui est référée par Flavius
Iosephus, selon lequel l'empereur Caligula aurait agrandi le port de Rhegium pour développer le
commerce de grain et de marchandises précieuses avec le nord-Afrique le long de la route qui
conduisait à Puteoli et à Hostie. La nouvelle de l'agrandissement est référée par l’historien juif
même pour la Sicile, ce qui nous induit à croire que, en nous appuyant aux mêmes motivations
attribuables pour le cas de Rhegium, obligatoirement même le port de Messine doit être été pris en
considération, ce qui confirmerait en plein soit une vitalité de la région du Détroit, soit son
importance structurelle dans le commerce méditerranéen.
Pour trouver dans les sources des nouvelles explicites sur notre aire il nous faut faire un saut
dans le temps de quatre siècles, et passer aux années où Alaric, après avoir pillé Rome, dirigea avec
ses Gothes vers le sud avec l'intention de passer en Sicile et de là en Afrique, où il entendait
s'établir. Il ne réussit pas à réaliser son plan: comme dans l'analogue cas de Spartacus, même cette
fois le passage de Rhegium à Messine n'alla pas à bon fin, parce que les eaux peu sûres du fretum
Siculum firent couler à pic les bateaux du roi barbare. À l’époque vandalique et byzantine l'aire du
Détroit aurait encore montré son importance logistique, surtout du côté sicilien: Messine et son port
continuèrent à être une base stratégique, comme témoignent le débarquement des Vandales en 455,
les opérations de Totila en 550 et le fait qu’au temps de Belisarius, pour l'énième fois dans sa
longue histoire, la ville a fait fonction de tête de pont pour manoeuvres militaires concernant l'île.
Si l’ évidence historiographique et littéraire nous dit presque rien sur les événements de
Messine et de son port pour l'âge impérial, il est alors nécessaire de recourir, pour combler les
lacunes, à une documentation d'un autre genre. En particulier à la documentation épigraphique et
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archéologique, de laquelle il est possible de tirer, quelle qu’ait été la réalité économique, sociale,
institutionnelle, culturelle et religieuse de nôtre centre, des informations qui nous aident à mieux
comprendre. Les matériels épigraphiques et archéologiques nous permettent, par exemple, de nous
faire une idée assez précise sur l'économie de la ville. Si l'agriculture était la base principale de
l'économie des villes anciennes, on ne peut pas dire de même pour Messine. Celle-ci n’était pas
entièrement absente, comme le montre la production vinicole, avec le précieux vin Mamertin, très
recherché par les Romains, pour ne pas dire du grain que, en âge républicain les Mamertins devaient
obligatoirement vendre à Rome. Même les activités artisanales devaient être répandues. À Messine,
par exemple, on a retrouvé des restes de fournaises, qui permettent de supposer l’existence d’ usines
de briques et de céramique, qui devaient être actives depuis l’aube de la domination mamertine.
Mais il n'y a pas doute que la vocation principale était la vocation maritime. Répandues étaient la
pêche et la relative industrie de transformation: gurgite de siculo et de la mer de Carybdis seraient
arrivées à Rome, selon Juvenal, de délicieuses murènes, tandis que sur le rivage opposé, à Rhegium
auraient existé des installations pour la préparation du garum, sauce de poisson appréciée. Le port,
avec son important arsenal, était le coeur palpitant de la ville. Militairement très utile, il l’était
encore plus du point de vue des commerces, en constituant un abordage indispensable soit comme
un point de départ et d'arrivée dans les échanges à niveau local, soit comme point de référence
obligatoire dans les grandes routes commerciales, qui, surtout de l'Orient, rejoignaient l'Italie, Rome
et plus en général le bassin occidental de la Méditerranée. L'initiative de Caligula, dont on a parlé
d'abord, en est une preuve évidente, ainsi comme, pour l'âge républicain, comme on peut lire dans
les Verrines cicéroniennes. L'archéologie sous-marine, qui s'est beaucoup développée dans les
dernières décennies, s'est révélée très utile dans ce sens, en nous faisant connaître des pièces et des
épaves répandus ici et là dans les eaux du Détroit, dont l’ étude confirme pleinement une telle
reconstruction,en nous permettant aussi de comprendre ce qui était l'objet des échanges
commerciaux, c’est-à-dire quelles étaient les marchandises, du vin aux marbres, qui voyageaient sur
les bateaux qui traversaient le Détroit. Des escales commerciales signifient, presque toujours,
stables, ou au moins irrégulières, présences in loco de marchands étrangers et la ville du Détroit
n'échappait pas à de telles règles. Des présences d'Italici et Romains sont expressément attestées
pour Messine dans le premier siècle av. J.-C., même s’ils datent sûrement du début des rapports
avec Rome. C’est surtout l'épigraphie qui nous permet d'élargir le cadre, en documentant de
manière consistante la présence aussi de marchands qui venaient de l'Orient et en particulier de
l'Egypte, région avec laquelle depuis toujours la Sicile entretenait des rapports d' échange intenses.
La présence de cultes orientaux, comme le culte isiaque, véhiculés par les continuels contacts
commerciaux, en sont une évidente conséquence.
Pour conclure: le terme de "carrefour de cultures" est une définition classique qui définit
parfaitement le Détroit de Messine même pour l'âge romain. Mais, aussi en sous-ordre, auprès de
celle-ci, elle est cependant dominante l'image d'une entité qui, ensemble, unit et divise deux mondes
égaux et contraposés, l'Italie et la Sicile : et dans une telle perspective le port de Messine, le
vestibulum Siciliae dont parlait Cicéron, joua un rôle de premier plan.
ANTONINO PINZONE
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