Université Francois Rabelais de Tours Master de Mathématiques Solutions Feuille de Travaux Dirigés n◦ 6 M1, Algèbre Semestre 8 Corps finis Exercice 1 1) Trouver tous les polynômes degré 4 irréductibles sur Z/2Z. Solution: Déjà fait dans un Td précédent. 2) Soit P (X) = X 4 + X + 1 ∈ Z/2Z[X], L un corps de rupture de P sur Z/2Z et α une racine de P dans L. Quel est le cardinal de L ? Donner une base de L sur Z/2Z. Solution: Le polynôme P est irréductible ainsi [L : F2 ] = 4 et |L| = 24 = 16. La famille (1, α, α2 , α3 ) est une base de L sur F2 . 3) Montrer que α est un générateur du groupe multiplicatif (L∗ , ×). Solution: Les ordres possibles pour α sont 2, 4, 8, 16. Pour montrer que α est d’ordre 16, il suffit de montrer que α8 6= 1. En effet, dans cas, on ne peut pas avoir α2 = 1 ou α4 = 1 puisque α8 = (α2 )4 et α8 = (α4 )2 . On a α8 = (α4 )2 = (α + 1)2 = α2 + α 6= 1. 4) En utilisant l’automorphisme de Frobenius φ défini par φ(x) = x2 , déterminer explicitement tous les sous-corps de L (c’est à dire expliciter leurs éléments en fonction de α). Solution: Soit K un sous-corps de L qui contient F2 . Alors K ∗ est un sous-groupe de L∗ et |L∗ | = 15. Ainsi |K| = 1, 3, 5, 15. Commençons par traiter les cas les plus simples : (a) Si |K ∗ | = 15 alors K = L. (b) Si |K ∗ | = 1 alors K = F2 . (c) On ne peut pas avoir |K| = 5 puisque il n’existe pas de corps à 6 éléments ! (6 n’est pas une puissance d’un nombre premier.) Reste le cas |K ∗ | = 3. Puisque K est un corps K ∗ est cyclique, et donc K ∗ est engendré par un élément de la forme αk (1 ≤ k ≤ 14). On doit avoir (αk )3 = α3k = 1, ce qui implique que 15 | 3k et 5 | k. On a donc k = 5 ou 10 et K ∗ := {1, α5 , α10 }. On vérifie facilement que {0, 1, α5 , α10 } est un sous-corps de L. 5) Justifier que L contient un corps de rupture du polynôme X 2 + X + 1 sur Z/2Z et factoriser ce polynôme dans L. Solution: Il suffit de montrer que ce polynôme admet une racine dans L. On la cherche sous la forme a + bα + cα2 + dα3 . Puisque a, b, c, d ∈ F2 , on a a2 = a, b2 = b, c2 = c et d2 = d. De plus, pour tout (x, y) ∈ F22 , on a (x + y)2 = x2 + y 2 . On calcule P (a + bα + cα2 + dα3 ) = (a + bα + cα2 + dα3 )2 + a + bα + cα2 + dα3 + 1 = a + bα2 + cα4 + dα6 + a + bα + cα2 + dα3 + 1 = a + bα2 + c(α + 1) + d(α3 + α2 ) + a + bα + cα2 + dα3 + 1 = c + 1 + α(c + b) + α2 (b + d + c) Ainsi P s’annule en a + bα + cα2 + dα3 si et seulement si c + 1 = 0 c+b=0 b+d+c P admet deux racines dans L : α + α2 et 1 + α + α2 1 6) Montrer (par un argument de degré) que l’équation x3 + x + 1 = 0 n’a pas de solution dans L. Solution: Le polynôme X 3 + X + 1 = 0 est irréductible sur F2 . S’il admet une racine x dans L, alors [F2 (x) : F] = 3 et 3 | [L : F2 ] mais c’est impossible puisque [L : F2 ] = 4. 