LE GRAND COMBAT Il l' emparouille et l' endosque contre terre ; Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ; Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ; Il le tocarde et le marmine , Le manage rape à ri et ripe à ra . Enfin il l'écorcobalisse . L'autre hésite , s'espudrine , se défaisse , se torse et se ruine . C'en sera bientôt fini de lui ; Il se reprise et s'enmargine ... mais en vain Le cerceau tombe qui a tant roulé . Abrah ! Abrah ! Abrah ! Le pied a failli ! Le bras a cassé ! Le sang a coulé ! Fouille , fouille fouille , Dans la marmite de son ventre est un grand secret . Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs ; On s'étonne , on s'étonne , on s'étonne Et on vous regarde , On cherche aussi , nous autres , le grand secret . LA BALLADE DES PENDUS Frères humains qui après nous vivez N'ayez les cœurs contre nous endurcis , Car , si pitié de nous pauvres avez , Dieu en aura plutôt de vous merci . Vous nous voyez cy attachés , cinq , six : Quant de la chair , que trop avons nourrie , Elle est piéça dévorée et pourrie , Et nous les os devenons cendre et poudre . De notre mal personne ne s'en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! La pluie nous a débués et lavés , Et le soleil desséchés et noircis ; Pies et corbeaux nous ont les yeux cavés , Et arraché la barbe et les sourcils . Jamais nul temps nous ne sommes assis : Puis ça , puis là , comme le vent varie , A son plaisir sans arrêt nous charrie , Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre . Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre . Ecrit par Henri Michaux François Villon