I
Acquisitions
et apprentissages
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Introduction :
De l’acquisition du langage
aux apprentissages scolaires
Les chapitres de cette première partie visent à dresser un bilan critique des
données actuellement disponibles relativement à l’acquisition du langage et
à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. En effet, pour répon-
dre à l’objectif de cette expertise concernant les troubles spécifiques des
apprentissages scolaires, leur repérage, caractérisation et prise en charge, il
faut au préalable disposer d’informations suffisantes sur le déroulement
« normal » des apprentissages concernés.
Peu d’apprentissages se réalisent spontanément sans que nous ayons à y
investir de l’attention et du temps. C’est notamment le cas de tous les
apprentissages complexes : la lecture, l’arithmétique, mais aussi le piano,
l’ébénisterie ou l’électronique... De telles acquisitions impliquent la rencon-
tre d’obstacles plus ou moins nombreux et fréquents qui doivent être
surmontés pour progresser : on peut alors parler de difficultés d’apprentis-
sage. Tant que les individus peuvent dépasser ces difficultés, seuls ou accom-
pagnés, ou bien les « contourner », si par exemple l’apprentissage n’est pas
imposé, le problème des troubles se pose peu : on en reste à l’existence de
difficultés.
La situation est tout autre lorsqu’un savoir ou un savoir-faire est requis pour
l’insertion dans la société. Lire, compter, écrire sont autant d’acquisitions
considérées comme indispensables dans les sociétés occidentales. Les prati-
ques pédagogiques mises en place au cours de l’histoire ont conduit à établir
des programmes, des progressions et des étapes décrivant et imposant plus ou
moins selon les champs disciplinaires quand et comment ces acquisitions
doivent se réaliser pendant la scolarité.
On peut considérer que cette « stratégie programmée » constitue un moyen
d’optimiser ce que les individus peuvent acquérir dans un domaine de con-
naissance donné, compte tenu de leur niveau de développement, des savoirs
et savoir-faire déjà acquis, du temps disponible (qui dépend de l’importance
du domaine considéré par rapport aux autres) et des objectifs poursuivis par
l’institution et, à travers elle, la société. Dès lors, les (inévitables) difficultés
sont supposées adaptées, c’est-à-dire surmontables par les apprenants, sous
réserve que l’introduction des savoirs et savoir-faire soit préparée et que
l’accès à leur maîtrise soit guidé de manière à tenir compte des différences
interindividuelles de niveau initial, de capacité, de rythme et de motivation.
Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie – Bilan des données scientifiques
4
Pourtant, malgré toutes les adaptations des programmes et progressions, et
malgré les aménagements de dispositifs d’enseignement, les difficultés
« normales », généralement surmontées par la plupart des apprenants appa-
raissent insurmontables pour une partie d’entre eux, au moins à un moment
donné du cursus et dans le cadre d’une organisation définie de l’apprentis-
sage. Les difficultés durablement non surmontées par certains font qu’ils
s’écartent du niveau de réussite attendu (ou prescrit) des apprenants relati-
vement à un ou plusieurs domaines à une période définie du cursus. Cet
écart conduit à s’interroger sur ce qui le détermine. Plusieurs facteurs doi-
vent être envisagés : carences éducatives, irrégularité de la scolarisation,
qualité de l’enseignement reçu, existence de troubles sensoriels ou neurolo-
giques, niveau de motivation, retard général de développement. Lorsque ces
diverses éventualités ont pu être écartées, on peut alors parler de trouble spé-
cifique des apprentissages.
Les cinq chapitres qui suivent visent précisément à décrire ce qui est connu
du déroulement usuel des apprentissages de manière à contribuer à mieux
caractériser les enfants qui s’écartent des trajectoires attendues et dont cer-
tains peuvent ainsi être considérés comme présentant des troubles spécifi-
ques des apprentissages.
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ANALYSE
1
Acquisition du langage oral :
repères chronologiques
La capacité d’un nouveau-né à apprendre sa langue maternelle ne cesse
d’étonner. En quelques années, il va pouvoir maîtriser la grammaire de sa
propre langue qui est un système complexe de propriétés phonologiques,
lexicales et syntaxiques. Les études linguistiques et cognitives abordent la
question de l’acquisition de la parole et du langage en se référant à ce sys-
tème en trois composantes : la forme, le contenu et l’usage. La forme com-
prend la phonologie, le lexique, la morphologie et la syntaxe. Le contenu
comprend la signification qui est la sémantique du langage. L’usage est la
pragmatique ou l’étude de l’ensemble des codes qui régissent les intentions
de communication des locuteurs. La figure 1.1 représente schématiquement
les composantes du langage.
Figure 1.1 : Composantes du langage
Sémantique/Pragmatique
(étude du sens et de l’usage approprié d’un mot
ou d’une phrase dans un contexte de communication)
Syntaxe
(principes sous-jacents à toutes les langues du monde)
Lexique/Morphologie
(dictionnaire mental des mots et de leur formation)
Phonologie/Phonétique
Classification des sons perçus et articulés
Règles phonotactiques de la syllabe
Prosodie de la phrase (ton, accent, longueur, rythme, intonation)
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