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C. La mise en place d’une citoyenneté universelle.
Les premières conquêtes autour de la ville de Rome ont conduit à l’élargissement de l’ager romanus donc du
nombre de citoyens. Des colonies romaines disposant de la citoyenneté romaine sont fondées avec une fonction
de surveillance. Les autres cités vaincues deviennent des alliées de Rome, elles obtiennent le droit latin avec
une partie du droit de cité. Sous la République, à la fin du IIe siècle avant J.-C., Rome compte près de 400 000
citoyens.
De 91 à 88, se déroule la guerre sociale entre Rome et ses alliées (socii) qui finissent par obtenir, malgré la
victoire de Rome, la citoyenneté romaine complète pour tous les hommes libres jusqu’au Rubicon (910 à
981 000 citoyens). Cette citoyenneté est ensuite étendue à la Gaule Cisalpine en 49 avt. J. –C.. Le nombre de
citoyens passe à 4 millions vers 28 avt. J.-C.. Hors d’Italie, des colonies romaines (Narbonne, Arles, Lyon,
Béziers, Orange, Fréjus ou Valence) sont fondées avec la citoyenneté romaine tandis que les colonies latines
(Nîmes, Vienne, Carcassonne, Aix-en-Provence, Carpentras ou Avignon) n’offrent la citoyenneté romaine
qu’aux notables après l’exercice d’une magistrature. Certaines collectivités provinciales reçoivent la
citoyenneté romaine (municipes de citoyens romains). En 14 ap. J.-C., le recensement d’Auguste dénombre près
de 5 000 000 citoyens.
A partir de la période impériale, l’octroi de la citoyenneté romaine s’effectue envers des provinces entières :
à la Gaule chevelue sous Claude (41-54), aux Alpes maritimes sous Néron (54-68), à l’Espagne sous Vespasien
(69-79), à l’Orient sous Hadrien (117-138) puis, au milieu du IIe siècle, aux cités proches du Danube menacée
d’invasion. Sous l’empereur Claude (41-54), la population citoyenne s’élève à 6 millions, c’est-à-dire un
dixième de la population totale de l’Empire. A cette date, les citoyens provinciaux demeurent toutefois assez
rares. C’est surtout l’élite locale qui réussit à intégrer la citoyenneté romaine grâce à l’essor du droit latin (les
magistrats accèdent à une citoyenneté romaine totale en sortie de charge) qui gagne la majeure partie de la
moitié occidentale de l’Empire. Cette intégration des provinciaux se manifestent par l’arrivée au pouvoir
d’empereurs originaires des provinces : Claude né en Gaule, dynastie flavienne originaire d’Italie mais pas de
Rome, dynastie antonine originaire d’Espagne et de Narbonnaise, dynastie des Sévères originaire d’Afrique.
La vraie révolution intervient en 212, quand l’empereur Caracalla accorde par un édit (constitution antonine)
la citoyenneté à tous les hommes libres de l’Empire excepté aux deditices – étrangers appartenant à une tribu
vaincue ou révoltée contre Rome, juste au-dessus d’un esclave. Désormais, même les plus modestes sont
pleinement intégrés dans l’Empire. C’est l’aboutissement d’un processus d’ouverture débuté au Ier siècle avant
J.-C. En prenant cette décision, l’empereur achève le processus de romanisation en arrivant à un total de près de
20 millions de citoyens. Le choix de Caracalla permet de mettre fin à la mosaïque de statuts politiques dans
l’empire. Selon Dion Cassus, le but visé est fiscal pour imposer à tous les habitants de l’empire l’impôt sur les
successions. Un but religieux est aussi possible avec la volonté d’étendre le culte impérial ou un but judiciaire
pour simplifier la procédure. On peut aussi penser qu’il cherche le soutien des provinciaux après avoir fait
assassiné son frère Géta
L’accord de la citoyenneté permet d’attirer la sympathie des élites provinciales. Ainsi, P. Aelius Aristide,
dans son éloge En l’honneur de Rome, explique que « De toutes les choses que l’on peut dire à la louange des
Romains, il en est une qui est de beaucoup la plus digne d’attention et d’admiration : c’est la magnanimité dont
ils font preuve en matière de droit de cité et jusque dans la conception même qu’ils se font de ce droit ; le
monde n’a jamais rien vu de semblable ». Donnant accès aux fonctions administratives et militaires, l’octroi de
la citoyenneté permet de mettre les populations des provinces au service de l’Empire et donc de mieux les
intégrer. Progressivement, les provinciaux vont fournir les fonctionnaires, les membres de la haute
administration et même des empereurs. En devenant citoyens romains, les provinciaux bénéficient des
privilèges liés à la citoyenneté (appel impérial) mais sont toujours assujettis aux lois et obligations de leur cité
d’origine comme le paiement de l’impôt sauf privilège impérial. En effet, depuis l’édit de Cyrène promulgué par
Auguste, les provinciaux conservent leur citoyenneté locale lorsqu’ils reçoivent la citoyenneté romaine ; ils ont donc une
double citoyenneté.
L’extension de la citoyenneté a suscité des réticences : certains citoyens expliquaient ainsi que l’empereur
« voulait voir tout le monde en toge les Grecs, les Gaulois, les Ibères, les Bretons » ou que l’octroi de la
citoyenneté aux provinciaux, c’est « l’Oronte qui se déverse dans le Tibre ». De même, certaines populations,
comme les Grecs des cités, sont surpris par l’intégration d’anciens esclaves ou de groupes entiers. La politique
de Claude va rencontrer l’opposition du Sénat refusant l’accueil des provinciaux. L’extension de la citoyenneté
renforce sa perte de signification politique.