Les cytochromes humains ont été
classifiés systématiquement en famil-
les et sous-familles sur la base de leur
séquence d’acides aminés. Les famil-
les sont indiquées par l’abréviation
du cytochrome P450 (CYP), suivie
d’un chiffre (exemple : CYP2). Les
membres d’une même famille ont
40% de similitude. Les enzymes par-
tageant plus de 55% d’homologie
de séquence sont inclues dans une
même sous-famille, laquelle est in-
diquée par une lettre qui suit le chif-
fre de la famille (exemple: CYP2D).
L’isoenzyme spécifique est codée
par un second chiffre après la lettre
(exemple : CYP2D6). Deux étapes
principales de métabolisation des
médicaments facilitent leur élimi-
nation.
Les cytochromes P450 jouent un
rôle déterminant en contribuant au
métabolisme oxydatif (phase I) de
nombreux médicaments. Les conju-
gaisons par d’autres enzymes, telles
que les glutathion-S-transferases
(GST), la catéchol O-méthyl trans-
férase (COMT) ou les glucuronyl-
transférases constituent les réactions
de phase II. Outre les enzymes, cer-
tains transporteurs jouent un rôle
important dans la biodisponibilité
des médicaments et dans certaines
interactions médicamenteuses. Le
transporteur le plus étudié est la
glycoprotéine P (Pgp), localisée au
niveau de sites anatomiques straté-
giques assurant le transport hors de
la cellule d’une grande variété de
molécules endogènes et exogènes.
Plusieurs médicaments sont capa-
bles d’inhiber (exemple :amioda-
rone) ou d’induire (exemple: rifam-
picine) l’activité de la Pgp, altérant
ainsi la cinétique des médicaments
substrats de ce transporteur.
Cytochromes P450
Les cytochromes P450 constituent
un système enzymatique qui méta-
bolise plus de 80% des médicaments.
Le terme « P450 » remonte aux
années 1960 et vient du fait que ces
hémoprotéines (fer) absorbent la lu-
mière de façon maximale à 450 nm.5
Trois familles de cytochromes P450
et, une douzaine de sous-familles
actuellement identifiées chez
l’homme,6sont impliquées dans le
métabolisme des médicaments.7-10
On les trouve principalement dans
les hépatocytes mais aussi dans l’in-
testin grêle, les reins, les poumons,
le cerveau, etc.
Les cytochromes ont une certaine
spécificité de substrats. Les inter-
actions médicamenteuses au niveau
des cytochromes P450 résultent
de l’administration concomitante
d’une substance (appelée substrat,
tableau I) métabolisée par une iso-
enzyme et d’une autre substance
qui emprunte la même voie méta-
bolique mais qui a, elle, la pro-
priété d’inhiber ou d’induire l’iso-
enzyme (tableau II et III). Les
médicaments substrats deviennent
donc les « victimes » des inducteurs
ou des inhibiteurs et c’est l’effet
thérapeutique augmenté ou dimi-
nué de la molécule « victime » qui
doit être surveillé. Il est par ailleurs
possible, mais moins bien docu-
menté, que des interactions de
compétition surviennent entre deux
substrats de la même isoenzyme.
Polymorphisme génétique
La vitesse de transformation des
molécules par les cytochromes est
également influencée par des fac-
teurs génétiques. On observe ainsi
dans des populations des réactions
ralenties, accélérées ou qui condui-
sent àla formation de métabolites
différents. Ceci peut s’expliquer par
l’activité modifiée d’une enzyme
spécifique suite à des mutations dans
les gènes correspondants. Cette par-
ticularité enzymatique fait que l’or-
ganisme réagit à un médicament
d’une façon qualitativement et quan-
titativement différente. On parle
alors de polymorphisme, notam-
ment lorsqu’existent deux phéno-
types facilement reconnaissables (les
métaboliseurs lents et rapides) avec
une fréquence supérieure à 1%.
Les cytochromes P450 de la fa-
mille 2 tels que le CYP2C9, 2C19
et2D6 sont sujets à des polymor-
phismes et illustrent bien l’in-
fluence de la génétique sur les
concentrations et les effets des mé-
dicaments. Des tests génétiques
sont disponibles mais restent ré-
servés à des situations cliniques où
l’on observe une résistance ou des
effets indésirables inattendus à des
posologies usuelles.
Les conséquences pharmacologi-
ques dépendent de la substance im-
pliquée : chez un métaboliseur lent,
une molécule transformée en méta-
bolite inactif verra son effet pro-
longé, alors qu’un promédicament,
qui doit être métabolisé pour de-
venir actif, verra son effet retardé
et/ou diminué. C’est le cas de la
codéine, qui doit être métabolisée
en morphine pour exercer une ac-
tivité pharmacologique : les méta-
boliseurs lents du CYP2D6 sont
résistants à ses effets alors que les
ultra-rapides réagissent de façon
marquée à de très petites doses.
Près de 10% de la population cauca-
sienne sont déficients en CYP2D6
et métabolisent lentement les subs-
trats de cette enzyme, contre envi-
ron 10% qui possèdent un phéno-
type de métaboliseur ultra-rapide à
la suite d’une amplification généti-
que.11 Approximativement 2% des
Européens, mais 20% des Asiatiques,
sont des métaboliseurs lents du
CYP2C1912.Al’autre extrême,
des métaboliseurs ultra-rapides du
CYP2C19 ont été récemment do-
cumentés au sein d’une fraction
non négligeable des populations
asiatiques.13 Ils pourraient montrer
des résistances inhabituelles aux thé-
rapeutiques impliquant des inhibi-
teurs de la pompe à protons comme
l’oméprazole ou certains antidé-
presseurs.
La variabilité de l’activité du CYP2C9
est également gouvernée par le gé-
notype et moins de 10% des Cau-
casiens ont une activité ralentie.
PHARMA-FLASH
Volume 35, N° 6, 2008
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