7) Montrer que si x ∈ L est racine de P alors φ(x) est racine de P . En déduire que L est un corps de décomposition de P . Solution: On rappelle que Φ est un ismorphisme de corps de L dans L et donc P (φ(x)) = (φ(x))4 + φ(x) + 1 = φ(x4 + x + 1) = φ(0) = 0 Ainsi puisque α est racine de P , on en déduit que α2 , α4 et α8 sont racines de P . Tous ces éléments sont distincts puisque α est d’ordre 15. On a donc bien trouvé les 4 racines de P dans L. 8) On considère maintenant le polynôme Q(X) = X 4 + X 3 + X 2 + X + 1. Soit L0 un corps de rupture de Q sur Z/2Z et θ une racine de Q dans L0 . Justifier que L et L0 sont des corps isomorphes. Solution: Q est irréductible sur F2 et |L0 | = 16. Comme tous les corps finis de même cardinal sont isomorphes, on a bien L ' L0 . 9) Est ce que θ est un générateur du groupe multiplicatif (L0∗ , ×) ? Solution: Non. On a θ5 = θ(θ3 + θ2 + θ + 1) = θ4 + θ3 + θ2 + θ =1 et θ est d’ordre 5. 10) Vérifier que θ + θ2 est racine de P dans L0 . En déduire un isomorphisme de corps explicite entre L et L0 . Solution: On a P (θ + θ2 ) = (θ + θ2 )4 + θ + θ2 + 1 = θ4 + θ8 + θ + θ2 + 1 = θ4 + θ3 + θ + θ2 + 1 =0 Ainsi θ + θ2 est racine de P . On peut vérifier que θ + θ2 est d’ordre 15 et donc on peut construire un isomorphisme de L dans L0 en posant αi 7−→ (θ + θ2 )i . Exercice 2 Soit F un corps fini de caractéristique p et soit f ∈ F[X] un polynôme irréductible. L’objectif de cet exercice est de montrer que f est séparable, c’est-à-dire que f n’admet aucune racine multiple. On procède par contradiction et on suppose que f admet une racine multiple. 1) Montrer que pgcd(f, f 0 ) 6= 1. Solution: Soit α une racine multiple de f dasn uen extension de F. On voit alors que α est aussi racine de P 0 . Ainsi, le polynôme minimal de α sur F divise P et P 0 et pgcd(f, f 0 ) 6= 1. 2) En utilisant le fait que f est irréductible, en déduire que f 0 = 0. Solution: f étant irréductible, on en déuit que pgcd(f, f 0 ) et f sont de même degré. Ainsi pour que pgcd(f, f 0 ) divise f 0 il faut que f 0 = 0. 3) Montrer qu’il existe un polynôme g ∈ F[X] tel que f (X) = g(X p ). Solution: La dérivé d’un terme aX k est akX k−1 . Ainsi, si a 6= 0, pour que f 0 = 0 il faut que k = 0 dans Fp . Cela implique que k est un multiple de p. Ainsi f s’écrit sous la forme p X ai X ip = i=0 et en posant g = P ai X i on a le résultat. 2 X ai (X i )p 4) Montrer qu’il existe h ∈ F[X] tel que f (X) = (h(X))p . [On utilisera le morphisme de Frobenius x 7→ xp . ] Solution: On reprend le polynôme g de la question On pose bi = φ−1 (ai ) où φ désigne P précédente. p i l’isomorphisme de Frobenius x 7−→ x . Soit h = bi X . On a alors X p X X (h(X))p = bi X i = bpi X ip = ai X ip = f (X). 