PIED DIABETIQUE Dr S. Nguyen, CH Tourcoing COL BVH 21 juin 2013 Textes de référence SPILF, 2006: « Recommandations pour la pratique clinique: Prise en charge du pied diabétique infecté » Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 1–13 Consensus International, 2011: « Expert opinion on the management of infections in the diabetic foot » Diabetes Metab Res Rev 2012; 28(Suppl 1): 163–178 IDSA, 2012: « 2012 Infectious Diseases Society of America Clinical: Practice Guideline for the Diagnosis and Treatment of Diabetic Foot Infections » CID 2012:54 Généralités Diabète en France: – Epidémie en forte hausse depuis 10 ans – Prévalence en augmentation (INVS, BEH du 9/1/10) : • 2,6% en 2000 (1,6 millions) • 4,4% en 2009 (2,9 millions) (NPDC: 5,4%) chiffres qui étaient attendus en 2016 initialement Pied diabétique: – 15 à 25% des diabétiques vont développer 1 ulcération du pied au cours de leur vie (Neuropathie +++) – 40 à 80% de ces ulcérations vont s’infecter Ostéite: – Complique 50 à 60% des infections de pied diabétiques sévères, et 10 à 20% des infections moins sévères localement – Par atteinte contiguë (présence d’une plaie) Généralités Le diagnostic d’infection: est CLINIQUE Présence d'au moins deux des signes suivants : – – – – – – Augmentation de volume, induration, érythème périlésionnel (>5mm), Sensibilité locale ou douleur, chaleur locale présence de pus En l’absence d’une autre étiologie pouvant donner une inflammation locale (goutte, trauma, Charcot aigu, fracture, thrombose, stase veineuse) « Aucun marqueur biologique n’est suffisamment sensible et spécifique pour porter le diagnostic d’infection ou de colonisation d’une plaie du pied chez le diabétique » (RPC prise en charge du pied diabétique infecté, 2006) GRADATION DE LA GRAVITE DU PIED DIABETIQUE INFECTE: Hospitalisation IDSA Guideline for Diabetic Foot Infections • CID 2012:54 La prise en charge est multidisciplinaire ++ Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 26–50 Pied diabétique: Equilibre entre infection et colonisation bactérienne Colonisation: – Flore résidente ou transitoire, bactéries aérobies et anaérobies peu virulentes. Pourrait accélérer la cicatrisation des plaies -Rupture de la barrière cutanée (plaie, brûlure,…) -Pb hygiène, macération -Corticoïdes locaux -Espèce bactérienne et degré de virulence -Immunosuppression, -Diabète déséquilibré -Ttt immunosuppresseurs Infection: – Flore modifiée, bactéries virulentes – Responsable de retards de cicatrisation, et extension des lésions Problématique: Quand une bactérie est identifiée sur un pied diabétique infecté: est-elle responsable de l’infection ou un simple germe de contamination? – Ex de l’étude de Lipsky et al., Lancet 2005: comparaison de l’ertapénème versus pipéracilline/tazobactam Germes non couverts par l’ertapenème Lipsky, Lancet 2005 Pied diabétique: Equilibre entre infection et colonisation bactérienne Colonisation: – Flore résidente ou transitoire, bactéries aérobies et anaérobies peu virulentes. Pourrait accélérer la cicatrisation des plaies Il n’existe actuellement aucun -Rupture de la barrière cutanée (plaie, brûlure,…) critère permettant-Immunosuppression, de déséquilibré -Diabète -Pb hygiène, macération -Ttt immunosuppresseurs -Corticoïdes locaux différencier la -Espèce bactérienne et degré de virulencecolonisation de Infection:l’infection – Flore modifiée, bactéries virulentes – Responsable de retards de cicatrisation, et extension des lésions E. SENNEVILLE Microbiologie du pied diabétique infecté Bactéries aérobies Gram positif: Les + fréquentes – S. aureus ++: • Isolée ou en polymicrobien, • Dans infections superficielles et profondes • Germe ciblé dans les choix atb empiriques – Streptocoques béta-hémolytiques: • Infections souvent polymicrobiennes – Staphylocoques à coagulase négative • Rarement pathogènes – Entérocoques? Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 26–50 Microbiologie du pied diabétique infecté Bactéries aérobies Gram négatif: – Entérobactéries +++ (P. mirabilis, E. coli, Klebsiella spp), • se rencontrent généralement en cas d’infections chroniques ou déjà traitées. – P. aeruginosa • Contexte d’hospitalisations de longue durée, de pansements humides, de bains de pieds ou le port de bottes en caoutchouc. • Son rôle pathogène est cependant discuté Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 26–50 Microbiologie du pied diabétique infecté Bactéries Anaérobies: Très fréquemment associées à des bactéries aérobies – Gram +: • Clostridium spp., Peptostreptococcus spp. • fréquemment isolées de plaies peu profondes – Gram -: • Bacteroïdes spp., Prevotella spp. • associées à une nécrose ischémique ou à une atteinte profonde Pourcentage d’implication : 2 à 73% en fonction des sites prélevés Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 26–50 Prélèvements – Ne doivent être réalisés que si plaie infectée – Si plaie infectée: avant tout prélèvement, la plaie doit être préparée: • débridement +++ au moyen d’une curette ou d’un scalpel stériles • Puis nettoyage avec une gaze imbibée de sérum physiologique stérile. L’utilisation d’antiseptiques est possible, mais ceux-ci doivent être éliminés par du sérum physiologique stérile avant de réaliser le prélèvement – Modalités: • • • – Le choix du plvt doit tenir compte de la profondeur de l’infection. Privilégier les prélèvements profonds. Importance de la collaboration entre clinicien et biologiste Optimiser le transport Attention à leur interprétation +++ Prélèvements 1. Ecouvillonnage superficiel de la plaie: • • • • Le plus utilisé car pratique A utiliser pour des plaies superficielles Ecouvillon de coton sur une surface de 1 cm2 avec mouvement en Z (éviter les bords de la plaie) Mais peu adapté pour: – – identifier les bactéries responsables de l’infection (cf recueille toute la flore aérobie de colonisation) => pb de spécificité et pour isoler les bactéries anaérobies strictes => pb de sensibilité Prélèvements 1. Curetage–écouvillonnage profond de l’ulcère: • • • • Raclage de la base ou des bords de l’ulcère, au moyen d’une curette ou d’un scalpel stériles, puis récupérer le produit du curetage par un écouvillon Plaies superficielles ou anfractueuses profondes Identifie moins de bactéries colonisantes que l’écouvillon simple (=> meilleur spécificité) Possibilité de recherche de bactéries anaérobies strictes (milieu de transport) Prélèvements 1. Biopsie tissulaire: • • • • Par punch, ou aiguille true cut, ou lors d’un bloc de débridement chir ou d’ablation de séquestre osseux 2 à 3 fragments de tissus dans un tube stérile additionné de quelques gouttes de sérum physiologique pour éviter la dessiccation Doit passer en peau saine pour éviter les bactéries de colonisation. Possibilité d’analyser les bactéries anaérobies À privilégier pour les plaies profondes, mais pb de faisabilité et coût Prélèvements 1. Aspiration à l’aiguille fine: • Indication: – – • • • Utile si plaie profonde, en particulier collectée Evoquée si ostéite et biopsie osseuse non réalisable : Kessler et al. Diabetes Med. 2006, 23: 99-102, mais difficulté d’interprétation: Senneville et al. CID 2009, 48:888-93 Passer par une zone saine préalablement désinfectée (détersion puis antisepsie). Possibilité d’analyser les bactéries anaérobies En l’absence d’obtention de liquide, 1 à 2 ml de sérum physiologique peuvent être injectés puis réaspirés Envoyer la seringue ayant servi au prélèvement au laboratoire sans aiguille, purgée d’air et bouchée hermétiquement et stérilement Prélèvements 1. Biopsie osseuse: • Gold standard pour le diagnostic d'ostéite : bactériologie + anapath (Consensus international du pied diabétique, 2011 ; IDSA guidelines, 2012) • • • Fenêtre d’arrêt d’atb avant le plvt +++ (2 à 4 semaines) Par chirurgie, ou ponction percutanée +/- radio-guidée Passer par une zone saine préalablement désinfectée Pied diabétique infecté 6. Hémocultures: –Utiles en cas de sepsis ++ Antibiothérapie du pied diabétique infecté Germes attendus: 1.Dans tous les cas on cible dans le choix empirique: -le SAMS => Pas de place pour l’AMOXICILLINE -et le S. pyogenes 2.On élargit éventuellement le spectre: en fonction de l’ancienneté, des ATB antérieures, de la gravité clinique, et de la présence d’ischémie Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 26–50 Antibiothérapie du pied diabétique infecté: Recommandations de pratique clinique Type d’infection Pathogènes Antibiothérapie Infection d’une plaie superficielle et récente SAMS, S. pyogenes Cloxacilline ou céfalexine ou [amoxicilline+acide clavulanique] ou clindamycine SARM pristinamycine ou linézolide (ou vancomycine ou téicoplanine) Dermohypodermite extensive SAMS, S. pyogenes oxacilline +/-AG SARM linézolide ou vancomycine ou téicoplanine Lésion profonde et/ou chronique SAMS S. pyogenes, BGN, anaérobies SARM (amoxicilline+acide clavulanique) +/-AG Sepsis sévère SAMS S. pyogenes, BGN, anaérobies SARM [(pipéracilline+tazobactam) ou (ticarcilline+acide clavulanique) ou ertapénème] + AG +/-(linézolide ou vancomycine ou téicoplanine) Choc septique SAMS S. pyogenes, BGN, anaérobies SARM … imipénème + (linézolide ou vancomycine ou téicoplanine) + AG +/-(linézolide ou vancomycine ou téicoplanine) En rouge: traitement par voie orale ambulatoire; pour les autres cas, traitement initialement par voie parentérale avec relais oral si possible selon l’évolution et le profil de sensibilité des bactéries isolées SAMS: S. aureus sensible à la méticilline; SARM: S. aureus résistant à la méticilline AG: aminosides (gentamicine ou nétilmicine); BGN: bacilles à Gram négatif Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 26–50 Place de la microbiologie dans la réévaluation de l’ATB Evolution favorable: – ATB idem – Sauf si ATB à large spectre (ex: couverture SARM/BGN multiR) et évolution favorable et germe sensible: désescalade thérapeutique avec ATB à spectre + étroit Evolution défavorable: – Germe non couvert? RQPR résultat microbio du plvt initial: Si oui, discuter élargissement de spectre – Ischémie? – Atteinte profonde? (abcès?) => imagerie – Observance? – Sous-dosage? (ex: augmentin 1gx3/j ou pyostacine 1gx3/j avec patient de 100kg) – Autre cause? Conclusion Prise en charge complexe multidisciplinaire Documentation microbiologique ++ – Privilégier les prélèvements profonds – Transport – Attention à leur interprétation (flore de colonisation) – Utiles dans la réévaluation de l’antibiothérapie – Collaboration entre biologiste et clinicien +++