Gabriel ROMON. Récit à la mémoire de mon père
François ROMON, 16/08/2009
Fin 2005, la presse a publié les résultats d’un sondage d’opinion : 30 % des français
interrogés disent ne pas être choqués par le discours de Le Pen.
Les sondages d’opinion n’existaient sans doute pas au milieu des années 1930 en
Allemagne !
Clemenceau, le « Père la victoire », qui a encore aujourd’hui ses avenues et ses
statues dans la plupart des villes de France, est l’un des principaux artisans, avec le
Traité de Versailles (28 juin 1919), de l’humiliation du peuple allemand.
« L’Allemagne paiera !… ». Mes parents n’ont que trop entendu ce slogan : il a évité à
nos dirigeants d’alors d’avoir à chercher des réponses plus appropriées aux besoins
des français. C’est bien aussi ce slogan qui a permis à Hitler de présenter le « Diktat »
de Versailles comme l’une des causes de la crise économique qui frappait ses
compatriotes, et d’embarquer les chefs de l’Armée allemande dans son délire de
Grand Reich.
Se croyant à l’abri d’une nouvelle guerre par l’affaiblissement organisé de l’Allemagne,
par la Société Des Nations, et par la Ligne Maginot, nos gouvernants de l’époque n’ont
pas été à la hauteur de la situation : ils n’ont pas entendu le discours antisémite des
nazis (septembre 1935) ; ils ont approuvé l’annexion de l’Autriche et feint d’ignorer le
sort réservé à la Tchécoslovaquie (Accords de Munich, septembre 1938) ; ils ont laissé
croire à l’opinion publique, contre toute évidence, qu’Hitler n’oserait pas s’attaquer à la
Pologne.
Nous connaissons la suite : d’incompétences de nos généraux en lâchetés de nos
politiques, Paris est ville ouverte à l’envahisseur allemand six semaines après qu’il ait
franchi notre frontière (15 juin 1940) : une incroyable déroute de l’Armée française !
L’Armistice est signé par Pétain dans les huit jours. Le Maréchal et ses amis profitent
de la défaite pour instituer leur « Révolution Nationale » alors que notre pays est
occupé ; ils jouent à parler « Au nom du Peuple français » au moment, précisément, où
les français ne contrôlent plus rien de leur destin national.
On comptera, avec la Guerre du Pacifique, qui s’ajoute à la guerre en Europe,
40 millions de tués dans le Monde avant que l’Allemagne puis le Japon ne capitulent.
Il s’agit bien de tués, pas de morts. Nous mourrons tous. Mais ces 40 millions-là ont
été fauchés par la mitraille ou par les obus sur les champs de bataille, ils ont été gazés
ou sont morts de faim dans les camps de concentration parce qu’ils étaient juifs ou
opposants, ils ont été écrasés par les bombes à Londres parce qu’ils étaient anglais, à
Dresde parce qu’ils étaient allemands, ils ont été anéantis à Hiroshima et à Nagasaki
parce qu’ils étaient japonais. Ou bien encore, ils ont été fusillés, comme mon père, sur
le champ de tir d’Heilbronn, parce qu’il avait voulu participer à la libération de son pays.
Il avait 39 ans.
Mon père est un héros, c’est incontestable et incontesté : tous les documents que j’ai
consultés, tous les honneurs officiels qui ont été rendus à Gabriel ROMON, promu
commandant à 37 ans, élevé au grade de lieutenant-colonel, décoré de la Médaille de
la Résistance et Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume, en témoignent.
Mais à cause du silence qui m’a entouré sur son histoire, cette figure héroïque du père
était restée abstraite pour moi.
Aujourd’hui, grâce aux recherches que j’ai entreprises, j’ai acquis une image de mon
père qui n’est pas seulement admirable, mais aussi attachante. En effet, les écrits de
ses camarades sur Gabriel ROMON comportent toujours, en plus de la relation
attendue de ses faits d’armes, une note de sympathie pour ses qualités proprement
humaines. De même, les témoins survivants que j’ai rencontrés ont tous spontanément
évoqué sa droiture morale et son ascendant sur ses hommes. Ils parlent encore de
mon père avec émotion 60 ans après.
A travers la correspondance échangée entre mon père et ma mère, je devine que les
conceptions de la vie politique, de la place de la femme dans la société, ou de
l’éducation qu’il faut donner aux enfants qu’avait adoptées mon père, sont bien