5) Conclure. Solution: f ne peut pas être irréductible et de la forme h(X)p avec p ≥ 2 ! On a obtenu une contradiction et donc f ne peut pas avoir de racine multiple. Polynômes cyclotomiques Exercice 3 Soit n un entier naturel. On note Φn le n-ème polynôme cyclotomique. L’objectif de l’exercice est de démontrer que Φn est irréductible sur Q. On rappelle que si on note Un ⊂ C l’ensemble des racines n-èmes de l’unité et Pn ⊂ Un l’ensemble des racines n-èmes primitives, alors Y (X − ω) ∈ Z[X]. Φn (X) = ω∈Pn Soit P un facteur irréductible unitaire de Φn sur Q et Q = Φn /P . 1) Rappeler pourquoi P et Q sont à coefficients entiers. Solution: Commençons par montrer que Xn − 1 = Y Φd . d|n P On remarque tout d’abord que ces deux polynômes sont de même degré puisque d|n ϕ(n) = n. Soit n−1 ω une racine primitive de l’unité d’ordre n. Les racines de X n − 1 sont donc }. Soit Q {1, ω, . . . , w k k 0 ≤ k ≤ n − 1 et soit d l’ordre de ω . On a d | n et donc w est racine de d|n Φd . Ainsi toutes les Q racines de X n − 1 sont aussi racines de d|n Φd . Comme ces polynômes sont de même degré, on a l’égalité souhaitée. Montrons maintenant par récurrence que Φn ∈ Z[X]. C’est vrai pour n = 1. On a Y Y Xn − 1 = Φd = Φn · Φd d|n d|n,d6=n | {z } =P ∈Z[X] Puisque P est unitaire, on peut effectuer la division euclidienne dans Z[X] de X n − 1 par P et par unicité on obtient que Φn ∈ Z[X]. Factoriser dans Q[X] est équivalent à factoriser dans Z[X] puisque tous les polynômes en présence sont unitaires. Ainsi P, Q ∈ Z[X]. 2) Soit ω ∈ C une racine de P et p un nombre premier tel que p - n. L’objectif de cette question est de montrer que ω p est encore racine de P . On suppose par l’absurde que ω p n’est pas racine de P . (a) Montrer que ω p est racine de Q. Solution: Puisque p - n, la racine nième de l’unité ω p est primitive. C’est donc une racine de Φn . Puisque 0 = Φn (ω p ) = P (ω p )Q(ω p ) et P (ω p ) 6= 0, on a Q(ω p ) = 0. (b) Montrer que P (X) divise Q(X p ) dans Z[X]. Solution: Les polynômes P (X) et Q(X p ) ont une racine en commun, ils ne sont donc pas premiers entre eux. P étant irréductible, on en déduit que P divise Q(X p ). 3 (c) On note P et Q la réduction modulo p de P et Q. Soit K un corps de décomposition de P sur Z/pZ et α ∈ K une racine de P . Montrer que α est racine de Q. Solution: Puisque K est de caractéristique p, on sait que x 7→ xp est un morphisme d’anneau. Puisque P divise Q(X p ), on voit que P divise Q(X p ) et donc α est racine de Q(X p ). Mais p Q(αp ) = Q(α) et donc α est racine de Q. (d) En déduire que α est racine double du polynôme X n − 1 ∈ Z/pZ[X]. Solution: On a X n − 1 = P Q et α est racine de P et Q donc α est racine double de X n − 1. (e) Obtenir une contradiction. Solution: Soit α une racine double de X n − 1. On a alors n ≥ 2 et αn = 1 et nαn−1 = 0 dans Fp . C’est impossible. 3) Soit ω ∈ C une racine de P et k un entier premier avec n. Soit k = p1 · · · pr sa décomposition en facteurs premiers. Montrer que ω k est encore racine de P . Solution: On procède par récurrence sur r. Si r = 1, on vient de le prouver. Supposons r > 1. Par récurrence, puisque ω est racine de P , on sait que wp1 ...pr−1 est aussi racine de P . On applique alors le résultats de la question précédente à ω 0 = wp1 ...pr−1 et à p = pr et on voit que wp1 ...pr est racine de P . 4) Conclure que P = Φn . Solution: Soit ω une racine de P . Puisque ω est aussi racine de Φn , ω est une racine primitive de l’unité d’ordre n. D’après la question 3, tous les éléments de l’ensemble {ω k | k est premier avec n} sont aussi racine de P . Mais {ω k | k est premier avec n} = Pn et donc P = Φn . Groupe de Galois d’une extension Exercice 4 (de cours) Le groupe de Galois d’une extension F ⊂ E est défini par Gal(E : F ) := {θ : F 7−→ F | θ est un ismorphisme et θ(a) = a pour tout a ∈ F }. 1) Montrer que Gal(E : F ) est un groupe. 2) Soit θ ∈ Gal(E : F ). Si t ∈ E est racine de P ∈ F [X] alors θ(t) est aussi racine P . √ √ Exercice 5 On considère l’extension Q ⊂ Q( 2) et on pose G = Gal(Q( 2) : Q). √ 1) Soit θ ∈ G. Quelles sont les valeurs possibles de θ( 2) ? 2) Déterminer G. √ √ Exercice 6 On considère l’extension Q ⊂ Q( 2, i) et on pose G = Gal(Q( 2, i) : Q). Soit θ ∈ G. √ 1) Quelles sont les valeurs possibles de θ( 2) ? √ √ √ Solution: θ( 2) est racine de X 2 − 2 ainsi θ( 2) = ± 2. 2) Quelles sont les valeurs possibles de θ(i) ? Solution: θ(i) est racine de X 2 + 1 ainsi θ(i) = ±i. 3) Déterminer G. Solution: D’après les questions précédentes, on voit que |G| = 4. Les éléments de G sont : √ √ 2 7−→ 2 θ1 : i 7−→ i √ √ θ2 : 2 7−→ − 2 i 7−→ i √ √ θ3 : 2 7−→ 2 i 7−→ −i √ √ θ4 : 2 7−→ − 2 i 7−→ −i Reste à déterminer si G ' C4 ou G ' C2 × C2 . On vérifie que tous les éléments de G sont d’ordre 2 donc G ' C2 × C2 . 4 √ √ Exercice 7 On considère l’extension l’extension Q ⊂ Q(j, 3 2) et on pose G = Gal(Q(j, 3 2) : Q). Soit θ ∈ G. √ 1) Quelles sont les valeurs possibles de θ( 3 2) ? √ √ √ √ √ Solution: θ( 3 2) est racine de X 3 − 2 ainsi θ( 3 2) = 3 2, j 3 2 ou j 2 3 2. 2) Quelles sont les valeurs possibles de θ(j) ? Solution: θ(j) est racine de 1 + X + X 2 ainsi θ(j) = j ou j 2 . 3) Déterminer G. Solution: √ D’après les questions précédentes, on voit que |G| = 6. En effet chaque choix de valeur pour (θ( 3 2), θ(i)) définit un élément de G. Les éléments de G sont donc θ1 : α j 7−→ 7−→ α j θ4 : α j 7−→ 7−→ α j2 θ2 : α j 7−→ 7−→ jα j θ5 : α j 7−→ 7−→ jα j2 θ3 : α j 7−→ 7−→ j2α j θ6 : α j 7−→ 7−→ j2α j2 √ où α = 3 2. Reste à déterminer si G ' C6 ou G ' S3 . On remarque θ2 ◦θ4 (α) = jα et θ4 ◦θ2 (α) = j 2 α. Le groupe G n’est donc pas abélien, on a G ' S3 . Une manière plus explicite de voir cela est de regarder l’action de G sur les racines du polynôme X 3 − 2 : θ1 : α jα j2α 7−→ 7−→ 7−→ α j j2α θ4 : α jα j2α 7−→ 7−→ 7−→ α j2α jα θ2 : α jα j2α 7−→ 7−→ 7−→ jα j2α α θ5 : α jα j2α 7−→ 7−→ 7−→ jα α j2α θ3 : α jα j2α 7 → − 7−→ 7−→ j2α α jα θ6 : α jα j2α 7 → − 7−→ 7−→ j2α jα jα On voit par exemple que θ2 est un cycle de longueur 3. 5